Tribunal du travail, 19 décembre 2019, Madame v. M. c/ La société A

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Abstract🔗

Contrat de travail – Sanctions disciplinaires – Conditions – Contrôle du juge - Licenciement – Article 6 de la loi n° 729 – Caractère abusif (oui)

Résumé🔗

Conformément aux dispositions des articles 1er et 54 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, le Tribunal du travail dispose du droit de contrôler les sanctions disciplinaires prononcées par l'employeur à l'encontre d'un salarié ; la sanction doit être justifiée et proportionnée à la faute commise, sous peine d'être annulée. Si l'employeur tient de son pouvoir de direction dans l'entreprise le droit de sanctionner un salarié pour un comportement fautif, il appartient au Tribunal du travail, saisi d'une contestation d'une sanction disciplinaire, d'en contrôler le bien fondé et de l'annuler si elle apparaît irrégulière en la forme, injustifiée, disproportionnée par rapport à la faute commise voire même discriminatoire. Il lui incombe, en cas de contestation, d'établir tant la régularité formelle de la mesure prise que son caractère justifié et proportionné au regard du manquement commis. Le comportement fautif du salarié doit se manifester par un acte positif ou une abstention de nature volontaire, fait avéré qui lui est imputable et constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail. La lettre de notification doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables. Elle doit indiquer la consistance des faits et ne pas se contenter de viser leur qualification. En l'absence de motivation suffisante, les sanctions sont injustifiées et annulables de plein droit. L'insubordination, le refus de collaborer constituent un motif justifiant une sanction disciplinaire, et notamment le refus d'exécuter les directives de l'employeur ou de se soumettre à la discipline de l'entreprise. Ne pas obtempérer à une instruction émanant de l'employeur ou d'un supérieur hiérarchique, contester de manière systématique les ordres reçus, ou agir à leur encontre sont des comportements fautifs permettant à l'employeur de sanctionner le salarié. Il est de principe que la sanction doit être proportionnée à la faute. Ainsi, l'avertissement tenant à la non-observation des consignes et instructions de l'employeur reprochée à Madame v. M. est justifié et proportionnel aux fautes commises, tenant compte notamment de l'ancienneté importante de la salariée.

En application de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, l'employeur dispose d'un droit unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci, et doit supporter les conséquences de sa décision de ne pas énoncer le motif de la rupture, en versant le montant de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968. L'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 n'instaurant pas, au profit de l'employeur, un droit discrétionnaire et absolu, il appartient au Tribunal du travail de vérifier le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié d'une part, et les circonstances ayant entouré la résiliation, qui doivent être exemptes de tout abus d'autre part (cause illicite ou illégale, détournement des dispositions d'ordre public, intention de nuire, précipitation, brutalité, légèreté blâmable). Toutefois, l'exercice par l'employeur de ce droit, sans que le salarié soit rempli de ses droits, est de nature à rendre la rupture fautive et à justifier l'octroi des dommages et intérêts prévus par l'article 13 de la loi n° 729, au même titre qu'une rupture revêtant une forme abusive (Cour de révision du 9 mai 2003 PENMAN c/ S.A.M. TRANSOCEAN MARITIME AGENCIES). Il appartient à Madame v. M. de rapporter la preuve, au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts, de l'existence de l'abus commis dans l'exercice du droit unilatéral de rupture et du préjudice qui en est résulté. Alors en effet que la preuve de l'abus dans le droit de licencier incombe au salarié qui s'en prévaut, la détermination de l'excès commis par l'employeur dans l'exercice du droit unilatéral de résiliation que lui reconnaît la loi relève en effet du pouvoir souverain d'appréciation des juridictions saisies et peut induire un contrôle indirect du motif de rupture à l'effet de déterminer si celui-ci est fallacieux, c'est-à-dire s'il procède d'une volonté insidieuse de tromperie ou s'il présente un caractère spécieux lui ôtant sa loyauté. À ce titre, la jurisprudence monégasque considère que le licenciement fondé sur un faux motif ou un motif fallacieux constitue un abus. Par ailleurs la jurisprudence civile relative à l'abus de droit en caractérise également l'existence en l'absence de motif légitime à exercer le droit. Pour autant le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque. Tenant l'objet ainsi repris, l'employeur a pu faire naître chez la salariée de faux espoirs, le licenciement ne semblant pas acquis à la suite du premier entretien, de sorte que l'annonce de la rupture a nécessairement entrainé un nouveau traumatisme. Il s'agit de la part de l'employeur d'une légèreté blâmable rendant le licenciement abusif. Madame v. M. a nécessairement supporté un préjudice moral du fait de la situation générée par cette rupture exercée avec légèreté. Les circonstances entourant ladite rupture sont dès lors abusives, justifiant l'allocation à Madame v. M. de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral. En effet, il est de principe que toute demande de dommages et intérêts formée du chef d'un abus dans les conditions de mise en œuvre de la rupture, et non d'un abus dans la prise de décision, ne peut être admise qu'en ce qui concerne le préjudice moral qui résulte du contexte ayant présidé à sa mise en œuvre, et ce, à l'exclusion du préjudice matériel qui serait résulté d'un licenciement abusif dans son principe. En l'état de l'analyse qui précède et des éléments d'appréciation produits, le préjudice moral apparaît devoir être justement évalué à la somme de 20.000 euros, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision.


Motifs🔗

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 19 DÉCEMBRE 2019

  • En la cause de Madame v. M., demeurant « X1 », 97 X1à SAINTE-AGNÈS (06500) ;

Demanderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice ;

d'une part ;

Contre :

  • La société anonyme monégasque dénommée A, dont le siège social se situe X2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Sophie MARQUET, avocat près la même Cour ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 7 juin 2017, reçue le 9 juin 2017 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 3-2017/2018 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 27 juin 2017 ;

Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de Madame v. M. en date des 11 janvier 2018, 4 octobre 2018, 10 janvier 2019 et 9 mai 2019 ;

Vu les conclusions de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur au nom de la S. A. M. A, en date des 8 mars 2018, 6 décembre 2018 et 14 mars 2019 ;

Après avoir entendu Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice pour Madame v. M. et Maître Sophie MARQUET, avocat près la Cour d'appel de Monaco pour la S. A. M. A, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

Madame v. M. a été embauchée par la société anonyme monégasque A à compter du 24 juin 1987 en qualité d'Opératrice Bactério.

Par courrier en date du 22 février 2017, Madame v. M. a été convoquée à un entretien préalable au licenciement, et ce pour le 2 mars 2017.

À cette date, et après l'entretien, une seconde convocation a été remise à la salariée pour un nouvel entretien prévu le 7 mars 2017.

Elle a fait l'objet d'un licenciement fondé sur les dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 par courrier en date du 9 mars 2017.

Par requête du 7 juin 2017 reçue au greffe le 9 juin 2017, Madame v. M. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

  • - annulation de l'avertissement du 24 février 2016,

  • - dommages et intérêts pour licenciement abusif et mauvaises conditions de travail : 80.000 euros,

  • - intérêts au taux légal,

  • - exécution provisoire.

Aucune conciliation n'étant intervenue, l'affaire a été renvoyée devant le Bureau de jugement.

Madame v. M. a déposé des conclusions les 11 janvier 2018, 4 octobre 2018, 10 janvier 2019 et 9 mai 2019 dans lesquelles elle fait valoir essentiellement que :

sur l'avertissement du 24 février 2016 :

  • un premier courrier lui a été adressé le 24 février 2016 alors qu'elle se trouvait en arrêt maladie,

  • un entretien a été organisé le 3 mai 2016,

  • l'employeur se réfère à des rappels de consignes qui dateraient pour certains de 2011. Il ne s'agit en outre d'aucun rappel à l'ordre mais de notes de secteurs adressées aux deux opératrices,

  • les mails des 12 janvier 2016 et 16 février 2016 sont adressés aux deux opératrices et ne font état d'aucun non-respect de procédure par l'une ou l'autre,

  • le second grief (bidon non étiqueté volontairement) n'est pas démontré,

sur le licenciement abusif :

  • elle était salariée de la société défenderesse depuis près de trente ans au moment de son licenciement,

  • le fait de lui remettre le jour de l'entretien préalable, une seconde convocation n'est que la démonstration de ce que la stratégie de licenciement était parfaitement orchestrée et la décision de la licencier déjà prise,

  • aucune information ne lui a été donnée sur les motifs de son licenciement,

  • les entretiens qui n'ont pour objet que de venir prétendre que le licenciement ne présenterait pas un caractère brutal sont inopérants,

  • l'entretien doit permettre un véritable échange entre employeur et salarié,

  • elle a même été dispensée d'exécuter son préavis,

  • en la maintenant dans une situation anxiogène durant quinze jours, du 22 février jusqu'à son licenciement le 9 mars 2017, l'employeur a mis en œuvre un licenciement de manière vexatoire et abusive,

  • elle méritait un semblant de respect, ne serait-ce qu'eu égard à sa très grande ancienneté,

  • elle a dû travailler durant plusieurs années dans un climat particulièrement difficile, notamment de par le comportement de sa collègue de travail, Madame L. dénoncé à l'employeur qui n'a jamais pris les mesures adéquates,

  • elle a subi un préjudice tant moral que pécunier,

Elle demande également de voir rejeter des débats les pièces produites par la S. A. M. A sous les nos 19 et 20.

La S. A. M. A a déposé des conclusions les 8 mars 2018, 6 décembre 2018 et 14 mars 2019 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et soutient essentiellement que :

sur l'avertissement du 24 février 2016 :

  • l'avertissement était justifié par des omissions fautives de la salariée constatées dans l'exercice de sa mission,

  • à plusieurs reprises, Madame v. M. a réalisé délibérément les opérations de prélèvements microbiologiques tardivement, voire dans un ordre différent et allant parfois jusqu'à ne pas les effectuer et à les reporter sans raison valable,

  • Madame C. sa supérieure hiérarchique, a été contrainte de lui adresser deux courriels les 12 janvier 2016 et 16 février 2016,

  • Madame L. a été également destinataire de ces deux emails dans la mesure où elle était directement impactée par les manquements de Madame v. M.

  • la non application des procédures B. P. F. (bonnes pratiques de fabrications : norme européenne) expose la société à une suspension de son activité,

  • le 25 février 2016, Madame C. dressait un exposé de la situation à Monsieur B. aux fins de lui faire état des nombreux manquements et carences de Madame v. M.

  • le courrier en date du 24 février 2016 notifiant l'avertissement est revenu avec la mention « pli avisé non réclamé », de sorte que ce n'est que le 3 mai 2016 que Madame v. M. a eu connaissance de la sanction disciplinaire,

  • sur l'exécution de bonne foi du contrat de travail :

  • la demanderesse ne démontre aucunement les prétendues brimades et humiliations qu'elle aurait subies pendant la relation de travail,

  • le seul courrier qu'elle produit est daté du 23 avril 2010 et correspond à une période prescrite (saisine du 9 juin 2017),

  • suite à l'intervention de l'employeur après le courrier du 23 avril 2010, il est apparu une forte mésentente entre Madame v. M. et Madame L. liée à un problème relationnel non professionnel,

  • Madame v. M. n'a jamais contesté les conclusions de l'enquête ainsi diligentée par l'employeur,

  • par la suite, Madame C. a organisé le travail des deux salariées de telle sorte qu'elles soient afférées à un minimum de tâches en commun,

  • lors de son entretien du 3 mai 2016 à l'occasion de son avertissement, Madame v. M. a d'ailleurs reconnu qu'il n'y avait aucun problème relationnel avec Madame L. notamment,

sur le caractère abusif du licenciement :

  • il n'est aucunement imposé à l'employeur qui utilise les dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 de notifier au salarié un quelconque motif de rupture,

  • Madame v. M. a bénéficié de deux entretiens préalables, au cours desquels elle a été assistée par Monsieur V. Délégué du Personnel Suppléant,

  • le second entretien lui a permis d'annoncer à la salariée, de vive voix, sa décision de la licencier et lui expliciter les prochaines démarches à venir,

  • Madame v. M. n'explique pas en quoi la dispense de préavis serait abusive,

  • ni l'âge, ni l'ancienneté de la salariée ne saurait permettre d'établir un abus dans l'exercice du droit de rompre le contrat de travail,

  • Madame v. M. n'allègue aucun faux motif ou motif fallacieux et ne conteste pas le licenciement en son principe.

SUR CE,

  • Sur le rejet des débats des pièces produites par la S. A. M. A sous les nos 19 et 20 :

Aux termes de l'article 324 du Code de procédure civile, « l'attestation doit, à peine de nullité :

  • 1° être établie par une personne remplissant les conditions requises pour être entendue comme témoin ;

  • 2° être écrite, datée et signée de la main de son auteur ;

  • 3° mentionner les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur, ainsi que l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties ;

  • 4° préciser si son auteur a quelque intérêt au procès ;

  • 5° indiquer qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur sait qu'une fausse attestation l'exposerait aux sanctions prévues par l'article 103 du Code pénal ;

  • 6° être accompagnée de tout document officiel, en original ou en photocopie, justifiant de l'identité de son auteur et comportant sa signature. ».

Aux termes des dispositions de l'article 323 du Code de procédure civile :

« Lorsque la preuve testimoniale est admissible, le tribunal peut recevoir des tiers les déclarations de nature à l'éclairer sur les faits litigieux auxquels ils ont assisté ou qu'ils ont personnellement constatés.

Les déclarations sont faites par attestation ou recueillies par voie d'enquête. ».

Les pièces nos 19 et 20 sont constituées de deux procès-verbaux rédigés par Monsieur V. Délégué du Personnel Suppléant, ayant assisté Madame v. M. lors des entretiens des 2 et 7 mars 2017.

Madame v. M. soutient que ces deux documents « auraient été rédigés par M. V l.... sans qu'il ne soit possible de vérifier si la signature apposée soit effectivement la sienne.

Ces documents, qui n'ont aucunement la nature d'un procès-verbal, ne répondent en rien au formalisme des attestations prévus à l'article 324 du Code de procédure civile et devront par conséquent être déclarés nuls. ».

Les documents litigieux ont été établis le 8 mars 2017, soit antérieurement au licenciement de Madame v. M. de sorte qu'ils ne peuvent revêtir le caractère d'une attestation destinée à éclairer le Tribunal sur les faits litigieux, puisque rédigés avant tout litige.

Bien plus, à la suite des écritures déposées par Madame v. M. dans lesquelles elle sollicite la nullité des procès-verbaux ainsi rédigés, Monsieur l. V. a établi une attestation en pièce n° 30 dans laquelle il reprend les termes desdits procès-verbaux, dans le respect des dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile, et de laquelle il s'évince que la signature figurant sur les pièces nos 19 et 20 est identique à celle figurant sur la pièce n° 30.

Il n'y a pas lieu en conséquence de déclarer nuls les procès-verbaux produits en pièces nos 19 et 20.

  • Sur l'avertissement du 24 février 2016 :

Conformément aux dispositions des articles 1er et 54 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, le Tribunal du travail dispose du droit de contrôler les sanctions disciplinaires prononcées par l'employeur à l'encontre d'un salarié ; que la sanction doit être justifiée et proportionnée à la faute commise, sous peine d'être annulée.

Si l'employeur tient de son pouvoir de direction dans l'entreprise le droit de sanctionner un salarié pour un comportement fautif, il appartient au Tribunal du travail, saisi d'une contestation d'une sanction disciplinaire, d'en contrôler le bien fondé et de l'annuler si elle apparaît irrégulière en la forme, injustifiée, disproportionnée par rapport à la faute commise voire même discriminatoire.

Il lui incombe, en cas de contestation, d'établir tant la régularité formelle de la mesure prise que son caractère justifié et proportionné au regard du manquement commis.

Le comportement fautif du salarié doit se manifester par un acte positif ou une abstention de nature volontaire, fait avéré qui lui est imputable et constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail.

La lettre de notification doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables. Elle doit indiquer la consistance des faits et ne pas se contenter de viser leur qualification.

En l'absence de motivation suffisante, les sanctions sont injustifiées et annulables de plein droit.

Madame v. M. a fait l'objet d'un avertissement par un courrier recommandé avec accusé de réception en date du 24 février 2016, ainsi libellé :

« Madame,

Votre Chef de service, Mme C. a organisé le service de Microbiologie afin de répondre aux demandes des différents clients du service, à la Réglementation et aux normes de qualité de plus en plus exigeantes, et de permettre un fonctionnement le plus fluide possible.

En particulier la répartition des tâches avec votre collègue et votre Chef de service a été prévue pour répondre à ces obligations.

Vous devez réaliser, dans ce cadre-là, des opérations suivant une planification qui vous est fournie.

Or, très régulièrement, vous décidez de votre propre initiative, sans en référer au préalable à votre hiérarchie, de réaliser les opérations demandées dans un ordre différent, ou de ne pas les réaliser du tout.

Voir les emails de rappel des consignes de Mme C. des 7 février 2011, 11 mars 2011, 12 janvier 2016, 16 février 2016, sans parler des rappels oraux réguliers.

Cette conduite est inacceptable. Elle est le reflet d'un manque de reconnaissance de votre hiérarchie ; de plus, votre attitude nuit gravement au bon fonctionnement du service et du respect des délais contractuels.

D'autre part, votre poste de travail vous amène à réaliser des prélèvements de produit afin de réaliser des contrôles microbiologiques, tâche pour laquelle vous avez été formée.

Parmi les produits contrôlés, certains sont particulièrement fragiles du point de vue microbiologique et nécessitent un suivi plus poussé.

Le 22 février dernier, Mme C. vous a demandé d'effectuer un prélèvement supplémentaire sur un produit microbiologiquement fragile afin de faire une vérification d'analyse.

Comme vous le savez, afin de respecter la traçabilité, tous les prélèvements nécessitent obligatoirement la pose d'une étiquette autocollante sur le bidon prélevé.

Or, il apparaît que ces bidons n'ont pas été étiquetés volontairement par vous suite au prélèvement. Une fois de plus, sans en avoir discuté au préalable avec votre hiérarchie.

De plus, vous n'avez pas rempli le document qui enregistre les prélèvements. Document annexé au dossier de lot du produit.

La perte de traçabilité est donc double et volontaire comme vous en avez convenu avec votre hiérarchie qui vous l'a fait remarquer.

Ce manque de respect des consignes, applicable pourtant depuis de nombreuses années et malgré des rappels réguliers de votre hiérarchie, est également inacceptable.

La perte de traçabilité peut avoir des conséquences très néfastes vis à vis des clients de la réglementation.

Nous vous rappelons que la société est certifiée suivant les Bonnes Pratiques de Fabrications pour la réalisation de certains contrôles microbiologiques.

Une déviation de protocoles prévus nécessite une justification et une traçabilité rigoureuse.

En conséquence, par la présente lettre, nous vous adressons un avertissement qui, nous l'espérons, vous fera changer d'attitude.

Veuillez agréer, Madame, l'expression de nos salutations distinguées. ».

Il est ainsi reproché deux griefs à la salariée, constituant un non-respect des consignes.

L'insubordination, le refus de collaborer constituent un motif justifiant une sanction disciplinaire, et notamment le refus d'exécuter les directives de l'employeur ou de se soumettre à la discipline de l'entreprise.

Ne pas obtempérer à une instruction émanant de l'employeur ou d'un supérieur hiérarchique, contester de manière systématique les ordres reçus, ou agir à leur encontre sont des comportements fautifs permettant à l'employeur de sanctionner le salarié.

Premier grief : réaliser les opérations demandées dans un ordre différent, ou ne pas les réaliser du tout :

Pour justifier ce grief, l'employeur produit les éléments suivants :

une note de secteur bactériologique en date du 7 février 2011 : celle-ci ne vise en aucune manière Madame v. M. personnellement, mais décrit un mode opératoire dans le service de la demanderesse et de Madame L. Ce document ne comporte aucun reproche, ni aucun rappel à l'ordre adressé à la salariée demanderesse,

une note de secteur bactériologique en date du 11 mars 2011 : celle-ci ne vise pas plus Madame v. M. personnellement, mais est adressé à l'ensemble du service afin de rappeler certains points suite au déplacement du travail sous la hotte dans le laboratoire de biochimie et l'utilisation de milieux prêts à l'emploi.

Là encore, aucun reproche ou rappel à l'ordre adressé à Madame v. M. ne figure dans ce document.

un courriel en date du 12 janvier 2016 adressé par Madame C. à Mesdames v. M. et L. ainsi libellé :

« Sujet : feuille de calcul milieux

J'ai modifié la fiche de calcul des milieux. La ligne jaune doit être remplie en fonction des clients et des analyses réalisées. Le calcul a été fait pour des flacons de 200 ml.

Le nombre d'analyses pour Granions étant réduit, ce client est comptabilisé différemment dans le tableau.

ML : mettre sur la feuille de travail les analyses de jour (noter « G » devant les produits Granions) au plus tôt,

VM : mettre à fondre les milieux après avoir comptabiliser toutes les analyses du jour (client cosmétique, clients pharma et Exsymol). Il n'est pas nécessaire d'imprimer la feuille.

Je rappelle que les milieux doivent être mis à fondre dès que la fiche de prélèvements Exsymol a été éditée.

La durée de refonte est d'au moins 1H. vérifier que les milieux sont complètement fondus, surtout TSG avant de les transvaser dans le BM 47°C.

Rappels :

Les milieux non ouverts ayant été fondus 1 fois peuvent être refondus 1 fois supplémentaire,

La quantité de milieux à couler est entre 10-15 ml/boîte pour éviter le dessèchement. Eviter les écoulements trop rapide car risque d'éclaboussure et de contamination,

Le mélange entre milieu et produit se fait par rotations lentes et répétées,

Les boîtes sèches sont retournées avant d'être incubées.

Prochainement, je vais demander à chacune de vérifier la température de la gélose au moment de son utilisation sur une semaine (demande faite par un auditeur externe).

Merci. ».

Il apparaît que Madame C. rappelle à l'ordre Madame v. M. et dans une moindre mesure, Madame L. Elle rappelle ainsi à la demanderesse de respecter la procédure pour fondre les milieux.

un courriel en date du 16 février 2016 adressé par Madame C. à mesdames M. et L. ainsi libellé :

« Sujet : milieux à refondre

Je rappelle l'organisation du laboratoire établie par une note du 11/03/11 (consultable dans le classeur vert) concernant la refonte des milieux pour la journée et l'établissement des analyses du jour.

Vers 8 h 30 : Murielle allume les 2 bains maries, (il est possible que le bain marie à 46°C soit mis en route par v. au moment du changement de bain marie. En effet, le nouvel appareil chauffe plus rapidement et les flacons qui sont chauds déclenchent l'arme. On fera des essais avant).

En milieu de matinée (vers 9 h 30 - 10 h), le planning des prélèvements est remis à v. (RQ : Nous avions demandé que la saisie informatique des demandes d'analyses par la production soit réalisée vers 9 h 30).

À 10 h 30 au plus tard, la ou les fiches A3 doivent être remplies par Murielle et par v. concernant les analyses du jour (Exsymol et clients). v. calcule les quantités de milieux à refondre correspondant aux clients extérieurs et pour Exsymol, avant de partir pour réaliser les prélèvements, et à partir de la fiche de calcul disponible sur l'ordinateur. Si des milieux sont déjà dans le bain marie (en général, les mercredi matin ou vendredi matin), ils seront déduit du nombre calculé).

Avant la pause déjeuner si possible, les milieux seront vérifiés par v. et mis dans le bain marie 46°C, l'objectif étant de commencer les analyses l'après-midi avec des milieux à la bonne température.

Si en cours de journée, des analyses doivent être ajoutées ou supprimées, la nouvelle planification tiendra compte des milieux disponibles, de la priorité et du temps, et se fera par concertation.

En l'absence de v. ou indisponibilité v. m'avertira), c'est Murielle qui la remplacera.

Cette organisation est toujours valable et je tiens à ce qu'elle soit respectée pour le bon fonctionnement du laboratoire. Je n'envisage pas de la changer.

Merci. ».

Madame C. supérieure hiérarchique de Mesdames v. M. et L. rappelle les procédures mises en place les 7 février 2011 et 11 mars 2011, notamment pour la demanderesse qui doit respecter un planning contraint.

un rapport rédigé par Madame C. à destination de l'employeur dans lequel elle indique notamment :

« (...)

Cf email du 16/02/16).

À l'issue de ce mail V. M. m'a dit qu'elle avait estimé que M. L. pouvait le faire (discussion le 17/02/16). Depuis je constate que V. M. persiste à mettre les milieux à refondre tardivement : la feuille de prélèvement est diffusée avant 10h, V. M. n'effectue les calculs des milieux et la fonde des milieux qu'après 10h30, et après sa pause de 10h... il y a délibérément une volonté de ne pas appliquer la consigne que je lui demande.

Exemple :

Le 22/02/16 : planning de prélèvements imprimé à 9 h 46, feuille de calcul des milieux imprimé à 10 h 49.

Le 23/02/1 : planning de prélèvements imprimé à 9 h 31, feuille de calcul des milieux imprimé à 10 h 59.

Le 24/02/16 : planning de prélèvements imprimé à 9 h 36, M. L. me signale à 11 h qu'aucun milieux n'a été mis à fondre et que par conséquent les analyses prévues ce jour sont reportées au 24/02/16. M. L. étant absente l'après-midi et étant la seule qualifiée pour ces analyses, elles seront donc reportées au 25/02/2016 pour un rendu de résultats au client décalé d'une journée.

Aucune feuille n'a été imprimée. V. M. m'a de nouveau dit que M. L. n'avait qu'à le faire et qu'elle était occupée au - 3 à vérifier une commande (commande de consommables arrivée la veille !), ensuite elle est partie à 12 h 08 en laissant le bain marie en fonctionnement sans milieux à refondre et sans me signaler qu'elle ne se sentait pas bien. Je l'ai appris par R. G. à 12 h 13.

Tous ces événements m'amène à penser qu'y il a délibérément une volonté de ne pas appliquer la consigne que je lui demande.

(...). ».

une attestation établie par Madame C. dans laquelle elle reprend les termes de ce rapport, détaille les rôles respectifs de Mesdames v. M. et L. et précise : « (...) je constate que V. M. persiste à mettre les milieux à refondre trop tardivement. La feuille de prélèvements diffusée avant 10 h, V. M. n'effectue les calculs et la refonde des milieux après sa pause de 10 h, vers 10 h 30 ».

Madame v. M. conteste ce témoignage sans apporter le moindre élément susceptible de contredire les déclarations de Madame C.

De plus, les faits reprochés s'étant déroulés dans le laboratoire où seules trois personnes interviennent sous la hiérarchie de Madame C. seule cette dernière est à même de les constater et de les relater.

Il s'évince ainsi de ces documents que Madame v. M. a été rappelée à l'ordre à plusieurs reprises sur la procédure mise en place pour la réalisation des prélèvements microbiologiques, le dernier étant en date du 16 février 2016, soit huit jours avant l'avertissement litigieux.

Ce premier grief est dès lors parfaitement justifié.

Second grief : Bidon non étiqueté volontairement suite à un prélèvement microbiologique.

Pour justifier ce grief, l'employeur produit les éléments suivants :

  • un rapport rédigé par Madame C. à destination de l'employeur dans lequel elle indique notamment :

    « (...).

    Problème d'étiquetage :

    Le 22/02/16, j'ai demandé à V. M. de reprélever 2 bidons déjà prélevés le 17/02/16 d'Arct'alg 5012.16 (produit fragile microbiologiquement qui nécessite une vérification d'analyses).

    Le 23/02/16 (à la demande de C. Berat qui devait avoir les résultats au plus vite le 24/02/16 au matin, j'ai voulu m'assurer que les prélèvements avaient bien été réalisés. Ne pouvant joindre V. M. j'ai demandé à M. BEN M. de vérifier si sur les 2 bidons en question des étiquettes de prélèvement avait bien été apposées pour le 17/02/16 et le 22/02/16. Les 2 étiquettes n'étant pas présentes, j'ai de nouveau cherché V. M. qui était en pause. Elle m'a confirmée que les prélèvements avaient été bien faits mais qu'elle n'avait pas mis les étiquettes. Je lui a rappelé que l'étiquetage est obligatoire pour chaque prélèvement. Elle m'a répondu que de toute manière cela ne servait à rien puisqu'au - 3, elles étaient retirées... je lui ai donc rappelé les raisons de l'étiquetage (traçabilité interne des prélèvements et des futs).

    D'autre part, les prélèvements du 22/02/16 ne sont également pas notés dans la feuille de prélèvement de production de l'Arct'alg 5012.16, document annexé au dossier de lot du produit.

    (...). ».

  • une attestation établie par Madame C. dans laquelle elle reprend les termes de ce rapport, détaillant les rôles respectifs de Mesdames v. M. et L.

Le Tribunal reprend l'argumentation par lui développée concernant l'attestation de Madame C.

Le second grief reproché à Madame v. M. est dès lors parfaitement justifié.

Il est de principe que la sanction doit être proportionnée à la faute.

Ainsi, l'avertissement tenant à la non-observation des consignes et instructions de l'employeur reprochée à Madame v. M. est justifié et proportionnel aux fautes commises, tenant compte notamment de l'ancienneté importante de la salariée.

  • Sur la rupture :

En application de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, l'employeur dispose d'un droit unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci, et doit supporter les conséquences de sa décision de ne pas énoncer le motif de la rupture, en versant le montant de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968.

L'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 n'instaurant pas, au profit de l'employeur, un droit discrétionnaire et absolu, il appartient au Tribunal du travail de vérifier le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié d'une part, et les circonstances ayant entouré la résiliation, qui doivent être exemptes de tout abus d'autre part (cause illicite ou illégale, détournement des dispositions d'ordre public, intention de nuire, précipitation, brutalité, légèreté blâmable).

Toutefois, l'exercice par l'employeur de ce droit, sans que le salarié soit rempli de ses droits, est de nature à rendre la rupture fautive et à justifier l'octroi des dommages et intérêts prévus par l'article 13 de la loi n° 729, au même titre qu'une rupture revêtant une forme abusive (Cour de révision du 9 mai 2003 P c/ S. A. M. T).

Il appartient à Madame v. M. de rapporter la preuve, au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts, de l'existence de l'abus commis dans l'exercice du droit unilatéral de rupture et du préjudice qui en est résulté.

Alors en effet que la preuve de l'abus dans le droit de licencier incombe au salarié qui s'en prévaut, la détermination de l'excès commis par l'employeur dans l'exercice du droit unilatéral de résiliation que lui reconnaît la loi relève en effet du pouvoir souverain d'appréciation des juridictions saisies et peut induire un contrôle indirect du motif de rupture à l'effet de déterminer si celui-ci est fallacieux, c'est-à-dire s'il procède d'une volonté insidieuse de tromperie ou s'il présente un caractère spécieux lui ôtant sa loyauté.

À ce titre, la jurisprudence monégasque considère que le licenciement fondé sur un faux motif ou un motif fallacieux constitue un abus. Par ailleurs la jurisprudence civile relative à l'abus de droit en caractérise également l'existence en l'absence de motif légitime à exercer le droit.

Pour autant le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.

En l'espèce, Madame v. M. n'invoque aucun motif fallacieux susceptible de permettre une indemnisation d'un préjudice matériel et financier.

Elle soutient que le licenciement présenterait un caractère abusif pour les motifs suivants :

  • elle a fait l'objet de deux entretiens préalables ; la convocation à deux entretiens a été d'avantage source d'incompréhension et de stress,

  • l'employeur n'a évoqué aucun motif au cours de ces entretiens,

  • elle a été dispensée d'exécuter son préavis.

Madame v. M. a été convoquée à un entretien préalable au licenciement par courrier remis en main propre le 22 février 2017.

À l'issue de cet entretien, l'employeur a remis en main propre à la salariée une nouvelle lettre de convocation dont l'objet est le suivant : « second entretien préalable au licenciement » .

Madame v. M. a été assistée de Monsieur l. V. Délégué du Personnel Suppléant, lors de ces entretiens, lequel a rédigé deux procès-verbaux le 8 mars 2017, ainsi libellés :

« Procès-verbal de l'entretien entre Mr B. et v. M. qui a eu lieu dans l'enceinte de la société A en salle de réunion du 5ième le 02/03/17 à 15 h 15.

Objet : 1er entretien préalable à un possible licenciement selon l'article 6 de la loi 729 (disponible sur le site legimonaco. mc).

À 15 h 15, le Jeudi 02 Mars 2017, Mr B. a informé officiellement v. M. de son possible licenciement selon l'article 6 de la loi n° 729 (« Le contrat de travail à durée indéterminée peut toujours cesser par la volonté de l'une des parties ; il prend fin au terme du préavis ») en ma présence en tant que délégué suppléant de la société A et à la demande de v. M.

Mr B. a remis une nouvelle convocation à v. M. pour le Mardi 07 Mars 15 h dont l'objet est un second entretien préalable au licenciement (au moins 2 jours après cette première convocation). II m'a été adressé une copie de la lettre de convocation remise en main propre à v. M. ».

« Procès-verbal de l'entretien entre Mr B. et v. M. qui a eu lieu dans l'enceinte de la société A en salle de réunion du 5ième le 07/03/17 à 11 h.

Objet : 2ème entretien préalable à un possible licenciement selon l'article 6 de la loi n° 729 (disponible sur le site legimonaco. mc).

L'heure de l'entretien entre Mr B. et v. M. prévu à 15 h, le Mardi 07 Mars 2017, a été déplacé ce même jour à 11 h en accord entre les deux parties.

Mr B. a informé v. M. qu'elle recevrait dans les jours qui suivent cet entretien un courrier recommandé confirmant la rupture de contrat selon l'article 6 de la loi n° 729.

Mr B. a indiqué à v. M. que le courrier contenait la démarche à suivre.

Lors de cet entretien, il a été discuté du solde de tout compte et d'un possible ajustement des indemnités en fonction de la date de réception du courrier.

Mr B. a informé v. M. qu'à réception de ce courrier, il ne lui sera plus possible de venir travailler dans la société. ».

Il apparaît que le second entretien a été qualifié ainsi dans le courrier de convocation : « 2ème entretien préalable à un possible licenciement selon l'article 6 de la loi n° 729 », alors qu'en réalité, il s'agissait pour l'employeur de porter à la connaissance de la salariée la rupture de son contrat de travail et les démarches ultérieures liées au licenciement.

Tenant l'objet ainsi repris, l'employeur a pu faire naître chez la salariée de faux espoirs, le licenciement ne semblant pas acquis à la suite du premier entretien, de sorte que l'annonce de la rupture a nécessairement entrainé un nouveau traumatisme.

Il s'agit de la part de l'employeur d'une légèreté blâmable rendant le licenciement abusif.

Madame v. M. a nécessairement supporté un préjudice moral du fait de la situation générée par cette rupture exercée avec légèreté.

Les circonstances entourant ladite rupture sont dès lors abusives, justifiant l'allocation à Madame v. M. de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

En effet, il est de principe que toute demande de dommages et intérêts formée du chef d'un abus dans les conditions de mise en œuvre de la rupture, et non d'un abus dans la prise de décision, ne peut être admise qu'en ce qui concerne le préjudice moral qui résulte du contexte ayant présidé à sa mise en œuvre, et ce, à l'exclusion du préjudice matériel qui serait résulté d'un licenciement abusif dans son principe.

En l'état de l'analyse qui précède et des éléments d'appréciation produits, le préjudice moral apparaît devoir être justement évalué à la somme de 20.000 euros, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision.

  • Sur les mauvaises conditions de travail :

Madame v. M. soutient que durant des années, elle a dû subir humiliation et brimades, notamment de la part d'une de ses collègues de travail, la défenderesse n'ayant strictement jamais rien fait pour régler cette situation, bien au contraire.

Pour justifier ses allégations, Madame v. M. produit un courrier qu'elle a adressé à l'employeur le 23 avril 2010, lequel a donné lieu à une intervention de ce dernier, contrairement à ce qui est indiquée par la demanderesse.

En effet, celui-ci a organisé une réunion le 27 avril 2010, à laquelle étaient présentes Mesdames v. M. et L.

En l'absence de preuve présentée par Madame v. M. l'employeur n'a pris aucune mesure et a demandé à ce que le travail soit fait.

Madame C. a par ailleurs indiqué à cette occasion qu'il s'agissait d'un conflit personnel sans lien avec le travail.

Le Tribunal relève encore que Madame v. M. n'a pas contesté les conclusions de l'employeur. Elle n'a pas plus alerté ce dernier par la suite de quelconques brimades ou difficultés relationnelles avec sa/ses collègue(s) de travail.

L'employeur démontre en outre qu'il a accédé à plusieurs reprises à des demandes d'aménagement de son temps de travail présentées par Madame v. M.

Enfin, l'employeur a établi et transmis par mail du 4 mai 2016 à Madame v. M. un compte-rendu d'entretien du 3 mai 2016 dans lequel il indique :

« J'ai bien noté qu'il n'y avait aucun problème relationnel, d'après vous, entre vous et votre collègue du service. Et de façon générale avec aucun membre du personnel de la société »,

sans que la demanderesse n'émette la moindre remarque ou contestation sur les propos qui lui sont attribués par l'employeur.

Madame v. M. ne démontre ainsi aucune mauvaise condition de travail et sera déboutée de toute demande à ce titre.

  • Sur les dépens :

Succombant dans ses prétentions, la S. A. M. A sera condamnée aux dépens.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, en premier ressort, par jugement réputé contradictoire, et après en avoir délibéré,

Déboute Madame v. M. de sa demande d'annulation de l'avertissement du 24 février 2016 ;

Dit que le licenciement de Madame v. M. par la société anonyme monégasque A est abusif ;

Condamne la S. A. M. A à payer à Madame v. M. la somme de 20.000 euros (vingt mille euros) de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Déboute Madame v. M. du surplus de ses demandes ;

Condamne la S. A. M. A aux dépens du présent jugement ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Émile BOUCICOT, Anthony GUICHARD, membres employeurs, Madame Nathalie VIALE, Monsieur Gilles UGOLINI, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le dix-neuf décembre deux mille dix-neuf, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Émile BOUCICOT, Anthony GUICHARD, Gilles UGOLINI et Madame Nathalie VIALE, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint.

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