Tribunal du travail, 26 septembre 2019, Madame p. R. c/ Madame m. A. W.
Abstract🔗
Procédure civile - Pièces - Qualification d'attestation (non) - Document antérieur au licenciement - Nullité (non) - Contrat de travail - Exécution loyale par l'employeur (non) - Fourniture des moyens nécessaires (non) - Licenciement - Insuffisance professionnelle - Preuve non rapportée - Motif non valable - Rupture abusive (non) - Absence d'entretien préalable obligatoire - Droit à indemnité compensatrice de préavis (non) - Indemnités journalières pour arrêt de travail - Cumul (non)
Résumé🔗
Le document litigieux ayant été établi antérieurement au licenciement, il ne peut revêtir le caractère d'une attestation destinée à éclairer le Tribunal sur les faits litigieux, puisque rédigé avant tout litige. La demande de nullité sera dès lors rejetée.
L'employeur n'a pas exécuté loyalement et de bonne foi le contrat de travail dans la mesure où il a retiré à la salariée les moyens nécessaires à l'exécution d'une partie importante de ses tâches, et ce sans aucune justification valable. Le préjudice moral est évalué à 3.000 euros.
Pour constituer une cause de licenciement, l'insuffisance professionnelle doit être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables. Il revient au Juge de vérifier l'incompétence alléguée par l'employeur, laquelle ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de celui-ci mais doit reposer sur des éléments concrets pour constituer un motif valable de licenciement. Cette insuffisance professionnelle ne peut, faute d'éléments concrets, être considérée comme établie. Le licenciement n'apparaît pas fondé sur des motifs valables et ce qui ouvre droit au versement de l'indemnité de licenciement prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968.
La salariée qui a la charge de la preuve à ce titre, ne démontre pas que le licenciement serait intervenu pour une autre cause que celle visée dans la lettre de licenciement. Aucune faute de l'employeur ne peut ouvrir droit à l'indemnisation d'un préjudice matériel et financier résultant du licenciement. Il n'est pas non plus établi la brutalité et la légèreté blâmable de l'employeur dans la mise en oeuvre du licenciement, ainsi que son caractère vexatoire. L'entretien préalable n'est pas obligatoire en droit du for ; cet entretien se justifiant d'autant moins tenant la faible ancienneté de la salariée. Par ailleurs, le cumul de l'indemnité compensatrice de préavis et des indemnités journalières perçues au titre de la législation sociale du fait d'un arrêt maladie pour cause d'accident du travail n'étant pas autorisé, la salariée doit être déboutée de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.
Motifs🔗
TRIBUNAL DU TRAVAIL
JUGEMENT DU 26 SEPTEMBRE 2019
En la cause de Madame p. R., demeurant X1à CAP-D'AIL (06320) ;
Demanderesse, bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décision n° 332 BAJ 17 du 16 mars 2017, ayant élu domicile en l'étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Stephan PASTOR, avocat-stagiaire ;
d'une part ;
Contre :
Madame m. A. W., demeurant « X2», X2à MONACO ;
Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la requête introductive d'instance en date du 23 juin 2017, reçue le 27 juin 2017 ;
Vu la procédure enregistrée sous le numéro 7-2017/2018 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 9 octobre 2017 ;
Vu les conclusions de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur au nom de Madame p. R. en date des 11 janvier 2018, 5 juillet 2018 et 7 février 2019 ;
Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur au nom de Madame m. A. W. en date des 17 mai 2018, 6 décembre 2018 et 25 avril 2019 ;
Vu les pièces du dossier ;
* * * *
Madame p. R. a été embauchée par Madame m. A. W. en contrat à durée indéterminée en date du 23 mai 2016, en qualité d'Assistante Personnelle, avec un salaire mensuel brut de 3.456,28 euros.
Madame p. R. a été placée en arrêt suite à un accident du travail, du 8 au 23 novembre 2016, régulièrement renouvelé.
Par courrier en date du 13 janvier 2017, la salariée a été licenciée pour insuffisance professionnelle alors qu'elle se trouvait toujours en arrêt de travail.
Par requête en date du 23 juin 2017 reçue au greffe le 27 juin 2017, Madame p. R. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :
dire que son licenciement a été prononcé sans motif valable et présente un caractère abusif,
dire que Madame m. W. a exécuté déloyalement le contrat de travail,
condamner Madame m. W. au paiement des sommes suivantes :
en raison de l'exécution déloyale du contrat de travail : 10.000 euros de dommages et intérêts,
en raison du caractère abusif du licenciement :
indemnité de licenciement : 1.106,176 euros,
indemnité compensatrice de préavis : 3.456,28 euros,
indemnité de congés payés sur préavis : 345,62 euros,
solde d'indemnité compensatrice de congés payés : 619,11 euros,
dommages et intérêts pour rupture abusive : 20.000 euros,
intérêts légaux de droit sur ces sommes à compter de la convocation devant le bureau de conciliation,
délivrance conforme des documents sociaux,
exécution provisoire de la décision à intervenir.
Aucune conciliation n'ayant pu aboutir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le bureau de jugement.
Madame p. R. a déposé des conclusions les 11 janvier 2018, 5 juillet 2018 et 7 février 2019 dans lesquelles elle fait essentiellement valoir que :
Madame m. W. a modifié sa version des faits entre ses deux jeux d'écritures, allant même jusqu'à se contredire et affirmer l'inverse de ce qu'elle avait précédemment écrit,
sur l'exécution déloyale du contrat de travail :
ses missions impliquaient que l'employeur lui permette de prendre des initiatives, d'avoir accès aux documents correspondants et d'avoir un dialogue régulier avec le cabinet comptable,
à compter de la demande de revalorisation de son salaire au mois de septembre 2016, justifiée par l'accroissement de ses tâches, Madame m. W. s'est attachée à :
lui interdire de prendre des initiatives, de prendre attache avec le Cabinet Comptable et d'accéder aux documents nécessaires à l'exécution de ses missions,
formuler des contre-ordres et des directives peu claires, la mettant dans l'incertitude permanente quant aux attentes de l'employeur,
avoir une attitude méprisante et agressive à son égard,
poursuivre dans son attitude déloyale alors qu'elle était en arrêt pour accident du travail,
elle n'a jamais demandé une augmentation à hauteur de la somme de 4.500 euros nets, pas plus qu'elle n'aurait sollicité cette augmentation auprès de Monsieur W. le lendemain de l'entretien avec la défenderesse,
depuis le mois de septembre 2016, elle avait reçu pour instruction de déposer tous les documents traités dans une « brown box » sans avoir l'autorisation de les classer,
il lui a été interdit de communiquer avec le cabinet BI. Dans un premier temps, Madame m. W. a écrit qu'il n'en était rien pour en convenir dans ses conclusions n° 2,
Madame m. W. lui a interdit, à compter du mois de septembre 2016, d'effectuer des tâches qui lui étaient autorisées auparavant et qui avaient été correctement exécutées,
Madame m. W. a multiplié les mails lapidaires avec des reproches infondés et/ou absurdes écrits avec des majuscules,
le comportement n'a pas évolué lorsqu'elle a été placée en accident du travail,
l'employeur a adressé la déclaration d'accident du travail à l'assureur-loi avec beaucoup de retard, au mépris des dispositions légales applicables,
en outre, l'employeur l'a mise en cause sur ladite déclaration, alors qu'elle n'était pas présente lors de l'accident,
elle a ainsi dû attendre près de deux mois et entreprendre de nombreuses démarches avant de commencer à pouvoir être indemnisée,
l'employeur n'a pas hésité à exiger, à plusieurs reprises, la transmission des certificats médicaux et prescriptions de soins, en sus de ses arrêts de travail,
les bulletins de salaire correspondant à la période d'arrêt de travail mentionnaient une absence pour cause de maladie au lieu d'accident du travail. Malgré ses demandes, Madame m. W. n'a jamais procédé à leur régularisation,
sur la validité du licenciement :
Madame m. W. tente d'inverser la charge de la preuve. Elle allègue des insuffisances sans les démontrer,
l'employeur ne produit aucun élément démontrant une quelconque insuffisance professionnelle,
concernant les rapports journaliers, Madame m. W. voulait qu'ils soient les plus détaillés possibles,
il n'y a aucune conséquence de la maîtrise de l'anglais,
concernant le salon de toilettage, les instructions de l'employeur n'étaient pas claires,
elle n'a jamais eu de mise en garde concernant la maîtrise des outils informatiques,
les pièces produites par Madame m. W. sont constituées de quelques courriels extrapolés et interprétés de manière erronée par l'employeur et d'attestations de complaisance,
en toute hypothèse, les faits invoqués ne peuvent justifier une insuffisance professionnelle,
l'employeur ne démontre aucune répercussion, mise en garde ou mesure destinée à pallier l'insuffisance alléguée,
elle démontre de son côté son sérieux et la qualité de son travail,
sur le caractère abusif de la rupture :
elle a été licenciée pour un motif fallacieux, l'employeur ayant tenté par son attitude déloyale de la pousser à la démission,
elle a été licenciée parce qu'elle avait demandé une revalorisation salariale et du fait de son accident du travail,
l'employeur a agi avec légèreté blâmable et brutalité, la mesure présentant en outre un caractère vexatoire,
elle n'a pas reçu l'indemnité compensatrice de préavis alors qu'elle a été dispensée de son exécution,
elle n'a pas retrouvé d'emploi et subit un préjudice moral et financier considérable.
Madame m. W. a déposé des conclusions les 17 mai 2018, 6 décembre 2018 et 25 avril 2019 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et soutient essentiellement que :
sur la validité du licenciement :
la lettre de licenciement comporte quatre griefs, plus une inefficacité au travail ayant un impact sur le fonctionnement de l'entreprise,
Madame p. R. avait fait l'objet de reproches et de mises en garde qui n'avaient eu aucun effet,
l'accident du travail de la demanderesse n'est que la conséquence d'un non-respect par celle-ci de ses instructions,
les rapports journaliers établis par Madame p. R. étaient inexploitables. Elle avait en outre un niveau en anglais insuffisant, une mauvaise maîtrise des outils informatiques et une mauvaise gestion des correspondances ; la demanderesse ne l'informait jamais du contenu des correspondances lorsqu'elle était à l'étranger,
elle a relevé chez Madame p. R. un manque de rigueur et une mauvaise exécution de ses tâches. Celle-ci avait tendance à inverser le jour et le mois lorsqu'elle inscrivait des dates,
sur le caractère abusif de la rupture :
Madame p. R. ne démontre pas le lien entre l'accident du travail et le licenciement,
la salariée n'a pu être surprise par la rupture,
l'entretien préalable n'est pas obligatoire à Monaco,
la demanderesse ne démontre aucun lien entre un quelconque préjudice et la rupture,
sur l'indemnité de préavis :
Madame p. R. percevait les indemnités journalières du fait de l'arrêt de travail et elle lui a versé le complément,
sur l'exécution déloyale du contrat de travail :
Madame p. R. ne démontre pas l'augmentation de la charge de travail invoquée,
contrairement à ce qu'elle indique, la salariée n'est pas intervenue pour la fête d'anniversaire de Monsieur Éric W. laquelle a été confiée à une agence événementielle,
elle a modifié certaines tâches de la salariée dans le cadre de son pouvoir de direction,
les mèls produits par la demanderesse ne démontrent pas les contre-ordres qu'elle allègue,
aucune déloyauté dans l'exécution du contrat de travail n'est démontrée.
La défenderesse demande encore de voir déclarer nulles les pièces adverses nos 7 et 84 qui ne répondent pas aux prescriptions de l'article 324 du Code de procédure civile.
SUR CE,
Sur la demande en nullité des pièces n os 7 et 84 produites par Madame p. R. :
Aux termes de l'article 324 du Code de procédure civile, « l'attestation doit, à peine de nullité :
1° être établie par une personne remplissant les conditions requises pour être entendue comme témoin ;
2° être écrite, datée et signée de la main de son auteur ;
3° mentionner les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur, ainsi que l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties ;
4° préciser si son auteur a quelque intérêt au procès ;
5° indiquer qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur sait qu'une fausse attestation l'exposerait aux sanctions prévues par l'article 103 du Code pénal ;
6° être accompagnée de tout document officiel, en original ou en photocopie, justifiant de l'identité de son auteur et comportant sa signature. ».
La pièce n° 7 est constituée par une attestation établie par Monsieur V. et qui ne comporterait les mentions prévues par les paragraphes 3 à 6 susvisés.
Aux termes des dispositions de l'article 323 du Code de procédure civile :
« Lorsque la preuve testimoniale est admissible, le Tribunal peut recevoir des tiers les déclarations de nature à l'éclairer sur les faits litigieux auxquels ils ont assisté ou qu'ils ont personnellement constatés.
Les déclarations sont faites par attestation ou recueillies par voie d'enquête. ».
En l'espèce, le document établi par Monsieur V. a été établi le 25 octobre 2016, soit antérieurement au licenciement de Madame p. R. de sorte qu'il ne peut revêtir le caractère d'une attestation destinée à éclairer le Tribunal sur les faits litigieux, puisque rédigé avant tout litige.
La demande de nullité sera dès lors rejetée.
La pièce n° 84 est constituée par un certificat d'hébergement qui, d'après Madame m. W. est en réalité une attestation qui doit de ce fait respecter les dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile.
Le document contesté ne répond en aucune manière à la définition donnée de l'attestation et de son contenu par l'article 323 du Code de procédure civile.
Il ne donne en effet aucune précision sur les faits litigieux de sorte qu'il n'a pas à respecter les prescriptions de l'article 324 du Code de procédure civile.
La demande de nullité sera dès lors rejetée.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :
Madame p. R. sollicite la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts à ce titre.
Conformément à l'article 989 du Code civil, l'employeur doit exécuter de bonne foi le contrat de travail.
En l'espèce, Madame p. R. reproche à l'employeur, à compter de la demande de revalorisation de son salaire, de :
lui interdire de prendre des initiatives, de prendre attache avec le Cabinet Comptable et d'accéder aux documents nécessaires à l'exécution de ses missions,
formuler des contre-ordres et des directives peu claires, la mettant dans une incertitude permanente quant aux attentes de l'employeur,
avoir une attitude méprisante et agressive à son encontre,
poursuivre dans son attitude déloyale même alors qu'elle était en arrêt pour accident du travail.
Madame p. R. a été engagée en qualité d'Assistante Personnelle, avec les fonctions et attributions suivantes (article 3 du contrat de travail) :
« La salariée sera en charge de manière générale de la gestion des affaires de Madame m. W. notamment de la gestion de sa comptabilité personnelle, de ses correspondances, de la gestion de son agenda, de la gestion administrative et pratique de ses déplacements ainsi que ceux de sa famille et de ses collaborateurs, de la gestion et du suivi de dossiers divers en lien avec les administrations monégasques et étrangères, de la relation avec les différents prestataires et fournisseurs, de la relation avec les établissements bancaires, les compagnies assurances (...).
La salariée sera amenée à gérer le personnel de la famille W. ainsi que l'interface avec le Cabinet comptable et juridique. ».
Les interdictions mettant la salariée dans l'impossibilité d'exécuter ses tâches.
Dans le prolongement de l'article 3 du contrat de travail, Madame m. W. avait adressé au Cabinet BI. le courrier suivant daté du 24 mai 2016 :
« Madame,
Je soussignée, Mrs m. W. autorise Mme p. R. à vous consulter et à communiquer avec vous au sujet des différents contrats et bulletins de salaires de nos employés.
Cependant merci de noter que Mme p. R. ne pourra en aucun cas modifier les contrats de quiconque sans notre accord préalable.
(...). ».
Madame p. R. justifie ainsi avoir contacté le Cabinet BI. et avoir géré le personnel de Madame m. W. au cours des mois de juillet et août 2016.
Dans un échange de courriels avec Madame m. W. en date du 14 octobre 2016, Madame p. R. écrit (traduction libre non contestée) :
«Je ne pouvais pas le mettre dans le dossier d'Esha car je n'ai pas accès depuis plus d'un mois aux dossiers du personnel ».
Aucune réponse n'a été apportée par l'employeur à ce mèl.
Madame p. R. vise sa pièce n° 60 qui ne pourra être retenue, étant en langue anglaise sans aucune traduction en français.
Madame m. W. a, courant octobre 2016, interdit à Madame p. R. tout contact avec le Cabinet BI.; le Tribunal relevant que la défenderesse a contesté ladite interdiction dans ses écritures pour en convenir après la communication des pièces justificatives par la salariée.
Il apparaît au vu de ces éléments que Madame p. R. n'avait plus les moyens à compter du mois d'octobre 2016 pour réaliser une partie de ses missions telles que résultant du contrat de travail.
Formuler des contre-ordres et des directives peu claires, la mettant dans une incertitude permanente quant aux attentes de l'employeur
Les pièces produites par Madame p. R. font état de deux épisodes pendant toute la relation de travail, lesquels ne peuvent en aucune manière constituer les nombreux contre-ordres et instructions peu claires de l'employeur.
L'attitude méprisante et agressive à l'encontre de Madame p. R.
Les salariés sont tenus à une attitude courtoise à l'égard de l'employeur et réciproquement.
Les échanges de courriels figurant au dossier de la demanderesse démontrent une attitude directive et autoritaire de Madame m. W. destinée à faire comprendre à la salariée certains points, et ce, par l'utilisation de majuscules.
Même si le procédé peut paraître inapproprié, il ne peut être regardé comme une volonté de Madame m. W. d'humilier sa salariée.
Enfin, la demanderesse produit des attestations (pièces nos 66, 67 et 73) qui ne font que reprendre les dires de celle-là, les attestants n'ayant pas été personnellement témoins des faits relatés.
L'attitude déloyale de l'employeur pendant l'arrêt de travail de Madame p. R.
Le Tribunal relève dans un premier temps que les développements des parties sur les circonstances de l'accident sont sans intérêt pour la solution du litige.
Par ailleurs, la demanderesse ne rapporte pas la preuve d'un quelconque préjudice résultant de l'absence de déclaration immédiate de l'accident du travail, lequel avait été pris en charge au titre de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 tendant à modifier et à codifier la législation sur la déclaration, la réparation et l'assurance des accidents du travail.
Eu égard aux observations développées supra, l'employeur n'a pas exécuté loyalement et de bonne foi le contrat de travail dans la mesure où il a retiré à la salariée les moyens nécessaires à l'exécution d'une partie importante de ses tâches, et ce sans aucune justification valable.
Madame p. R. a nécessairement subi un préjudice moral dont réparation lui est dû, et qui sera correctement indemnisé par l'allocation d'une somme de 3.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Sur la validité de la rupture :
Il appartient à l'employeur d'établir la réalité et la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de licenciement.
En l'espèce, Madame p. R. a été licenciée par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 janvier 2017 ainsi libellée :
« Madame,
Je suis au regret de vous informer que j'ai pris la décision de vous licencier pour les motifs suivants :
Votre incapacité à terminer les missions quotidiennes qui vous incombent durant les heures de votre travail ;
Votre niveau insuffisant d'anglais qui vous pousse à venir me solliciter afin d'obtenir des traductions et crée des confusions auprès des clients et correspondants étrangers ;
Votre mauvaise maîtrise de l'outil informatique, et notamment votre incapacité à dresser un tableau Excel basique ou à créer une image numérique à partir d'une photo pour établir un document, ou à installer le wifi sur un téléphone portable ;
Votre refus d'exécuter certaines tâches qui pourtant vous incombent au titre de l'exécution de votre contrat de travail, telles que la transmission du contenu de courriers ou de colis pendant mon voyage à l'étranger ou la réalisation des photos en utilisant un appareil photo numérique ;
Votre manque de rigueur dans l'exécution des tâches confiées, se traduisant par exemple par une faute de frappe sur l'adresse d'un salarié dans la demande d'embauchage auprès du Service de l'emploi, sur la date de naissance de mon mari dans la requête d'un visa auprès de l'ambassade de Kenya ou par l'oubli de demander un visa préalablement à mon déplacement au Sri Lanka.
De manière plus générale, vous faites preuve d'inefficacité au travail, ce qui impacte le fonctionnement de l'entreprise à un niveau qui n'est plus acceptable.
En dépit des différents reproches et mises en garde qui vous ont été adressés, je n'ai pas pu constater d'améliorations dans votre travail ni aucun effort de votre part pour corriger vos erreurs et insuffisances.
Les faits exposés ci-dessus constituent un motif valable de licenciement fondé sur une insuffisance professionnelle.
(...). ».
Il n'est pas contesté que l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir patronal et le Juge ne peut prétendre y substituer son appréciation ; néanmoins, il convient pour celui-ci de vérifier que ses exigences étaient justifiées.
Pour constituer une cause de licenciement, l'insuffisance professionnelle doit être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables. Il revient au Juge de vérifier l'incompétence alléguée par l'employeur, laquelle ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de celui-ci mais doit reposer sur des éléments concrets pour constituer un motif valable de licenciement.
Il incombe en conséquence à l'employeur d'apporter au Juge des éléments objectifs à l'appui des faits qu'il invoque comme propres, selon lui, à caractériser l'insuffisance professionnelle dont il se prévaut.
Elle ne résulte pas nécessairement d'un comportement volontaire mais révèle l'inaptitude du salarié à assumer ses fonctions, son incompétence.
L'insuffisance professionnelle se trouve caractérisée par l'inaptitude du salarié à exercer sa prestation de travail dans des conditions que l'employeur pouvait légitimement attendre en application du contrat et devait reposer sur des éléments matériels précis et objectifs imputables au salarié ; elle se manifeste dans les répercussions en tant qu'elle perturbe la bonne marche de l'entreprise.
La lettre de licenciement vise cinq griefs ; constitutifs pour l'employeur d'une insuffisance professionnelle, et plus généralement une inefficacité au travail ayant des répercussions sur le fonctionnement de l'entreprise.
Il convient de reprendre les griefs ainsi reprochés :
« Votre incapacité à terminer les missions quotidiennes qui vous incombent durant les heures de votre travail ».
Pour justifier ce grief, Madame m. W. produit les éléments suivants :
Les pièces nos 23 et 24 en anglais non accompagnées d'une traduction en langue française, et qui constitueraient des rapports journaliers de Madame p. R.(pièces n° 23) et de Madame P.(pièce n° 24).
Madame m. W. fait une comparaison entre les deux, laquelle ne peut être effectuée par le Tribunal en l'absence de traduction de ces documents.
L'employeur invoque également dans ses écritures les pièces produites par Madame p. R. nos 47, 48 et 50.
La pièce n° 47 est constituée par un rapport journalier du 15 juillet 2016, en anglais accompagné de sa traduction libre non contestée en français et qui concerne neuf points.
Madame m. W. indique que le point n° 3 concernant Monsieur Jean BI. ne peut pas être efficacement exploité dans la mesure où il comporte sur le même plan tant des informations importantes que des considérations personnelles.
La traduction annexée au document ne fait état d'aucune considération personnelle de la salariée qui ne fait que répercuter les éléments qui ont été portés à sa connaissance par Madame M. du Cabinet BI.
Les données ainsi recueillies sont claires et facilement exploitables.
Madame m. W. conteste également le point n° 2 concernant des travaux de peinture. Elle indique : « Les informations utiles à l'employeur n'étaient pas de savoir si la couleur des murs plaisait à Madame R. Madame W. aurait préféré être tenue informée du fait que les travaux de peinture avaient été effectués. ».
Une simple lecture de la traduction annexée au document justifie le rejet de l'argumentation de l'employeur. En effet, Madame p. R. a écrit : « La couleur du mur dans le bureau de Mr W. est très jolie. Le peintre reviendra dans quelques jours lorsque la peinture sera sèche pour la cire ». Il en résulte, sans qu'il soit nécessaire de se livrer à une étude sémantique que les travaux de peinture ont bien été effectués. »
La pièce n° 48 est un document en anglais non accompagné de sa traduction en français et qui ne peut de fait être exploité par le Tribunal.
La pièce n° 50 est un document en anglais non accompagné de sa traduction en français et qui ne peut de fait être exploité par le Tribunal.
Ce premier grief ne peut dès lors être retenu.
« Votre niveau insuffisant d'anglais qui vous pousse à venir me solliciter afin d'obtenir des traductions et crée des confusions auprès des clients et correspondants étranger ».
Pour justifier ce grief, Madame m. W. produit les éléments suivants :
la pièce adverse n° 47 sur laquelle Madame m. W. a relevé l'utilisation par Madame p. R. d'une expression erronée, ce qui n'est pas contesté par cette dernière.
Un échange de courriels en date des 4 et 5 août 2016 en langue anglaise sans aucune traduction en français (pièce n° 26).
Cependant, Madame p. R. confirme les propos de la défenderesse concernant la demande qui lui avait été faite, à savoir la mise à jour des informations bancaires.
La salariée soutient avoir procédé à ladite mise à jour mais avoir également sollicité la transmission de la facture impayée afin de la régulariser.
Cela ne démontre aucunement que Madame p. R. n'avait pas compris le sens du mail adressé par l'employeur ; elle est allée au-delà de ce qui lui était demandé dans l'intérêt de son employeur.
Un échange de courriels en date du 8 août 2016 en langue anglaise sans aucune traduction en français (pièce n° 27).
Cependant, Madame p. R. confirme les propos de la défenderesse concernant la demande qui lui avait été faite, à savoir la prise de rendez-vous avec un salon de toilettage pour le chien de Madame m. W.
Madame p. R. soutient, sans être contredite par la défenderesse, que la consigne donnée était peu claire et qu'elle avait justement sollicité des précisions sur le nom du salon de toilettage.
Il ne s'agit dès lors aucunement d'une quelconque lacune en anglais.
Un échange de courriels en date du 28 septembre 2016 en langue anglaise sans aucune traduction en français (pièce n° 28) et qui ne sera dès lors pas retenu par le Tribunal.
Une attestation établie par Madame t. R. en pièce n° 20 qui confirme les déclarations de Madame m. W. aux termes desquelles la demanderesse a demandé à la première d'attendre avec le taxi pendant que le chien était chez le toiletteur, ce qui a été refusé par le chauffeur. Alors qu'il était d'habitude que Madame m. W. passe ensuite elle-même chez le toiletteur afin de récupérer son chien.
Le Tribunal relève que l'employeur ne produit aucune instruction écrite sur ce point. Il est seulement fait référence à une « habitude » que Madame p. R. n'était pas censée connaître.
Aucune difficulté de compréhension n'est ainsi démontrée.
Un courriel de Madame p. R. au service limousine de l'hôtel Édition du 3 octobre 2016 en langue anglaise sans aucune traduction en français (pièce n° 29) et qui ne sera dès lors pas retenu par le Tribunal.
Un échange de courriels en date des 17 et 18 octobre 2016 en langue anglaise sans aucune traduction en français (pièce n° 30) et qui ne sera dès lors pas retenu par le Tribunal.
Madame p. R. reconnaît cependant ne pas avoir compris le sens du mot « ajar » dans la mesure où il s'agit d'un terme peu commun, ce qui n'est pas contesté par l'employeur.
Un échange de courriels en date des 3 et 4 novembre 2016 en langue anglaise sans aucune traduction en français (pièce n° 32) et qui ne sera dès lors pas retenu par le Tribunal. Il en est de même de l'affiche de l'événement en pièce n° 31.
Une attestation établie par Madame C. Assistante Personnelle de Madame m. W. en pièce n° 49, ainsi libellée :
« J'ai eu avec Mme R. nombre d'échanges de mails en anglais. Ce faut assez difficile de me faire comprendre du fait que son anglais était assez limité. Ce fut notamment le cas lors de la réalisation des flyers pour un événement en décembre 2016.
(...). ».
Les déclarations de Madame C. sont imprécises alors qu'elle fait état de « nombre d'échanges de mails », sans aucune production de ces courriels et sans aucune précision sur les difficultés qu'elle a pu rencontrer.
Une attestation établie par Madame K. en pièce n° 58 qui indique notamment : « (...) j'ai eu l'occasion d'échanger par téléphone et en personne avec Mme R. au sujet de la tenue de l'événement Christmas matinée et special movie screening du film Paddington, en automne 2016. Elle avait l'air de travailler avec plaisir pour et avec Mme W. Son anglais n'était pas fort quand même, avec le résultat de problèmes en communications, qui nous ont emportés quelques problèmes et délais (...). ».
Madame K. porte une appréciation générale sur le niveau d'anglais de Madame p. R. alors qu'il n'y a eu qu'un seul événement organisé en commun.
De plus, Madame K. ne donne aucun exemple permettant de confirmer ses dires.
Il résulte des explications développées supra que le grief tenant à un niveau insuffisant en anglais n'est pas démontré.
L'employeur justifie seulement de deux erreurs commises par Madame p. R. insuffisantes pour démontrer un défaut de maîtrise de la langue.
«Votre mauvaise maîtrise de l'outil informatique, et notamment votre incapacité à dresser un tableau Excel basique ou à créer une image numérique à partir d'une photo pour établir un document, ou à installer le wifi sur un téléphone portable ».
Pour justifier ce grief, Madame m. W. produit les éléments suivants :
Un échange de courriels en date des 27 et 30 mai 2016, 1er juin 2016 démontrant que Madame p. R. a envoyé successivement trois mèls au même destinataire alors qu'elle recevait des messages d'erreur d'envoi.
Madame p. R. ne le conteste pas mais soutient qu'elle avait déjà rencontré des problèmes avec sa boîte e-mail professionnelle.
La pièce n° 81 qu'elle produit pour en justifier est sans intérêt dans la mesure où les difficultés dont elle fait état sont postérieures à l'échange de courriels susvisé.
Un échange de courriels en date 26 septembre 2016 (pièce n° 34) aux termes desquels Madame m. W. reproche à Madame p. R. un « bricolage » informatique dans l'envoi d'une photographie de Madame A. (mère de Madame W. aux Thermes Marins ; la demanderesse ayant été dans l'incapacité de créer une image numérique à partir d'une photo.
Madame p. R. ne conteste pas les faits mais soutient qu'elle ne disposait d'aucune photo de Madame A. qui lui aurait permis de procéder à la manipulation informatique susvisée
Le Tribunal relève que l'employeur ne démontre pas que Madame p. R. disposait d'une photo suffisamment nette à partir de laquelle cette dernière pouvait procéder à la création d'une image numérique.
Les pièces nos 35 et 36 aux termes desquelles Madame m. W. reproche à Madame p. R. d'avoir refusé d'utiliser le logiciel Excel sur un ordinateur Mac afin d'améliorer un tableau qu'elle lui avait remis.
L'employeur ne démontre en aucune manière un quelconque refus de la salariée d'utiliser le logiciel Excel sur Mac, pas plus qu'une demande d'amélioration dudit document.
Il existe en effet une différence entre le tableau réalisé par Madame p. R. et le modèle qui lui a été remis par Madame m. W. mais qui n'a pas été relevée ou reprochée par cette dernière à la salariée à sa réception.
La pièce n° 37 en langue anglaise sans aucune traduction en français de sorte qu'elle ne sera pas retenue.
Il résulte des explications développées supra que le grief tenant à un niveau insuffisant en informatique n'est pas démontré.
« Votre refus d'exécuter certaines tâches qui pourtant vous incombent au titre de l'exécution de votre contrat de travail, telles que la transmission du contenu de courriers ou de colis pendant mon voyage à l'étranger ou la réalisation des photos en utilisant un appareil photo numérique ».
Pour justifier ce grief, Madame m. W. produit les éléments suivants :
Concernant la mauvaise gestion des correspondances, le dossier de Madame m. W. ne comporte aucun élément permettant de le démontrer.
Elle vise sa pièce n° 38 qui est une photographie d'un colis et de son contenu envoyée par Madame p. R. ce qui vient infirmer ses allégations à ce titre ; d'autant plus qu'elle ne justifie pas en avoir fait la demande à la salariée.
L'employeur ne produit aucune pièce ni ne développe aucune argumentation concernant la réalisation de photos en utilisant un appareil photo numérique.
Il résulte des explications développées supra que le grief tenant à un refus d'exécuter certaines tâches n'est pas démontré.
« Votre manque de rigueur dans l'exécution des tâches confiées, se traduisant par exemple par une faute de frappe sur l'adresse d'un salarié dans la demande d'embauchage auprès du Service de l'emploi, sur la date de naissance de mon mari dans la requête d'un visa auprès de l'ambassade de Kenya ou par l'oubli de demander un visa préalablement à mon déplacement au Sri Lanka. ».
Pour justifier ce grief, Madame m. W. produit les éléments suivants :
La faute de frappe sur l'adresse de Madame C. : l'employeur ne démontre pas que l'erreur aurait été commise par Madame p. R. cette dernière le contestant.
Bien plus, il n'est pas prouvé que cette erreur aurait eu une incidence sur la date prévue pour le début du contrat de travail de Madame C. à savoir le 2 novembre 2016, le contrat en question n'étant pas produit.
La défenderesse fait également état de répercussions importantes dans la préparation de l'organisation du projet pour lequel Madame C. avait été embauchée, sans l'établir en l'absence du contrat de travail de cette dernière.
La date de naissance de Monsieur W. : l'employeur reproche à Madame p. R. des inversions récurrentes des jours et des mois.
Madame m. W. soutient avoir fait de nombreuses remarques à ce titre sans le démontrer. L'employeur ne donne en effet qu'un seul exemple d'inversion de date, à savoir celle concernant la date de naissance de son époux.
Madame p. R. ne le conteste pas et affirme avoir entrepris toutes les démarches afin de régulariser la situation, ce qui n'est pas contesté par la défenderesse.
Par ailleurs, l'employeur ne démontre aucune conséquence sur le voyage en cause.
Il résulte des explications développées supra que le grief tenant à un manque de rigueur de Madame p. R. n'est pas démontré.
« De manière plus générale, vous faites preuve d'inefficacité au travail, ce qui impacte le fonctionnement de l'entreprise à un niveau qui n'est plus acceptable.».
Pour justifier ce grief, Madame m. W. produit les éléments suivants :
Le rapport journalier du 19 octobre 2016 (pièce n° 51 de la demanderesse) : la défenderesse soutient que Madame p. R. a manipulé ce rapport en supprimant le passage figurant sur la traduction libre annexée.
La disposition des paragraphes sur le courriel du 21 octobre 2016 ne permet aucunement de conclure à la manipulation invoquée, qui si elle était avérée constituerait un faux en écriture privé pour lequel Madame m. W. n'a pas jugé utile de déposer plainte.
En outre, la feuille comportant la traduction libre comporte au verso ladite traduction et au recto des annotations qui ne figurent pas sur les notes traduites et qui ne peuvent constituer des réponses de Madame p. R. à Madame m. W. mais des commentaires sur les demandes de cette dernière.
Le rapport journalier du 14 octobre 2016 (pièce n° 49 de la demanderesse) : il s'agit d'un document en langue anglaise sans aucune traduction en français et qui ne sera dès lors pas retenu.
Un échange de courriels en date des 11 et 14 octobre 2016 en langue anglaise sans aucune traduction en français (pièce n° 41) et qui ne sera dès lors pas retenu par le Tribunal.
Un échange de courriels en novembre 2016 en langue anglaise avec une traduction partielle en français (pièce n° 4) et qui ne sera dès lors pas retenu par le Tribunal, dans la mesure où les quelques passages traduits ne permettent pas de valider la thèse de l'employeur.
La défenderesse n'établit pas en quoi Madame p. R. a concrètement manqué au professionnalisme attendu d'elle qui aurait perturbé la bonne marche de l'entreprise ou été préjudiciable aux intérêts de celle-ci.
Bien plus, il a été démontré supra que Madame m. W. avait retiré certaines attributions à Madame p. R. ne lui permettant plus d'exécuter une partie de ses missions.
Cette insuffisance professionnelle ne peut, faute d'éléments concrets, être considérée comme établie.
Il résulte que le licenciement de Madame p. R. n'apparaît pas fondé sur des motifs valables.
Madame p. R. peut dès lors prétendre au versement de l'indemnité de licenciement prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968, pour une somme de 1.106,17 euros, laquelle doit être accueillie en l'absence de contestation, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2017, date de la réception au greffe de la requête introduction d'instance.
Sur le caractère abusif du licenciement :
Constitue un licenciement abusif l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister notamment dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ; qu'il appartient au salarié qui se prévaut du caractère abusif de la rupture d'en rapporter la preuve.
Il appartient à celui qui réclame des dommages et intérêts, de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné.
En application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts.
Le licenciement qui ne repose pas sur un motif valable n'ouvre droit à la réparation du préjudice matériel en résultant que lorsque l'employeur a commis un abus dans la prise de décision, soit par exemple en invoquant des motifs fallacieux ou encore en prononçant la rupture malgré l'absence de tout fondement légal.
L'analyse qui précède a permis de constater que le grief énoncé dans la lettre de licenciement s'est avéré infondé.
Pour autant le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.
Au cas particulier, Madame p. R. sollicite d'être indemnisée à hauteur de la somme de 20.000 euros de dommages et intérêts.
S'agissant d'un motif non valable, il n'est pas, pour autant, automatiquement fallacieux.
Un licenciement peut être considéré comme abusif (qu'il ait été reconnu valable ou non) si l'employeur a avancé pour le justifier un faux motif, c'est-à-dire un motif qui n'était pas le motif réel qui l'a conduit à prendre cette décision et qui voulait « tromper ».
Par ailleurs, le faux motif ne peut caractériser de facto l'abus de l'employeur ; à défaut, cela reviendrait à utiliser la notion française de « cause réelle et sérieuse ».
En effet, en droit français, un licenciement sans cause réelle et sérieuse (fondé sur un faux motif) est abusif et entraîne automatiquement l'allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.
En droit monégasque, un licenciement fondé ou non sur des motifs valables peut ne pas être considéré comme abusif.
Madame p. R. considère que le véritable motif de son licenciement réside dans :
le mépris et l'incompatibilité d'humeur évidente témoignés par l'employeur à son encontre,
suite à sa demande de revalorisation salariale,
l'arrêt de travail intervenu pour accident du travail.
Les parties conviennent qu'une demande de revalorisation salariale a été présentée par la salariée à Madame m. W. courant septembre 2016, laquelle a été refusée.
Ce refus ne peut être considéré comme abusif et relève du pouvoir de direction de l'employeur.
Les développements concernant l'exécution déloyale du contrat de travail n'ont pas mis en évidence un mépris ou une agressivité de l'employeur à l'encontre de la salariée.
Cette dernière ne démontre enfin aucun lien entre l'accident du travail dont elle a été victime et le licenciement.
Force est de constater que Madame p. R. qui a la charge de la preuve à ce titre, ne démontre pas que le licenciement serait intervenu pour une autre cause que celle visée dans la lettre de licenciement.
Dans ces circonstances, la décision de rupture n'est pas fondée sur un motif fallacieux et ne présente donc pas en elle-même un caractère fautif ; ainsi, aucune faute de l'employeur ne peut ouvrir droit à l'indemnisation d'un préjudice matériel et financier résultant du licenciement.
Madame p. R. invoque également la brutalité et la légèreté blâmable de l'employeur dans la mise en œuvre du licenciement, ainsi que son caractère vexatoire.
Madame p. R. n'a bénéficié d'aucun entretien préalable, lequel n'est pas obligatoire en droit du for ; cet entretien se justifiant d'autant moins tenant la faible ancienneté de la salariée.
Bien plus, la demanderesse a largement argumenté sur les relations difficiles avec son employeur, de sorte qu'elle n'a pu être surprise par la mesure de licenciement.
Madame p. R. estime ne pas avoir été remplie de ses droits.
Elle estime que l'employeur aurait dû lui régler l'indemnité compensatrice de préavis dans son intégralité, sans déduction des indemnités journalières versées au titre de l'arrêt de travail.
Lorsque le salarié a été dispensé de l'exécution de son préavis, le montant de l'indemnité lui revenant doit être calculé sur la base des salaires et avantages bruts auxquels il aurait pu prétendre s'il avait travaillé pendant cette période.
Il est constant en droit que la période de préavis constitue un délai préfixe qui ne supporte ni suspension ni interruption.
Le salarié malade pendant le cours du préavis qu'il a été dispensé d'exécuter conserve son droit à une indemnité pour la totalité du délai congé.
Dans cette hypothèse, l'employeur est fondé à déduire de cette indemnité compensatrice le montant des indemnités journalières, lorsqu'elles ont été versées au salarié par les caisses sociales, ou à en conserver le bénéfice, lorsque ces indemnités lui ont été réglées par subrogation par les organismes sociaux, en contrepartie de la garantie du maintien de sa rémunération contractuellement ou conventionnellement accordée au salarié.
Le maintien patronal de salaire est ainsi opéré après déduction des indemnités journalières de sécurité sociale.
En l'espèce, il apparaît à l'examen de la feuille de paie délivrée à l'intéressée pour le mois de février 2017 que la salariée a reçu paiement de l'intégralité de l'indemnité compensatrice de préavis à laquelle elle pouvait prétendre en application des dispositions de l'article 11 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, après déduction des indemnités journalières versées dans le cadre de l'arrêt de travail de Madame p. R.
Le cumul de l'indemnité compensatrice de préavis et des indemnités journalières perçues au titre de la législation sociale du fait d'un arrêt maladie pour cause d'accident du travail n'étant pas autorisé, Madame p. R. doit être déboutée de sa demande tendant à obtenir le paiement de la somme de 3.456,28 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.
Ce faisant, aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de Madame m. W. dans les circonstances entourant le licenciement.
Madame p. R. sera dans ces circonstances déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.
Sur la remise des documents liés à la rupture :
Il convient d'ordonner, en tant que de besoin, la délivrance du reçu pour solde de tout compte et de l'attestation destinée à Pôle Emploi conformes à la présente décision, dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement.
Sur l'exécution provisoire :
Il n'est pas justifié pour le surplus des conditions nécessaires au prononcé de l'exécution provisoire autre que l'exécution provisoire de droit prévue par les dispositions de l'article 60 de la loi n° 446 du 16 mai 1946.
Sur les dépens :
Les dépens du présent jugement seront laissés à la charge de Madame m. W. qui seront recouvrés conformément aux dispositions applicables en matière d'assistance judiciaire.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Dit que le licenciement de Madame p. R. par Madame m. W. ne repose pas sur une cause valable et n'est pas abusif ;
Condamne Madame m. W. à payer à Madame p. R. la somme de 1.106,17 euros (mille cent six euros et dix-sept centimes) à titre d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2017, date de la réception au greffe de la requête introduction d'instance ;
Condamne Madame m. W. à payer à Madame p. R. la somme de 3.000 euros (trois mille euros) de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
Ordonne, en tant que de besoin, la délivrance par Madame m. W. à Madame p. R. dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, du reçu pour solde de tout compte et de l'attestation destinée à Pôle emploi conformes à la présente décision ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne Madame m. W. aux dépens du présent jugement, qui seront recouvrés conformément aux dispositions applicables en matière d'assistance judiciaire ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Monsieur Jean-Pierre DESCHAMPS, Madame Diane GROULX, membres employeurs, Messieurs Pierre-Franck CRESPI, Lionel RAUT, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le vingt-six septembre deux mille dix-neuf, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Jean-Pierre DESCHAMPS, Pierre-Franck CRESPI, Lionel RAUT et Madame Diane GROULX, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint.