Tribunal du travail, 4 juin 2020, Monsieur c. B. c/ La SAM A

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Licenciement – Faute grave – Motif valable – Caractère abusif

Résumé🔗

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité et de la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de rupture et notamment de la faute grave alléguée. La faute grave résulte de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise et exige son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis. Cette faute n'est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est découlé. En l'espèce, il résulte, à la lecture de la fiche de poste, que Monsieur c. B. s'est affranchi de plusieurs obligations mises à sa charge. Le licenciement de Monsieur c. B. repose sur une cause valable.

Le Tribunal relève que Monsieur c. B. est défaillant dans l'administration de la preuve. Il ne démontre pas avoir été licencié pour une autre cause que celle énoncée dans la lettre de licenciement. Dès lors, la décision de rupture n'est pas fondée sur un motif fallacieux et ne présente donc pas en elle-même un caractère fautif ; ainsi, aucune faute de l'employeur ne peut ouvrir droit à l'indemnisation d'un préjudice matériel et financier résultant du licenciement. Par ailleurs, aucune faute ne peut être reprochée à l'employeur dans la mise en œuvre du licenciement. Monsieur c. B. sera dans ces circonstances débouté de sa demande de dommages et intérêts.


Motifs🔗

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 4 JUIN 2020

  • En la cause de Monsieur c. B., demeurant X1 à CALLIAN (83440) ;

Demandeur, comparaissant en personne ;

d'une part ;

Contre :

  • La société anonyme monégasque dénommée A, dont le siège social se situe X2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substitué et plaidant par Maître Erika BERNARDI, avocat- stagiaire près la même cour ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 13 juin 2018, reçue le 18 juin 2018 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 5-2018/2019 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 3 juillet 2018 ;

Vu les conclusions de Monsieur c. B. en personne, en date des 7 janvier 2019 (et non le 7 janvier 2018 comme indiqué) déposées le 9 janvier 2019, 14 avril 2019 déposées le 17 avril 2019 et 4 novembre 2019 déposées le 5 novembre 2019 ;

Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur au nom de la SAM A, en date des 6 décembre 2018, 14 mars 2019 et 13 juin 2019 ;

Ouï Monsieur c. B. en personne, en ses observations et explications ;

Ouï Maître Erika BERNARDI, avocat-stagiaire près la Cour d'appel de Monaco, pour la SAM A, en sa plaidoirie ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

Monsieur c. B. a été embauché par la SAM A en contrat à durée indéterminée, à temps partiel, à compter du 2 février 2015, en qualité de responsable du service après-vente.

Monsieur c. B. a été placé en arrêt de travail du 8 janvier 2018 au 4 avril 2018.

L'employeur a dispensé le salarié de son activité, tout en le rémunérant, dans l'attente des résultats de la visite médicale de reprise.

Cette dernière est intervenue le 11 avril 2018 et Monsieur c. B. a été déclaré acte sans réserve.

Par courrier en date du 11 avril 2018 remis en main propre, Monsieur c. B. a été convoqué à un entretien préalable prévu le 18 avril 2018 et a fait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire.

Le 17 avril 2018, le salarié a transmis à la SAM A un arrêt de travail pour la période du 18 avril au 3 mai 2018, de sorte que l'entretien préalable a été reporté au 4 mai 2018.

Monsieur c. B. a été licencié par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 16 mai 2018 pour faute grave.

Par requête en date du 13 juin 2018 reçue au greffe le 18 juin 2018, Monsieur c. B. a saisi le Tribunal du Travail en conciliation des demandes suivantes :

  • - 30.000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

  • - 15.000 euros de dommages et intérêts pour procédure vexatoire et abusive,

  • - 8.708 euros : préavis de 3 mois,

  • - 1.942 euros : période de mise à pied conservatoire du 12 avril 2018 au 18 mai 2018,

  • - 140 euros : prime de 7% sur objectifs constructeur non versée pour le deuxième semestre 2017,

  • - 629 euros : prime de 7% sur objectifs constructeur non versée pour le quatrième 2017.

Aucune conciliation n'ayant pu aboutir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le bureau de jugement.

Monsieur c. B. a déposé des conclusions les 9 janvier, 17 avril et 5 novembre 2019 dans lesquelles il fait essentiellement valoir que :

  • - il a été mis en arrêt de travail jusqu'au 4 avril 2018 pour surmenage, ce qui constitue le motif de son licenciement,

  • - en 27 ans d'activité, dont 11 ans au sein du même groupe, il n'a jamais fait l'objet du moindre avertissement,

  • - lors de l'entretien préalable, aucun fait précis ne lui a été reproché,

  • - en janvier 2015, alors qu'il était Chef d'atelier à la société B à Nice (faisant partie du même groupe), Monsieur DE S. directeur général du groupe, lui a demandé de gérer le service après-vente de la SAM A, en plus de celui de la société B,

  • - dès sa nomination, il a constaté divers dysfonctionnements (mauvais recrutements, mauvaise ambiance, garanties non transmises chez le constructeur, litiges clients laissés en suspens, mauvaises facturations...),

  • - après plusieurs mois et divers rattrapages des dysfonctionnements, il restait en suspens un grand nombre d'ordres de réparations trop anciens (environ 300),

  • - il a donc été obligé de créer des ordres de réparations dit « poubelles » afin de transférer les pièces en attente et de trouver des solutions pour diminuer les pertes liées,

  • - les deux ordres de réparations XX1 et XX2ont toujours été l'une de ses principales préoccupations dans la mesure où ils représentaient environ 140.000 euros,

  • - à la date de son licenciement, ils ne représentaient plus que 56.514,38 euros,

  • - l'existence de ces ordres de réparations n'a pu être préjudiciable comptablement car ils n'étaient pas clôturés et, en conséquence, aucune facture n'avait été éditée,

  • - il s'agit de faits antérieurs à sa nomination,

  • - en juin, il a découvert que le chef d'atelier entretenait des véhicules personnels pendant son temps de travail, dans les locaux de la SAM A,

  • - l'avoir sur l'ordre de réparation 6.127 n'était pas lié à un mauvais diagnostic mais à une réparation mal effectuée,

  • - le client avait déjà réglé la facture pour une réparation mal effectuée et seul un avoir sur le retour atelier pouvait être effectué,

  • - Monsieur DE S. était parfaitement informé de l'évolution de ces dossiers.

La SAM A a déposé des conclusions les 6 décembre 2018, 14 mars et 13 juin 2019 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et soutient essentiellement que :

  • sur la validité du licenciement :

    • - le travail de Monsieur c. B. a toujours donnée entière satisfaction et c'est la raison pour laquelle Monsieur DE S. Directeur Général du groupe, lui a proposé de prendre la direction du service après-vente de la SAM A en plus de celui de la société B NICE et CANNES qu'il gérait en sa qualité de chef d'atelier,

    • - le service après-vente connaissait à cette époque de nombreux dysfonctionnements et la nomination de Monsieur c. B. avait pour objectif d'y remédier,

    • - la fiche de poste du demandeur prévoyait que le responsable du service après-vente était notamment tenu de contrôler l'exactitude des factures et de les ordonnancer (les déclencher),

    • - pendant l'arrêt de travail de Monsieur c. B. elle a mené une revue d'inventaire de tous les dossiers en cours et elle a constaté de nombreux dysfonctionnements au sein du service après-vente,

    • - elle a mené des investigations internes et elle a découvert une absence de facturation de nombreuses pièces de rechange,

    • - elle a relevé des incohérences dans le traitement des dossiers aux préjudices des intérêts de la société,

    • - elle a ainsi découvert des ordres de réparation (O. R.) datés du mois de juin 2016 et non encore clôturés,

    • - ces O. R., non clôturés, dissimulaient en réalité des interventions non facturées, la plupart portant sur des pièces mécaniques détachées,

    • - l'ordre de réparation n°XX1 est ouvert depuis le 22 juin 2016 et ne concernait que des pièces détachées, sans aucune main d'œuvre. Il n'était ni justifié ni justifiable,

    • - cet ordre de réparation s'élevait à la somme de 27.643,08 euros HT, soit quasiment la valeur de cession du véhicule,

    • - il est impossible que des réparations pour un montant aussi élevé aient été effectuées, alors que le véhicule était encore sous la garantie constructeur,

    • - l'O. R. n°XXX a été ouvert le 10 juin 2016 et il concernait des pièces détachées pour un montant supérieur à la valeur du véhicule,

    • - en sa qualité de Responsable du service après-vente, il appartenait à Monsieur c. B. de contrôler et vérifier toutes les factures éditées et d'établir des rapprochements entre les O. R. en cours et non clôturés et les facturations réalisées,

    • - d'un point de vue comptable, ces ordres de réparation constituent des factures non réglées. D'un point de vue financier, leur montant est injustifié et injustifiable, générant d'importantes pertes,

    • - Monsieur c. B. reconnaît avoir pris l'initiative de créer des ordres de réparations fictifs sur lesquels étaient imputés des pièces détachées sans rapport avec les véhicules pour lesquels ils avaient été ouverts,

    • - en sa qualité de Chef du service après-vente, il appartenait à Monsieur c. B. non pas de diminuer la pratique existante, mais de stopper définitivement les dysfonctionnements constatés,

    • - le salarié a fait preuve d'un manque de diligence et de loyauté dans la gestion des dossiers,

    • - l'ordre de réparation n°XX2 constitue un avoir conséquent, non autorisé et injustifié, au bénéfice d'un client,

    • - or, l'erreur de diagnostic ne pouvait justifier qu'un avoir partiel sur le montant de la facture ; les coûts liés à la réparation initiale de la panne ayant dû être facturés au client,

    • - si Monsieur DE S. a été informé du principe même de la remise, il ne l'a pas été s'agissant de son montant,

    • - Monsieur c. B. a manqué de professionnalisme et de rigueur,

  • - sur les demandes liées au licenciement :

    • - la prétention formulée par Monsieur c. B. sur le fondement d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse est une notion de droit français inconnue en droit monégasque,

    • - cette notion se rapproche en droit monégasque du caractère valable ou non du licenciement,

    • - l'absence de cause valable entraîne la condamnation de l'employeur au paiement de l'indemnité de licenciement,

    • - Monsieur c. B. ne pourra qu'être débouté de sa demande de dommages et intérêts,

    • - sur le caractère abusif, elle a agi sans précipitation dans le respect des droits du salarié,

    • - elle a tenu un entretien préalable lequel n'est pas obligatoire en droit monégasque,

    • - cet entretien a été reporté dans la mesure où Monsieur c. B.était en arrêt de travail le jour de sa tenue,

    • - elle a tout mis en œuvre pour recueillir les observations du salarié,

  • - sur les rappels de prime :

    • - Monsieur c. B. n'étaye pas ses demandes et devra dès lors être débouté,

    • - les bulletins de salaire produits démontrent qu'il a reçu une prime sur objectifs pour les mois de juin et décembre 2017.

SUR CE

  • Sur les rappels de prime

L'employeur ne conteste pas son obligation de versement au salarié demandeur d'une prime sur objectifs mais soutient que Monsieur c. B. a été rempli de ses droits.

Le Tribunal relève dans un premier temps que Monsieur c. B. ne donne aucune précision sur le calcul par lui opéré pour obtenir les sommes de 140 euros et de 629 euros pour les deuxième et quatrième trimestres 2017.

En outre, les bulletins de salaire pour les mois de juin et décembre 2017 font apparaître le versement d'une prime sur objectif respectivement de 479,38 euros et 314,49 euros, correspondant aux deuxième et quatrième trimestres.

Monsieur c. B. ne développe aucune argumentation à ce titre de sorte qu'il devra être débouté de ce chef de demande.

  • Sur la validité du motif

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité et de la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de rupture et notamment de la faute grave alléguée.

La faute grave résulte de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise et exige son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis.

Cette faute n'est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est découlé.

En l'espèce, Monsieur c. B. a été licencié par lettre du 16 mai 2018 ainsi libellée :

« Monsieur,

Nous vous avons reçu le 4 mai 2018 pour l'entretien préalable au licenciement que nous envisagions de prononcer à votre encontre.

Lors de cet entretien, vous n'avez fourni aucune explication ; nous avons donc décidé de vous licencier.

Ainsi que nous vous l'avons exposé lors de l'entretien, les motifs de ce licenciement sont notamment les suivants :

Vous exercez les fonctions de responsable groupe du service après-vente de notre société.

Une revue des dossiers de ce service nous est apparue nécessaire compte tenu de dossiers anciens non clôturés, de factures en souffrance et ainsi que de leur traitement.

À cette occasion, nous nous sommes rendu compte de l'ouverture d'ordres de réparation (« OR »), l'un pour un véhicule Z (OR n°XX1), l'autre pour un véhicule Y (OR n°XXX), au mois de juin 2016 et toujours en cours à ce jour.

Nous ne parvenions pas à nous expliquer que ces OR soient toujours en cours près de deux ans après leur ouverture.

Après analyse, ces OR ne sont pas justifiés ni même justifiables.

Il ressort d'ailleurs de cette analyse qu'un certain nombre de pièces détachées qui y figurent ne correspondent même pas aux véhicules pour lesquels ils ont été ouverts.

Nous nous sommes même aperçus que le véhicule Land Rover affecté à l'OR n°XX1 a été cédé le 22 juin 2016. Dans ces circonstances, rien ne justifie l'existence d'un OR en cours.

Ces OR représentent respectivement 27.463,08 euros et 28.871,30 euros et se solderont par une perte sèche de ces montants pour notre société.

Vous avez incontestablement fait preuve d'un manque de sérieux et de diligence dans la gestion et le suivi de nos dossiers après-vente.

Nous ne pouvons pas tolérer un tel comportement de la part de notre responsable groupe W.

Par ailleurs, nous avons eu la surprise de découvrir que vous avez décidé d'un avoir total sur l'OR XX2, qui s'élève à la somme de 9.176,02 euros.

Or, il n'y aurait dû avoir qu'un avoir partiel sur cet OR dans la mesure où il y a eu une erreur de diagnostic de notre part.

Les coûts liés à notre erreur auraient bien entendu dû être passés en avoir mais les coûts liés à la réparation de la panne auraient dû être facturés au client.

Là encore, nous ne pouvons tolérer une telle gestion des dossiers par notre responsable groupe W.

Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise.... »

Monsieur c. B. ne conteste pas les OR visés dans la lettre de rupture mais soutient avoir agi dans l'intérêt de l'entreprise.

Le demandeur a été embauché en qualité de responsable du service après-vente, la fiche de poste, signée par le salarié, détaillant ses fonctions de la manière suivante :

« Domaine de responsabilité/Enjeux de performance

Le titulaire de ce poste doit veiller à ce que l'atelier de la concession réalise les interventions (sur les véhicules) qui lui sont confiés dans les délais et qualités attendus.

Il a pour objectif de satisfaire le client et à exploiter pleinement le marché potentiel dans le domaine du service. À cet effet, il est nécessaire d'amener tous les collaborateurs de l'atelier à penser et à agir en « fonction du client ».

Cette participation aux objectifs généraux de l'entreprise est indispensable.

...

Relations hiérarchiques et/ou fonctionnelles

Le responsable Après-vente reporte au directeur de la concession.

Missions principales et exigences de la fonction

  • 1- Satisfaction du client

    • - connaître précisément les procédures relatives au groupe W et veiller à leur application par l'équipe,

    • - assurer l'entretien et la remise en état rapide des véhicules, conformément à la demande des clients et aux préconisations constructeur, par le biais d'un diagnostic et de l'établissement précis d'un ordre de réparation,

    • - assurer un travail de haute qualité (délais, exécution, facturation) pour sauvegarder les intérêts du client grâce à un contrôle consciencieux du travail effectué,

    • - conseiller le client sur le type, l'importance et le coût des réparations. Etre capable de donner au client des devis fermes et définitifs,

    • - contrôler les factures, leur exactitude et les explications données lors de la restitution du véhicule,

    • - évaluer les droits à la garantie contractuelle constructeur ou à une participation commerciale,

    • - traiter les réclamations et/ou insatisfactions des clients.

  • 2- Traitement du marché

    • - analyser la satisfaction clientèle au travers d'indicateurs tels que l'ISC, les enquêtes téléphoniques, le traitement des réclamations, les indicateurs de qualité (contacter les clients insatisfaits...),

    • - gérer et exploiter totalement le fichier client (contacter les clients inactifs...),

    • - proposer et développer, notamment lors des réunions de service ou de qualité, des mesures correctives ou préventives visant à optimiser le service,

    • ...

  • 3- Personnel

    • sensibiliser les collaborateurs à la qualité et à la satisfaction des clients par :

    • ...

    • apprécier le personnel de l'atelier

    • mesurer les résultats obtenus par chacun selon des critères objectifs.

  • 4- Organisation

    • - planification d'une charge de travail optimale selon les capacités du service après-vente,

    • - ordonnancer les ordres de réparation pour l'équipe,

    • - organiser et suivre la réalisation des travaux et les temps passés par l'équipe,

    • ...

  • 5- Gestion

    • - participer à l'élaboration des objectifs de l'atelier (chiffre d'affaires, taux de couverture...),

    • - observation et suivi des résultats de l'atelier,

    • - veiller au suivi des contrôles,

    • - veiller au suivi du traitement des réclamations clients.

  • 6- Directives

    • - participer aux réunions « qualité »,

    • - connaître et veiller à l'application des procédures ISO-QMA prévues dans l'entreprise,

    • - veiller au respect et au suivi des objectifs fixés lors des entretiens annuels,

    • - respecter les dispositions légales, administratives, conventionnelles et contractuelles,

    • ... »

Il résulte, à la lecture de la fiche de poste, que Monsieur c. B. s'est affranchi de plusieurs obligations mises à sa charge.

Les parties sont en accord sur l'existence de dysfonctionnements au sein du service après-vente

Cependant, afin d'y remédier, il apparaît que Monsieur c. B. a mis en place un système d'ordres de réparation ne correspondant à aucune intervention des mécaniciens, afin, selon lui, de transférer les pièces en attente et de trouver des solutions pour diminuer les pertes liées.

  • Concernant l'ordre de réparation n°XX1 :

Le Tribunal relève qu'il s'élève à la somme de 27.643,08 euros, comportant 6 pages de pièces mécaniques, sans aucune référence à des frais de main d'œuvre, ce qui démontre qu'il s'agit d'un ordre de réparation fictif.

Il en est de même concernant l'ordre de réparation n°XX2 pour un montant de 28.871,30 euros et qui comporte également 6 pages de pièces mécaniques, sans mention d'une quelconque main d'œuvre.

Le caractère fictif de ces ordres de réparation est d'ailleurs reconnu par le demandeur dans ses écritures lorsqu'il écrit :

« ... en ce qui concerne les ordres de réparations XX1 et XXX ce sont des ordres de réparations dit « poubelle » que j'ai créé. Car à ma prise de fonction en février 2015, un grand nombre d'ordres de réparations étaient en cours (environ 300). Afin de ne pas polluer notre quotidien, j'ai donc décidé de supprimer tous les dossiers non solutionnables et de mettre toutes les pièces sur ces ordres de réparations dit « poubelle » afin d'épurer petit à petit . »

Monsieur c. B. ne donne par ailleurs aucune explication sur le sort des pièces mécaniques visées dans les ordres de réparation fictifs alors qu'elles ne font plus partie du stock et n'ont pas été utilisées sur un véhicule d'un client ou de la concession.

Tenant l'importance des dysfonctionnements relevés par Monsieur c. B. ce dernier devait alerter son supérieur hiérarchique, à savoir le Directeur de la concession, ou à tout le moins en faire état lors des différentes réunions « qualité », afin, notamment de faire valider la création des ordres de réparations « poubelle » et demander les éventuelles conséquences comptables et fiscales d'une telle pratique.

Cette obligation figure au cinquièmement de la fiche de poste reprise supra : « participer à l'élaboration des objectifs de l'atelier (chiffre d'affaires, taux de couverture », ce dans le respect des dispositions légales, administratives, conventionnelles et contractuelles.

Il s'agit un comportement fautif revêtant une important telle qu'elle doit être qualifiée de grave, le comportement de Monsieur c. B. ne pouvant être minoré par le contexte dans lequel le salarié évoluait ; un tel manquement caractérisant une grave violation de l'obligation d'exécution loyale et de bonne foi du contrat de travail justifiant sa rupture immédiate.

  • Concernant l'avoir lié à l'ordre de réparation n°XX2 :

Monsieur c. B. ne conteste pas plus en avoir été à l'origine mais justifie sa démarche par l'obligation de résultat pesant sur le garagiste au titre des réparations réalisées.

Il est constant que le garagiste est tenu d'une obligation de résultat sur les réparations qu'il effectue sur un véhicule.

Il en résulte que dans l'hypothèse d'une mauvaise réparation ou d'un dommages entraîné par des réparations mal réalisées, il doit remettre en état le véhicule à ses frais.

En l'espèce, la SAM A ne conteste pas la mauvaise exécution des réparations réalisées sur le véhicule de Monsieur j. A. Elle considère cependant que le coût des premières réparations devait rester à la charge du client.

Dans le cadre de ses obligations, Monsieur c. B. devait « évaluer les droits à la garantie contractuelle constructeur ou à une participation commerciale », l'objectif principal étant la satisfaction du client.

Ce faisant, et tenant ces éléments, Monsieur c. B. a pris la responsabilité d'établir un ordre de réparation sous forme d'avoir, correspondant au coût de la remise en état du véhicule litigieux, en suite des dommages causés par une mauvaise réparation de l'atelier.

L'employeur semble mettre en doute la relation de causalité entre les premières réparations et les dommages, mais démontrer ses allégations.

Il apparaît encore que l'ordre de réparation n°XXX ne reprend pas les travaux réalisés à l'origine, soit le 31 janvier 2017, de sorte qu'ils ont bien fait l'objet d'un règlement par le client ; la somme de 9.176,02 euros correspondant uniquement à la remise en état du véhicule.

Ce grief ne sera dès lors pas retenu.

Il résulte de l'argumentation développée supra que le licenciement de Monsieur c. B. repose sur une cause valable.

  • Sur le caractère abusif de la rupture

Tout licenciement fondé sur un motif valable peut néanmoins présenter un caractère abusif si le salarié, auquel incombe la charge de cette preuve, démontre que l'employeur a méconnu certaines dispositions légales lors de la mise en œuvre de la rupture ou si les conditions matérielles ou morales de sa notification présentent un caractère fautif ou révèlent une intention de nuire ou la légèreté blâmable de l'employeur.

En application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts.

Il appartient à celui qui réclame des dommages et intérêts, de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné.

Un licenciement peut être considéré comme abusif (qu'il ait été reconnu valable ou non) si l'employeur a avancé pour le justifier un faux motif, c'est-à-dire un motif qui n'était pas le motif réel qui l'a conduit à prendre cette décision et qui voulait « tromper », ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

L'analyse qui précède a permis de constater que le grief énoncé dans la lettre de licenciement s'est avéré fondé.

Pour autant, le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.

Le Tribunal relève à ce titre que Monsieur c. B. est défaillant dans l'administration de la preuve. Il ne démontre pas avoir été licencié pour une autre cause que celle énoncée dans la lettre de licenciement.

Dès lors, la décision de rupture n'est pas fondée sur un motif fallacieux et ne présente donc pas en elle-même un caractère fautif ; ainsi, aucune faute de l'employeur ne peut ouvrir droit à l'indemnisation d'un préjudice matériel et financier résultant du licenciement.

Monsieur c. B. fait également état du caractère vexatoire et brutal du licenciement.

Les pièces du dossier montrent que :

  • - l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable par courrier remis en main propre le 11 avril 2018, et ce pour le 18 avril 2018,

  • - à la suite d'un arrêt de travail du demandeur à compter du 18 avril 2018, l'employeur a reporté ledit entretien préalable par courrier en date du 20 avril 2018, et ce pour le 4 mai 2018,

  • - ensuite de cet entretien, l'employeur a pris un délai de réflexion et licencié Monsieur c. B. par courrier en date du 16 mai 2018.

Il s'évince de ces éléments qu'aucune faute ne peut être reprochée à l'employeur dans la mise en œuvre du licenciement.

Monsieur c. B. sera dans ces circonstances débouté de sa demande de dommages et intérêts.

  • Sur les dépens

Succombant dans ses prétentions, Monsieur c. B. sera condamné aux dépens.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, c ontradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Dit que le licenciement de Monsieur c. B. par la SAM A est fondé sur une cause valable et n'est pas abusif,

Déboute Monsieur c. B. de toutes ses demandes,

Le condamne aux dépens,

Composition🔗

Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Anthony GUICHARD et Daniel CAVASSINO, membres employeurs, Madame Nathalie VIALE et Monsieur Hubert DUPONT-SONNEVILLE, membres salariés, et lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique, au Palais de Justice, le quatre juin deux mille vingt, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Madame Nathalie VIALE, Messieurs Daniel CAVASSINO, Anthony GUICHARD et Hubert DUPONT-SONNEVILLE, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais.

  • Consulter le PDF