Tribunal du travail, 7 novembre 2019, Monsieur m. A c/ La société C
Abstract🔗
Procédure civile - Conclusions - Caractère injurieux ou diffamatoire - Accusations de nature pénale - Bâtonnement (oui) - Tribunal du travail - Compétence (non) - Demande de commissions - Relation salariale (non) - Contrat de travail - Rappel de salaires - Usage (non) - Simple libéralité - Pouvoir discrétionnaire de l'employeur
Résumé🔗
Les écrits qui portent des accusations de nature pénale à l'encontre du salarié, alors que l'employeur n'a aucunement déposé plainte et ne produit aucune pièce susceptible de démontrer ses allégations, constituent des imputations injurieuses, outrageantes ou diffamatoires de nature à porter atteinte à l'honneur du demandeur et excèdent la liberté d'expression nécessaire au déroulement aux débats judiciaires. Il sera fait droit à la demande de bâtonnement les concernant.
Le demandeur ne rapporte par la preuve que Les commissions revendiquées s'inscrivent dans une relation salariale, le tribunal du travail est donc matériellement incompétent pour connaître de la demande. En effet, il ressort du dossier une activité indépendante du demandeur sans lien avec une relation salariale avec le défendeur.
Le demandeur sera débouté de sa demande au titre du rappel de salaire. L'employeur allègue d'une erreur sur les bulletins de salaires et le salarié de rapporte pas la preuve d'un usage qui justifierait un salaire horaire brut supérieur à celui figurant dans le contrat de travail. À défaut d'usage, l'avantage accordé est une simple libéralité qui relève, à chaque fois, du pouvoir discrétionnaire de l'employeur.
Motifs🔗
TRIBUNAL DU TRAVAIL
JUGEMENT DU 7 NOVEMBRE 2019
En la cause de Monsieur m. A, demeurant X1 à MONACO ;
Demandeur, bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décision n° 2 BAJ 17 du 13 octobre 2016, ayant élu domicile en l'étude de Maître Pierre-Anne NOGHÈS-du MONCEAU, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'une part ;
Contre :
La société en commandite simple dénommée C, exerçant sous l'enseigne « D », dont le siège social se situe X2 à MONACO ;
Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Delphine FRAHI, avocat au barreau de Nice, substituée par Maître Ludiwine AUBERT-PÉRIGNON, avocat en ce même barreau ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la requête introductive d'instance en date du 28 avril 2016, reçue le 29 avril 2016 ;
Vu la procédure enregistrée sous le numéro 87-2015/2016 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 31 mai 2016 ;
Vu les conclusions de Maître Pierre-Anne NOGHÈS-du MONCEAU, avocat-défenseur au nom de Monsieur m. A en date des 6 avril 2017, 11 janvier 2018, 4 octobre 2018 et 14 mars 2019 ;
Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de la S. C. S. C, en date des 2 novembre 2017, 17 mai 2018 et 7 février 2019 ;
Après avoir entendu Maître Pierre-Anne NOGHÈS-du MONCEAU, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco pour Monsieur m. A et Maître Ludiwine AUBERT-PÉRIGNON, avocat au barreau de Nice pour la S. C. S. C, en leurs plaidoiries ;
Vu les pièces du dossier ;
* * * *
Monsieur m. A (ci-après Monsieur m. A a été embauché par la société D en qualité de Chauffeur Extra suivant autorisation d'embauchage en date des 19 avril 2010, 3 octobre 2011 et 9 mai 2012, moyennant un salaire brut de dix euros de l'heure et les congés payés (10 %).
Le contrat de travail ne sera pas renouvelé en 2012.
Estimant que des commissions lui étaient dues pour les missions réalisées avec ses propres clients, par requête en date du 28 avril 2016 reçue au greffe le 29 avril 2016, Monsieur m. A a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes, à l'encontre de la société D :
rappel de salaire (dont heures non-payés, repos, jours fériés, repos, heures de nuit, etc...) : 18.500 euros,
congés payés : 1.800 euros,
commissions : 12.000 euros,
dommages et intérêts pour non-paiement des salaires et commissions (préjudices moral et pécuniaire) : 6.000 euros,
intérêts de droit,
exécution provisoire.
Aucune conciliation n'ayant pu aboutir, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.
Monsieur m. A a déposé des conclusions les 6 avril 2017, 11 janvier 2018, 4 octobre 2018 et 14 mars 2019 dans lesquelles il demande au Tribunal dans le dernier état de ses écritures récapitulatives, de :
«- déclarer la demande de Monsieur m. A recevable et fondée,
- débouter la société D de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
In limine litis
- constater qu'il a existé une relation de travail entre Monsieur m. A et la société D, et en conséquence :
* se déclarer compétent pour juger du présent litige,
* rejeter la pièce adverse n° 18 des débats,
* constater la validité de la présente procédure,
Sur le fond :
- condamner la société D au paiement de la somme de 855,15 euros au titre du rappel de salaire allant de la période de juillet 2012 à novembre 2012, outre intérêts au taux légal à compter du 29 avril 2016, date de la convocation en conciliation, jusqu'à parfait paiement,
- condamner la société D au paiement de la somme de 20.880 euros au titre des commissions dues pour l'année 2011, outre intérêts au taux légal à compter du 29 avril 2016, date de la convocation en conciliation, jusqu'à parfait paiement,
- condamner la société D au paiement de la somme de 1.620 euros au titre des commissions dues pour l'année 2012, outre intérêts au taux légal à compter du 29 avril 2016, date de la convocation en conciliation, jusqu'à parfait paiement,
- condamner la Société D au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et jusqu'à parfait paiement,
- constater que la société D tient des propos diffamatoires et vexatoires contre Monsieur m. A dans ses dernières écritures judiciaires,
- ordonner le batonnement des termes suivants employés par l'adversaire dans ses écritures du 2 novembre 2017 et du 17 mai 2018 :
(...)
- condamner la société D à payer à Monsieur m. A la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts concernant les propos diffamatoires susvisés, outre les intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et jusqu'à parfait paiement,
- dire pour droit qu'en application de l'article 1009 du Code civil, les intérêts précités seront capitalisés,
- dire la décision exécutoire sur minute nonobstant opposition, cautionnement ou appel,
- condamner la société D à tous frais et dépens, lesquels comprendront notamment les frais et accessoires, frais d'huissiers, d'expertises et de traduction éventuels dont distraction au profit de Maître Pierre-Anne NOGHÈS-du MONCEAU, avocat-défenseur, sous sa due affirmation. ».
Monsieur m. A fait essentiellement valoir que :
sur la compétence du Tribunal du travail :
l'employeur soulève l'incompétence de la présente juridiction au motif que le litige opposant les parties ne reposerait pas sur un contrat de travail,
à défaut de document écrit, la demande d'embauchage peut être considérée comme l'expression de la volonté des parties,
l'absence de contrat écrit ne permet pas d'affirmer l'absence d'une relation de travail,
il a bénéficié d'un permis de travail,
les critères liés à une relation de travail existent en l'espèce. Il a effectué une prestation de travail en contrepartie d'une rémunération et sous un lien de subordination,
la société D lui donnait les missions, les horaires à faire, les indications concernant les courses, le lieu où le véhicule de la société était stationné, etc...,
ce contrat de travail ne supposait pas une relation d'exclusivité,
lorsque la société D n'a pas de véhicule à disposition, le chauffeur passe par une société concurrente pour assurer la course et ainsi subvenir à ses besoins,
les chauffeurs ont plusieurs contrats de travail avec plusieurs sociétés,
le fait d'avoir sa propre clientèle n'enlève rien au caractère salarial de la relation avec la société D,
sur la recevabilité de la procédure :
la défenderesse fait preuve depuis le début du litige d'une mauvaise foi patente. Elle crée volontairement une confusion entre sa dénomination (S. C. S. C) et son enseigne (D),
la société est présente aux débats en tant que la société D et a conclu en utilisant cette dénomination,
Monsieur Vincenzo B. est intervenu à l'audience de conciliation en qualité de Gérant de la S. A. M. D, régularisant ainsi la procédure,
de plus, aucune nullité ne saurait être prononcée puisqu'aucun grief n'a été porté à la société D qui comparaît,
sur le rappel de salaire :
les parties s'étaient mises d'accord sur un salaire horaire brut de 10 euros,
or, l'employeur l'a augmenté pour les années 2009 et 2010 en appliquant un salaire horaire brut de 13,69 euros, pour le réduire à la somme de 11,40 euros en 2012,
l'employeur argue d'une erreur pour les années 2009 et 2010, sans le prouver,
il n'a pas pris conscience de cette modification immédiatement,
sur les commissions :
la société D octroie régulièrement des commissions pour les clients apportés par ses salariés,
il était ainsi prévu une commission variable en fonction du type de course,
l'employeur a décidé de manière unilatérale de pratiquer un taux fixe de 20 % sur les commissions versées entre 2011 et 2012,
l'employeur lui a remis la somme en espèces de 17.850 euros au titre de ses commissions, les 28 octobre 2011, 13 décembre 2012 et février 2013, ce qui est bien en deçà de la somme contractuellement prévue.
Monsieur m. A a indiqué à l'audience qu'il renonçait à sa demande de nullité de la pièce n° 18 produite par la défenderesse, suite à sa régularisation en pièce n° 19.
la société D a déposé des conclusions les 2 novembre 2017, 17 mai 2018 et 7 février 2019 dans lesquelles elle demande au Tribunal, dans le dernier état de ses écritures récapitulatives, de :
«* À titre principal
- dire et juger que la relation de travail n'est pas une relation de travail salariée,
et,
- prononcer l'incompétence du Tribunal du travail pour statuer sur le présent litige,
* À titre subsidiaire :
- dire et juger qu'il n'y a jamais eu de versements de commissions par la société D,
- débouter Monsieur m. A de l'ensemble de ses demandes,
- dire et juger que la procédure entreprise par Monsieur m. A revêt un caractère abusif,
et,
- condamner Monsieur m. A à verser à la la société D la somme de 5.000 euros au titre de dommages et intérêts,
- assortir l'ensemble des condamnations de l'intérêt au taux légal à compter de la saisine du Tribunal du travail,
* En tout état de cause :
- prononcer l'exécution provisoire du jugement à intervenir,
- condamner Monsieur m. A aux entiers frais et dépens, distraits au profit de Maitre Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation de droit. ».
la société D soutient essentiellement que :
elle embauche des salariés en extra, ce qui implique qu'ils n'ont aucune obligation en termes de temps de travail,
leur durée de travail dépend du nombre de courses qu'ils acceptent d'assurer,
contrairement à ce qui est indiqué par le demandeur, lorsqu'elle n'a plus de véhicule à disposition, il n'appartient pas au chauffeur de solliciter une société concurrente ; c'est l'entreprise qui s'en charge,
sur l'incompétence du Tribunal du travail :
Monsieur m. A se considérait en réalité comme une société de location de véhicule de grande remise qui lui sous-traitait des courses pour ses clients,
la relation entre les parties ne laisse apparaître aucun lien de subordination,
l'autorisation d'embauchage ne suffit pas à établir l'existence d'un contrat de travail,
la réalité de l'exécution de l'activité témoigne de l'exercice d'une activité commerciale autonome,
elle n'avait aucun regard sur le travail de Monsieur m. A qui se gardait de rendre des comptes,
le demandeur faisait avant tout les courses pour son propre compte avant de faire les siennes,
elle avait le plus grand mal à obtenir de Monsieur m. A des informations sur l'exécution de son travail,
elle était contrainte de s'en remettre aux dires et à la bonne foi de Monsieur m. A pour dresser chaque mois le nombre d'heures consacrées aux missions de l'entreprise et le rémunérer en conséquence,
le demandeur effectuait des missions qu'il prenait directement de son portable personnel,
la course opérée avec un de ses véhicules était facturée par Monsieur m. A qui lui reversait la retenue, comme s'il lui sous-traitait ses propres courses,
la preuve de l'auto-rémunération que s'octroyait Monsieur m. A à son détriment ressort de ses propres écritures,
l'ensemble des prétentions du demandeur repose sur un accord dont ce dernier n'apporte nullement la preuve,
Monsieur m. A a développé un réseau de sous-traitants en toute illégalité et a détourné le matériel de l'entreprise pour son usage strictement personnel,
quelle que soit la qualification retenue des sommes réclamées par le demandeur, elles ne pourraient être revendiquées que dans le cadre d'une relation strictement commerciale,
subsidiairement :
sur les rappels de salaire :
la rémunération de Monsieur m. A pour les années 2009 et 2010 reposait sur une erreur découverte en 2011, date à laquelle cette erreur a été rectifiée,
la relation de travail de 2012 n'est nullement la continuité de l'embauche initiée en 2009. Il s'agit d'un nouveau contrat de sorte que Monsieur m. A ne saurait se prévaloir d'une modification de ses conditions de rémunération,
à compter de 2012, elle a rétabli le taux horaire initial qui s'appliquait à l'ensemble du personnel,
une erreur n'est pas créatrice de droit,
sur les commissions :
le demandeur ne démontre pas l'accord qui aurait existé sur ce point et qu'elle conteste fermement,
aucune commission n'est versée à ses chauffeurs,
le tableau qu'il produit et qu'elle a établi vise des commissions qui sont versées aux entreprises confrères qui ont fait appel à ses services ; il ne s'agit pas de commissions destinées à Monsieur m. A
ce dernier pratiquait une surfacturation des prix normalement pratiqués avec un encaissement personnel de la marge, qu'il appelle « commissions »,
le demandeur n'a pas travaillé en 2011 dans la mesure où il était en arrêt maladie et il réclame néanmoins des commissions,
il ne démontre pas que les personnes qu'il nomme dans ses écritures sont véritablement ses clients,
sur le préjudice de Monsieur m. A :
il ne produit aucun document permettant de démontrer une perte de clientèle ou un préjudice réputationnel,
sur la demande de batonnement :
les paragraphes visés par Monsieur m. A ne contiennent aucun propos diffamatoires,
le demandeur tente ainsi d'éviter toute explication sur ses méthodes décrites dans les passages litigieux,
ces derniers relatent la réalité contractuelle, laquelle est démontrée par les courriels échangés entre Monsieur m. A et Monsieur Vincenzo B.
À l'audience, le conseil de la défenderesse a indiqué que par l'intervention de Monsieur Vincenzo B. Gérant de la S. C. S. C, à l'audience de conciliation, il a acté l'intervention volontaire de la société.
SUR CE,
Il convient de relever que la procédure est régularisée par l'intervention volontaire de la S. C. S. C, la société D n'étant qu'une enseigne dépourvue de personnalité morale.
Sur la demande de batonnement :
Aux termes de l'article 34 de la loi n° 1.299 du 15 juillet 2005, la suppression de discours injurieux, outrageants ou diffamatoires relatifs aux faits de la cause qui sont contenus dans les écrits produits par les parties peut être prononcée par le Juge statuant sur le fond de l'affaire.
Aux termes de l'article 23 alinéa 2 de la loi n° 1.047 du 28 juillet 1982 sur l'exercice des professions d'avocat-défenseur et d'avocat, la juridiction saisie de la cause peut ordonner la suppression des écrits injurieux ou diffamatoires.
En l'espèce, Monsieur m. A sollicite le batonnement des mots et expressions litigieuses suivantes :
Page 3 des conclusions du 2 novembre 2017 :
« Il faisait les courses, pratiquait des tarifs discrétionnaires et encaissait l'argent sans en informer la société D.
D'autre fois, il surfacturait les courses de la société D et conservait la différence.
Parfois, si la course était facturée 120 euros par la société D, Monsieur m. A réclamait 15 euros à ses clients personnels et conservait 30 euros : dans ce cas il volait son client.
Dans d'autres cas, il s'octroyait le tarif pratiqué d'usage entre les sociétés de V. T. C. (90 euros) et encaissait la différence facturée au client : dans ce cas il détournait de l'argent au détriment de son employeur.
(...)
C'est ainsi que les Clients Fidèles D. R. et AL S. faute de pouvoir joindre Monsieur m. A sur son portable, vont contacter directement la société D qui va découvrir les pratiques malhonnêtes de son ancien salarié.
La société D va alors tenter de chiffrer le montant détourné par Monsieur m. A ».
Les paragraphes 3, 4 et 6 portent des accusations de nature pénale à l'encontre de Monsieur m. A ce dernier étant accusé de vol et de détournement alors que l'employeur n'a aucunement déposé plainte et ne produit aucune pièce susceptible de démontrer ses allégations.
Ces écrits constituent dès lors des imputations injurieuses, outrageantes ou diffamatoires de nature à porter atteinte à l'honneur du demandeur et excèdent la liberté d'expression nécessaire au déroulement aux débats judiciaires ;
Page 6 des conclusions du 2 novembre 2017 :
« Autrement dit, avec les véhicules de la Société D et sous couvert d'un contrat de travail, Monsieur m. A développait un vrai réseau parallèle de chauffeurs, non déclarés et en toute illégalité. ».
Les termes utilisés au sein de ce passage ne constituent pas une allégation véritablement injurieuse ou offensante, mais constituent seulement une interprétation de l'employeur des pièces et écritures du demandeur, lequel fait état de « sous-traitance » et de « clients personnels ».
Ces expressions n'excèdent pas les termes de la critique acceptable dans un débat judiciaire et ne revêtent dès lors pas un caractère injurieux ou diffamatoire.
Page 7 des conclusions du 2 novembre 2017 :
« Force est de constater que la réalité des faits dissimule une situation tout à fait illégale dont la société D a été la principale victime. ».
Le Tribunal reprend la même argumentation que ci-dessus.
Page 9 des conclusions du 2 novembre 2017 :
« Pour cause, il utilisait les véhicules de la société D pour effectuer clandestinement des missions qu'il prenait directement de son portable personnel sans en avertir son employeur ( ...).
II n'échappera pas au Tribunal de céans que Monsieur m. A n'avait pas le droit de procéder d'une telle manière, dans la mesure où il ne détenait aucune autorisation d'exercer cette activité à titre indépendant, il n'était pas immatriculé au registre de commerce et ne pouvait émettre de facture pour son propre compte. ».
Le Tribunal reprend la même argumentation que celle développée pour les passages concernant la page 6 des conclusions du 2 novembre 2017.
Il en sera de même concernant le passage figurant à la page 10 des conclusions du 2 novembre 2017.
Page 11 des conclusions du 2 novembre 2017 :
« Cette escroquerie ne résulte en rien d'un quelconque accord contractuel comme le concluant le prétend. ».
Ce passage porte une accusation de nature pénale à l'encontre de Monsieur m. A ce dernier étant accusé d'escroquerie alors que l'employeur n'a aucunement déposé plainte et ne produit aucune pièce susceptible de démontrer son allégation.
Ces écrits constituent dès lors des imputations injurieuses, outrageantes ou diffamatoires de nature à porter atteinte à l'honneur du demandeur et excèdent la liberté d'expression nécessaire au déroulement aux débats judiciaires.
Concernant les passages figurant aux pages 12, 13, 14 et 15 des conclusions du 2 novembre 2017, le Tribunal reprend la même argumentation que celle développée pour les passages concernant la page 6 des mêmes conclusions.
Page 17 des conclusions du 2 novembre 2017 :
« Il appert des explications de Monsieur m. A que ce qu'il appelle commission est en réalité du vol. ».
Ce passage porte une accusation de nature pénale à l'encontre de Monsieur m. A ce dernier étant accusé de vol alors que l'employeur n'a aucunement déposé plainte et ne produit aucune pièce susceptible de démontrer son allégation.
Ces écrits constituent dès lors des imputations injurieuses, outrageantes ou diffamatoires de nature à porter atteinte à l'honneur du demandeur et excèdent la liberté d'expression nécessaire au déroulement aux débats judiciaires.
Il en sera de même pour le passage suivant contenu en page 20 des conclusions du 2 novembre 2017 :
« Il résulte de ce mode de fonctionnement, que l'excédent perçu par Monsieur m. A n'est nullement des commissions, à savoir une rémunération de l'emp1oyeur dont le montant est déterminé proportionnellement à un chiffre d'affaires ou à un bénéfice, mais simplement du vol. ».
La suite des passages contenus en page 20, puis ceux contenus en pages 21, 25 et 26 (1er paragraphe) ne doivent pas faire l'objet d'un bâtonnement pour les motifs exposés supra (page 6 des conclusions du 2 novembre 2017).
Le passage suivant porte une accusation de nature pénale à l'encontre de Monsieur m. A page 26, (5ème paragraphe des conclusions du 2 novembre 2017) :
« Aujourd'hui, la société D doit faire face aux demandes de Monsieur m. A qui s'apparentent à une tentative d'extorsion de fonds, le tout devant un Tribunal ! ».
Et constitue dès lors des imputations injurieuses, outrageantes ou diffamatoires de nature à porter atteinte à l'honneur du demandeur et excède la liberté d'expression nécessaire au déroulement aux débats judiciaires.
Il en sera de même concernant le dernier paragraphe de la page 26 des conclusions du 2 novembre 2017 :
« Or, la société D qui a rempli Monsieur m. A de tous ses droits, ne peut être légitimement condamnée à verser des sommes indues à son ancien salarié qui l'a lui-même escroquée. ».
Le surplus des passages visés dans les écritures de Monsieur m. A et contenus en pages 26 et 27 des conclusions de l'employeur du 2 novembre 2017 ne constituant pas une allégation véritablement injurieuse ou offensante et n'excédant pas les termes de la critique acceptable dans un débat judiciaire.
Monsieur m. A ne saurait obtenir une quelconque somme à titre de dommages et intérêts concernant les propos ayant fait l'objet d'un batonnement.
En effet, il ne rapporte la preuve d'aucun abus, ni intention de nuire ou malveillance de la défenderesse qui a interprété les pièces en sa possession avec des termes inappropriés.
En outre, le demandeur ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'il invoque.
Sur la compétence du Tribunal du travail :
L'article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946 donne compétence exclusive au Tribunal du travail pour connaître des différends individuels nés à l'occasion d'un contrat de travail.
En l'espèce, la défenderesse soulève l'incompétence de la présente juridiction pour statuer sur la demande de commissions présentée par Monsieur m. A
L'article 1er de la loi n° 739 du même jour définit le salaire comme la rémunération contractuellement due au travailleur placé sous l'autorité d'un employeur, en contrepartie du travail ou des services qu'il a accomplis au profit de ce dernier.
Il appartient au Tribunal d'analyser les pièces du dossier, sans méconnaître la volonté des parties, et d'en révéler la véritable nature juridique pour pouvoir, in fine, retenir ou pas, la compétence du Tribunal du travail.
À cet égard, l'autorisation d'embauchage ou le permis de travail, qui ne sont que des documents administratifs, ne constituent nullement un contrat de travail mais un simple élément de preuve de ses conditions essentielles, lequel peut, le cas échéant, être contredit par d'autres éléments concordants de preuve ; lesdits documents ne mentionnant aucunement le versement au salarié de commissions.
Pour le démontrer, Monsieur m. A produit les éléments suivants :
un tableau des factures 2010 à l'entête de la société D sur lequel apparaît une partie des commissions que le salarié considère comme siennes.
L'employeur explique que ces commissions constituent des rétrocessions destinées aux entreprises confrères qui, lorsqu'elles ne sont pas en capacité d'effectuer une mission pour un client, ont fait appel à ses services.
Ce faisant, le Tribunal relève que la société D ne confirme aucunement son allégation et ne produit aucun élément sur les sommes figurant sur ce tableau et qui auraient été rétrocédées à des confrères indépendants. Il lui était en effet loisible de produire tout document à ce titre.
Bien plus, le tableau produit, confirmé par celui figurant au dossier de la société D pour l'année 2009, comporte un nom de contact (celui du demandeur) et un nom de chauffeur qui n'est pas obligatoirement le contact, aucune explication n'étant donnée sur ce point par les parties.
Cependant, il appartient à Monsieur m. A de démontrer que les commissions qu'il revendique sont liées à une activité salariale.
Sur ce point, force est de constater que le demandeur est défaillant dans l'administration de la preuve.
En effet, il apparaît à la lecture des pièces qu'il produit et de celles figurant au dossier de la société D que :
Monsieur m. A ne démontre aucun usage quant à une rémunération des salariés par des commissions sur leurs propres clients,
il soutient qu'il a fait bénéficier la société D de ses clients, mais sans prouver qu'il s'agissait bien de clients personnels,
il invoque un taux de commissionnement de 20 % mais sans apporter le moindre élément permettant de le confirmer,
la société D démontre régler des commissions à des entreprises indépendantes pour des interventions réalisées pour le compte de ces dernières,
Monsieur m. A pratiquait des tarifs différents de ceux appliqués par la société D (tarifs 2009, 2010 et 2011 produits en pièces nos 7 et 10 par la défenderesse).
Bien plus, certains échanges de courriels entre Messieurs m. A et v B. confirment l'intervention du premier avec ses « propres clients » :
Courriel du 28 janvier 2013 adressé par Monsieur m. A à Monsieur e B., dans lequel il est notamment écrit :
« (...).
Après ce que et comment je facture a mes clients les courses ca me regarde, et je comprends pas pourquoi t'a changé ta façon de calculer les tarifs que tu me facture.
a mes clients alors que rien n'a changé depuis fin 2010.
C'est pas parce qu'un client paye plus chère que tu dois me facturer plus chère.
(...). ».
Le terme de facture implique nécessairement une activité indépendante de la part de Monsieur m. A sans lien avec une relation salariale sous la subordination juridique de la société D.
Courriel du 31 janvier 2013 adressé par Monsieur m. A à Monsieur Enzo B., dans lequel il est notamment écrit :
« Ciao Enzo,
Mon calcul est fait en tenant bien compte des frais, TVA, ss traitance, amex ou autres choses. Les repas étant donnée que c'est payé par le client je vois pas pourquoi tu en parles.
(...).
Après comment j'ai fait en 2009 et 2010, a chaque fois, je vous ai tel en premier pour vous demander un devis, et quand j'ai qlqun qui me propose une voiture en dispo a 500 euro par jours pour 12 heures. J'ai jamais eu ces prix avec vous.
Ce que je fais avec des collègues en sous traittance je vois pas pourquoi tu m'en parles ca me concerne, c'est comme si moi je te dis que tu payes tes chauffeurs de tel façons. Ce que tu fais avec les autres ne me regarde pas, donc je vois pas pourquoi tu me parles de ce que je fais avec les autres.
(...). ».
Là encore, les termes employés par Monsieur m. A correspondent à une activité indépendante de sa part, avec demande de devis à la société D pour certaines prestations.
Ces constatations sont confirmées par Monsieur Davis D. Responsable Coordination chez la société D, dans son attestation, en pièce n° 19 produite par la défenderesse :
« J'atteste que Monsieur m. A n'a jamais remis l'argent des encaissements donné par les clients en espèce au coordinateur. Il utilisait les véhicules de la société D sans rendre compte des horaires de retour au garage. Comme tous les chauffeurs avaient les clefs du bureau et accès aux véhicules et à tout le matériel, Monsieur m. A me donnait des instructions sur les missions à effectuer et il s'occupait de la facturation comme bon lui semblait en ignorant les directives de Monsieur B. ».
Il résulte des explications développées supra que les commissions revendiquées par Monsieur m. A ne s'inscrivent pas dans une relation salariale, de sorte que la présente juridiction est matériellement incompétente pour connaître de la demande ainsi présentée.
Sur le rappel de salaire :
Il est constant et admis par les parties que Monsieur m. A a été embauché avec un salaire horaire brut de dix euros, outre les congés payés à hauteur de 10 %.
Monsieur m. A sollicite une somme de 855,15 euros pour la période de juillet à novembre 2012, sur la base de 13,69 euros de l'heure.
Les bulletins de salaire de Monsieur m. A pour 2009 et 2010 font apparaître un taux horaire de 13,69 euros en brut, pour passer à compter de 2011 à 11,40 euros, l'employeur arguant d'une erreur.
Monsieur m. A ne peut invoquer une modification substantielle de son contrat de travail dans la mesure où l'accord des parties portait sur un salaire horaire de dix euros.
Le demandeur ne peut pas plus invoquer un usage, étant défaillant dans l'administration de la preuve de la généralité, de la constance et de la fixité de la pratique invoquée ; alors que l'employeur produit les bulletins de paie de salariés sur lesquels figurent un taux horaire de dix euros.
Si les trois conditions ci-dessus mentionnées ne sont pas remplies, l'avantage accordé est une simple libéralité qui relève, à chaque fois, du pouvoir discrétionnaire de l'employeur.
Par ailleurs, lorsque ce dernier attribue un avantage par erreur, cette erreur même répétée n'est pas créatrice de droits.
Enfin, le 2 avril 2012, les parties ont signé une demande de renouvellement de contrat de travail ou de modification de contrat de travail, prévoyant une fin de contrat le 30 novembre 2012 et un salaire brut de dix euros de l'heure.
Ce document ne constitue nullement un contrat de travail mais un simple élément de preuve de ses conditions essentielles, lequel peut, le cas échéant, être contredit par d'autres éléments concordants de preuve, non rapportés par le demandeur.
Monsieur m. A sera dans ces circonstances débouté de ce chef de demande et de celle en dommages et intérêts pour non-paiement du salaire.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :
L'action en justice constitue l'exercice d'un droit et l'appréciation erronée qu'une partie fait de ses droits n'est pas, en soi, constitutive d'un abus, sauf démonstration, non rapportée au cas d'espèce, d'une intention de nuire, d'une malveillance ou d'une erreur équipollente au dol .
En outre, la défenderesse ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'elle invoque.
La défenderesse sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les dépens :
Succombant dans ses prétentions, Monsieur m. A sera condamné aux dépens.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Se déclare incompétent pour connaître de la demande en paiement de commissions présentée par Monsieur m. A à l'encontre de la société en commandite simple C ;
Ordonne la suppression des conclusions de la S. C. S. C des passages suivants :
Page 3 des conclusions du 2 novembre 2017 :
« Parfois, si la course était facturée 120 par la société D, Monsieur m. A réclamait 15 euros à ses clients personnels et conservait 30 euros : dans ce cas il volait son client.
D'en autres cas, il s'octroyait le tarif pratiqué d'usage entre les sociétés de V. T. C. (90 euros) et encaissait la différence facturée au client : dans ce cas il détournait de l'argent au détriment de son employeur.
La société D va alors tenter de chiffrer le montant détourné par Monsieur m. A ».
Page 11 des conclusions du 2 novembre 2017 :
« Cette escroquerie ne résulte en rien d'un quelconque accord contractuel comme le concluant le prétend. ».
Page 17 des conclusions du 2 novembre 2017 :
« Il appert des explications de Monsieur m. A que ce qu'il appelle commission est en réalité du vol. ».
Page 20 des conclusions du 2 novembre 2017 :
« Il résulte de ce mode de fonctionnement, que l'excédent perçu par Monsieur m. A n'est nullement des commissions, à savoir une rémunération de l'emp1oyeur dont le montant est déterminé proportionnellement à un chiffre d'affaires ou à un bénéfice, mais simplement du vol. ».
Page 26, 5ème paragraphe des conclusions du 2 novembre 2017 :
« Aujourd'hui, la société D doit faire face aux demandes de Monsieur m. A qui s'apparentent à une tentative d'extorsion de fonds, le tout devant un Tribunal ! ».
Dernier paragraphe de la page 26 des conclusions du 2 novembre 2017 :
« Or, la société D qui a rempli Monsieur m. A de tous ses droits, ne peut être légitimement condamnée à verser des sommes indues à son ancien salarié qui l'a lui-même escroquée. ».
Déboute Monsieur m. A de sa demande de dommages et intérêts concernant les propos ayant fait l'objet d'un batonnement ;
Déboute Monsieur m. A de ses demandes de rappel de salaire et de dommages et intérêts subséquents ;
Déboute la S. C. S. C de sa demande reconventionnelle ;
Condamne Monsieur m. A aux dépens du présent jugement ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Madame Carol MILLO, Monsieur Alain HACHE, membres employeurs, Madame Anne-Marie PELAZZA, Monsieur Hubert DUPONT-SONNEVILLE, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le sept novembre deux mille dix-neuf, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Hubert DUPONT-SONNEVILLE, Alain HACHE, Madame Carol MILLO, et Madame Anne-Marie PELAZZA étant empêchée, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint.