Tribunal du travail, 26 septembre 2019, Monsieur s. S. c/ La société A

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Abstract🔗

Contrat de travail - Droit à commission - Charge de la preuve incombant au salarié - Preuve rapportée de  versement de commission - Preuve de l'assiette et du taux - Documents sur les ventes visées en possession de l'employeur - Loyauté des débats - Principe du procès équitable - Réouverture des débats - Injonction à l'employeur de produire les justificatifs

Résumé🔗

Aucun commissionnement n'étant prévu dans la demande d'autorisation d'embauchage, il appartient au salarié de démontrer son droit à ce titre. Les pièces produites par le salarié démontrent que des sommes lui ont été versées à titre de commissions. Il lui appartient cependant de démontrer l'assiette et le taux de la commission. Dès lors que les parties doivent concourir de manière loyale à la manifestation de la vérité, dans le cadre du procès équitable, le Tribunal estime nécessaire, dans ces conditions, d'ordonner la réouverture des débats afin que l'employeur, seul en possession des éléments de preuve, produise tous justificatifs sur les ventes invoquées par le salarié à l'appui de ses demandes de commission.


Motifs🔗

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 26 SEPTEMBRE 2019

  • En la cause de Monsieur s. S., demeurant X1- 37062 - Verona (Italie) ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Fabrice GARCIN, avocat au barreau de Nice, substitué par Maître Linda BEGRICHE, avocat en ce même barreau ;

d'une part ;

Contre :

  • La société anonyme monégasque dénommée A, dont le siège social se situe X2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant primitivement élu domicile en l'étude de Maître Déborah LORENZI-MARTARELLO, puis en l'étude de Maître Patrice LORENZI, avocats-défenseurs près la Cour d'appel de Monaco, puis en celle de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur près la même Cour, et plaidant par Maître Delphine FRAHI, avocat au barreau de Nice, substituée par Maître Ludiwine AUBERT-PERIGNON, avocat en ce même barreau ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 9 juin 2016, reçue le 10 juin 2016 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 10-2016/2017 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 5 juillet 2016 ;

Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de Monsieur s. S. en date des 3 novembre 2016, 5 octobre 2017, 17 mai 2018 et 7 février 2019 ;

Vu les conclusions de Maître Déborah LORENZI-MARTARELLO, avocat-défenseur au nom de la S. A. M. A, en date du 4 mai 2017 ;

Vu les conclusions de Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur au nom de la S. A. M. A, en date du 7 décembre 2017 ;

Vu les conclusions de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur au nom de la S. A. M. A, en date du 4 octobre 2018 ;

Après avoir entendu Maître Linda BEGRICHE, avocat au barreau de Nice pour Monsieur s. S. et Maître Ludiwine AUBERT-PERIGNON, avocat au barreau de Nice pour la S. A. M. A, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

Monsieur s. S. a été embauché par la société anonyme monégasque A le 23 août 2012 en qualité de Responsable des Ventes, avec un salaire fixe brut de 2.281,80 euros.

Dans le courant de l'année 2015, un différend est intervenu avec l'employeur concernant le paiement de commissions que Monsieur s. S. estimait dues.

Le 8 février 2016, Monsieur s. S. a notifié à l'employeur sa démission sans préavis, en annexant un récapitulatif des commissions dues.

Par requête en date du 9 juin 2016 déposée au greffe le 10 juin 2016, Monsieur s. S. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

  • voir ordonner la requalification de la démission forcée en licenciement abusif,

  • voir dire et juger que son licenciement revêt un caractère abusif,

  • en conséquence,

  • voir condamner l'employeur à lui payer :

    • indemnité de licenciement : 5.063,28 euros,

    • indemnité compensatrice de congés payés : 3.158,49 euros,

    • indemnité compensatrice de préavis : 4.977,02 euros,

  • commissions contractuellement dues par l'employeur :

    • vente Challenger 800 sn 20133 : 15.000 US$ équivalent en euros au 26.12.2012 : 11.348,16 euros,

    • vente Global 6000 sn 9470 : 75.000 US$ équivalent en euros au 30.04.2015 : 66.874,72 euros,

    • vente Global XRS - 9283 : 54.900 US$ équivalent en euros au 14.10.2015 : 48.115,69 euros,

    • vente Global 6000 sn 9625 : 50.000 US$ équivalent en euros au 16.06.2015 : 44.583,15 euros,

    • soit au total au titre des commissions non payées : 170.921,72 euros,

  • dommages et intérêts en réparation du caractère manifestement injustifié et vexatoire de la rupture de la relation de travail intervenue à raison du comportement fautif de l'employeur et des préjudices indubitables subis : 250.000 euros,

  • les intérêts au taux légal sur l'ensemble des condamnations à compter de la date de la présente citation,

  • les entiers frais et dépens,

  • exécution provisoire de la décision à intervenir dans les limites de la loi.

À l'audience de conciliation, l'employeur a formé une demande reconventionnelle à hauteur d'un million d'euros à titre de dommages et intérêts.

Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le bureau de jugement.

Monsieur s. S. a déposé des conclusions les 3 novembre 2016, 5 octobre 2017, 17 mai 2018 et 7 février 2019 dans lesquelles il fait essentiellement valoir que :

sur les commissions :

  • il a perçu des sommes tous les mois en juillet et septembre 2015, puis trois mois sur quatre entre novembre 2015 et février 2016, non pas à titre de bonus discrétionnaire mais correspondant à un complément de rémunération lié à des transactions spécifiques,

  • les pièces produites démontrent que des discussions ont eu lieu entre les parties concernant le versement d'une rémunération complémentaire,

  • le droit à commissions ne fait pas débat puisqu'il était déjà effectif en pratique et fixé à 5 %,

  • les parties font expressément référence à des commissions dans leurs échanges,

  • les 5 % de commissions trouvent leur parfaite expression dans les paiements opérés, avec le plus souvent la mention par l'employeur de la transaction,

  • le montant indiqué selon l'employeur comme relevant de la part fixe de sa rémunération (2.281,80 euros bruts mensuels) ne correspond pas à ce qui lui a été réellement versé tous les mois,

  • l'argumentation a évolué au fil des conclusions déposées,

sur l'indemnité compensatrice de congés payés :

  • il ressort du décompte établi par l'employeur lui-même qu'au jour de son départ, il avait acquis un droit à congés payés de trente-trois jours,

sur le caractère abusif du licenciement :

  • les violations manifestes, grossières et répétées des obligations contractuelles s'imposant à l'employeur justifient à elles seules la résiliation du contrat de travail,

  • il en est de même de l'attitude particulièrement agressive adoptée à son encontre par Monsieur v. Z. des brimades dont il a fait l'objet, et de manière générale du climat de terreur en vigueur au sein de la société,

  • de fait, la cohabitation n'était plus tolérable et l'état de stress du salarié au-delà du supportable,

  • l'attitude fautive de l'employeur ne l'obligeait en aucune manière à respecter un préavis,

  • il a été purement et simplement considéré comme indésirable, sans que l'employeur n'ait cru bon assumer sa volonté de se séparer de lui,

  • l'employeur a procédé à une information complète de l'ensemble de ses clients, contacts professionnels, fournisseurs de son départ et ce, en arguant d'un licenciement pour faute,

  • tous les accès aux bases de données utilisées par la société lui ont été immédiatement coupés, rendant impossible toute faculté d'exercer ses missions,

  • lorsqu'il tentât d'obtenir des réponses sur le déroulement du préavis, il lui fut fait grief de se montrer trop pressant,

  • l'employeur a brandi la menace d'un dépôt de plainte pour vol de matériel dès lors qu'il a fait le choix de revendiquer ses droits,

  • l'employeur n'a eu de cesse d'adopter un comportement inacceptable ayant pour but de lui nuire,

Sur la demande reconventionnelle de l'employeur :

  • le remboursement de l'indemnité compensatrice de congés payés :

C'est le comportement fautif de l'employeur qui l'a conduit à démissionner, de sorte qu'il doit bénéficier des garanties légales en matière de préavis,

la désorganisation de la société :

  • Monsieur v. Z. avait pleinement conscience de sa démission. Même s'il avait dû effectuer son préavis, il aurait continué à travailler de chez lui en Italie, soit à l'étranger suivant les rendez-vous. Sa non présence effective n'a donc pu participer à une désorganisation des services.

  • Sur le plan pratique, tout exercice du préavis était radicalement impossible.

son attitude déloyale :

  • Les faits reprochés interviennent en juin 2016 soit bien après son départ de la société. Il n'était en outre tenu par aucune clause de non concurrence.

  • Dès qu'il fut informé de l'exclusivité dont bénéficiait son ancien employeur sur cette transaction, il en a tiré toutes les conséquences.

son voyage à Tucson :

  • La réservation a été effectuée par la société. Il a été décidé de prendre un billet aller/retour sans effectuer le retour afin de faire réaliser des économies à la société ; un bille allez simple étant plus onéreux.

  • Les actes de concurrence déloyale après son départ :

  • L'employeur tente de démontrer ces accusations par la production de documents qu'il a lui-même établis.

  • Monsieur s. S. sollicite également de voir rejeter des débats l'attestation produite par la défenderesse en pièce n° 49 qui ne reprend pas les dispositions de l'article 103 du Code pénal.

  • La S. A. M. A a déposé des conclusions les 4 mai et 7 décembre 2017, 4 octobre 2018 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et sollicite la condamnation de Monsieur s. S. à lui payer la somme de 1.000.000 euros de dommages et intérêts pour l'ensemble des préjudices subis du fait des agissements de Monsieur s. S.(violation de ses obligations d'exclusivité, de loyauté et de fidélité).

Elle soutient essentiellement à l'appui de ses prétentions que :

sur les commissions :

  • le contrat de travail de Monsieur s. S. n'a jamais prévu de commissions,

  • à aucun moment et quelles que soient les pièces versées par Monsieur s. S. une commission de 5 % n'est indiquée,

Monsieur s. S. n'a jamais perçu de commissions mais des bonus,

  • le demandeur se prévaut d'un projet d'accord qu'il avait lui-même soumis à la direction, mais qui n'a jamais été ratifié par les parties,

  • Madame a. B. Comptable, avait recours au terme « commissions » de manière indifférente pour désigner les suppléments de rémunération. L'utilisation du mot « commission » est courante en anglais pour désigner des bonus, primes ou supplément de rémunération, sans pour autant que cette terminologie n'épouse la qualification juridique française liée aux commissions,

  • il n'a jamais été question de commissions en tant que pourcentage d'une vente,

  • en revanche, Monsieur s. S. percevait des bonus dont le montant était très aléatoire,

  • pour les salariés, la vente d'un aéronef ne conditionne pas le paiement de leur salaire mais elle influe sur l'octroi au non d'un bonus, lequel récompense le travail fourni,

  • s'agissant de bonus discrétionnaire, elle était libre d'en fixer le montant et la fréquence,

  • les bulletins de salaire de Monsieur s. S. font clairement mention de « bonus » et non de « commissions sur vente »,

sur l'indemnité de congés payés :

Monsieur s. S. a démissionné sans préavis,

  • par courrier du 15 février 2016, il demande à pouvoir imputer ses congés sur son préavis, ce qu'elle a accepté,

  • en conséquence, le bulletin de salaire du mois de mars 2016 fait apparaître le paiement de l'indemnité compensatrice de congés payés d'un montant de 3.158,49 euros, correspondant à un droit à congés payés de 33 jours,

sur la démission :

  • la démission de Monsieur s. S. est tout à fait personnelle et discrétionnaire,

  • déjà en 2014, Monsieur s. S. réclamait des prétendues commissions mais elles ne lui ont jamais été versées car elles n'étaient pas dues,

  • un courriel du 3 août 2014 fait état de ses réclamations et de son intention de quitter la société,

  • pour autant, il resta à son poste, conscient de ses demandes illégitimes surtout satisfait des bonus qu'il percevait,

  • Monsieur s. S. ne rapporte pas la preuve de ses allégations quant aux faits ayant justifié sa démission,

  • elle démontre qu'elle a toujours entretenu de bonnes relations avec Monsieur s. S.

  • à l'inverse, Monsieur s. S. a toujours eu une attitude insistante, incorrecte et abusive à l'encontre de son ancien employeur et surtout à l'égard de Madame a. B.

  • le demandeur avait d'ailleurs fait l'objet d'une lettre de mise en garde le 2 septembre 2015 suite à des plaintes de collègues de travail,

  • à plusieurs reprises, il avait déjà fait part d'une intention de démissionner,

  • la démission du demandeur en date du 8 février 2016 est l'expression d'une volonté non équivoque et parfaitement réfléchie. Les termes de sa démission sont parfaitement explicites et ne souffrent d'aucune discussion,

sur ses demandes reconventionnelles :

  • l'indemnité compensatrice de préavis :

    • Un salarié qui démissionne sans être dispensé de l'exécution de son préavis doit l'indemnité compensatrice à son employeur.

  • le manquement du salarié à ses obligations de loyauté, fidélité, et discrétion et la mauvaise foi de Monsieur s. S. à son égard :

    • Monsieur s. S. avait un comportement général agressif et impulsif. Il a même été exclu de l'hôtel Hilton d'Olbia en raison de son comportement et de son attitude intolérable vis-à-vis du personnel et de ses exigences.

    • Il a fait l'objet d'une mise en garde dans la mesure où il avait caché à son employeur qu'il n'avait plus de permis de conduire, de sorte qu'il effectuait tous ses déplacements en taxi, en en répercutant le coût à la société.

    • Le départ brutal du demandeur de la société et son refus d'exécuter son préavis malgré la demande expresse de l'employeur dénotent une véritable intention de nuire.

    • Il a démarché ses clients, ce qui constitue une atteinte à son obligation de loyauté.

le voyage à Tucson :

  • Le 9 mars 2016, Monsieur s. S. a réservé un billet d'avion pour Tucson, postérieurement à sa démission. Ce comportement visait à lui nuire.

  • La S. A. M. A demande également de voir écartée des débats la pièce n° 35 produite par Monsieur s. S. dans la mesure où elle ne respecte pas les dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile : elle n'est pas manuscrite et aucune pièce d'identité n'est annexée.

SUR CE,

  • Sur le droit à commissions de Monsieur s. S. :

Monsieur s. S. a été embauché dans les conditions suivantes (en l'absence de contrat de travail écrit, il y a lieu de se reporter sur la demande d'autorisation d'embauchage en date du 31 août 2012) :

« Nature de l'emploi : responsable des ventes

Horaire : 169 H mensuel

Date d'entrée : 23/8/2012

Période d'essai : 3 mois

Coefficient : 215

Salaire brut : 2.281,80 euros. ».

Aucun commissionnement n'est ainsi prévu à l'embauche.

À cet égard, la demande d'autorisation d'embauchage, qui n'est qu'un document administratif, ne constitue nullement un contrat de travail mais un simple élément de preuve de ses conditions essentielles, lequel peut, le cas échéant, être contredit par d'autres éléments de preuve.

Il appartient dès lors à Monsieur s. S. de démontrer son droit à ce titre, et ce, en application des dispositions de l'article 1162 du Code civil, aux termes desquelles :

« Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. ».

Il appartient dans ces circonstances à Monsieur s. S. de prouver dans un premier temps son droit à commission, et ensuite l'assiette et le taux de cette dernière.

Pour ce faire, Monsieur s. S. produit les éléments suivants :

  • divers courriers qu'il a adressés à l'employeur et dans lesquels il sollicite le paiement de commissions. Ces documents établis par le salarié ne sauraient suffire à eux seuls à établir une obligation de la défenderesse à ce titre,

  • un échange de courriels avec Madame a. B. le 30 octobre 2015, en langue anglaise avec sa traduction simple en français non contestée, ainsi libellé (pièces nos 2 et 2 bis) :

Monsieur s. S. écrit à 10 h 55 :

« Bonjour a.

Comme évoqué pourrais-tu m'indiquer quelle est la situation (et le montant) du paiement des commissions dues, afin que je puisse organiser mes finances (j'ai un certain nombre de factures à régler), puisque l'opération a été conclue il y a six mois.

Global 6000 sn 9470 livré en mars 2015, 5 % des commissions de NJI comme convenu Merci »

Réponse de Madame a. B.(Responsable des Ressources Humaines) à 11 h 15 :

« s.

Je n'ai pas l'argent maintenant pour te payer, comme tu le sais nous avons de nombreuses factures à régler, les frais, les taxes, etc...

Donc, dès que je recevrais l'argent je te le dirai et je te paierai.

Merci

Salutations. ».

Un courriel en date du 22 juillet 2014, en langue anglaise avec sa traduction simple en français non contestée, adressé par Madame k. G. à Monsieur s. S. ainsi libellé (pièces nos 14 et 14 bis) :

« Salut s.

J'ai discuté avec v.

Il m'a donné son accord pour le paiement de ta commission.

Le montant, comme convenu, sera = 15 000 $ - 4 000 euros.

Quand j'ai calculé le montant final devant être payé en euros je te le dis. ».

Un courriel en date du 6 janvier 2016, en langue anglaise avec sa traduction simple en français non contestée, adressé par Madame a. B. à Monsieur s. S. ainsi libellé (pièces nos 15 et 15 bis) :

« s.

Aujourd'hui est un jour férié en Italie, et nous le respectons.

Tu m'as demandé (des nouvelles) au sujet de ta commission, je t'ai dit que je t'ai envoyé l'argent hier mais comme c'est en dollar cela prend beaucoup de temps car cela passe par une banque américaine.

Tu trouveras en annexe la preuve du paiement de 3 000 $ pour la commission de M. ».

Un courrier adressé par l'employeur à Monsieur s. S. le 21 janvier 2016, ainsi libellé (pièce n° 16) :

« Monsieur,

Nous avons reçu en date du 12 janvier 2016, un courrier électronique de votre part nous demandant des explications.

(...)

Vous nous avez évoqué également que vous ne comprenez pas la différence entre vos bulletins de salaire et les versements que nous vous avons effectué.

Je vous souligne à ce propos que chaque paiement de salaire se fait en euro et est strictement basé sur votre bulletin de salaire contrairement à vos commissions sur vente que vous percevez en dollar calculé aussi sur votre bulletin de salaire. La responsable des ressources humaines reste entièrement à votre disposition pour vous expliquer de manière plus détaillée votre bulletin si vous en éprouvez le besoin.

Par ailleurs un courrier électronique vous a été envoyé ce jour avec tous vos bulletins de paie depuis 2015 suite à votre demande (...). ».

Un relevé bancaire en pièce n° 17 comportant le versement des sommes de 43.017,29 euros le 12 juin 2015 avec le libellé suivant en italien non traduit (mais suffisamment explicite) : « ORDINE DI BONIFICIO DA ESTERO RIF (...) USD 48.671,75 DA A C», et de 31.432,53 euros le 3 septembre 2015 avec le libellé suivant en italien non traduit (mais suffisamment explicite) « ORDINE DI BONIFICIO DA ESTERO RIF (...) USD 35.654,00 DA A P » .

Monsieur s. S. indique que ces deux transactions ne trouvent aucune correspondance dans ses bulletins de salaire.

Généralement, la commission a pour objet de récompenser la vente qui résulte d'une action personnelle du commercial.

Le bonus ou prime discrétionnaire peut venir récompenser la performance ou les qualités d'un salarié en dehors de toutes conditions préétablies.

En l'espèce, l'employeur produit tous les bulletins de salaire de Monsieur s. S. depuis son embauche et il apparaît que ce dernier a perçu les sommes complémentaires suivantes :

  • 13.109,12 euros au mois d'octobre 2012 à titre de « Commissions/ventes (CP inclus) »,

  • 17.392,58 euros au mois de juillet 2015 à titre de « bonus »,

  • 16.737,64 euros au mois d'août 2015 à titre de « bonus »,

  • 18.494,96 euros au mois de septembre 2015 à titre de « bonus »,

  • 18.283,54 euros au mois de novembre 2015 à titre de « bonus »,

  • 3.065,01 euros au mois de janvier 2016 à titre de « bonus »,

  • 17.533,57 euros au mois de février 2016 à titre de « bonus ».

Les mentions figurant sur le bulletin de salaire constituent une présomption pouvant être combattue par tout moyen.

Les pièces produites par le salarié et reprises supra démontrent que des sommes lui ont été versées à titre de commissions en juillet 2014 et juin 2015 ; l'employeur reconnaissant par ailleurs l'existence de telles commissions sur vente dans le courrier du 21 janvier 2016.

Madame a. B. Responsable des Ressources Humaines, ne conteste pas plus le droit à commission de Monsieur s. S.

Pour autant, le demandeur doit ensuite démontrer l'assiette et le taux de la commission.

Monsieur s. S. soutient à ce titre qu'il devait percevoir une commission de 5 % sur la commission perçue par la société pour chaque opération dans laquelle il serait intervenu ou qui serait liée à sa sphère géographique d'intervention (l'Italie).

Monsieur s. S. cite quatre ventes pour lesquelles il vise des montants de commissions sans justifier, ni de son intervention dans lesdites ventes ni des montants sur lesquels des sommes lui seraient dues.

Il n'est pas contestable que seule la S. A. M. A dispose des documents permettant de démontrer ou infirmer les allégations du demandeur.

Dès lors que les parties doivent concourir de manière loyale à la manifestation de la vérité, dans le cadre du procès équitable, le Tribunal estime nécessaire, dans ces conditions, d'ordonner la réouverture des débats afin que la défenderesse (seule en possession de tels éléments de preuve) produise tous justificatifs sur les ventes suivantes :

  • vente Challenger 300 sn 20133,

  • vente Global 6000 sn 9470,

  • vente Global XRS - 9283,

  • vente Global 6000 sn 9625.

À savoir : date et lieu de la vente, montant de la commission perçue par la S. A. M. A.

La défenderesse devra également produire :

  • - tous justificatifs et notamment le mode de calcul de la somme de 13.109,12 euros versée à Monsieur s. S. au mois d'octobre 2012 à titre de commissions/ventes,

  • - tous justificatifs et notamment le mode de calcul de la somme de 43.017,29 euros virée sur le compte bancaire de Monsieur s. S. le 12 juin 2015 et concernant l'opération « C », à savoir : date et lieu de la vente, montant de la commission perçue par la S. A. M. A,

  • - tous justificatifs et notamment le mode de calcul de la somme de 31.432,53 euros virée sur le compte bancaire de Monsieur s. S. le 3 septembre 2015 et concernant l'opération « P », à savoir : date et lieu de la vente, montant de la commission perçue par la S. A. M. A,

  • - tous justificatifs et notamment le mode de calcul des sommes versées à Monsieur s. S. à titre de bonus, telles que figurant sur les fiches de paie.

Enfin, il est enjoint aux parties de présenter leurs observations sur le moyen de droit soulevé d'office par le tribunal et tenant à la recevabilité de la demande reconventionnelle de la défenderesse qui fonde en partie celle-ci sur des actes de concurrence de Monsieur s. S. et de manquement à son obligation de loyauté postérieurement à la rupture du contrat de travail.

Il convient, en conséquence, de réserver les demandes des parties, ainsi que les dépens.

Les dépens sont réservés.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, par jugement avant-dire-droit, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Avant-dire-droit sur les demandes présentées par Monsieur s. S. au titre des commissions ;

Ordonne la réouverture des débats et enjoint à la société anonyme monégasque A de produire :

* tous justificatifs sur les ventes suivantes :

  • - vente Challenger 300 sn 20133,

  • - vente Global 6000 sn 9470,

  • - vente Global XRS - 9283,

  • - vente Global 6000 sn 9625.

À savoir : date et lieu de la vente, montant de la commission perçue par la S. A. M. A ;

  • - tous justificatifs et notamment le mode de calcul de la somme de 13.109,12 euros versée à Monsieur s. S. au mois d'octobre 2012 à titre de commissions/ventes ;

  • - tous justificatifs et notamment le mode de calcul de la somme de 43.017,29 euros virée sur le compte bancaire de Monsieur s. S. le 12 juin 2015 et concernant l'opération « C », à savoir : date et lieu de la vente, montant de la commission perçue par la S. A. M. A ;

  • - tous justificatifs et notamment le mode de calcul de la somme de 31.432,53 euros virée sur le compte bancaire de Monsieur s. S. le 3 septembre 2015 et concernant l'opération « P », à savoir : date et lieu de la vente, montant de la commission perçue par la S. A. M. A ;

  • - tous justificatifs et notamment le mode de calcul des sommes versées à Monsieur s. S. à titre de bonus, telles que figurant sur les fiches de paie ;

Avant-dire-droit sur la recevabilité de la demande reconventionnelle présentée par la S. A. M. A ;

Invite les parties à présenter leurs observations sur le moyen de droit soulevé d'office par le tribunal et tenant à la recevabilité de la demande reconventionnelle de la défenderesse qui fonde en partie celle-ci sur des actes de concurrence de Monsieur s. S. et de manquement à son obligation de loyauté postérieurement à la rupture du contrat de travail ;

Dit que le dossier sera rappelé à l'audience de mise en état du JEUDI 14 NOVEMBRE 2019 à 14 H 15 ;

Réserve les demandes des parties et les dépens ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs René NAVE, Régis MEURILLION, membres employeurs, Madame Agnès ORECCHIA, Monsieur Maximilien AGLIARDI, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le vingt-six septembre deux mille dix-neuf, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Régis MEURILLION et Maximilien AGLIARDI, Madame Agnès ORECCHIA et Monsieur René NAVE étant empêchés, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint.

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