Tribunal du travail, 27 juin 2019, Madame m. G. c/ La SAM A

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Abstract🔗

Contrat de travail – Exécution déloyale de l'employeur (non)

Licenciement – Article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 – Caractère abusif (oui)

Résumé🔗

En application des dispositions de l'article 989 du Code civil, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. En l'espèce, Madame m. G. reproché à l'employeur un accueil suspicieux et récalcitrant annonceur du sabotage de sa mission, et la passivité complice de celui-ci quant aux attaques menées à son encontre. Les allégations de Madame m. G. quant à un accueil suspicieux et récalcitrant ne sont aucunement démontrées. De même, aucune passivité ne peut être reprochée à l'employeur.

En application de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, l'employeur dispose d'un droit unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci, et doit supporter les conséquences de sa décision de ne pas énoncer le motif de la rupture, en versant le montant de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968. L'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 n'instaurant pas, au profit de l'employeur, un droit discrétionnaire et absolu, il appartient au Tribunal du travail de vérifier le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié d'une part, et les circonstances ayant entouré la résiliation, qui doivent être exemptes de tout abus d'autre part (cause illicite ou illégale, détournement des dispositions d'ordre public, intention de nuire, précipitation, brutalité, légèreté blâmable). Toutefois, l'exercice par l'employeur de ce droit, sans que le salarié soit rempli de ses droits, est de nature à rendre la rupture fautive et à justifier l'octroi des dommages et intérêts prévus par l'article 13 de la loi n° 729, au même titre qu'une rupture revêtant une forme abusive (Cour de révision du 9 mai 2003 P. c/ SAM L). Il appartient à Madame m. G. de rapporter la preuve, au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts, de l'existence de l'abus commis dans l'exercice du droit unilatéral de rupture et du préjudice qui en est résulté. Alors qu'en effet la preuve de l'abus dans le droit de licencier incombe au salarié qui s'en prévaut, la détermination de l'excès commis par l'employeur dans l'exercice du droit unilatéral de résiliation que lui reconnaît la loi relève en effet du pouvoir souverain d'appréciation des juridictions saisies et peut induire un contrôle indirect du motif de rupture à l'effet de déterminer si celui-ci est fallacieux, c'est-à-dire s'il procède d'une volonté insidieuse de tromperie ou s'il présente un caractère spécieux lui ôtant sa loyauté.

En l'espèce, Madame m. G. soutient que le motif réel de son licenciement est un motif économique. À ce titre, la jurisprudence monégasque considère que le licenciement fondé sur un faux motif ou un motif fallacieux constitue un abus. Par ailleurs, la jurisprudence civile relative à l'abus de droit en caractérise également l'existence en l'absence de motif légitime à exercer le droit. Pour autant, le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque. Si la mise en œuvre d'un licenciement sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 conduit le Tribunal du travail à ne pas s'interroger sur la validité de la rupture, en cas de paiement effectif de l'indemnité de licenciement, il n'en demeure pas moins qu'elle ne peut avoir pour objet de contourner les dispositions d'ordre public applicables en droit social et notamment celles relatives au licenciement économiques collectifs ou individuels. Il n'est pas contestable que les difficultés relationnelles de la demanderesse avec ses collègues de travail ont conduit l'employeur à « réorganiser » le service des ressources humaines, sans pour autant que cette réorganisation soit due à des difficultés économiques. Dans le cadre de son pouvoir de direction, l'employeur a fait le choix de se séparer de Madame m. G. ce qui ne peut lui être reproché tenant le conflit persistant entre celle-ci et une majorité de ses collègues de travail (dans et hors département des ressources humaines). En effet, il s'agit d'un poste à responsabilité ayant notamment pour missions la politique de recrutement, la gestion des relations humaines ainsi que le management social de la société. Un directeur des ressources humaines doit savoir motiver et encadrer ses équipes et développer leurs compétences, ainsi qu'organiser la concertation et le dialogue social entre les membres du personnel. Il résulte des explications développées supra au titre de « la validité du licenciement » que Madame m. G. n'était plus à même d'effectuer ces missions, de sorte que la réorganisation du service s'imposait, sans pour autant qu'elle repose sur des considérations économiques. Il n'y a pas lieu dès lors de s'interroger sur une quelconque suppression de son poste.

Madame m. G. soutient également que son licenciement est lié à la maladie. Il n'est pas contestable que la demanderesse a fait l'objet de plusieurs arrêts de travail, sans pour autant démontrer qu'ils sont dus à des mauvaises conditions de travail. La salariée ne démontre pas plus que la maladie serait la cause de son licenciement. Elle procède par voie d'allégations mais sans apporter le moindre élément permettant d'accréditer ses dires. Force est dès lors de constater que Madame m. G. n'apporte aucun argument quant à un quelconque motif fallacieux ayant présidé le licenciement.

La demanderesse fait également état de manœuvres de l'employeur préalables au licenciement et d'une légèreté blâmable constitutives d'abus. Les manœuvres évoquées par la salariée n'ont pas été retenues dans le cadre de l'exécution du contrat de travail et ne peuvent dans ces circonstances caractériser l'abus commis par l'employeur dans l'exercice de son droit de rompre unilatéralement le contrat. Cependant, il apparaît que l'employeur a fait preuve de légèreté blâmable dans les circonstances entourant la rupture. En effet, le contexte dans lequel est intervenue cette dispense de présence dans l'entreprise est de nature en l'espèce à jeter le discrédit sur la salariée et à lui conférer en définitive un caractère abusif. La rupture présente dans ces circonstances un caractère abusif et vexatoire, justifiant l'octroi de dommages et intérêts à la salariée.


Motifs🔗

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 27 JUIN 2019

  • En la cause de Madame m. G., demeurant « X1», X1 à MONACO ;

Demanderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Delphine FRAHI, avocat au barreau de Nice ;

d'une part ;

Contre :

  • La société anonyme monégasque dénommée A, dont le siège social se situe dans l'immeuble « Y », X2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu les requêtes introductives d'instances en date des 6 juin 2016 et 8 novembre 2016 respectivement reçues les 7 juin 2016 et 10 novembre 2016 ;

Vu les procédures enregistrées sous les numéros 5-2016/2017 et 38-2016/2017 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date des 28 juin 2016 et 13 décembre 2016 ;

Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de Madame m. G. en date des 1er décembre 2016, 11 janvier 2018 et 5 juillet 2018 ;

Vu les conclusions de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur au nom de la SAM A, en date des 4 mai 2017, 5 octobre 2017, 8 mars 2018 et 6 décembre 2018 ;

Ouï Maître Delphine FRAHI, avocat au barreau de Nice pour Madame m. G. en sa plaidoirie ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

Madame m. G. a été embauchée par la société anonyme monégasque B suivant contrat à durée indéterminée en date du 4 octobre 2011, en qualité de Directrice des Ressources Humaines, à compter du 15 octobre 2011, avec un salaire brut annuel de 80.000 euros, outre :

  • un bonus annuel d'un maximum de 25 % de son salaire brut annuel sous réserve de la réalisation d'objectifs annuels définis avec l'employeur,

  • 660 euros par mois d'indemnité pour la location d'un véhicule,

  • 1.250 euros par mois d'indemnité de logement.

Suivant avenant en date du 18 juin 2012, le contrat de Madame m. G. a été transféré à la société anonyme monégasque A avec une reprise de son ancienneté et de ses congés payés, avec effet au 1er juillet 2012.

La salariée a fait l'objet d'un arrêt de travail du 26 novembre au 2 décembre 2014.

Un nouvel arrêt de travail devait intervenir le 9 décembre 2014 jusqu'au 24 décembre 2014, puis du 5 au 20 janvier 2015.

À compter du 2 février 2015, la Médecine du Travail a préconisé à Madame m. G. un mi-temps thérapeutique pendant une durée de deux mois, lequel a été prolongé jusqu'au 2 juin 2015.

Par courrier en date du 22 avril 2015, remis en main propre, Madame m. G. a été convoquée à un entretien préalable pour le 23 avril 2015 afin d'aborder l'avenir de ses relations contractuelles.

Un second entretien est intervenu le 29 avril 2015 au cours duquel il lui a été remis un courrier de licenciement fondé sur les dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963.

La salariée a en outre été dispensée d'exécuter son préavis de trois mois.

Par courrier en date du 13 mai 2015, le conseil de la salariée a contesté le licenciement en ce qu'il était directement lié à l'état de santé de Madame m. G. Cette correspondance est restée sans réponse.

Par requête en date du 6 juin 2016, reçue au greffe le 7 juin 2016, Madame m. G. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

  • sur la rupture du contrat de travail : dommages et intérêts pour rupture abusive et préjudice moral et financier en découlant : 350.000 euros,

  • autres demandes :

    • exécution provisoire du jugement à intervenir,

    • frais et dépens (mémoire),

    • intérêts au taux légal sur l'ensemble des sommes à compter de la requête.

Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le bureau de jugement.

Par requête en date du 8 novembre 2016, reçue au greffe le 10 novembre 2016, Madame m. G. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

  • sur l'exécution du contrat de travail : dommages et intérêts : 315.000 euros,

  • autres demandes :

    • jonction des instances suivant le principe de l'unicité de l'instance,

    • exécution provisoire du jugement à intervenir,

    • frais et dépens (mémoire),

    • intérêts au taux légal sur l'ensemble des sommes à compter de la requête.

Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le bureau de jugement.

Madame m. G. a déposé des conclusions les 1er décembre 2016, 11 janvier 2018 et 5 juillet 2018 dans lesquelles elle fait essentiellement valoir que :

  • sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

    • sa mission était de mettre en place au sein de la SAM A les procédures déjà existantes auprès du groupe D et de veiller pour le compte du groupe à ce que le fonctionnement interne soit conforme aux attentes de l'actionnaire,

    • de ce fait, elle a été accueillie dans un climat de suspicion par la direction de la SAM A,

    • Monsieur h. V. Directeur Général de la SAM A, avait clairement exprimé son opposition à son recrutement,

    • durant presque un an, elle a supporté les pressions quotidiennes, les remarques irrespectueuses et les menaces régulières de Monsieur h. V.

    • Monsieur P. Directeur Administratif et Financier, a saboté l'exécution de sa mission,

    • elle a fait part de ces difficultés au président de la société, Monsieur p. C. lequel a adressé un courriel à Monsieur h. V. l'informant qu'elle rendrait compte, désormais, directement à Monsieur m. M. Directeur des Services Généraux du Groupe D et à Madame a. R. Directrice des Ressources Humaines du Groupe,

    • à la suite de ce courriel, elle a subi une violente agression de la part de Monsieur h. V. Elle en a fait état au Président de la société le 30 octobre 2012,

    • en septembre 2013, Monsieur p. C. a quitté ses fonctions de Président de la SAM A et a été remplacé par Monsieur f. E. jusqu'au mois d'août 2014,

    • en septembre 2014, l'arrivée de Monsieur r. G. a rendu sa tâche plus difficile,

    • Madame v. A. Brokeuse indépendante, a adopté un comportement irrespectueux, voire insolent et une attitude méprisante à l'égard de certains salariés, dont certains se sont plaints auprès d'elle,

    • même non salariée de la SAM A, Madame v. A. devait respecter les règles en place dans la société, et notamment dans les relations avec le personnel,

    • elle a signalé ce comportement à plusieurs reprises à Monsieur v. F. Directeur Commercial, et Monsieur r. G. sans effet,

    • Madame m. Z. Assistante Ressources Humaines, a eu un comportement malveillant à son égard, la dénigrant auprès de collègues de travail. Cette salariée a divulgué des informations strictement confidentielles et a dénigré la société et Monsieur f. E.

    • des soupçons de falsification contre Madame m. Z. devaient entraîner le licenciement de cette dernière, lequel devait aboutir à une transaction. Elle était ainsi désavouée par sa hiérarchie,

    • Madame c. C. Déléguée du Personnel, a eu un comportement irrespectueux et des propos virulents à son encontre, lesquels ont abouti à un avertissement le 24 juillet 2014,

    • à la suite de cette sanction, Madame c. C. lui a adressé un courrier de contestation comportant de nouvelles injures et menaces, ce qui valut à cette salariée une mise à pied de trois jours,

    • ces conflits internes, ajoutés à une charge de travail excessive et aux pressions de Monsieur r. G. ont fragilisé son autorité,

    • le 3 décembre 2014, elle a écrit à Monsieur r. G. afin d'attirer son attention sur son absence de soutien et les répercussions néfastes sur sa santé, et sollicitant un rendez-vous, en vain,

    • à son retour d'arrêt maladie, le 21 janvier 2015, elle a appris qu'une pétition signée par une trentaine de salariés avait été remise par les délégués du personnel à la direction, sans que cela ne suscite la moindre réaction de la part de cette dernière,

    • depuis le mois de septembre 2014 et l'arrivée de Monsieur r. G. elle a été constamment désavouée par son employeur et isolée dans les décisions qu'elle prenait,

    • elle a dû supporter seule les contestations et les critiques liées aux décisions prises,

    • l'employeur a contribué par omission à la dégradation de ses conditions de travail, aboutissant à son arrêt de travail,

  • sur ses prétendues insuffisances professionnelles :

    • les directeurs opérationnels en place au sein de la SAM A vont saboter sa mission et la priver de sa légitimité vis-à-vis des équipes en place,

    • ses qualités professionnelles sont démontrées par son parcours et notamment les attestations de Monsieur p. C. ancien dirigeant de la SAM A, de Monsieur m. M. Directeur des Services Généraux du Groupe D et de Madame a. R. Directrice des Ressources Humaines du Groupe,

    • sa tâche au sein de la SAM A n'était pas seulement opérationnelle,

    • les critiques de l'employeur concernent des tâches qui relevaient des attributions de son assistante,

    • le Directeur des Ressources Humaines n'a pas à être l'interlocuteur des salariés pour des questions pratiques, mais élabore une stratégie d'entreprise pour atteindre des objectifs et y mettre en place les outils,

    • les documents qu'elle produit ne peuvent en aucune manière constituer une violation de son obligation de confidentialité eu égard à la jurisprudence applicable en la matière,

    • sur la rupture abusive de son contrat de travail :

    • le motif économique est le motif réel de son licenciement,

    • en étant licenciée sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729, elle a été privée des dispositions relatives au licenciement économique,

    • une réorganisation du département des ressources humaines était prévue et elle n'avait plus sa place dans la nouvelle architecture de Monsieur r. G.

    • après son licenciement, son poste a été supprimé et remplacé par deux postes, l'un à Monaco, l'autre à Fort Lauderdale en Floride,

    • la volonté de nuire de l'employeur est dès lors patente,

    • depuis fin novembre 2014, sa santé s'était considérablement détériorée,

    • l'employeur ne souhaitait pas conserver une salariée amoindrie et n'a pas apprécié la mesure de mi-temps thérapeutique,

    • en réalité, l'employeur souhaitait la licencier en raison de son état de santé qui l'avait affaiblie, ne lui permettant plus de travailler autant d'heures qu'auparavant,

  • sur les manœuvres préalables au licenciement et la légèreté blâmable constitutives d'abus :

    • les manquements de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail étaient destinés à provoquer la rupture du contrat de travail,

    • cette malveillance a conduit à son arrêt de travail pour burn-out et syndrome dépressif réactionnel,

    • l'employeur a ainsi commis une faute dans l'exercice de son droit de rompre son contrat de travail,

    • son licenciement a été conduit avec une légèreté fautive, sans aucun égard, concomitamment au renouvellement d'une mesure de mi-temps thérapeutique, et avec une dispense de présence dans les locaux et un retrait de ses affaires personnelles dès le 23 avril 2015, alors que la mesure de licenciement n'a été notifiée que le 29 avril 2015,

  • sur les dommages et intérêts :

    • le licenciement a gravement porté atteinte à sa crédibilité et son honorabilité, ce qui l'a profondément affectée,

    • elle subit un préjudice tant moral que financier, outre celui lié à l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail.

La SAM A a déposé des conclusions les 4 mai 2017, 5 octobre 2017, 8 mars 2018 et 6 décembre 2018 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et soutient essentiellement que :

  • sur l'exécution du contrat de travail :

    • Madame m. G. n'a aucune preuve sur les accusations qu'elle porte quant aux prétendues pressions de Monsieur h. V.

    • la demanderesse a été engagée par Monsieur p. C. sans l'avis des autres membres de la Direction,

    • Monsieur p. C. a toujours protégé Madame m. G. et il est allé jusqu'à modifier l'organigramme de la société afin qu'elle rende compte directement à la société C et non plus à Monsieur h. V.

    • les exemples donnés par la salariée pour tenter de démontrer une mauvaise exécution par l'employeur du contrat de travail ne constituent que le quotidien d'une Directrice des Ressources Humaines. Il apparaît ainsi que Madame m. G. n'a pas su faire face à des situations extrêmement banales,

    • ces événements sont devenus de véritables problèmes pour Madame m. G. qui n'avait pas les compétences pour gérer de simples situations. Elle recherchait le soutien de la Direction pour des situations qui ne le nécessitaient pas et qu'elle aurait dû gérer seule. Cette attitude ne correspond pas à celle que doit avoir un Directeur des Ressources Humaines, poste impliquant une prise de décision,

    • contrairement à ce qu'indique la demanderesse, cette dernière a reçu le soutien de la Direction dans les situations concernant la brokeuse indépendante, le comportement irrespectueux d'une déléguée du personnel et le licenciement de Madame m. Z.

    • toutes ses demandes de rendez-vous avec Monsieur r. G. ont été satisfaites,

    • les faits relatés par la salariée ne font que mettre en exergue son insuffisance professionnelle et son incapacité à gérer les responsabilités liées à son poste de Directrice des Ressources Humaines,

    • le comportement de Madame m. G. n'est pas irréprochable et des salariés de l'entreprise ont fait remonter des informations à la Direction,

    • les attestations produites démontrent que Madame m. G. manquait de savoir-faire avec les salariés. Elle avait une attitude déplorable avec le personnel et de ce fait, elle a créé une relation conflictuelle avec ses collègues de travail et collaborateurs,

    • une pétition a même été signée par les salariés de l'entreprise et transmise à la Direction,

  • sur la rupture du contrat de travail :

    • la salariée a reçu le paiement de son indemnité de licenciement et a été intégralement remplie de ses droits,

    • Madame m. G. a été défaillante dans l'exécution de ses missions,

    • aucun changement n'a été mis en place pendant les quatre années de présence de la demanderesse en tant que Directrice des Ressources Humaines,

    • il est produit un très grand nombre de documents démontrant l'incompétence de Madame m. G. dans l'accomplissement de ses tâches,

    • un certain nombre de documents produits par la demanderesse constitue une violation de son obligation de confidentialité,

    • Madame m. G. n'a pas plus respecté la confidentialité propre à son poste de Directrice des Ressources Humaines,

    • aucun élément ne permet de conclure à l'existence d'un motif économique sous-jacent,

    • Monsieur r. G. a essayé simplement de trouver une alternative afin de mettre un terme à une situation nuisible du fait de la demanderesse qui avait perdu sa légitimité auprès des salariés de l'entreprise,

    • Madame m. G. a été convoquée à un entretien préalable au cours duquel elle a pu s'exprimer,

    • la demanderesse a été dispensée de présence dans l'entreprise afin de lui éviter de subir le climat social devenu insoutenable. Madame m. G. restait enfermée dans son bureau, le lien avec les salariés étant totalement rompu,

    • la Direction a donc pris la décision de licencier Madame m. G. afin de rompre ce climat tendu dans l'entreprise,

    • la maladie de la salariée, causée par le stress, est le résultat de son surmenage à vouloir assumer des tâches pour lesquelles elle n'avait pas les compétences requises,

    • avant le licenciement, elle a mis tout en œuvre pour accompagner Madame m. G. dans l'accomplissement de ses tâches et faire face à l'insuffisance professionnelle de cette dernière.

SUR CE,

Il convient d'ordonner, en application des dispositions de l'article 59 alinéa 2 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifiée, la jonction des instances portant les numéros 5 de l'année judiciaire 2016-2017 et 38 de l'année judiciaire 2016-2017, dès lors que les demandes dérivent d'un même contrat de travail.

  • Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

En application des dispositions de l'article 989 du Code civil, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

En l'espèce, Madame m. G. reproché à l'employeur :

  • un accueil suspicieux et récalcitrant annonceur du sabotage de sa mission,

  • la passivité complice de celui-ci quant aux attaques menées à son encontre.

  • Sur son accueil suspicieux

Madame m. G. soutient que son embauche a été contestée et conflictuelle, entraînant un accueil suspicieux et récalcitrant annonceur du sabotage de sa mission.

Madame m. G. a été embauchée en qualité de Directrice des Ressources Humaines suivant contrat de travail en date du 4 octobre 2011, à effet du 15 octobre 2011.

Pour démontrer ses allégations, la demanderesse produit :

  • une attestation de Monsieur p. C. ancien Président de la SAM B et qui écrit :

« ... Son arrivée dans l'entreprise a causé de nombreuses oppositions de la part du Directeur Général de l'époque h. V. et du Directeur Financier (r. P..

Au sein du département financier il existait une organisation atypique avec la présence notamment de l'épouse du Directeur Financier avec les fonctions de la société G. A l'arrivée de m. G. dans l'entreprise, le Directeur Général h. V. a en outre imposé l'entrée de son épouse dans le service des ressources humaines sous les ordres de m. G.

Il est évident que dans ce contexte, la tâche de m. G. fut difficile et non soutenue de manière adéquate par la direction.

Pour remédier à cette situation, j'ai pris la décision de placer dans ses fonctions Madame G. sous les ordres de la directrice des ressources humaines du Groupe Madame a. R. et du CORPORATE GENERAL MANAGER Monsieur m. M... ».

  • une attestation de Monsieur m. M. ancien directeur des services centraux d'entreprise du groupe D, qui déclare que :

« ... Madame G m. outre ses fonctions au sein du service des ressources humaines, avait été envoyée par le siège italien, à titre de personne de confiance, aux fins de comprendre et de vérifier comment l'entreprise était gérée car la situation de la SAM A n'était pas claire et les règles normales d'entreprise communément suivies n'étaient pas respectées.

Il existait en effet au sein de la SAM B une situation anormale : les épouses du directeur financier r. P. et de l'administrateur délégué h. V. travaillaient dans l'entreprise : l'une en qualité de contrôleur et de collaboratrice de son époux, situation anormale et l'autre d'abord en qualité d'assistante de son époux puis transférée au service des ressources humaines à l'arrivée dans l'entreprise de Madame G m.

Je me souviens que dans l'entreprise on faisait beaucoup obstacle à son travail et qu'au moins à deux reprises ci-dessus indiqués s'étaient opposés à l'application des politiques et des règles du Groupe H même les plus banales comme la politique concernant le remboursement des frais... ».

Ces déclarations font état d'oppositions de la Direction de la SAM A à la venue de Madame m. G. et d'obstacles à son travail, sans pour autant donner des précisions matériellement vérifiables par le Tribunal.

En effet, il n'est pas contestable que la venue de Madame m. G. au sein de la SAM A a été décidée par le Président de l'époque, Monsieur p. C. qui n'avait pas à en informer ses subordonnés ; lesquels ont été surpris par cette nomination.

Rien ne démontre qu'elle a été accueillie dans un climat d'animosité et de défiance.

La demanderesse retient dans ses écritures les attestations produites par la partie défenderesse en pièces nos 7, 8 et 9 pour conclure à un accueil suspicieux, alors que les témoins ne font que relater des épisodes de travail sans lien avec l'arrivée de Madame m. G.

Seule Madame D.(pièce n° 9) indique que « lorsque Madame m. G. est arrivée dans la société au poste de directrice des ressources humaines, les salariés étaient contents et plusieurs d'entre eux ont essayé de l'aider lorsqu'elle avait des questions... ».

Ces déclarations sont confirmées par Madame DU. (pièce de l'employeur n° 29) : « Madame m. G. a joui de la sympathie de la majorité d'entre nous à son arrivée et a pu compter sur l'aide de beaucoup d'entre nous aussi à ses débuts... ».

  • ce n'est que par un courriel en date du 30 octobre 2012 que Madame m. G. va alerter Monsieur C. en ces termes :

« Chers p. m. et l.,

Après une scène faite ce matin à mon bureau par h. pendant laquelle j'ai été menacée « je ne te veux pas, je t'aurais déjà licenciée, tu auras une vie très difficile ici et ne te préparerait cent « v. » (une intermédiaire indépendante, indisciplinée qui n'a pas apprécié de devoir respecter certaines règles, telle que celle de ne pas boire d'alcool au bureau durant les heures de travail), j'ai reçu cet email.

J'ai eu l'autorisation de l. d'aller à Fort Lauderdale, parce qu'il y a beaucoup de choses à faire là-bas. h. ne me donne pas l'autorisation depuis de nombreux mois et même g. me demande sans arrêt d'y aller et de me présenter aux salariés. Il y a des personnes sous contrat temporaire que je dois interviewer pour confirmer et embaucher, par exemple, etc, etc...

J'ai été très choquée plus que par les autres menaces, de voir un CEO qui se comporte de cette façon devant les autres employés sans aucun self contrôle. Je suis tranquille je sais que je fais de mon mieux et je continuerai à le faire en comptant sur votre aide. ».

Monsieur p. C. a répondu le même jour en ces termes :

« Chère m.,

Ne te fais pas de soucis à cause d'un CEO fou.

Aujourd'hui, comme tu le sais, je l'ai appelé et je crois l'avoir clairement averti de changer de registre.

Tiens-nous au courant. ».

Il résulte de ces éléments l'existence d'un litige entre Monsieur h. V. et Madame m. G. le 30 octobre 2012, l'embauche de cette dernière étant antérieure d'une année.

Force est de constater que les allégations de Madame m. G. quant à un accueil suspicieux et récalcitrant ne sont aucunement démontrées.

  • Sur la passivité complice de l'employeur quant aux attaques menées à l'encontre de Madame m. G.

La demanderesse fait état de trois événements qu'il convient de reprendre :

  • le comportement irrespectueux d'une brokeuse indépendante, Madame v. A.

Un litige est effectivement apparu entre Madame v. A. et Madame m. G. litige qu'il appartenait à cette dernière de régler en sa qualité de Directrice des Ressources Humaines.

La salariée ne produit par ailleurs aucun courrier/courriel adressé à son/ses supérieur(s) hiérarchique(s) leur demandant un soutien dans le traitement de ce litige.

Madame m. G. a simplement adressé un mèl le 25 novembre 2014 à Monsieur v. F. Directeur Commercial, sans lien hiérarchique à l'égard de celle-ci, ainsi libellé :

« Bonjour v.

Il est vraiment urgent pour nous de parler du mail offensant de v. et de son comportement.

Nous nous trouvons dans une situation délicate maintenant, parce qu'on ne peut pas garder quelqu'un dans la société qui n'est pas lié par une convention de stage, et qui n'a pas été autorisé par le service de l'emploi monégasque.

J'ai le devoir de protéger la société de tout risque juridique relatif au personnel.

Hier, je l'ai appelée pour lui expliquer la situation, mais elle a quitté mon bureau disant : « Je n'ai pas de temps à perdre ».

Ce n'est pas la première fois qu'elle me manque ainsi de politesse. Elle a également écrit des mails offensants sur moi.

C'est simplement INACCEPTABLE.

Je ne conteste pas ses fonctions ou ses résultats, comme elle le prétend.

J'ai toujours mis les stagiaires à la disposition de la société J, selon la demande de i., et nous avons systématiquement des stagiaires pour la saison estivale.

En fait, il y eut j. BA.du ... Tous les stagiaires ont été approuvés par le SE de Monaco et une convention a été signée entre la SAM B et leur université/école.

La personne que v. a fait rentrer au bureau ne bénéficie pas d'une convention avec la SAM A et n'a pas reçu l'approbation du service de l'emploi de Monaco.

En cas de contrôle, la société sera sanctionnée.

Comme vous le savez, je ne dois pas laisser la société violer la loi monégasque.

Veuillez me faire savoir quand nous pouvons parler de ce comportement grave et inacceptable.

Bien cordialement. ».

Tenant la fonction de Monsieur v. F. (Directeur Commercial), il n'appartenait pas à ce dernier de régler la difficulté soulevée par Madame m. G. quant à la présence d'un stagiaire dans les locaux de l'entreprise.

Il s'agit là encore d'une attribution relevant des fonctions de Directeur des Ressources Humaines, poste de la demanderesse.

Elle devait dès lors alerter ses supérieurs hiérarchiques si la question ne pouvait être résolue par sa seule intervention. Madame m. G. ne démontre pas avoir alerté la Direction de la difficulté.

  • le licenciement de Madame m. Z. Assistante en Ressources Humaines.

Il n'est pas contestable qu'un litige est également apparu avec Madame m. Z. Madame m. G. en ayant informé Madame a. R. Directrice des Ressources Humaines du Groupe.

En vertu de son contrat de travail, Madame m. G. devait notamment « informer le CEO sans délai, dès que vous aurez connaissance d'une faute de votre part, ou d'une faute commise ou susceptible d'être commise par un autre employé ou dirigeant de la société », ce qu'elle fit le 20 novembre 2014 à 16 h 28 puis le 21 novembre 2014 à 9 h 26 auprès de Monsieur r. G. Président de la SAM A, en lui demandant son accord pour adresser un courrier rédigé par la société K à Madame m. Z.

Monsieur r. G. apportera une réponse par e-mail du 21 novembre 2014 à 10 h 44, en ces termes :

« m., merci de me faire savoir si BI. a écrit cette lettre ou s'il a approuvé le texte. ».

  • Ensuite de la réponse de Madame m. G. le même jour à 11 h 01, Monsieur r. G. va écrire à 13 h 22 :

« Compris. Histoire très compliquée. Mais si c'est M. BI. l'a écrite, alors vas-y.

Cordialement. ».

La demanderesse va donc adresser à Madame m. Z. un courrier le 21 novembre 2014, soit moins d'un jour après avoir alerté le Président de la société.

Celle-ci ne peut dans ces circonstances sérieusement soutenir ne pas avoir été soutenue par la Direction dans ses démarches à l'encontre de Madame m. Z.

Par la suite et tenant le courrier de contestation adressé par Madame m. Z. à Madame m. G. le 28 novembre 2014, l'employeur a préféré opter pour une transaction, ce qui relève de son pouvoir de direction et ne peut en aucune manière être assimilé à un désaveu contre l'action menée par la demanderesse.

  • le comportement irrespectueux d'une déléguée du personnel.

Il est constant que Madame c. C. a adopté un comportement inadapté à l'encontre de Madame m. G. pour lequel elle a fait l'objet de sanctions disciplinaires : un avertissement le 24 juillet 2014 puis une mise à pied de trois jours le 4 août 2014.

La demanderesse estime que l'attitude de Madame c. C. trouve son origine dans le discrédit dont elle a fait l'objet depuis son arrivée, lequel n'a pas été retenu par le Tribunal.

Il ne peut être reproché à l'employeur le comportement d'une salariée ayant fait l'objet d'une procédure de licenciement et d'une autre ayant pris fait et cause pour la première. Un Directeur des Ressources Humaines est confronté régulièrement à ce genre de comportement qu'il lui appartient de gérer au mieux des intérêts de la société et dans le respect des salariés concernés.

  • la passivité de la Direction.

Madame m. G. estime avoir été moralement atteinte et épuisée par l'environnement hostile dans lequel elle a dû travailler et avoir sollicité un entretien avec Monsieur r. G. afin d'attirer son attention sur son absence de soutien et sur les répercussions néfastes sur sa santé.

Il apparaît que la salariée a adressé un courriel à Monsieur r. G. le 3 décembre 2014 à 23 h 50 dans lequel elle détaille les raisons qui, selon elle, aboutissent à un manque de soutien de la Direction dans les actions qu'elle a menées.

Le Tribunal rappelle que le manque de soutien invoqué n'a pas été retenu.

Bien plus, Madame m. G. débute son e-mail ainsi : « Faisant suite à nos discussions de ce jour... », ce qui démontre que l'employeur a reçu et écouté la salariée ; laquelle reproche à ce dernier d'avoir un point de vue différent du sien et qu'elle assimile, à tort, à une absence de soutien.

Elle reproche également à l'employeur son manque de réaction suite à une pétition signée par les salariés de l'entreprise contre sa personne.

Cependant, cette pétition constitue le point d'orgue d'une situation conflictuelle entre les salariés et la Directrice des Ressources Humaines, laquelle s'est cristallisée et a contraint l'employeur à prendre position sur la poursuite des relations avec la demanderesse.

Il appartient en effet à l'employeur de prendre toute mesure afin d'assurer la pérennité de son entreprise et à cet effet, de statuer sur le sort de salariés pour lesquels il est devenu impossible de travailler ensemble.

Aucune passivité ne peut dès lors être reprochée à l'employeur.

  • Sur la rupture

Le Tribunal relève que les parties se livrent à des développements importants sur les qualités professionnelles de la salariée et notamment une insuffisance professionnelle mise en avant par l'employeur, alors que la demanderesse a été licenciée sur le fondement des dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, à savoir sans énonciation de motif(s).

Lesdits développements ne seront dès lors pas examinés par le Tribunal, ceux-ci n'ayant aucun intérêt pour la solution du litige.

En application de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, l'employeur dispose d'un droit unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci, et doit supporter les conséquences de sa décision de ne pas énoncer le motif de la rupture, en versant le montant de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968.

L'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 n'instaurant pas, au profit de l'employeur, un droit discrétionnaire et absolu, il appartient au Tribunal du travail de vérifier le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié d'une part, et les circonstances ayant entouré la résiliation, qui doivent être exemptes de tout abus d'autre part (cause illicite ou illégale, détournement des dispositions d'ordre public, intention de nuire, précipitation, brutalité, légèreté blâmable).

Toutefois, l'exercice par l'employeur de ce droit, sans que le salarié soit rempli de ses droits, est de nature à rendre la rupture fautive et à justifier l'octroi des dommages et intérêts prévus par l'article 13 de la loi n° 729, au même titre qu'une rupture revêtant une forme abusive (Cour de révision du 9 mai 2003 P. c/ SAM L).

Il appartient à Madame m. G. de rapporter la preuve, au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts, de l'existence de l'abus commis dans l'exercice du droit unilatéral de rupture et du préjudice qui en est résulté.

Alors qu'en effet la preuve de l'abus dans le droit de licencier incombe au salarié qui s'en prévaut, la détermination de l'excès commis par l'employeur dans l'exercice du droit unilatéral de résiliation que lui reconnaît la loi relève en effet du pouvoir souverain d'appréciation des juridictions saisies et peut induire un contrôle indirect du motif de rupture à l'effet de déterminer si celui-ci est fallacieux, c'est-à-dire s'il procède d'une volonté insidieuse de tromperie ou s'il présente un caractère spécieux lui ôtant sa loyauté.

En l'espèce, Madame m. G. soutient que le motif réel de son licenciement est un motif économique.

À ce titre, la jurisprudence monégasque considère que le licenciement fondé sur un faux motif ou un motif fallacieux constitue un abus. Par ailleurs, la jurisprudence civile relative à l'abus de droit en caractérise également l'existence en l'absence de motif légitime à exercer le droit.

Pour autant, le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.

Si la mise en œuvre d'un licenciement sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 conduit le Tribunal du travail à ne pas s'interroger sur la validité de la rupture, en cas de paiement effectif de l'indemnité de licenciement, il n'en demeure pas moins qu'elle ne peut avoir pour objet de contourner les dispositions d'ordre public applicables en droit social et notamment celles relatives au licenciement économiques collectifs ou individuels.

La demanderesse considère que le département des Ressources Humaines a fait l'objet d'une réorganisation rendant inévitable son licenciement.

Madame m. G. a été licenciée par courrier en date du 29 avril 2015, en ces termes :

« Madame,

Au Mois de Janvier 2015, nous avions eu un entretien au cours duquel nous avions évoqué la situation de notre Département des Ressources Humaines et, après discussions, la fin de votre contrat de travail avait été envisagée.

Depuis, vous avez été en arrêt de maladie, puis vous avez repris en mi-temps thérapeutique, prolongé à une reprise. Pendant cette période, nous avons suspendu le processus engagé.

Le jeudi 23 avril, nous avons eu un nouvel entretien au cours duquel je vous ai indiqué que l'évolution du département des Ressources Humaines devait intervenir sans plus attendre et que, en conséquence, nous envisagions toujours de mettre fin à vos fonctions. Un courrier, dont vous avez délivré récépissé, vous a été remis ce jour en fin d'entretien, et rendez-vous a été pris, pour un second entretien formel, pour le mercredi 29 Avril.

Au terme de l'entrevue du 23 avril dernier, j'ai pu vous expliquer les raisons pour lesquelles nous procédions à votre congédiement.

L'article 6 de la loi n°729 du 16 mars 1963, sur le contrat de travail, nous permettant, selon la jurisprudence devenue constante, de ne pas expliciter les causes ni les motifs, nous avons décidé de nous référer à cette disposition de la loi en vous remettant une lettre de licenciement ne comportant aucun motif, la cause étant inhérente à votre personne. Cette mesure vous permet de bénéficier de l'indemnité de licenciement, plus favorable que l'indemnité de congédiement... ».

Eu égard à ce courrier, Madame m. G. estime que son licenciement est dû à une réorganisation du département des Ressources Humaines.

Il n'est pas contestable que les difficultés relationnelles de la demanderesse avec ses collègues de travail ont conduit l'employeur à « réorganiser » le service des ressources humaines, sans pour autant que cette réorganisation soit due à des difficultés économiques.

Dans le cadre de son pouvoir de direction, l'employeur a fait le choix de se séparer de Madame m. G. ce qui ne peut lui être reproché tenant le conflit persistant entre celle-ci et une majorité de ses collègues de travail (dans et hors département des ressources humaines).

En effet, il s'agit d'un poste à responsabilité ayant notamment pour missions la politique de recrutement, la gestion des relations humaines ainsi que le management social de la société.

Un directeur des ressources humaines doit savoir motiver et encadrer ses équipes et développer leurs compétences, ainsi qu'organiser la concertation et le dialogue social entre les membres du personnel,

« Puisqu'il est en contact permanent avec l'intégralité des services de la société, il doit avoir un très bon sens relationnel ainsi que d'excellentes qualités humaines. Ce gestionnaire de conflits internes à la société nécessite une personne qui sait faire preuve de beaucoup de tact, de diplomatie tout en étant à l'écoute des autres » (entreprise-et-droit. com).

Il résulte des explications développées supra au titre de « la validité du licenciement » que Madame m. G. n'était plus à même d'effectuer ces missions, de sorte que la réorganisation du service s'imposait, sans pour autant qu'elle repose sur des considérations économiques.

Il n'y a pas lieu dès lors de s'interroger sur une quelconque suppression de son poste.

Madame m. G. soutient également que son licenciement est lié à la maladie.

Il n'est pas contestable que la demanderesse a fait l'objet de plusieurs arrêts de travail, sans pour autant démontrer qu'ils sont dus à des mauvaises conditions de travail.

La salariée ne démontre pas plus que la maladie serait la cause de son licenciement. Elle procède par voie d'allégations mais sans apporter le moindre élément permettant d'accréditer ses dires.

Force est dès lors de constater que Madame m. G. n'apporte aucun argument quant à un quelconque motif fallacieux ayant présidé le licenciement.

La demanderesse fait également état de manœuvres de l'employeur préalables au licenciement et d'une légèreté blâmable constitutives d'abus.

Les manœuvres évoquées par la salariée n'ont pas été retenues dans le cadre de l'exécution du contrat de travail et ne peuvent dans ces circonstances caractériser l'abus commis par l'employeur dans l'exercice de son droit de rompre unilatéralement le contrat.

Cependant, il apparaît que l'employeur a fait preuve de légèreté blâmable dans les circonstances entourant la rupture.

En effet, il résulte des pièces produites par les parties que Madame m. G. a été dispensée de toute présence dans les locaux de l'entreprise dès le 23 avril 2015, aucune justification particulière et alors que la rupture n'est intervenue que par courrier en date du 29 avril 2015.

Ainsi, le contexte dans lequel est intervenue cette dispense de présence dans l'entreprise est de nature en l'espèce à jeter le discrédit sur la salariée et à lui conférer en définitive un caractère abusif.

La rupture présente dans ces circonstances un caractère abusif et vexatoire, justifiant l'octroi de dommages et intérêts à la salariée.

Madame m. G. justifie avoir été particulièrement affectée par l'attitude de l'employeur telle que reprise supra . Elle a nécessairement supporté un préjudice moral du fait de la situation générée par cette rupture exercée avec légèreté.

En l'état de l'analyse qui précède et des éléments d'appréciation produits, le préjudice apparaît devoir être justement évalué à la somme de 12.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

  • Sur les dépens

La SAM A sera condamnée aux dépens.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Ordonne la jonction des instances portant les numéros 5 et 38 de l'année judiciaire 2016/2017 ;

Dit que le licenciement de Madame m. G. par la société anonyme monégasque A est abusif ;

Condamne la SAM A à payer à Madame m. G. la somme de 12.000 euros (douze mille euros) de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Déboute Madame m. G. du surplus de ses demandes ;

Condamne la SAM A aux dépens du présent jugement ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Madame Virginia BUSI, Monsieur Anthony GUICHARD, membres employeurs, Messieurs Bruno AUGÉ, Jean-Pierre MESSY, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le vingt-sept juin deux mille dix-neuf, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Anthony GUICHARD, Bruno AUGÉ et Jean-Pierre MESSY, Madame Virginia BUSI, étant empêchée, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint.

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