Tribunal du travail, 7 novembre 2019, Monsieur b. B. c/ La société C
Abstract🔗
Contrat de travail - Clause abusive - Nullité (oui) - Avantage disproportionné en faveur de l'employeur - Déduction du salaire fixe des commissions dues
Résumé🔗
Les clauses du contrat de travail ne doivent pas faire assumer par le salarié le financement de son salaire fixe, par une déduction de ce dernier du montant des commissions dues ; ce qui est le cas en l'espèce. En effet, l'employeur s'affranchit du paiement du salaire fixe puisqu'il le déduit systématiquement du montant des commissions devant être versées à ses salariés, constituant ainsi un avantage indu et disproportionné en faveur de l'employeur devant entraîner la nullité de la clause et le remboursement par l'employeur des sommes indûment déduites. Comme le salaire de base, le montant des primes et commissions est un montant brut, duquel sont soustraites les cotisations salariales et patronales. Le remboursement ne pourrait dès lors porter que sur les salaires fixes. Dans la mesure où le salarié sollicite le remboursement des seules charges patronales, il sera débouté de sa demande.
Motifs🔗
TRIBUNAL DU TRAVAIL
JUGEMENT DU 7 NOVEMBRE 2019
En la cause de Monsieur b. B., demeurant X1 à NICE (06200) ;
Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Charles LECUYER, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'une part ;
Contre :
La société anonyme monégasque dénommée C, dont le siège social se situe « X », X2 à MONACO représentée par Monsieur a. GA., ès-qualités de Syndic, demeurant X3 à MONACO, désigné par Jugement du Tribunal de première instance en date du 15 janvier 2015 ;
Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu les jugements du Tribunal de première instance en date des 15 janvier 2015 et 12 mars 2015 ;
Vu la requête introductive d'instance en date du 27 avril 2015, reçue le 30 avril 2015 ;
Vu la procédure enregistrée sous le numéro 111-2014/2015 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 15 juin 2015 ;
Vu les conclusions de Maître Charles LECUYER, avocat-défenseur au nom de Monsieur b. B. en date des 4 novembre 2015 déposées le 18 novembre 2015, 4 octobre 2018 et 14 mars 2019 ;
Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de Monsieur b. B. en date du 19 janvier 2018 déposées le 23 janvier 2018 ;
Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur aux noms de la S. A. M. C représentée par Monsieur a. GA., ès- qualités de syndic, en date des 4 février 2016, 17 mai 2018 et 6 décembre 2018 ;
Vu les pièces du dossier ;
* * * *
Monsieur b. B. a été embauché par la société anonyme monégasque C (ci-après S. A. M. C) par contrat à durée indéterminée en date du 9 décembre 2011, avec prise d'effet au 19 décembre 2011, en qualité de Conseiller Clientèle-Responsable du Courtage.
Par jugement en date du 15 janvier 2015, le Tribunal de première instance a prononcé la cessation de paiement de la S. A. M. C et a désigné Monsieur a. GA. en qualité de syndic.
Ce dernier a notifié à Monsieur b. B. son licenciement par courrier en date du 22 janvier 2015, la S. A. M. C n'étant pas en mesure de poursuivre son activité.
Monsieur b. B. a produit sa créance au passif de la société par courrier en date du 9 mars 2015, pour un montant de 930.882,09 euros.
Par courrier en date du 19 mars 2015, Monsieur a. GA. a adressé au salarié un chèque de la somme de 5.750,46 euros, le surplus de la créance déclarée étant rejeté.
Par requête en date du 27 avril 2015, reçue au greffe 30 avril 2015, Monsieur b. B. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :
« I. Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail.
Sur la détermination de la rémunération de Monsieur B. déduction injustement faite des charges salariales et patronales
Monsieur B. est créancier de la somme de 199.475,09 euros.
Sur le non-paiement de la commission due au titre du 4ème trimestre de l'année 2014.
Monsieur B. est créancier de la somme de 88.920 euros.
Sur le non-paiement du mois de janvier 2015.
(...).
Monsieur B. est créancier de la somme de 22.464 euros.
II. Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail.
Monsieur b. B. sollicite que la société S. A. M. C soit condamnée à lui verser les sommes suivantes :
À titre d'indemnité de congédiement.
La somme de 18.543 euros en vertu de l'article 37 de la Convention collective des établissements financiers.
À titre d'indemnité de préavis.
La somme de 92.715,00 € correspondant à trois mois de préavis.
À titre d'indemnité de congés payés.
La somme de (30.905/22) x 6,24 = 8.765,00 euros.
À titre de dommages et intérêts.
La somme de 500.000 euros.
intérêts au taux légal,
dépens. ».
Aucune conciliation n'étant intervenue, l'affaire a été renvoyée devant le Bureau de jugement.
Monsieur b. B. a déposé des conclusions les 18 novembre 2015, 23 janvier 2018, 4 octobre 2018 et 14 mars 2019 dans lesquelles il maintient ses demandes financières en sollicitant la fixation desdites sommes.
Il porte sa prétention au titre du remboursement des charges salariales et patronales injustement déduites par l'employeur à 197.513 euros.
Monsieur b. B. fait essentiellement valoir que :
le calcul des sommes réclamées doit prendre en compte, en sus de la part fixe de rémunération, la part variable relative aux commissions versées,
sur les douze mois précédant son licenciement, il a perçu la somme annuelle brute de 370.450 euros, soit une rémunération mensuelle très largement supérieure à celle ayant servi de base de calcul pour l'établissement de son reçu pour solde de tout compte,
sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail :
* sur la détermination de sa rémunération, déduction injustement faite des charges salariales et patronales.
L'employeur a déduit de la part variable les charges salariales afférentes au salaire fixe alors qu'elles l'ont déjà été pour la détermination de ce dernier.
L'employeur a déduit de la part variable les charges patronales qu'il a supportées alors que le contrat de travail ne le prévoit pas et en violation de l'article 7 de la loi n° 739 sur les salaires.
Pour calculer la commission trimestrielle qu'il devait percevoir, l'employeur se remboursait à la fois le salaire versé et les charges sociales payées pour la période concernée.
* sur le non-paiement de la commission due au titre du 4 ème trimestre de l'année 2014 .
Il produit un projet de bulletin de salaire pour le dernier mois travaillé faisant apparaître une somme de 97.564,80 euros, dont 82.503,10 euros de commissions, alors qu'il a reçu celle de 5.750,46 euros à titre de solde de tout compte.
Sa demande est également justifiée par un tableau qui lui été communiqué par Madame C. Office Manager.
* sur le non-paiement du mois de janvier 2015 .
L'employeur n'a pris en compte que la part fixe.
Il en est de même concernant les indemnités de préavis, de congés payés et de congédiement.
sur le caractère vexatoire et abusif du licenciement :
l'employeur n'a pas soumis le projet de licenciement aux délégués du personnel pour information et consultation,
il a subi un préjudice considérable.
La S. A. M. C représentée par Monsieur a. GA. ès-qualités de syndic a déposé des conclusions les 4 février 2016, 17 mai 2018 et 6 décembre 2018 dans lesquelles elle demande au Tribunal de :
débouter Monsieur b. B. de ses demandes relatives à l'exécution du contrat de travail,
sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail :
fixer la créance de Monsieur b. B. au titre du paiement de son indemnité de congédiement à la somme nette de 15.673,38 euros,
fixer la créance de Monsieur b. B. au titre de son indemnité compensatrice de congés payés à la somme brute de 4.002,06 euros,
dire et juger que la société C, représentée par son syndic, n'a commis aucun abus dans la procédure de licenciement,
dire et juger que Monsieur b. B. ne démontre l'existence d'aucun préjudice,
en conséquence,
débouter Monsieur b. B. de sa demande de dommages et intérêts.
Elle soutient essentiellement que :
sur la détermination de la rémunération de Monsieur b. B. :
le contrat de travail détermine le mode de calcul de la rémunération variable,
elle a toujours respecté les conditions ainsi prévues,
la formule de calcul a été convenue d'un commun accord et n'a jamais été contestée par Monsieur b. B.
l'article 7 de la loi n° 739 invoqué par Monsieur b. B. ne s'applique pas dans la mesure où il concerne les retenues opérées par l'employeur sur le salaire, des sommes qui lui seraient dues ; ce qui n'est pas le cas en l'espèce,
sur la commission du 4 ème trimestre 2014 :
Monsieur b. B. ne produit aucun élément. Le tableau n'est pas probant et contesté.
La somme figurant sur le projet de bulletin de salaire ne correspond pas à celle figurant sur ledit tableau,
sur le salaire du mois de janvier 2015 :
il appartient à Monsieur b. B. de produire les éléments démontrant sa prétention, à savoir la clientèle qu'il a apportée pendant la période considérée et gérée par ses soins,
sur les indemnités de rupture :
Monsieur b. B. ne justifie pas du calcul par lui opéré,
sur le caractère abusif du licenciement :
l'entreprise ne comportait pas de délégués du personnel de sorte que l'obligation de communication n'était pas due,
les salariés ont été informés des difficultés de l'entreprise,
Monsieur b. B. ne peut se prévaloir d'aucun préjudice à ce titre.
SUR CE,
Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail :
La rémunération de Monsieur b. B. .
Le contrat de travail liant les parties prévoit en son article 5 « Rémunération et horaires » :
« (...) À titre de rémunération le salarié percevra une rémunération brute annuelle fixe égale à VINGT MILLE (20.000) Euros, versé en 12 mensualités égales le dernier jour travaillé de chaque mois.
À cette rémunération annuelle fixe, s'ajoute une partie variable qui sera calculée de la façon suivante :
- La base de calcul de la part variable sera constituée par les 50% des revenus nets générés par la clientèle que le salarié aura apportée à la société, et gérée par ses soins. De cette base (à savoir les 50% des revenus nets générés par la clientèle) sera déduite une somme équivalente à la partie fixe susvisée, et aux charges afférentes à la fois au salaire fixe et également à la partie variable (charges sociales, frais de voyage, de déplacement, de séjour, de repas ...).
- En cas de clientèle apportée par un tiers (apporteur d'affaire), le salarié obtiendra une rémunération variable complémentaire calculée sur la même base que celle visée au point ci-dessus, déduction faite du pourcentage versé à l'apporteur d'affaire.
La partie variable de la rémunération du salarié lui sera versée trimestriellement. ».
Aux termes des dispositions de l'article 989 du Code civil :
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
(...).
Elles doivent être exécutées de bonne foi. ».
Monsieur b. B. soutient que ladite clause contrevient aux dispositions de l'article 7 de la loi n° 739 du 16 mars 1963, ce qui sous-entend qu'elle serait abusive.
Ne peuvent être qualifiées d'abusives, les clauses contractuelles qui n'entraînent pas un déséquilibre manifeste des droits et obligations entre les parties, étant compatibles avec la loi et l'usage, étant valables comme résultant de la liberté des contractants et ne portant pas atteinte à une obligation essentielle (T. P. I. 14 novembre 2013, consorts d'A c/ AN).
La libre fixation des salaires implique, d'une part, la liberté de la négociation collective et, d'autre part, la liberté contractuelle.
Cependant, ces clauses ne doivent pas faire assumer par le salarié le financement de son salaire fixe, par une déduction de ce dernier du montant des commissions dues ; ce qui est le cas en l'espèce.
En effet, la S. A. M. C s'affranchit du paiement du salaire fixe puisqu'elle le déduit systématiquement du montant des commissions devant être versées à ses salariés, constituant ainsi un avantage indu et disproportionné en faveur de l'employeur devant entraîner la nullité de la clause reprise supra et le remboursement par l'employeur des sommes indûment déduites.
Comme le salaire de base, le montant des primes et commissions est un montant brut, duquel sont soustraites les cotisations salariales et patronales.
Le remboursement ne pourrait dès lors porter que sur les salaires fixes.
Cependant, dans la mesure où Monsieur b. B. sollicite le remboursement des seules charges patronales, il sera débouté de sa demande.
Sur la commission du 4 ème trimestre de 2014 :
Monsieur b. B. s'estime créancier de la somme de 88.920 euros.
En vertu de l'article 1162 du Code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de l'obligation.
Pour justifier sa demande, le demandeur produit les éléments suivants :
Un tableau faisant apparaître, notamment, la somme nette de 85.134,20 euros à titre de « Rétro T4/2014 ».
Ce document n'est pas daté, ne comporte pas le cachet ou l'entête de la société de sorte qu'il ne saurait être retenu comme un élément déterminant.
Un projet de bulletin de salaire pour le mois de janvier 2015 faisant apparaître la somme brute de 82.503,10 euros au titre des commissions.
Le Tribunal constate dans un premier temps que ce montant ne correspond en aucune façon à celui figurant sur le tableau produit par Monsieur b. B.
Ensuite, le document est un simple projet, une simulation qui ne saurait engager l'employeur.
En effet, le dossier de Monsieur b. B. comporte un échange de courriels en pièce n° 25, avec Madame C. aux termes duquel des documents ont été sollicités par le premier et envoyé par la seconde ; cette dernière écrivant le 2 février 2015 à 16 h 10 :
« Bonjour b.
Voici ta situation pour le T4 2014 ;
Nous avions demandé au cabinet comptable une simulation pour 85.134 euros.
Bien à toi. ».
Il s'agit ainsi d'une simple simulation que Monsieur b. B. considère, à tort, comme un engagement ferme de l'employeur de lui régler la somme y figurant.
Bien plus, le Tribunal ne peut en aucune manière contrôler la nature des pièces jointes aux différents mèls échangés. Il appartenait ainsi à Monsieur b. B. de produire les originaux des courriels litigieux et un exemplaire des pièces jointes authentifiées par huissier de justice.
Enfin, Monsieur b. B. ne donne aucune précision sur la clientèle apportée ayant pu justifier les commissions par lui réclamées, se contentant de réclamer la somme figurant sur les documents visés ci-dessus.
Monsieur b. B. sera dans ces circonstances débouté de sa demande de commissions pour le 4ème trimestre 2014.
Sur le mois de janvier 2015 :
Monsieur b. B. sollicite la somme de 22.464 euros à ce titre.
Il appartient là encore au demandeur de rapporter la preuve de ce que des sommes lui sont dues pour le mois de janvier 2015.
Force est de constater que Monsieur b. B. est défaillant dans l'administration de la preuve. Il se contente de calculer le salaire annuel auquel il aurait pu prétendre et le rapporte aux seize jours travaillés du mois de janvier 2015, ce qui ne peut être retenu par le Tribunal.
Il appartient en effet à Monsieur b. B. de donner au Tribunal tous éléments permettant de justifier la clientèle qu'il a apportée à la société C pendant la période considérée et gérée par ses soins.
Il soutient qu'il ne dispose pas des documents lui permettant d'en justifier.
Cependant, il ne donne aucune liste de clients qu'il aurait démarchés et apportés à l'employeur, ce qui aurait pu constituer un commencement de preuve justifiant une injonction du Tribunal faite à l'employeur de communiquer les documents correspondants.
Monsieur b. B. sera dans ces circonstances débouté de sa demande au titre du mois de janvier 2015.
Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail :
L'indemnité de congédiement :
Aux termes de l'article 1er de la loi n° 845 du 27 juin 1968, « Tout salarié, lié par un contrat de travail à durée indéterminée et qui est licencié alors qu'il compte deux ans d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de congédiement dont le montant minimum ne pourra être inférieur à celui des indemnités de même nature versés aux salariés dans les mêmes professions, commerces et industries de la région économique voisine... » .
Cette disposition légale monégasque renvoie au montant minimum légal de la région économique voisine (Cour de révision, 26 mars 1998, société E. c/ I), qui est la France, si bien que l'indemnité légale de congédiement monégasque doit correspondre à son équivalent français, l'indemnité légale de licenciement (articles L.1234-9, R. 1234-2, R.1234-4 du Code du travail français).
Les taux applicables après deux ans d'ancienneté sont :
- 1/5ème de mois par année d'ancienneté,
- et 2/15èmes de mois par année au-delà de 10 années.
L'avenant n° 18 étendu de la Convention Collective Nationale du Travail prévoit en son article 6 l'assiette à retenir en ces termes :
« Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité est le 1/12ème de la rémunération des douze derniers mois précédant le congédiement ou, selon la formule la plus avantageuse pour l'intéressé, le tiers des trois derniers mois comme s'il avait travaillé normalement, étant entendu que, dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, qui aurait été versée au salarié pendant cette période ne serait prise en compte que prorata temporis. ».
Ces dispositions sont seules applicables, la Convention Collective Monégasque du Travail du Personnel des Banques ne concernant que les établissements bancaires à l'exclusion des établissements financiers.
Monsieur b. B. vise encore l'article 37 de la Convention Collective des Établissements Financiers alors qu'aucun document contractuel ne prévoit l'application de ladite convention, au demeurant non produite aux débats.
Les trois derniers mois travaillés avant la rupture à prendre en considération sont les suivants : octobre, novembre et décembre 2014.
Ainsi, la moyenne de ces trois derniers mois permet de retenir un salaire de référence de 10.775,35 euros alors qu'il s'élève à la somme de 23.635,06 euros sur la période de douze mois précédent le licenciement.
Soit une moyenne de 23.635,06 euros, somme constituant le salaire de référence pour le calcul de l'indemnité de congédiement.
Monsieur b. B. bénéficiait d'une ancienneté de 3 ans et 4 mois.
L'indemnité de congédiement s'élève ainsi à la somme de 15.756,70 euros, qui se décompose comme suit :
- 23.635,06 euros x 1/5 x (3 + 4/12).
Avec la précision qu'il faut tenir compte des mois entiers.
L'indemnité compensatrice de préavis :
Lorsque le salarié a été dispensé de l'exécution de son préavis, le montant de l'indemnité lui revenant doit être calculé sur la base des salaires et avantages bruts auxquels il aurait pu prétendre s'il avait travaillé pendant cette période.
Monsieur b. B. sollicite la somme de 92.715 euros sans expliquer ni détailler le calcul lui ayant permis d'aboutir à ce montant.
Les bulletins de salaire démontrent que Monsieur b. B. a perçu une somme à ce titre.
Ce faisant, il ne pourra qu'être débouté de ce chef de demande.
L'indemnité de congés payés :
La période de référence s'étend du 1er mai au 30 avril de l'année suivante.
Il convient ainsi de retenir les périodes suivantes :
du 1er mai 2013 au 30 avril 2014,
du 1er mai 2014 au 29 avril 2015 (date expiration préavis).
Ce faisant, le calcul opéré par Monsieur b. B. est erroné puisqu'il tient compte de l'année civile et non desdites périodes de référence.
En reprenant les bulletins de salaire produits, la somme de 4.402,66 euros telle que figurant dans les conclusions de la S. A. M. C sera retenue.
Monsieur b. B. ayant perçu un montant de 400,60 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés, il lui reste dû un reliquat à hauteur de 4.002,06 euros brut, et ce, sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
Sur le caractère abusif du licenciement :
Constitue un licenciement abusif l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister notamment dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ; qu'il appartient au salarié qui se prévaut du caractère abusif de la rupture d'en rapporter la preuve.
Il appartient à celui qui réclame des dommages et intérêts, de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné.
En application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts.
Monsieur b. B. argumente sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive sur le non-respect par l'employeur des dispositions de l'avenant n° 12 du 20 mars 1970 à la Convention Collective Nationale du Travail sur la Sécurité de l'Emploi.
Il est constant que la rupture du contrat de travail de la salariée s'inscrit dans le cadre d'un licenciement économique collectif.
Il n'est pas contestable que la société défenderesse était tenue de respecter les dispositions de l'avenant n° 12 du 20 mars 1970 à la Convention Collective Nationale du Travail sur la Sécurité de l'Emploi, rendu obligatoire par l'arrêté d'extension du 28 juillet 1970, pour tous les employeurs des entreprises industrielles et commerciales appartenant aux secteurs professionnels compris dans son champ d'application, et en particulier ses articles 11 et suivants, lesquels imposent à l'employeur :
Article 11 :
« Lorsqu'une entreprise est amenée à envisager un licenciement Collectif d'ordre économique, elle doit :
- s'efforcer de réduire autant qu'il est possible le nombre des licenciements,
- utiliser les possibilités offertes à cet égard par une politique de mutations internes, soit à l'intérieur de l'établissement concerné, soit d'un établissement à un autre établissement de l'entreprise,
- mettre à l'étude les suggestions présentées par les délégués du personnel en vue de réduire le nombre des licenciements.
Dans la mesure où des solutions satisfaisantes ne pourraient intervenir au plan de l'entreprise, ou en l'absence de délégués du personnel, la Commission Paritaire de l'Emploi sera saisie dans le cadre de ses attributions précisées à l'article 3. ».
Article 17 :
« Les entreprises doivent rechercher les possibilités de reclassement susceptibles de convenir aux salariés dont le licenciement aura dû être décidé ainsi que les moyens de formation et de reconversion qui pourraient être utilisés par eux. Elles les feront connaître aux délégués du personnel intéressés. ».
L'entreprise, occupant moins de dix salariés, ne disposait pas de délégués du personnel.
Or, l'information et la consultation sur le projet de licenciement collectif ne concerne que les délégués du personnel et eux seuls par application de l'avenant n° 12 à la Convention Collective Nationale du Travail.
L'employeur devait dans ces circonstances informer les salariés de l'entreprise.
La défenderesse justifie avoir respecté cette obligation ainsi qu'il résulte d'un courriel adressé par Madame C. à Monsieur a. GA. le 5 janvier 2015 :
« Bonsoir Monsieur GA.,
Je me permets de vous communiquer ci-dessous la décision des salariés quant à la procédure de licenciement.
Pour l'ensemble du personnel la procédure la plus appropriée est le licenciement collectif.
Je n'ai malheureusement pas pu joindre Mle F. (accident du travail). Je pense qu'elle pourra m'en dire un peu plus sur sa situation dans les prochains jours.
Bien à vous ».
Ce courriel faisait suite à celui reçu par Madame C. le même jour de Madame m D.:
« Chère m,
Suite aux entretiens individuels de ce jour avec M. GA., les membres de l'équipe et moi-même nous sommes concertés quant à la préférence de chacun au sujet du mode de licenciement.
Il en ressort qu'une procédure collective de licenciement est plus favorable à la grande majorité d'entre nous et souhaitons donc, dans la mesure du possible, que cette option soit favorisée.
Bien cordialement. ».
Les salariés étaient donc parfaitement informés de la procédure de licenciement en cours et ils ont même fait valoir leur position sur la forme de licenciement qu'ils estimaient la plus favorable pour eux.
Aucune faute ne peut être reprochée à l'employeur à ce titre, de sorte que Monsieur b. B. sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les intérêts :
Les intérêts ne peuvent pas être réclamés en l'état des dispositions de l'article 453 du Code de commerce.
Sur l'exécution provisoire :
Il n'est pas justifié pour le surplus des conditions nécessaires au prononcé de l'exécution provisoire autre que l'exécution provisoire de droit prévue par les dispositions de l'article 60 de la loi n° 446 du 16 mai 1946.
Sur les dépens :
Chacune des parties succombant partiellement en ses demandes, chacune d'elle conservera à sa charge ses propres dépens.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Fixe à la somme de 15.756,70 euros (quinze mille sept cent cinquante-six euros et soixante-dix centimes) la somme due par la société anonyme monégasque C à Monsieur b. B. au titre de l'indemnité de congédiement ;
Fixe à la somme brute de 4.002,06 euros (quatre mille deux euros et six centimes) la somme due par la S. A. M. C à Monsieur b. B. à titre de complément d'indemnité compensatrice de congés payés, et ce, sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;
Déboute Monsieur b. B. du surplus de ses demandes ;
Dit que chacune des parties conservera à sa charge ses propres dépens et qu'ils seront employés en frais privilégiés de liquidation des biens en ce qui concerne la partie défenderesse ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Madame Carol MILLO, Monsieur Alain HACHE, membres employeurs, Madame Anne-Marie PELAZZA, Monsieur Hubert DUPONT-SONNEVILLE, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le sept novembre deux mille dix-neuf, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Hubert DUPONT-SONNEVILLE, Alain HACHE, Madame Carol MILLO, et Madame Anne-Marie PELAZZA étant empêchée, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint.