Tribunal du travail, 4 juin 2020, Monsieur e. D. c/ La SAM A
Abstract🔗
Contrat de travail – CDD – Nullité (oui) – Conséquences
Convention collective – Application
Résumé🔗
Le contrat à durée déterminée en date du 3 janvier 2001 a été signé entre les parties suivantes : l'entité B de Monte-Carlo, dont le siège social est : X3 à Monte-Carlo, représenté par Monsieur a. T. Directeur Administratif et Monsieur j. M. Directeur des Ressources Humaines, Monsieur e. D. Il résulte d'un jugement de ce siège rendu le 28 septembre 2006, confirmé par le Tribunal de première instance le 31 mai 2012 que « la dénomination de l'entité B n'est déclarée par aucune société ni aucun commerce régulièrement immatriculé au Répertoire du Commerce et de l'Industrie de la Principauté de Monaco . » N'ayant aucune existence légale, elle est dépourvue de toute personnalité morale, elle ne dispose d'aucune capacité pour contracter. Dans ces conditions, le contrat par elle conclut le 3 janvier 2001 et renouvelé le 27 juin 2001 est nul, de nullité absolue.
Monsieur e. D. sollicite de voir constater l'existence d'un contrat à durée indéterminée eu égard à la nullité du contrat à durée déterminée. Il n'est contesté par aucune des parties que le véritable employeur de Monsieur e. D. dès l'origine, est la SAM A. Cependant, cette reconnaissance et la nullité du contrat à durée déterminée ne sauraient entraîner de facto l'existence d'un contrat à durée indéterminée dès l'origine. En effet, en droit monégasque, le contrat de travail est un contrat consensuel, dont l'existence et la validité ne sont pas subordonnées à la rédaction d'un écrit, lequel n'est requis qu'à titre de preuve des obligations qu'il contient (aucune obligation légale de conclure un contrat de travail à durée déterminée par écrit). En l'absence de contrat de travail écrit, il appartient au Tribunal d'analyser les éléments de preuve soumis par les parties afin de déterminer leur commune intention. Il est constant tout d'abord que les parties ont toutes deux signé le 9 janvier 2001 la demande d'autorisation d'embauchage et de permis de travail qui mentionne une date d'entrée au 4 janvier 2001 et une fin de contrat au 30 juin 2001. Monsieur e. D. a bénéficié de deux permis de travail pour une première période du 4 janvier 2001 au 30 juin 2001, puis jusqu'au 31 décembre 2001. Eu égard à la nullité du contrat à durée déterminée, les clauses y contenues n'ont pu s'appliquer de sorte que la relation de travail à durée déterminée reconnue par le Tribunal relève du statut de droit commun des employés de la SAM A prévu par la Convention Collective du 13 novembre 1946. L'accord d'entreprise du 23 janvier 2001 qui vient réviser et modifier en partie la Convention Collective du 13 novembre 1946 se substitue de plein droit aux stipulations modifiées et s'applique aux contrats en cours. Il résulte que Monsieur e. D. a été soumis, pendant toute la durée du contrat de travail à durée déterminée, au statut de droit commun de la SAM A et ce, jusqu'à son échéance le 31 décembre 2001. La décision rendue le 31 mai 2012 par le Tribunal de première instance ( R. SAM A ) ne peut s'appliquer dans le présent litige dans la mesure où la SAM A avait « utilisé » Monsieur R. avec une succession de contrats à durée déterminée pendant une durée de 4 années, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Monsieur e. D. a en effet été embauché dans un premier temps sous un statut temporaire pour une durée d'une année, dans le cadre d'un projet de mise en place d'un casino virtuel, puis en contrat à durée indéterminée pour finaliser ledit projet.
Tout salarié peut légitimement se prévaloir des dispositions conventionnelles régissant sa situation personnelle qui apparaissent plus favorables que celles prévues par le contrat de travail le liant à son employeur. Toutefois, cette observation générale doit être accompagnée d'une analyse spécifique préalable inhérente à l'applicabilité de ce type de dispositions conventionnelles au statut particulier de tel ou tel employé.
Motifs🔗
TRIBUNAL DU TRAVAIL
JUGEMENT DU 4 JUIN 2020
En la cause de Monsieur e. D., demeurant X1à NICE (06000) ;
Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant Maître Véronique POINEAU-CHANTRAIT, avocat au Barreau de Nice ;
d'une part ;
Contre :
La société anonyme monégasque dénommée A, dont le siège social se situe X2 à MONACO ;
Défenderesse, ayant primitivement élu domicile en l'étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, puis en celle de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la même Cour et plaidant par Maître Amandine VETU, avocat au Barreau de Paris ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu les requêtes introductives d'instance en date des 31 août 2016 et 15 avril 2019, respectivement reçues les 1er septembre 2016 et 16 avril 2019 ;
Vu les procédures enregistrées sous les numéros 25-2016/2017 et 80-2018/2019 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date des 8 novembre 2016 et 7 mai 2019 ;
Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de Monsieur e. D. en date des 2 mars 2017, 5 octobre 2017, 1er février 2018, 7 juin 2018, 6 décembre 2018, 11 juillet 2019 et 12 décembre 2019 ;
Vu les conclusions de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, au nom de la SAM A, en date des 4 mai 2017, 7 décembre 2017, 5 avril 2018, 4 octobre 2018, 13 mars 2019 ;
Vu les conclusions de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de la SAM A, en date des 17 octobre 2019 et 13 février 2020 ;
Après avoir entendu Maître Véronique POINEAU-CHANTRAIT, avocat au barreau de Nice, pour Monsieur e. D. et Maître Amandine VETU, avocat au barreau de Paris, pour la SAM A, en leurs plaidoiries ;
Vu les pièces du dossier ;
* * * *
Monsieur e. D. a été engagé par l'entité B par contrat à durée déterminée en date du 3 janvier 2001, en qualité de Responsable marketing casino virtuel, jusqu'au 31 décembre 2001.
Il a ensuite été embauché en contrat à durée indéterminée en date du 27 décembre 2001 par la SAM A, aux mêmes fonctions de Responsable marketing casino virtuel.
Le 1er octobre 2013, Monsieur e. D. est nommé au sein de la Direction de la Communication en qualité de Responsable de l'Édition et de la Communication Institutionnelle.
Le 1er avril 2015, il est promu Chef de Service Communication Institutionnelle-Image-Contenu et Patrimoine Historique.
Il percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle de 6.994 euros bruts, hors prime d'ancienneté.
Monsieur e. D. a été licencié par courrier en date du 8 avril 2016 sur le fondement des dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, avec dispense d'exécution de son préavis.
Par requête en date du 31 août 2016 reçue au greffe le 1er septembre 2016, Monsieur e. D. a saisi le Tribunal du Travail en conciliation des demandes suivantes :
sur la rémunération :
ordonner une expertise aux frais avancés de la SAM A afin d'évaluer les pertes de salaires, le montant des parts bénéficiaires et d'une manière générale les primes ou sommes dont il aurait bénéficié en application de la Convention Collective Générale de la SAM A à compter du 4 janvier 2001 et ce faisant déterminer ce qu'aurait dû être son salaire,
sur les indemnités conventionnelles de licenciement et la contestation du solde de tout compte :
différentiel devant lui revenir sous réserve des conclusions expertales : 24.368,70 euros,
dommages et intérêts pour non-respect de la garantie de l'emploi des cadres administratifs : 1.365.862 euros,
dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement : 6.994 euros (à parfaire suivant les résultats de l'expertise sollicitée),
dommages et intérêts pour licenciement abusif : 280.000 euros,
dommages et intérêts pour préjudice moral : 80.000 euros,
dommages et intérêts au titre de la discrimination dont il a été victime : 30.000 euros,
dommages et intérêts au titre de la contravention aux principes énoncés par la Cour européenne des droits de l'homme : 30.000 euros,
dommages et intérêts correspondant au manque à gagner en termes de pension de retraite tenant au système d'indemnisation du chômage imposé par la SAM A :
pour la CAR : 297.594 euros,
pour AGIRC-ARRCO : 446.391 euros
dommages et intérêts correspondant au manque à gagner du fait de l'absence de cotisation à l'assurance chômage française : 29.492,28 euros,
constater la dénonciation du solde de tout compte remis le 12 juillet 2016
exécution provisoire.
Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le bureau de jugement.
Par requête en date du 15 avril 2019, reçue au greffe le 16 avril 2019, Monsieur e. D. a saisi le Tribunal du Travail en conciliation des demandes suivantes :
- 1/ sur l'entité de l'entité B : constater que cette entité est dépourvue de toute personnalité juridique et n'a pas la capacité de contracter :
- en conséquence, dire et juger que le contrat de travail à durée déterminée conclu le 3 janvier 2001 et son avenant sont nuls et d'une nullité absolue,
- dire et juger que la SAM A ne peut se prévaloir du contrat à durée déterminée du 3 janvier 2001 et de son avenant et donc de l'ensemble de leurs dispositions qui sont réputées non écrites,
- dire et juger que Monsieur e. D. a pour employeur de fait la SAM A depuis le 3 janvier 2001 dans le cadre d'un contrat verbal à durée indéterminée, pour un emploi permanent, auquel s'applique sans restriction la Convention Collective Générale personnel du 13 novembre 1946,
- dire et juger que Monsieur e. D. relève depuis le 3 janvier 2001 de la Convention Collective Générale de la SAM A du 13 novembre 1946 et de ses avantages,
- dire et juger que Monsieur e. D. est au sens de l'article 1 de la Convention Collective Générale du personnel du 13 novembre 1946 un employé à l'année nommé à titre définitif et bénéficiant des avantages de l'article 2 de ladite Convention Collective,
- dire et juger que la Convention Collective Générale des salariés de la SAM A hors jeux de table ne relevant pas de la Convention Collective de l'hôtellerie du 1er novembre 2014 est applicable, à la date originaire de l'embauche de Monsieur e. D. soit le 3 janvier 2001, et ce faisant au contrat de travail conclu entre Monsieur e. D. et la SAM A le 27 décembre 2001,
- dire et juger que l'article 4 du contrat de travail conclu le 27 décembre 2001 est une clause nulle et non avenue,
- dire et juger que Monsieur e. D. relève du « groupe fermé statut de la SAM A» visé à l'annexe II de ladite Convention Collective du 1er décembre 2014,
- 2/ sur l'impossibilité pour la SAM A de se prévaloir de l'article 34 de la Convention Collective du 13 novembre 1946 :
- dire et juger qu'à la date de son embauche le 3 janvier 2001, la SAM A ne pouvait se prévaloir du régime dérogatoire visé à l'article 34 de la Convention Collective du personnel du 13 novembre 196, faute de respecter le quota de 5% maximum d'emplois dits spéciaux autorisé par ledit article,
- dire et juger que les avantages de la Convention Collective Générale du personnel du 13 novembre 1946 lui étaient forcément applicables lorsqu'il a été embauché,
- constater qu'après avoir acquis 18 mois d'ancienneté après le 3 janvier 2001, Monsieur e. D. n'a été ni commissionné, ni n'a bénéficié du système de parts bénéficiaires comme il aurait pu y prétendre en application de la Convention Collective Générale précitée de la SAM A du 13 novembre 1946,
- 3/ sur l'impossibilité pour la SAM A de se prévaloir de l'article 6 de la loi du 16 mars 1963 :
- dire et juger que l'application de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 contrevient aux dispositions de la Convention Collective du 1er décembre 2014 applicable à Monsieur e. D.
- en tout état de cause,
- dire et juger que l'application de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 contrevient aux dispositions de la contention collective du 1er décembre 2014 et aux principes énoncés par la Cour européenne des droits de l'homme,
- exécution provisoire.
Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le bureau de jugement.
Monsieur e. D. a déposé des conclusions dans lesquelles il reprend ses demandes, sauf celle concernant les dommages et intérêts d'un montant de 29.492,28 euros correspondant au manque à gagner du fait de l'absence de cotisation à l'assurance chômage française.
Il sollicite également la jonction entre les deux procédures par lui engagées.
Il fait essentiellement valoir que :
- la SAM A a créé une entité dénommée B dénuée de toute personnalité juridique pour recruter du personnel hors statut de la SAM A. Elle reconnaît qu'elle l'a toujours employé dès le 4 janvier 2001,
- la SAM A affirme qu'elle l'a embauché sous statut de l'entité B, lequel n'existait pas,
- c'est l'accord du 16 octobre 2002 valant annexe à la Convention Collective du 13 novembre 1946 qui a officialisé le terme « statut de l'entité B »,
- par la suite, la Convention Collective du 1er décembre 2014 qui a remplacé la Convention Collective du 30 mars 2012 et de son avenant du 4 avril 2012 a défini la notion de « groupe fermé »,
- la délibération du fonds social du 1er août 2000 invoquée par la SAM A ne constitue aucunement un accord collectif dans la mesure où elle ne concerne ni les conditions de travail ni la protection contre les risques sociaux. En outre, elle n'a été ni enregistrée ni publiée, ni déposée à la direction des services sociaux,
- l'entité B a signé deux contrats de travail à durée déterminée et a émis des feuilles de paie, alors qu'elle n'a aucune capacité juridique lui permettant de contracter,
- employeur de fait, la SAM A ne peut toutefois pas se prévaloir des contrats de travail à durée déterminée conclus par l'entité B dès lors qu'ils sont frappés de nullités et que les clauses qu'ils contiennent sont en conséquence réputées non écrites,
- la nullité de ces contrats génère plusieurs conséquences,
- la SAM A a usé de ces contrats « de l'entité B » pour recruter une partie de son personnel destiné à être exclu de la Convention Collective du 3 novembre 1946,
- ce faisant, la SAM A a été liée depuis le 3 janvier 2001 par une relation contractuelle verbale à durée indéterminée,
- contrairement à ce qu'indique la SAM A, un contrat à durée déterminée est nécessairement écrit,
- en juin 2001, lors de la signature du deuxième contrat à durée déterminée, il avait à peine 37 ans et était donc éligible au statut de stagiaire ; il aurait donc dû être commissionné au visa du statut de droit commun qui lui était applicable lorsque la SAM A lui ai fait signer le contrat à durée indéterminée,
- lors de la signature du contrat avec l'entité B, la Convention Collective applicable est celle du 13 novembre 1946,
- au 3 janvier 2001, le quota des emplois spéciaux était de 9% soit supérieur aux 5% prévu à l'article 34 de la Convention Collective du 13 novembre 1946,
- la SAM A ne pouvait dès lors se prévaloir du régime dérogatoire visé à l'article 34 susvisé dont les avantages lui étaient forcément applicables lorsqu'il a été embauché le 27 décembre 2001 en contrat à durée indéterminée,
- il occupe sans contestation un emploi permanent depuis le 1er janvier 2001, non concerné par l'article 34 de la Convention Collective du 13 novembre 1946,
- en tout état de cause, les contrats à durée déterminée doivent être requalifiés en contrat à durée indéterminée,
- il a été embauché en qualité de Responsable Marketing Casino Virtuel, la SAM A indiquant qu'elle avait envisagé de mettre en place un casino virtuel,
- or, il a conservé son titre de Responsable Marketing Casino Virtuel pendant plus de dix ans, ce qui prouve bien qu'il ne s'agissait pas d'une mission ponctuelle,
- ainsi, sous l'apparence de contrats successifs à durée déterminée, il a, en réalité, exercé ses fonctions pour la SAM A de façon constante et durable,
- les conditions d'application de la Convention Collective doivent être appréciées à la date originaire d'embauche, soit le 4 janvier 2001 au regard de l'existence d'un contrat à durée indéterminée,
- avant l'accord du 23 janvier 2001 ayant modifié l'article 34 de la convention du 13 novembre 1946, la SAM A pouvait appliquer l'article 34 aux embauches à des emplois spéciaux à condition que le nombre des emplois spéciaux ne soit pas supérieur à 5% des titulaires,
- c'est à tort et de façon abusive que la SAM A lui a fait souscrire la clause contractuelle particulière destinée à le mettre hors du champ d'application de la Convention Collective Générale du personnel de la SAM A,
- cette clause devra être réputée nulle et déclarée non écrite,
- le contrat conclu le 27 décembre 2001 n'est que la formalisation du contrat verbal,
- il n'y a pas eu d'interruption dans l'exécution de sa mission depuis le 1er janvier 2001,
- la SAM A a repris son ancienneté depuis le 4 janvier 2001, le dispensant de toute période d'essai,
- le contrat du 27 décembre 2001 s'apprécie au visa de la Convention Collective en vigueur au 3 janvier 2001, soit celle du 13 novembre 1946,
- c'est donc à tort et de façon abusive que la SAM A lui a fait souscrire la clause prévue à l'article 4 du contrat dans laquelle elle lui fait renoncer au bénéfice de la Convention Collective du 13 novembre 1946,
- l'employeur ne peut pas restreindre les droits que le salarié tient d'une Convention Collective par le biais d'un contrat de travail,
- cet article du contrat de travail conclu le 27 décembre 2001 est une clause nulle et non avenue, voire frappée d'une nullité absolue,
- l'accord du 16 octobre 2002 lui est inopposable,
- dans ces conditions, il est titulaire d'un contrat à durée indéterminée et est employé définitivement sur un emploi permanent et il est un employé à l'année nommé à titre définitif bénéficiant des avantages y attachés,
- subsidiairement, le Tribunal devra s'interroger sur la signification de la notion de « statut contractuel » visé à l'article 4 du contrat de travail du 27 décembre 2001 en qualité de Responsable Marketing Casino Virtuel qui n'est autre que la continuité de la mission qui lui avait été confiée sous couvert de l'entité B,
- il ne peut donc s'agir d'une mission ponctuelle correspondant à un statut contractuel particulier,
- il s'agit du poste qu'il a occupé pendant douze années et demi jusqu'à ce qu'il soit promu aux fonctions de responsable de l'édition et de la communication institutionnelle,
- ses promotions en 2013 et en 2015, qui caractérisent une évolution de carrière au sein de l'entreprise, démontrent qu'il n'occupait pas un emploi spécial ou encore un poste contractuel ou d'extra mais bien un poste permanent,
- il relève ainsi de plein droit de la Convention Collective du 13 novembre 1946,
- la Convention Collective Générale des salariés de la SAM A hors de jeux de table ne relevant pas de la Convention Collective de l'hôtellerie du 1er décembre 2014 s'applique à sa situation,
- cette convention vise les groupes fermés concernant les salariés inscrits à l'effectif au 31 mars 2012 ne relevant pas de la Convention Collective de l'hôtellerie et n'appartenant pas au personnel des jeux de table,
- il remplit ces trois conditions et aurait ainsi dû être commissionné à l'issue de l'année 2001,
- le fait de ne pas avoir été commissionné constitue une perte de chance et une discrimination,
- dès lors qu'il a été exclu à tort et arbitrairement du groupe fermé de la SAM A, il doit bénéficier de la garantie d'emploi des cadres administratifs de la SAM A et des indemnités de licenciement correspondant à trois mois de salaire de base plus ½ mois de salaire par année de présence révolue,
- de plus, l'employeur ne pouvait faire application de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 pour rompre le contrat de travail,
- de plus, s'applique une procédure disciplinaire spécifique avec une audition devant une commission ou un entretien préalable au choix du salarié,
- la véritable nature de son licenciement serait la conséquence d'une suppression de son porte dans le cadre de la restructuration du service auquel il appartenait,
- la SAM A a agi de façon abusive, usant de l'article 6 pour s'extraire des dispositions relatives à la garantie d'emploi qu'elle lui devait contractuellement,
- la Convention Collective du 1er décembre 2014 a entendu limiter les cas dans lesquels un licenciement peut intervenir : soit à titre de sanction avec une procédure particulière, soit en cas de suppression d'emploi avec une obligation de reclassement à la charge de l'employeur,
- la CEDH considère qu'un licenciement non motivé porte atteinte au droit d'accès à un Tribunal en violation de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l'homme.
La SAM A a déposé des conclusions dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et soutient essentiellement que :
- ses salariés sont régis par un certain nombre d'accords collectifs,
- existe notamment la Convention Collective Générale du personnel du 13 novembre 1946 assortie d'environ 180 avenants, laquelle laisse à l'entreprise la faculté de mettre un certain nombre de salariés dans une catégorie particulière, les emplois spéciaux, qui ne bénéficient pas de la plupart des avantages prévus par cette convention,
- cette convention distinguait les commissionnés bénéficiant de l'ensemble des dispositions et les emplois spéciaux dits « article 34 » ne bénéficiant pas des avantages prévus pour les commissionnés,
- l'article 34 a institué plusieurs statuts, dont le statut de l'entité B,
- un accord particulier a été conclu le 16 octobre 2002 en faveur des salariés relevant de l'article 34,
- les salariés relevant de ces emplois spéciaux sont exclus d'un certain nombre de dispositions conventionnelles, relatives notamment à la rémunération et à la rupture du contrat de travail,
- ces salariés peuvent être employés à titre permanent ou non, à durée indéterminée ou déterminée,
- Monsieur e. D. a contractuellement accepté, à deux reprises, et en des termes clairs, d'être employé sur un poste relevant de ces emplois spéciaux,
- Monsieur e. D. a été employé dans le cadre d'un contrat à durée déterminée puis à durée indéterminée,
- au début des années 2000, elle a envisagé de mettre en place un casino virtuel et c'est dans ce contexte que Monsieur e. D. a été engagé en qualité de Responsable Marketing Casino Virtuel,
- le statut de l'entité B existait bien à la date d'embauche de Monsieur e. D. le 3 janvier 2001,
- un accord collectif du 1er août 2000 liste les statuts relevant des emplois spéciaux parmi lesquels le statut de « l'entité B »,
- peu importe que le contrat ait été conclu par l'entité B et non, formellement par la SAM A, dès lors qu'il n'est contesté par personne qu'il ne s'agissait là que de l'indication d'une composante de la SAM A et qu'en pratique, Monsieur e. D. a bien été embauché, supervisé et rémunéré par cette dernière,
- les permis de travail mentionnent expressément la SAM A en qualité d'employeur, de même que la demande d'autorisation d'embauchage et de permis de travail signé par Monsieur e. D.
- en Principauté, le contrat de travail n'est pas nécessairement passé par écrit,
- rien ne justifie l'annulation d'un contrat qui a été exécuté par les parties,
- rien ne justifie la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,
- en Principauté, le contrat à durée déterminée n'est pas un mode exceptionnel de mise au travail et il n'existe aucun formalisme obligatoire précisant la validité d'un contrat de travail quel qu'il soit,
- l'écrit n'est pas une condition de validité du contrat à durée déterminée,
- indépendamment de la validité du contrat à durée déterminée, Monsieur e. D. a bien été employé en durée déterminée du 3 janvier au 31 décembre 2001 ; la simple confusion dans la rédaction de l'instrumentum ne saurait entacher la validité de ce contrat et encore moins permettre sa requalification en durée indéterminée,
- à compter du 1er janvier 2002 et compte tenu de la volonté réaffirmée de l'entreprise de mener à bien le projet de mise en place du casino virtuel, il a été décidé de recruter Monsieur e. D. dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Il est passé à cette occasion du statut de l'entité B au statut contractuel,
- Monsieur e. D. a été expressément et valablement engagé, dans ces deux contrats, sur un poste relevant des emplois spéciaux de la Convention Collective du 13 novembre 1946,
- avant le mois de janvier 2001, le nombre d'emplois spéciaux ne pouvait dépasser 5% des titulaires,
- à partir du 23 janvier 2001, le nombre d'emplois spéciaux a été porté à 15% du nombre total des personnes engagées sur des postes permanents,
- le 16 octobre 2002, a été signé un accord relatif au « statut du personnel placé hors du champ d'application de la Convention Collective Générale » du 13 novembre 1946. Cet accord créait un statut pour les salariés relevant des emplois spéciaux, et ce en vertu de l'article 34 de ladite Convention Collective,
- cet article est parfaitement applicable à Monsieur e. D. ce qui résulte expressément des différents contrats signés par ce dernier,
- aucun manquement à l'obligation de loyauté ne peut lui être reproché,
- le statut auquel Monsieur e. D. a accepté de souscrire était clairement mentionné dans les contrats successifs qu'il a signés,
- les modalités fixées par l'article 34 de la Convention Collective Générale du personnel ont été parfaitement respectées,
- au 3 janvier 2001, date de conclusion du contrat à durée déterminée, le nombre d'emplois spéciaux ne pouvait dépasser 5% des titulaires. Rien ne permet à Monsieur e. D. d'affirmer que ce taux n'était pas respecté,
- la seule référence à une précédente affaire l'ayant opposée à un salarié de la société est insuffisante,
- au 1er janvier 2002, date de conclusion du contrat à durée indéterminée, le nombre d'emplois spéciaux avait été porté à 15%,
- Monsieur e. D. sur qui pèse la charge de la preuve, ne fournit aucun élément susceptible de démontrer que cette condition n'était pas respectée,
- contrairement à ce que soutient le demandeur, rien ne justifie d'appliquer à l'ensemble de la relation contractuelle les conditions en vigueur au 3 janvier 2001, alors surtout qu'à cette date, Monsieur e. D.était employé à durée déterminée et que, par conséquent, le seuil de 5% ne lui était pas applicable,
- au demeurant, le contrat à durée indéterminée conclu le 27 décembre 2001 prévoit expressément que Monsieur e. D. est placé, en raison de son statut contractuel, hors du champ d'application de tous accords collectifs. Il a expressément accepté un changement de statut,
- en tout état de cause, rien ne permet d'affirmer que le dépassement du taux devrait permettre de considérer que les salariés bénéficient automatiquement du statut de la SAM A et de tous les avantages correspondants,
- contrairement à ce que soutient Monsieur e. D. un salarié permanent peut parfaitement être employé en qualité de contractuel et relever des emplois spéciaux,
- le statut des salariés contractuels ne définit par opposition aux salariés commissionnés et non aux salariés permanents,
- le demandeur ne peut donc revendiquer le paiement de rappels de salaires sur la base d'accords ou d'usage visant un autre statut,
- il ne peut pas plus bénéficier des dispositions instituées au profit du groupe fermé S. BM. par la convention du 1er septembre 2014 remplaçant celle du 13 novembre 1946,
- Monsieur e. D. bénéficiait exclusivement, dans le cadre de la Convention Collective du 30 mars 2012 modifiée au 1er septembre 2014, des dispositions applicables à l'ensemble des groupes fermées et de celles applicables au groupe fermé « exentitéb/contractuels »,
- Monsieur e. D. ne peut dès lors prétendre aux parts bénéficiaires, au calcul de l'indemnité de licenciement et à la garantie d'emploi,
- sur le licenciement :
- le licenciement a été valablement notifié, conformément aux dispositions légales,
- les dispositions propres au licenciement disciplinaire n'étaient pas applicables,
- le salarié ne bénéficiait d'aucune garantie d'emploi imposant de le conserver en poste jusque 65 ans,
- il n'a jamais été indiqué que la fonction de chef de service communication institutionnelle image-contenu patrimoine historique aurait été supprimé,
- surtout, les dispositions conventionnelles visées par Monsieur e. D. et qui ne lui sont pas applicables ne permettent en aucun cas à un salarié d'exiger un maintien au sein de la société jusqu'à l'âge de la retraite. Elles créent tout au plus une obligation de reclassement à un poste de niveau identique,
- elle n'avait pas l'obligation de motiver le licenciement de Monsieur e. D. en application des dispositions de l'article 6 de la loi n° 729,
- la convention du 1er décembre 2014 ne limite d'aucune manière les hypothèses dans lesquelles les licenciements peuvent être notifiés,
- la rupture du contrat de travail n'a en aucun cas été brutale ou abusive,
- elle a pris le soin de rencontrer le salarié à quatre reprises afin de lui faire part de l'éventualité d'un licenciement,
- Monsieur e. D. a bénéficié d'une mesure de outplacement,
- le demandeur affirme péremptoirement que la notification d'un licenciement sur le fondement de l'article 6 serait dénoncée par la Cour européenne des droits de l'homme mais ne précise pas quel texte serait concerné,
- la législation monégasque organise la réparation automatique par l'employeur du licenciement prononcé sans énonciation de motif et permet au salarié de faire valoir le caractère abusif de la rupture devant le Tribunal du Travail,
- contrairement à ce que soutient Monsieur e. D. le régime d'assurance chômage qu'elle a mis en place permet de cotiser au système de retraite monégasque,
- Monsieur e. D. bénéficiait du régime gratuit qu'elle a mis en place et ne subit aucun préjudice à ce titre,
- le demandeur ne fournit aucun calcul à l'appui de ses demandes relatives à une prétendue perte de pension AGIRC-ARRCO.
SUR CE,
Sur la jonction
Il convient d'ordonner, en application des dispositions de l'article 59 alinéa 2 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifiée, la jonction des instances portant les numéros 25 de l'année judiciaire 2016-2017 et 80 de l'année judiciaire 2018-2019, dès lors que les demandes dérivent d'un même contrat de travail.
Sur la nullité du contrat à durée déterminée du 3 janvier 2001
Le contrat à durée déterminée en date du 3 janvier 2001 a été signé entre les parties suivantes :
- l'entité B de Monte-Carlo, dont le siège social est : X3 à Monte-Carlo, représenté par Monsieur a. T. Directeur Administratif et Monsieur j. M. Directeur des Ressources Humaines, Monsieur e. D.
Il résulte d'un jugement de ce siège rendu le 28 septembre 2006, confirmé par le Tribunal de première instance le 31 mai 2012 que « la dénomination de l'entité B n'est déclarée par aucune société ni aucun commerce régulièrement immatriculé au Répertoire du Commerce et de l'Industrie de la Principauté de Monaco . »
N'ayant aucune existence légale, elle est dépourvue de toute personnalité morale, elle ne dispose d'aucune capacité pour contracter.
Dans ces conditions, le contrat par elle conclut le 3 janvier 2001 et renouvelé le 27 juin 2001 est nul, de nullité absolue.
Sur les conséquences de la nullité du contrat à durée déterminée
Monsieur e. D. sollicite de voir constater l'existence d'un contrat à durée indéterminée eu égard à la nullité du contrat à durée déterminée.
Il n'est contesté par aucune des parties que le véritable employeur de Monsieur e. D. dès l'origine, est la SAM A.
Cependant, cette reconnaissance et la nullité du contrat à durée déterminée ne sauraient entraîner de facto l'existence d'un contrat à durée indéterminée dès l'origine.
En effet, en droit monégasque, le contrat de travail est un contrat consensuel, dont l'existence et la validité ne sont pas subordonnées à la rédaction d'un écrit, lequel n'est requis qu'à titre de preuve des obligations qu'il contient (aucune obligation légale de conclure un contrat de travail à durée déterminée par écrit).
En l'absence de contrat de travail écrit, il appartient au Tribunal d'analyser les éléments de preuve soumis par les parties afin de déterminer leur commune intention.
Il est constant tout d'abord que les parties ont toutes deux signé le 9 janvier 2001 la demande d'autorisation d'embauchage et de permis de travail qui mentionne une date d'entrée au 4 janvier 2001 et une fin de contrat au 30 juin 2001.
Monsieur e. D. a bénéficié de deux permis de travail pour une première période du 4 janvier 2001 au 30 juin 2001, puis jusqu'au 31 décembre 2001.
La description des fonctions correspond à l'engagement de la société de développer un casino virtuel (pièce n° 7 de la SAM A : « Les axes à privilégier sont : ... la poursuite d'études sur la possibilité d'exploiter un casino virtuel »).
Tenant ces éléments, il apparaît incontestablement que la volonté des parties était de s'engager sur une durée déterminée, afin d'étudier, au vu des compétences de Monsieur e. D. la possibilité de développer l'exploitation d'un casino virtuel.
Il s'agissait ainsi d'un emploi « précaire » lié à un événement « incertain », ce qui est incompatible avec une embauche à durée indéterminée.
Par la suite, l'employeur a décidé de pérenniser la situation de Monsieur e. D. au sein de l'entreprise, ce qui ne peut permettre de remettre en cause la volonté originaire des parties et le caractère temporaire de la relation de travail antérieure.
Il convient dès lors de retenir la qualification de contrat à durée déterminée pour la relation de travail ayant lié les parties entre le 3 janvier 2001 et le 31 décembre 2001.
En l'absence d'écrit, il y a lieu de tenir compte des éléments contenus dans la demande d'autorisation d'embauchage et les permis de travail accordés pour déterminer les obligations respectives des parties.
Ainsi, Monsieur e. D. a été embauché pour une durée déterminée pour exercer la fonction de Responsable Marketing Casino Virtuel, coefficient V, avec une durée hebdomadaire de travail de 39 heures et un salaire « au dessus plafond de la CAR ».
Ce faisant, le demandeur considère qu'il a été engagé sous le statut de droit commun de la Convention Collective du 13 novembre 1946 et qu'il avait le statut de stagiaire.
Il invoque ainsi les dispositions de l'article 6 de l'accord du 23 janvier 2001 modifiant la Convention Collective du 13 novembre 1946, aux termes desquels :
- « Tout employé, engagé soit à l'année, soit à la saison, sur un poste permanent, et sauf les exceptions prévues à l'article 34, sera admis à titre de stagiaire ou d'auxiliaire avec une période d'essai de 3 mois,
stagiaire - Le statut de stagiaire est octroyé à l'employé dans l'attente qu'il puisse, éventuellement, bénéficier de sa titularisation (ou commissionnement), dans le cadre des règles établies.
Le stagiaire ne peut prétendre aux parts dites bénéficiaires, aux indemnités de départ, ou aux avantages concédés dans le cadre de la cessation d'activité. Il bénéficie, durant sa période de stage, d'un contrat à durée déterminée.
Commissionné - Le stagiaire ne sera commissionné qu'après avoir accompli son service d'une manière tout à fait satisfaisante pendant au moins dix-huit mois effectifs ou deux saisons consécutives, après avis consultatif de la Commission du personnel, laquelle se réunira, à cet effet, au moins une fois par exercice social.
Le commissionnement confère à son titulaire un contrat de travail à durée indéterminée et emporte le bénéfice entier des dispositions de la présente Convention Collective Générale et de ses avenants particuliers qui lui seraient applicables.
Pour être commissionnés les candidats ne devront pas avoir moins de 21 ans, ni avoir dépassé, sauf accord collectif dérogatoire, l'âge de 45 ans.... »
Eu égard à la nullité du contrat à durée déterminée, les clauses y contenues n'ont pu s'appliquer de sorte que la relation de travail à durée déterminée reconnue par le Tribunal relève du statut de droit commun des employés de la SAM A prévu par la Convention Collective du 13 novembre 1946.
L'accord d'entreprise du 23 janvier 2001 qui vient réviser et modifier en partie la Convention Collective du 13 novembre 1946 se substitue de plein droit aux stipulations modifiées et s'applique aux contrats en cours.
Il résulte que Monsieur e. D. a été soumis, pendant toute la durée du contrat de travail à durée déterminée, au statut de droit commun de la SAM A et ce, jusqu'à son échéance le 31 décembre 2001.
La décision rendue le 31 mai 2012 par le Tribunal de première instance ( R. SAM A ) ne peut s'appliquer dans le présent litige dans la mesure où la SAM A avait « utilisé » Monsieur R. avec une succession de contrats à durée déterminée pendant une durée de 4 années, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Monsieur e. D. a en effet été embauché dans un premier temps sous un statut temporaire pour une durée d'une année, dans le cadre d'un projet de mise en place d'un casino virtuel, puis en contrat à durée indéterminée pour finaliser ledit projet.
Sur le contrat à durée indéterminée en date du 27 décembre 2001
Le 27 décembre 2001, les parties se sont engagées dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée en ces termes :
« La SAM A engage Monsieur e. D. qui accepte, en qualité de responsable marketing casino virtuel, à compter du 1 er janvier 2002 pour une durée déterminée, ce dans les conditions suivantes :
...
4°) L'intéressé devra se conformer à la réglementation des jeux, au règlement intérieur applicable, ainsi qu'aux notes de services et usages de la SAM A.
Ainsi qu'il l'accepte expressément, Monsieur e. D. est placé, en raison de son statut contractuel, hors du champ d'application de tous accords collectifs et notamment de la Convention Collective Générale du personnel du 13 novembre 1946.
... »
Monsieur e. D. estime que cette clause est une clause nulle et non avenue, la SAM A ne pouvant se prévaloir d'une renonciation du salarié aux droits qu'il tient des conventions et accords collectifs.
Contrairement à ce qu'indique le demandeur, le jugement rendu le 31 mai 2012 ne remet en aucune manière en cause le statut dérogatoire permettant d'exclure certains salariés de la Convention Collective du 13 novembre 1946.
Il s'agit en effet d'un statut mis en place en accord avec les syndicats existants, figurant dans la Convention Collective applicable, et qui doit dès lors s'appliquer.
Il ne s'agit en aucun cas pour Monsieur e. D. d'une renonciation aux stipulations d'une Convention Collective mais du rattachement à un statut exclusif prévu dans cette même Convention Collective.
Par ailleurs, cette clause est particulièrement claire et non ambiguë en ce qu'elle indique que Monsieur e. D. est placé hors du champ d'application de tous accords collectifs et notamment de la Convention Collective du 13 novembre 1946, et ce, en raison de son statut contractuel.
Le demandeur ne peut soutenir ne pas avoir compris et appréhendé la portée de cette clause eu égard à ses fonctions de cadre et de son niveau d'instruction.
Ainsi, en application du contrat conclu entre les parties, Monsieur e. D. relevait des dispositions de l'article 34 de la Convention Collective du 13 novembre 1946, aux termes desquels (version applicable au 27 décembre 2001 suite à l'accord du 23 janvier 2001) :
« Contrats de travail et engagements sur des emplois spéciaux
1°- Contrats : Pour tous les postes de nature permanente, et sous réserve du respect des dispositions de la loi, la SAM A pourra consentir aux personnels qui y seront affectés, des contrats de travail à durée déterminée, de quelque durée qu'ils soient, sans que le nombre des bénéficiaires de ceux-ci ne puisse dépasser un taux maximum de 10% par rapport au nombre de postes permanents.
Ne seront pas pris en considération pour la détermination de ce taux, les titulaires des postes qui :
sont de nature temporaire, c'est à dire créés pour pourvoir à un remplacement (maladie, congés de toutes nature, détachement du titulaire sur un poste temporaire...), ou bien, et de manière limitée dans le temps ou dans l'objet, pour faire face à un surcroît de travail ou pour accomplir une mission définie,
ou bien, même s'ils sont permanents, peuvent bénéficier d'un contrat à durée déterminée,
soit par application d'un accord collectif réglementant le recours au contrats à durée déterminée pour des raisons liées à la progression de carrière des personnels et sous réserve que la durée totale des contrats attribués à ce titre, ne dépasse pas 3 années,
soit en qualité de stagiaire au sens de la présente Convention Collective Générale, et ce dans l'attente de leur première présentation au commissionnement.
2°- Engagements sur des emplois spéciaux : En dehors des règles générales de recrutement prévues à la présence Convention Collective Générale, qui ne s'applique pas aux directeurs, le conseil d'administration ou son délégué pourra toujours pourvoir aussi à certains emplois par des engagements effectués à des conditions particulières, plaçant leurs titulaires hors du champs d'application de la présente Convention Collective Générale, sans qu'ils puissent se prévaloir des avantages concédés au personnel en ressortissant (droit éventuel aux parts bénéficiaires, indemnités de départ, modalités spécifiques de détermination des calculs d'heures supplémentaires, discipline, etc ...), ce, que ces avantages soient inscrits dans la convention elle-même ou appliqués à la suite d'accords ou en raison des usages, en faveur de ses ses bénéficiaires.
En tout état de cause, le nombre de ces emplois spéciaux (sans compter les directeurs) ne pourra dépasser 15% du nombre total des personnels engagés sur des postes permanents. »
L'accord du 23 janvier 2001 prévoit en outre qu'il est conclu pour une durée déterminée commençant à la date de sa signature (le 23 janvier 2001) pour prendre fin le 31 octobre 2001. « Par la suite, il se renouvellera par tacite reconduction, pour une période d'une année, dans les conditions prévues à l'article 42 de la Convention Collective Générale du 13 novembre 1946. »
C'est dans ces conditions qu'interviendra un accord le 16 octobre 2002 sur le « Statut du personnel placé hors du champ d'application de la Convention Collective Générale ».
En application des dispositions de l'article 42 de la Convention du 13 novembre 1946, l'accord du 23 janvier 2001 a été renouvelé et a continué à s'appliquer jusqu'à la conclusion de la nouvelle Convention Collective.
Ce faisant, l'article 1 du statut visé ci-dessus prévoit son champ d'application en ces termes :
« Le présent statut s'applique à tous les membres du personnel engagé par la SAM A dans des emplois dits spéciaux, ce en vertu des dispositions de l'article 34 de la Convention Collective Générale du 13 novembre 1946.
Cette spécificité sera précisée dans le contrat de travail dont les intéressés bénéficient en étant engagés, indépendamment de la catégorie professionnelle à laquelle ils appartiennent (employés, ouvriers, agents de maîtrise ou cadres) soit dans le statut « International Sporting Club de la SAM A » (en abrégé, « statut de l'entité B») d'une part, soit dans le « statut contractuel de la SAM A », d'autre part, exception étant faite des directeurs, nommés directement par le Conseil d'Administration, auxquels le présent statut n'est pas applicable. »
La mention de la spécificité du statut doit intervenir pour les contrats de travail postérieurs à l'entrée en vigueur de cet accord ; le contrat de travail de Monsieur e. D. étant antérieur.
Cependant, le Tribunal relève que le contrat de travail en date du 27 décembre 2001 mentionne la spécificité du statut applicable au salarié, à savoir le « statut contractuel ».
Force est de constater que ni la Convention Collective Générale ni l'accord du 23 janvier 2001 ne donne une définition du statut contractuel.
Tenant le libellé de la clause litigieuse du contrat de travail, reprise supra, il en résulte que ce dernier est placé hors du champ d'application du statut de droit commun et relève des emplois spéciaux prévus par le deuxièmement de l'article 34 de la Convention Collective du 13 novembre 1946.
Par ailleurs, la fraude invoquée par le demandeur n'est en aucun cas démontrée.
La décision rendue précédemment par le Tribunal de première instance vise une situation différente de celle occupant la présente juridiction, ainsi qu'il résulte des explications développées supra dans le cadre du contrat de travail à durée déterminée.
En outre, un salarié employé à titre permanent, ce qui est le cas du demandeur, peut parfaitement être embauché sous le statut des emplois spéciaux.
En effet, l'article 6 de la Convention Collective Générale du 13 novembre 1946 (modifié le 23 janvier 2001) et applicable à Monsieur e. D. à la date de la conclusion du contrat de travail à durée indéterminée du 27 décembre 2001, prévoit, en son article 6, que :
« Tout employé, engagé soit à l'année, soit à la saison, sur un poste permanent, et sauf les exceptions prévues à l'article 34, sera admis à titre de stagiaire ou d'auxiliaire, avec une période d'essai de trois mois.
... »
Il résulte de ces dispositions qu'un employé engagé sur un poste permanent peut se voir appliquer les exceptions prévues à l'article 34 de la Convention Collective Générale et se voir exclu du champ d'application de tous accords collectifs.
La demande en nullité de l'article 4 du contrat de travail en date du 27 décembre 2001 présentée par Monsieur e. D. ne saurait dans ces circonstances prospérer.
Sur l'application de la Convention Collective du 1 er décembre 2014
Monsieur e. D. revendique encore l'application de la Convention Collective Générale des salariés SAM A hors jeux de table ne relevant pas de la Convention Collective de l'hôtellerie en date du 1er décembre 2014, remplaçant la convention du même nom en date du 30 mars 2012, laquelle avait remplacé la Convention Collective Générale du 13 novembre 1946.
Il soutient être soumis aux dispositions concernant les groupes fermés constitués par les salariés inscrits à l'effectif au 31 mars 2012, ne relevant pas de la Convention Collective de l'hôtellerie et n'appartenant pas au personnel des jeux de table.
Tout salarié peut légitimement se prévaloir des dispositions conventionnelles régissant sa situation personnelle qui apparaissent plus favorables que celles prévues par le contrat de travail le liant à son employeur ;
Toutefois, cette observation générale doit être accompagnée d'une analyse spécifique préalable inhérente à l'applicabilité de ce type de dispositions conventionnelles au statut particulier de tel ou tel employé ;
Monsieur e. D. revendique ainsi l'application de l'annexe II de ladite Convention Collective concernant « le groupe fermé statut de la SAM A ».
L'article 1.3 « Organisation de la Convention Collective » prévoit qu'elle « se compose d'un tronc commun applicable à l'ensemble des personnels couverts par son champ d'application.
Le cas échéant, si des groupes de personnes identifiées bénéficient de dispositions spéciales ou ne sont pas concernées par des dispositions du tronc commun, ces particularismes sont organisés dans les différentes annexes et peuvent concerner une catégorie (cadres supérieurs), des métiers ou des groupes de métiers (sécurité, métiers artistiques). »
L'article 2.1 « Champ d'application », paragraphe 1.1 « Dispositions générales » stipule :
« La présente Convention Collective s'applique à l'ensemble des salariés cadres et non cadres du secteur de la SAM A hors jeux de table, relevant de la nouvelle Convention Collective Générale du 30 mars 2012 et ne relevant pas de la Convention Collective de l'hôtellerie.
Les cadres dirigeants et supérieur, dont la liste figure en annexe 5, bénéficient de l'ensemble des dispositions de la présente convention à l'exception de elles prévues aux articles 2.10.3, 2.10.4, 2.10.5, 2.10.7, 2.10.8, 2.14, ainsi que de la garantie annuelle de 106 jours de repos. »
Il convient encore de se référer aux annexes I et II concernant les groupes et dans lesquelles il est expressément mentionné :
« Annexe I : Dispositions communes à tous les groupes fermés
Il existe plusieurs groupes fermés correspondant aux différents statuts, catégories et métiers, existant à la date de mise en œuvre de la présente Convention Collective.
Ces groupes fermés et les dispositions dérogatoires dont ils peuvent bénéficier ont pour seule finalité de maintenir aux salariés concernés certains droits et avantages qu'ils détenaient des statuts, catégories et métiers auxquels ils appartenaient précédemment, et ce dans le but recherché par l'ensemble des signataires d'éviter toute cause de préjudice pour les salariés concernés.
Les éléments du tronc commun sont applicables à l'ensemble des salariés des groupes fermés sauf indication expresse.... »
« Annexe II : Groupe fermé statut de la SAM A
Personnel concerné
Il comprend les salariés commissionnés, les stagiaires et stagiaires pré-commissionnés et les auxiliaires et les salariés du Sun Casino relevant du statut de cet établissement au 31 mars 2012.
Les articles suivants s'appliquent pour eux pour autant que les statuts en vigueur avant la mise en œuvre de la présente Convention Collective les concernaient.
... »
Les dispositions susvisées ne s'appliquent aux contrats en cours que pour autant que ces derniers étaient soumis à un statut leur attribuant d'ores et déjà les avantages visés dans l'annexe II.
Or, force est de constater que Monsieur e. D. a été embauché sous le statut des emplois spéciaux, le plaçant hors du champ d'application de la Convention Collective Générale du 13 novembre 1946, sans qu'il puisse bénéficier et se prévaloir des avantages accordés au personnel relevant de ladite convention, à savoir : droit aux parts bénéficiaires, indemnités de départ, modalités spécifiques de détermination des calculs d'heures supplémentaires, discipline.
Il ne peut revendiquer l'application de l'annexe II de la Convention Collective du 1er décembre 2014.
Sur les conséquences de l'engagement de Monsieur e. D. sous le régime des emplois spéciaux
Tenant la régularité du contrat à durée indéterminée litigieux, il convient de rechercher si le nombre des emplois spéciaux atteignait 15% du nombre total des personnels engagés sur des postes permanents.
La charge de la preuve repose sur Monsieur e. D. demandeur à l'instance.
Cependant, seul la SAM A est en possession des documents permettant de démontrer si ce seuil de 15% a été respecté.
Dès lors, que les parties doivent concourir de manière loyale à la manifestation de la vérité, dans le cadre du procès équitable, le Tribunal estime nécessaire, dans ces conditions, d'ordonner la réouverture des débats afin que la défenderesse (seule en possession de tels éléments de preuve) produise tous justificatifs démontrant le nombre des emplois spéciaux existants au sein de la SAM A le 27 décembre 2001, avec un chiffrage en pourcentage par rapport au nombre total des postes engagés sur des postes permanents.
Il convient, en conséquence, de surseoir à statuer sur les demandes présentées par Monsieur e. D.
Il y a lieu également de réserver les dépens en fin de cause.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, par jugement mixte, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Ordonne la jonction des instances portant les numéros 25 de l'année judiciaire 2016-2017 et 80 de l'année judiciaire 2018-2019 ;
Dit que Monsieur e. D. a été embauché en contrat à durée déterminée du 3 janvier 2001 au 31 décembre 2001 et a été soumis pendant cette période au statut de droit commun de la SAM A tel que figurant dans la Convention Collective du 13 novembre 1946 (modifié par l'accord d'entreprise du 23 janvier 2001) ;
Déboute Monsieur e. D. de sa demande en nullité de l'article 4 du contrat de travail en date du 27 décembre 2001 ;
Déboute Monsieur e. D. de sa demande tendant à lui voir reconnaître le statut « groupe fermé de la SAM A » visé à l'annexe II de la Convention Collective du 1er décembre 2014 ;
Avant-dire-droit, sur les conséquences de l'engagement de Monsieur e. D. sous le régime des emplois spéciaux ;
Ordonne la réouverture des débats et enjoint à la SAM A de produire tous justificatifs démontrant le nombre des emplois spéciaux existants au sein de la SAM A le 27 décembre 2001, avec un chiffrage en pourcentage par rapport au nombre total des postes engagés sur des postes permanents ;
Renvoie la cause et les parties à l'audience de plaidoirie du JEUDI 17 SEPTEMBRE 2020 à 9 heures 00 ;
Sursoit à statuer sur les demandes présentées par Monsieur e. D. en lien avec le régime des emplois spéciaux ;
Réserve les dépens en fin de cause ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Anthony GUICHARD et Daniel CAVASSINO, membres employeurs, Madame Nathalie VIALE et Monsieur Hubert DUPONT-SONNEVILLE, membres salariés, et lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique, au Palais de Justice, le quatre juin deux mille vingt, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Madame Nathalie VIALE, Messieurs Daniel CAVASSINO, Anthony GUICHARD et Hubert DUPONT-SONNEVILLE, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais.