Tribunal du travail, 7 novembre 2019, Madame v. G. c/ La société A
Abstract🔗
Contrat de travail – Rémunération – Primes - Licenciement – Article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 – Caractère abusif (oui)
Résumé🔗
L'employeur justifie le non-paiement de la prime variable pour l'année 2016 par un comportement inacceptable de la salariée. Il s'agit en effet d'un critère qualitatif lié au comportement de la salariée, a priori pas illicite, à la condition d'être exclusivement professionnel et suffisamment précis et objectif pour que le salarié sache comment agir pour y satisfaire. Les critères comportementaux doivent être suffisamment précis pour être rattachés à l'activité professionnelle et appréciés de manière objective. Ils doivent être exclusifs de toute dimension disciplinaire. Les critères comportementaux peuvent donc être pris en compte à condition :
-de s'appliquer seulement à des catégories de salariés pour lesquels le comportement professionnel fait partie des qualités professionnelles ;
-d'être exclusivement en lien avec le travail. Ils ne doivent porter ni sur la personnalité ni sur la sphère privée du salarié ;
-d'être lisibles et suffisamment précis, afin que le salarié connaisse les qualités et défauts que l'employeur évalue et que le responsable hiérarchique ne se livre pas à une appréciation subjective.
En l'espèce, il s'évince incontestablement des témoignages produits que, dans le cadre d'un événement professionnel organisé par la S.A.R.L. A, Madame v.G. a eu un comportement déplacé, inadapté et incompatible avec la nature de ses fonctions. Le Tribunal relève que la demanderesse n'apporte aucun élément permettant de contester lesdites déclarations, se contentant de faire état de la prise d'antibiotique ayant pu justifier son comportement. À la suite de cet incident, la décision de l'employeur de ne pas faire bénéficier Madame v.G.de la prime variable prévue au contrat de travail est légitime. Madame v.G. sera dans ces circonstances déboutée de sa demande de ce chef, ainsi que sa demande de complément d'indemnité de préavis liée à l'allocation de la prime variable.
En application de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, l'employeur dispose d'un droit unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci, et doit supporter les conséquences de sa décision de ne pas énoncer le motif de la rupture, en versant le montant de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968. L'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 n'instaurant pas, au profit de l'employeur, un droit discrétionnaire et absolu, il appartient au Tribunal du travail de vérifier le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié d'une part, et les circonstances ayant entouré la résiliation, qui doivent être exemptes de tout abus d'autre part (cause illicite ou illégale, détournement des dispositions d'ordre public, intention de nuire, précipitation, brutalité, légèreté blâmable). Toutefois, l'exercice par l'employeur de ce droit, sans que le salarié soit rempli de ses droits, est de nature à rendre la rupture fautive et à justifier l'octroi des dommages et intérêts prévus par l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, au même titre qu'une rupture revêtant une forme abusive (Cour de révision du 9 mai 2003 P c/ S.A.M. T). Il appartient à Madame v.G.de rapporter la preuve, au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts, de l'existence de l'abus commis dans l'exercice du droit unilatéral de rupture et du préjudice qui en est résulté. Alors en effet que la preuve de l'abus dans le droit de licencier incombe au salarié qui s'en prévaut, la détermination de l'excès commis par l'employeur dans l'exercice du droit unilatéral de résiliation que lui reconnaît la loi relève en effet du pouvoir souverain d'appréciation des juridictions saisies et peut induire un contrôle indirect du motif de rupture à l'effet de déterminer si celui-ci est fallacieux, c'est-à-dire s'il procède d'une volonté insidieuse de tromperie ou s'il présente un caractère spécieux lui ôtant sa loyauté. À ce titre, la jurisprudence monégasque considère que le licenciement fondé sur un faux motif ou un motif fallacieux constitue un abus. Par ailleurs, la jurisprudence civile relative à l'abus de droit en caractérise également l'existence en l'absence de motif légitime à exercer le droit. Pour autant, le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.
En l'espèce, l'arrêt de travail de Madame v.G. s'achevait le 30 juillet 2016 et elle était sur son lieu de travail le 2 août 2016, date de la remise de la lettre de convocation à l'entretien préalable. La stricte obligation de l'employeur est de convoquer le salarié à l'entretien préalable. Le fait que celui-ci ne puisse se déplacer en raison d'une maladie par exemple ne rend pas le licenciement abusif. Par ailleurs, la maladie n'étant pas la cause du licenciement, la lettre de rupture envoyée pendant l'arrêt de travail de la salariée ne constitue pas plus un abus de la part de l'employeur. Il a été démontré que Madame v.G. avait été remplie de ses droits sauf en ce qui concerne le certificat de travail. Il s'agit de la part de l'employeur d'une légèreté blâmable rendant le licenciement abusif et justifiant l'indemnisation du préjudice moral subi par la salariée par l'allocation d'une somme de 1.000 euros de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Motifs🔗
TRIBUNAL DU TRAVAIL
JUGEMENT DU 7 NOVEMBRE 2019
En la cause de Madame v. G., demeurant X1 à NICE (06000) ;
Demanderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice ;
d'une part ;
Contre :
La société à responsabilité limitée dénommée A, dont le siège social se situe Allée François Blanc à MONACO ;
Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Éric AGNETTI, avocat au barreau de Nice, substitué par Maître Cécile NEGRO, avocat en ce même barreau ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la requête introductive d'instance en date du 14 décembre 2016, reçue le 16 décembre 2016 ;
Vu la procédure enregistrée sous le numéro 54-2016/2017 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 7 février 2017 ;
Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de Madame v. G. en date des 5 octobre 2017, 5 avril 2018 et 6 décembre 2018 ;
Vu les conclusions de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur au nom de la S. A. R. L. A, en date des 7 décembre 2017, 5 juillet 2018 et 7 février 2019 ;
Après avoir entendu Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice pour Madame v. G. et Maître Cécile NEGRO, avocat en ce même barreau pour la S. A. R. L. A, en leurs plaidoiries ;
Vu les pièces du dossier ;
* * * *
Madame v. G. a été embauchée par la société à responsabilité limitée A suivant contrat à durée indéterminée en date du 1er juillet 2015, en qualité de Vendeuse Horlogerie Bijouterie, avec une reprise d'ancienneté au 23 octobre 2007.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 3 août 2016, Madame v. G. a fait l'objet d'un licenciement fondé sur les dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963.
Par requête en date du 14 décembre 2016 reçue au greffe le 16 décembre 2016, Madame v. G. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :
certificat de travail conforme portant notamment la qualification « vendeuse horlogerie-bijouterie niveau III-1 » sous astreinte de 30 euros par jour de retard,
complément de salaire (commission sur ventes) : 35.000 euros,
complément de congés payés sur rappel de salaire : 3.500 euros,
complément indemnité de préavis : 3.200 euros,
congés payés y afférents : 320 euros,
dommages et intérêts pour licenciement abusif et mauvaises conditions de travail : 40.000 euros,
intérêts au taux légal,
exécution provisoire.
Aucune conciliation n'ayant pu aboutir, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.
Madame v. G. a déposé des conclusions les 5 octobre 2017, 5 avril 2018 et 6 décembre 2018 dans lesquelles elle demande au Tribunal dans le dernier état de ses écritures récapitulatives de :
« Faire injonction à la S. A. R. L. A de communiquer toute pièce utile permettant de connaître le montant de son chiffre d'affaire et de la marge pour l'année 2016,
Par conséquence :
Constater le défaut de production de ces éléments,
Dire que le demande de rappel de salaire est fondée en son principe,
Tirer toute conséquence de l'absence de production des résultats comptables,
Faire droit à la demande de rappel de salaire de Madame G. et lui allouer la somme de 35.000 euros, ainsi que les congés payés y afférents soit la somme de 3.500 euros,
Condamner la SARL A au paiement desdites sommes,
Ordonner la remise d'un certificat de travail conforme portant notamment la qualification vendeuse horlogerie-bijouterie niveau III-1, ainsi que la date de reprise d'ancienneté au 23 octobre 2007 sous astreinte de 30 euros par jour de retard,
Condamner la SARL A au paiement des sommes de :
3.200 euros au titre du complément d'indemnité de préavis,
320 euros au titre des congés payés y afférents,
40.000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif et mauvaises conditions de travail,
Dire que les sommes dues devront être réglées avec intérêts au taux légal à compter de la requête en justice pour celles dues à titre de rappel de salaire, et à compter du jugement à intervenir pour les autres,
Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
Condamner enfin la S. A. R. L. A en tous les dépens distraits au profit de maître Joëlle PASTOR BENSA, avocat défenseur, sous sa due affirmation. ».
Madame v. G. fait essentiellement valoir que :
sur les commissions :
le contrat de travail prévoit une rémunération variable,
son dernier bulletin de salaire ne fait mention d'aucune part variable,
entre les mois de juillet à décembre 2015, elle a rempli ses objectifs et a perçu un bonus de 9.000 euros,
l'employeur détient les documents permettant de calculer la somme qui lui est due. Le refus de produire les documents doit entraîner la condamnation de celui-ci,
l'employeur se justifie en invoquant un comportement inacceptable alors qu'elle a fait l'objet d'un licenciement sans motif,
sur le certificat de travail :
le contrat de travail mentionne qu'elle a été engagée en qualité de « vendeuse horlogerie bijouterie », alors que le certificat de travail ne fait état que de la qualité de vendeuse,
sur le complément d'indemnité de préavis :
le salaire de base pris en compte par l'employeur est erroné ; il a exclu diverses primes,
sur le caractère abusif de la rupture :
elle a été licenciée par courrier en date du 3 août 2016 alors qu'elle se trouvait en arrêt de travail jusqu'au 5 août 2016,
il n'y pas eu d'entretien préalable,
au cours de ses neuf années d'ancienneté, elle n'a reçu aucune sanction,
son licenciement a été conduit avec une soudaineté, une brusquerie et une légèreté fautives,
les griefs avancés par l'employeur dans ses écritures sont sans intérêt,
elle n'a pas été intégralement remplie de ses droits.
La S. A. R. L. A a déposé des conclusions les 7 décembre 2017, 5 juillet 2018 et 7 février 2019 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et soutient essentiellement que :
sur la rémunération variable :
son versement n'était pas automatique mais nécessitait de respecter des critères quantitatifs et qualitatifs (notamment concernant le comportement de la salariée),
Madame v. G. a rempli lesdites conditions pour l'année 2015,
l'attitude de Madame v. G. a été irréprochable sur l'année 2015 ; ce qui n'a pas été le cas pour l'année 2016,
l'injonction de produire les documents permettant de connaître le chiffre d'affaires de Madame v. G. est dès lors sans intérêt,
sur le certificat de travail :
la demande de rectification présentée par la salariée apparaît justifiée sauf en ce qui concerne la précision concernant le niveau III-1 puisqu'il découle de la convention collective française non applicable,
le certificat de travail a été modifié et remis à la demanderesse,
sur le complément de préavis :
Madame v. G. a intégré dans le salaire de base des sommes qui n'ont pas à être prises en compte. Elle a inclus dans l'assiette de calcul les indemnités versées dans le cadre de la rupture ainsi que la rémunération variable pour l'année 2015 versée en janvier 2016,
sur le licenciement :
Madame v. G. s'est présentée à son poste de travail le 2 août 2016 et elle lui a remis en main propre contre signature une convocation à un entretien préalable fixé le lendemain,
la salariée a fait l'objet d'un arrêt de travail du 23 au 30 juillet 2016 et n'a pu dès lors faire l'objet d'un licenciement durant son arrêt maladie,
l'arrêt de travail produit par Madame v. G. jusqu'au 5 août 2016 est illisible.
SUR CE,
Sur les commissions :
Le contrat de travail prévoit à ce titre en son article 5.2 « Partie variable » :
« PRIME SUR CHIFFRE D'AFFAIRES
En sus de la rémunération fixe, la salariée bénéficiera en janvier de chaque année de primes relatives au chiffre d'affaires hors taxe (C. A. H. T. de l'année civile précédente) sur les ventes comme suit :
prime brute globale de 0,75 % du C. A. H. T. de la boutique, qui se déclenche à partir de la réalisation de 75 % de l'objectif du C. A. annuel au minimum ;
prime brute globale de 0,75 % de la marge H. T. de la boutique, qui se déclenche à partir de la réalisation de 75 % de l'objectif de marge annuelle au minimum.
La prime définie ci-dessus est la prime globale attribuée à l'équipe de vente.
De même, l'objectif défini est un objectif global pour la boutique, et non individuel. L'objectif sera défini et remis à l'équipe de vente chaque début d'année.
Cette prime globale sera répartie entre les membres de l'équipe de vente par l'employeur après le résultat de l'évaluation annuel par le manager.
Pour l'obtention de ces primes, il est également rappelé à la salariée qu'elle aura dû :
avoir un comportement individuel irréprochable ;
avoir obtenu une réussite de 80 % minimum sur « les visite mystères » ;
et avoir respecté le merchandising, la politique de remise de 7 % maximum annuel et avoir été attentionné au stock.
De la rémunération brute seront déduites, outre les cotisations obligatoires d'assurance sociale et d'assurance chômage, la part salariale des cotisations versées par l'employeur aux régimes complémentaires de retraites sur la base du taux en vigueur chez l'employeur. ».
L'employeur justifie le non-paiement de la prime variable pour l'année 2016 par un comportement inacceptable de la salariée.
Il s'agit en effet d'un critère qualitatif lié au comportement de la salariée, a priori pas illicite, à la condition d'être exclusivement professionnel et suffisamment précis et objectif pour que le salarié sache comment agir pour y satisfaire.
Les critères comportementaux doivent être suffisamment précis pour être rattachés à l'activité professionnelle et appréciés de manière objective. Ils doivent être exclusifs de toute dimension disciplinaire.
Les critères comportementaux peuvent donc être pris en compte à condition :
- de s'appliquer seulement à des catégories de salariés pour lesquels le comportement professionnel fait partie des qualités professionnelles ;
- d'être exclusivement en lien avec le travail. Ils ne doivent porter ni sur la personnalité ni sur la sphère privée du salarié ;
- d'être lisibles et suffisamment précis, afin que le salarié connaisse les qualités et défauts que l'employeur évalue et que le responsable hiérarchique ne se livre pas à une appréciation subjective.
En l'espèce, la clause litigieuse impose à Madame v. G. d'avoir « un comportement individuel irréprochable », sans autre précision.
Eu égard aux observations développées supra, il ne peut en aucune manière s'agir du comportement de la salariée dans sa vie privée.
Ce critère comportemental ne peut concerner que l'attitude de Madame v. G. dans la sphère professionnelle.
Ce faisant, l'employeur reproche à Madame v. G. d'avoir, lors d'un évènement par lui organisé le 21 juillet 2016, choqué par son comportement : la salariée était ivre ou sous l'emprise de médicaments, a adopté un comportement aguicheur, irritant l'assemblée tant féminine que masculine.
La S. A. R. L. A produit pour en justifier les éléments suivants :
Une attestation établie par Monsieur Patrick P. ainsi libellée :
« Je soussigné Patrick P. déclare sur l'honneur avoir assisté à la soirée RM de la société A, du 21 juillet 2016 au restaurant W de Monaco et pouvoir témoigner de l'attitude de v. G.
v. G. qui travaillait pour la société A était présente dans le cadre de son activité professionnelle pour représenter la société A et RM afin de développer le relationnel client.
Après avoir abusée de nombreuses coupes de champagne, v. G. a totalement perdu le contrôle. Elle a eu un comportement non professionnel, inapproprié à ce type de soirée et indigne d'une marque de luxe tel que RM et la société A qui avaient invité une clientèle de haut de gamme.
Elle a essayé de séduire de nombreux clients (elle se collait à eux quand elle dansait et soulevait son top).
Elle est tombée sur la table en renversant les bouteilles et les verres car elle était saoule.
Elle a refusé de rendre les 2 montres RM qu'elle portait au poignée (plusieurs centaines de milliers d'euros) en disant que tout allait bien.
Cet état d'ébriété avancé, cette attitude aguicheuse et ILLISIBLE ne devait pas intervenir dans un cadre professionnel où elle représente la marque RM et la société A avec une clientèle de luxe.
De nombreux clients et clientes ont été choqués par ce comportement, ce qui a nui à l'image de RM et de la société A et entrainé des relations tendues avec ses collègues de travail et sa direction. ».
Une attestation établie par Monsieur Julien S. salarié de la S. A. R. L. A, ainsi libellée :
« J'atteste avoir noté des retards systématiques de Mme v. G.à l'ouverture de la boutique, des retards lors de notre événement annuel le plus important, à savoir le Grand Prix de Monaco, des erreurs de facturation dans nos ventes à l'export. Lors d'un événement organisé par le groupe le 21 juillet 2016, j'ai même dû personnellement récupérer deux montres qu'elle portait ce soir-là, d'une valeur de 100 000 € chacune, tant son état d'ébriété avancé ne permettait plus de lui confier ces valeurs. ».
Le Tribunal relève que les retards et erreurs de facturation ne relèvent pas d'un comportement irréprochable du salarié dans la mesure où il s'agit de faits pouvant donner lieu à des poursuites disciplinaires.
Une attestation établie par Monsieur Patrick S. ainsi libellée :
« Voici les faits dont j'ai été témoin et qui m'on choqués comme beaucoup d'autre personnes présentes à cette soirée d'ailleurs.
Etant invité par la marque prestigieuse RM pour la soirée du 21 juillet 2016, au restaurant W Monaco qui devait être à l'image de la marque : luxe, classe et décontractée.
Hors l'attitude de v. G. une employée de RM Monaco, a littéralement gâchée cette soirée.
Tout d'abord, il était évident pour tous les invités qu'elle fortement alcoolisée et que son état s'aggravait d'heures en heures. Son attitude déplacée et provocante envers les hommes présent, qui d'ailleurs étaient pour la plus part en couple, nous a tous choqué.
Beaucoup de personnes comme l'on vu se mettre debout sur les canapés et prendre des poses très provocantes.
Cela n'a pas tardé à dégénérer car v. G. a déclenché une bagarre avec une femme qui étais elle aussi exaspérée par son attitude déplacée et surtout agressive.
Les vigiles ont dû intervenir et Mr A. A. a eu beaucoup de mal à la calmer et à la sortie de l'établissement.
Cette attitude impardonnable a gâché cette belle soirée et amis tous les invités très mal à l'aise, d'ailleurs beaucoup, comme moi, ont quitté la soirée à ce moment-là.
Je pense que l'objectif glamour de la marque à l'occasion de cette soirée n'a hélas pas était atteint du au comportement « trouble fête » de cette personne. ».
Une attestation établie par Madame Vanina M. ainsi libellée :
« J'ai pu constater que lors de la soirée organisée par RM par M. A A. au restaurant W Monte Carlo le 21 juillet 2016, une attitude choquante de la part de Mme v. G. vis-à-vis de certains clients importants masculin.
Son attitude incontrolable a poussé après avertissements à l'escorter par la sécurité du restaurant W hors de l'établissement afin de lui proposer un taxi. ».
Une attestation établie par Monsieur Thomas T. ainsi libellée :
« Le 21 juillet 2016 je me suis rendu à la soirée organisée par la boutique RM au restaurant W à Monaco.
Au fur et à mesure de la soirée, l'attitude de la vendeuse de la boutique RM v. G. a commencé à retenir l'attention de la plupart des invités.
En effet, dans un état d'ébriété avancé manifeste, cette personne a commencé à se comporter de façon provocante voir agressive, et dans tous les cas d'une manière qui ne correspondait ni au standing de la soirée ni à son rôle vis-à-vis des clients présents.
J'ai quitté la soirée avant la fin mais j'ai remarqué que l'ambiance avait déjà été fortement dégradée du fait principalement de l'attitude de cette personne. ».
Il s'évince incontestablement de ces témoignages que, dans le cadre d'un événement professionnel organisé par la S. A. R. L. A, Madame v. G. a eu un comportement déplacé, inadapté et incompatible avec la nature de ses fonctions.
Le Tribunal relève que la demanderesse n'apporte aucun élément permettant de contester lesdites déclarations, se contentant de faire état de la prise d'antibiotique ayant pu justifier son comportement.
À la suite de cet incident, la décision de l'employeur de ne pas faire bénéficier Madame v. G. de la prime variable prévue au contrat de travail est légitime.
Madame v. G. sera dans ces circonstances déboutée de sa demande de ce chef, ainsi que sa demande de complément d'indemnité de préavis liée à l'allocation de la prime variable.
Sur le certificat de travail :
Les parties sont en désaccord sur le seul point concernant l'ajout suivant :
Niveau III-1
Le contrat de travail signé entre les parties prévoit que Madame v. G. a été embauchée en qualité de « Vendeuse horlogerie bijouterie ».
Il est en outre précisé que :
« Par référence à la Convention collective française, le poste de la salariée est classé Niveau III-1. »
L'employeur considère que la convention collective française n'est pas applicable et que, de ce fait, il n'a pas à faire mentionner dans le certificat de travail le Niveau III-1.
Le Tribunal relève que l'employeur s'est référé expressément à la convention collective française dans le contrat de travail.
Il a par la suite confirmé l'application de cette convention collective dans les bulletins de salaire de la salariée, de la manière suivante :
« Convention Collective : 3240 Horlogerie bijouterie (commerces de détail) » .
La S. A. R. L. A a ainsi volontairement soumis la relation de travail à la Convention Collective Française susvisée.
Il convient dès lors d'ordonner, dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, la remise d'un certificat de travail conforme portant la qualification « vendeuse horlogerie-bijouterie niveau III-1 », sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte.
Sur la rupture :
En application de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, l'employeur dispose d'un droit unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci, et doit supporter les conséquences de sa décision de ne pas énoncer le motif de la rupture, en versant le montant de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968.
L'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 n'instaurant pas, au profit de l'employeur, un droit discrétionnaire et absolu, il appartient au Tribunal du travail de vérifier le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié d'une part, et les circonstances ayant entouré la résiliation, qui doivent être exemptes de tout abus d'autre part (cause illicite ou illégale, détournement des dispositions d'ordre public, intention de nuire, précipitation, brutalité, légèreté blâmable).
Toutefois, l'exercice par l'employeur de ce droit, sans que le salarié soit rempli de ses droits, est de nature à rendre la rupture fautive et à justifier l'octroi des dommages et intérêts prévus par l'article 13 de la loi n° 729, au même titre qu'une rupture revêtant une forme abusive (Cour de révision du 9 mai 2003 P c/ S. A. M. T).
Il appartient à Madame v. G. de rapporter la preuve, au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts, de l'existence de l'abus commis dans l'exercice du droit unilatéral de rupture et du préjudice qui en est résulté.
Alors en effet que la preuve de l'abus dans le droit de licencier incombe au salarié qui s'en prévaut, la détermination de l'excès commis par l'employeur dans l'exercice du droit unilatéral de résiliation que lui reconnaît la loi relève en effet du pouvoir souverain d'appréciation des juridictions saisies et peut induire un contrôle indirect du motif de rupture à l'effet de déterminer si celui-ci est fallacieux, c'est-à-dire s'il procède d'une volonté insidieuse de tromperie ou s'il présente un caractère spécieux lui ôtant sa loyauté.
À ce titre, la jurisprudence monégasque considère que le licenciement fondé sur un faux motif ou un motif fallacieux constitue un abus. Par ailleurs, la jurisprudence civile relative à l'abus de droit en caractérise également l'existence en l'absence de motif légitime à exercer le droit.
Pour autant, le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.
En l'espèce, Madame v. G. n'invoque aucun motif fallacieux susceptible de permettre une indemnisation d'un préjudice matériel et financier.
Elle soutient que le licenciement présenterait un caractère abusif pour les motifs suivants :
elle a été licenciée alors qu'elle se trouvait en arrêt de travail,
il n'y a pas eu d'entretien préalable,
elle n'a pas été remplie de ses droits.
Les pièces du dossier montrent que :
Madame v. G. a fait l'objet d'un arrêt de travail jusqu'au 30 juillet 2016,
la salariée a produit un certificat d'arrêt de travail jusqu'au 5 août 2016, que l'employeur conteste avoir reçu,
En cas de maladie, le salarié doit en aviser son employeur dans les meilleurs délais en fournissant un certificat médical justificatif.
Ce devoir d'information doit être rempli dans un délai compris entre 24 et 72 heures (l'avenant 18 de la Convention Collective Nationale du Travail fixant ce délai à 48 heures) et ce, à l'effet de ne pas perturber davantage le fonctionnement de l'entreprise, contrainte d'organiser le remplacement de l'employé absent.
Il appartient à l'assuré de justifier autrement que par ses seules affirmations, l'accomplissement de cette formalité.
Force est de constater que Madame v. G. ne justifie pas avoir informé l'employeur de la prolongation de son arrêt de travail.
Bien plus, le dossier de la S. A. R. L. A comporte un courrier de convocation à un entretien préalable en date du 2 août 2016, remis en main propre à la salariée qui en a accusé réception par l'apposition de sa signature, dont elle ne conteste pas l'authenticité (bien qu'elle conteste avoir réceptionné ce courrier, celle-ci utilisant le conditionnel en ces termes : « La production d'une lettre qui aurait été remise en main propre à Madame G. le 2 août, ce qui est particulièrement étonnant considérant que cette dernière était absente puisqu'en maladie, n'est qu'un simulacre » ).
L'arrêt de travail de Madame v. G. s'achevait le 30 juillet 2016 et elle était sur son lieu de travail le 2 août 2016, date de la remise de la lettre de convocation à l'entretien préalable.
La stricte obligation de l'employeur est de convoquer le salarié à l'entretien préalable. Le fait que celui-ci ne puisse se déplacer en raison d'une maladie par exemple ne rend pas le licenciement abusif.
Par ailleurs, la maladie n'étant pas la cause du licenciement, la lettre de rupture envoyée pendant l'arrêt de travail de la salariée ne constitue pas plus un abus de la part de l'employeur.
Il a été démontré supra que Madame v. G. avait été remplie de ses droits sauf en ce qui concerne le certificat de travail.
Il s'agit de la part de l'employeur d'une légèreté blâmable rendant le licenciement abusif et justifiant l'indemnisation du préjudice moral subi par la salariée par l'allocation d'une somme de 1.000 euros de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Sur les dépens :
Madame v. G. succombant dans l'essentiel de ses demandes supportera les dépens à hauteur des trois-quarts, le un quart restant sera à la charge de la S. A. R. L. A.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Ordonne la délivrance par la société à responsabilité limitée A à Madame v. G. dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, d'un certificat de travail rectifié portant la qualification « vendeuse horlogerie-bijouterie niveau III-1 » ;
Dit que le licenciement de Madame v. G. par la S. A. R. L. A est abusif ;
Condamne la S. A. R. L. A à payer à Madame v. G. la somme de 1.000 euros (mille euros) à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
Déboute Madame v. G. du surplus de ses demandes ;
Dit que les dépens sont mis à la charge de Madame v. G. à hauteur des trois-quarts, le un quart restant étant à la charge de la S. A. R. L. A ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Madame Carol MILLO, Monsieur Alain HACHE, membres employeurs, Madame Anne-Marie PELAZZA, Monsieur Hubert DUPONT-SONNEVILLE, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le sept novembre deux mille dix-neuf, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Hubert DUPONT-SONNEVILLE, Alain HACHE, Madame Carol MILLO, et Madame Anne-Marie PELAZZA étant empêchée, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint.