Tribunal du travail, 27 juin 2019, Madame m. A. D., c/ La SAM A

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Abstract🔗

Contrat de travail - CDD - Requalification en CDI (non) - Obligation de bonne foi - Manquement de l'employeur (oui) - Indemnisation (oui)

Résumé🔗

Les dispositions de l'article 6 de la Convention Collective de Travail de l'Industrie Hôtelière du 1er juillet 1968 aux termes desquelles : « L'embauchage et le débauchage du personnel s'effectuera librement conformément aux dispositions légales et réglementaire en vigueur. En cas de fermeture saisonnière, sous respect des dispositions légales et réglementaires mentionnées au 1er du présent article, la priorité de réembauchage au moment de la réouverture sera accordée aux employés ayant été occupés dans l'établissement durant la saison précédente, à la condition que lesdits employés aient fait connaître leur intention de bénéficier de cette priorité avant le 15 août pour la saison d'hiver et le 15 mai pour la saison d'été... ». Ces dispositions d'interprétation stricte ne souffrent d'aucune interprétation et supposent la fermeture saisonnière de l'établissement pour qu'un salarié ayant été occupé durant la saison précédente puisse bénéficier de la priorité de réembauchage. Force est de constater que la société B est ouvert tout au long de l'année, sans aucune fermeture saisonnière, de sorte que l'article 6 de la Convention Collective de Travail de l'Industrie Hôtelière n'est pas applicable au présent litige.

L'article 9 de la même Convention Collective, auquel les parties ne peuvent se soustraire, ne souffre pas plus d'interprétation que l'article 6, par la clarté de ses termes. Il en résulte que seuls les salariés embauchés de manière continue pendant deux ans au moins peuvent en revendiquer le bénéfice.

Il résulte de l'ensemble des contrats (à durée déterminée et extra) que Madame A.D ne peut se prévaloir de deux ans de présence ininterrompue au sein de la société B, et ce, quelle que soit la situation prise en compte (salarié absent ou non, extra). Par ailleurs, la SAM A démontre que le remplacement de salariés absents était justifié : arrêts de travail classement en invalidité de Madame n.A. (pièces n° 13 et n° 14), prolongation d'arrêt de travail et fiches d'aptitude de Madame f. T. (pièces n° 15, n° 16 et n° 17) et arrêt de travail de Madame f J. (pièce n° 18). L'ensemble de ces éléments fait donc obstacle à la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

Cependant, il convient de relever que la SAM A a systématiquement et régulièrement fait appel à Madame A.D. depuis 2006, pour des activités liées aux fluctuations touristiques, dans le cadre de contrats à durée déterminée ou d'extra, de sorte que l'employeur devait nécessairement privilégier, sauf à manquer à son obligation de bonne foi, l'appel à ses services et ne pas interrompre toute relation à compter du mois de janvier 2018 sans aucune raison, alors que Madame A.D. a toujours rempli ses missions avec efficacité. Or, la salariée a dénoncé dans ses écritures l'embauchage de salariés sans ancienneté et n'étant pas limitrophe de la Principauté de Monaco à la réouverture de la société B, sans que des explications claires et/ou des pièces aient été fournies par la SAM A afin de combattre l'argumentation pertinente de la demanderesse sur ce point. La SAM A a dès lors placé la demanderesse dans une situation très inconfortable d'un point de vue professionnel. Cependant, Madame A.D.ne produit aucun élément sur sa situation financière (indemnisation Pôle Emploi ou contrats précaires) de sorte que son préjudice sera limité. Dans ces conditions, le Tribunal estime que la somme de 7 500 euros de dommages et intérêts doit être allouée à Madame A.D. pour réparer le préjudice subi du fait du manquement à l'obligation de bonne foi, les intérêts au taux légal courant à compter du présent jugement.


Motifs🔗

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 27 JUIN 2019

  • En la cause de Madame m. A. D., demeurant X1 à NICE (06000) ;

Demanderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Clyde BILLAUD, avocat-stagiaire ;

d'une part ;

Contre :

  • La société anonyme monégasque dénommée A, dont le siège social se situe X2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 6 juillet 2017, reçue le 7 juillet 2017 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 11-2017/2018 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 17 octobre 2017 ;

Vu les conclusions de Maître Patricia REY, avocat-défenseur au nom de Madame m. A. D. en date des 8 mars 2018, 5 juillet 2018 et 6 décembre 2018 ;

Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur au nom de la SAM A, en date des 17 mai 2018, 4 octobre 2018 et 10 janvier 2019 ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

Madame m. A. D. a été embauchée par la société anonyme monégasque dénommée A en qualité de Femme de Chambre au sein de la société B suivant plusieurs contrats à durée déterminée successifs, à savoir :

  • du 22 mai au 15 octobre 2006,

  • du 15 mai au 30 septembre 2007,

  • du 15 mai au 30 septembre 2008,

  • du 18 mai au 31 août 2009,

  • du 8 juillet au 30 septembre 2010,

  • du 27 mai au 30 septembre 2011,

  • du 18 mai au 30 septembre 2012,

  • du 4 mai au 31 août 2013,

  • du 10 janvier au 1er septembre 2014,

  • du 16 mars 2015 au 31 août 2016,

  • du 1er août 2017 au 31 janvier 2018.

Madame m. A. D. a également effectué certains extras de 2006 à 2015.

Par courrier en date du 17 mai 2017, le Conseil de la demanderesse a mis en demeure la SAM A de renouveler sous huitaine « le contrat saisonnier de Madame m. A. D. en qualité de femme de chambre (jour/nuit) ».

Cette demande a été réitérée le 6 juillet 2017.

Par requête en date du 6 juillet 2017 reçue au greffe le 7 juillet 2017, Madame m. A. D. a saisi le Tribunal du tribunal en conciliation des demandes suivantes :

  • - avant-dire-droit au fond :

  • - enjoindre la SAM A de verser aux débats la totalité des contrats de travail et avenants signés par Madame m. A. D. au cours de la période d'avril 2006 à août 2016,

* à titre principal :

  • - constater que Madame m. A. D. a été employée par la SAM A en qualité d'Extra et de Femme de Chambre pour la période d'avril 2006 à août 2016,

  • - constater la priorité de réembauchage accordée aux employés ayant été occupés dans l'établissement durant la saison précédente,

* en conséquence,

  • - ordonner le réembauchage de Madame m. A. D. par la SAM A au poste de femme de chambre de la société B, suivant contrat à durée indéterminée, dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, avec toutes conséquences de droit,

* à titre subsidiaire :

  • - requalifier en contrat à durée indéterminée les contrats à durée déterminée successivement intervenus entre Madame m. A. D. et la SAM A,

  • - dire et juger que la rupture des relations contractuelles le 31 août 2016 s'analyse en un licenciement,

  • - dire et juger que le licenciement de Madame m. A. D. présente un caractère abusif :

* en conséquence, condamner la SAM A au paiement des sommes suivantes avec intérêts de droit au taux légal à compter de la citation et jusqu'à parfait paiement :

  • - indemnité de licenciement : 16.816,32 euros,

  • - à défaut indemnité de congédiement : 5.605,44 euros,

  • - préavis (2 mois) : 5.605,44 euros,

  • - congés payés sur préavis (au dixième) : 506,54 euros,

  • - dommages et intérêts pour licenciement abusif : 20.000 euros (préjudice financier, préjudice moral compte-tenu de ses difficultés de retrouver un emploi compte- tenu de son âge et des conséquences dommageables sur sa vie personnelle),

  • - ordonner la délivrance de bulletins de salaire, de certificat de travail, d'attestation Pôle Emploi et du solde de tout compte conforme,

en tout état de cause :

  • - condamner la SAM A à payer à Madame m. A. D. les sommes suivantes avec intérêts de droit au taux légal à compter de la citation et jusqu'à parfait paiement :

  • - 9.000 euros au titre de la prime versée aux salariés de la société B durant les travaux dudit hôtel (18 mois x 500 euros),

  • - 14.000 euros au titre des salaires non perçus par cette dernière pour la saison d'été 2017 (5 mois x 2.800 euros),

  • - 20.000 euros à titre de dommages et intérêts,

  • - ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

  • - condamner la SAM A aux entiers dépens.

À l'audience de conciliation, Madame m. A. D. a modifié ses demandes de la manière suivante :

  • - enjoindre la SAM A de verser aux débats les contrats de travail et avenants depuis avril 2006,

  • - constater qu'elle a été employée en tant qu'extra et femme de chambre à compter d'avril 2006,

  • - requalifier en contrat à durée indéterminée les contrats à durée déterminée successivement intervenus,

  • - condamner la SAM A à payer à Madame m. A. D. la somme de 50.000 euros.

Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le bureau de jugement.

Madame m. A. D. a déposé des conclusions les 8 mars 2018, 5 juillet 2018 et 6 décembre 2018 dans lesquelles elle demande au Tribunal dans le dernier état de ses conclusions de :

  • - constater que Madame m. A. D. se désiste de sa demande visant à enjoindre la SAM A de verser aux débats les contrats de travail et avenants depuis le mois d'avril 2006,

  • - constater que Madame m. A. D. a été employée par la SAM A en qualité d'Extra et de Femme de Chambre jour/nuit à compter du mois d'avril 2006,

  • - requalifier en contrat à durée indéterminée les contrats à durée déterminée successivement intervenus entre Madame m. A. D. et la SAM A,

  • - condamner la SAM A à verser à Madame m. A. D. la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts,

  • - condamner la SAM A aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

  • Madame m. A. D. fait valoir essentiellement que :

  • - elle a été embauchée par la SAM A depuis 2006, soit en qualité d'extra avec un contrat extra valide, soit en qualité de femme de chambre jour/nuit avec un contrat mensuel à temps plein,

  • - toutefois à compter du mois de mars 2015, elle a été embauchée en qualité de femme de chambre jour/nuit avec un contrat mensuel à temps plein jusqu'au 31 août 2016,

  • - bien qu'elle bénéficie d'une priorité de réembauchage conformément aux dispositions de l'article 6 de la Convention Collective du 1er juillet 1968, la SAM A ne lui a pas accordé cette priorité alors qu'elle avait été occupée dans l'établissement la saison précédente,

  • - ce n'est qu'après l'introduction de la présente procédure que la SAM A l'a réintégrée en qualité de femme de chambre jour/nuit avec un contrat mensuel à temps plein à compter du 1er août 2017,

  • - la SAM A a mis un terme audit contrat à la fin du mois de janvier 2018 alors que les plannings affichés prévoyaient qu'elle devait continuer son activité au mois de février 2018,

  • - elle a toujours répondu présente aux sollicitations de la SAM A et a toujours donné une entière satisfaction à son employeur,

  • - de mars 2015 à août 2016, elle a pourvu un poste vacant, laissé par Madame f J. qui n'était plus en mesure de faire les nuits,

  • - la SAM A ne fournit pas les justificatifs des horaires effectués par Madame f J. pour la période de mars 2015 à août 2016,

  • - les avenants à son contrat de travail pour la période du 16 mai au 31 août 2016 ne font état d'aucun remplacement d'un salarié absent,

  • - la SAM A ne l'a pas renouvelée afin qu'elle n'atteigne ni l'échéance du vingtième mois, ni la barre des vingt-quatre mois lui permettant d'obtenir un contrat de travail à durée indéterminée,

  • - de plus, la SAM A ne lui a pas accordé la priorité de réembauchage malgré ses demandes et ce, dès la fin de la saison ; celle-ci faisait ensuite appel à elle après un délai de quatre mois d'arrêt,

  • - elle a ensuite appris que d'autres salariés sans ancienneté et n'étant pas limitrophes de la Principauté de Monaco ont été embauchés à la réouverture de la société B,

  • - l'attitude de la SAM A s'analyse en un abus, en la privant de la possibilité d'obtenir un contrat à durée indéterminée et ainsi une sérénité financière et une stabilité de son emploi,

  • - elle a subi un grave préjudice moral,

  • - de plus, en l'état d'une succession de contrats à durée déterminée, elle n'a jamais été en mesure de souscrire des crédits et d'obtenir des prêts bancaires,

  • - depuis la fin de son contrat avec la SAM A à la fin du mois de janvier 2018, elle éprouve les plus grandes difficultés à trouver un emploi et rencontre de graves difficultés financières.

  • La SAM A a déposé des conclusions les 17 mai 2018, 4 octobre 2018 et 10 janvier 2019 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et soutient essentiellement que :

  • - la requalification des contrats à durée déterminée des salariés de l'hôtellerie est régie par les dispositions de l'article 9 de la Convention Collective,

  • - Madame m. A. D. ne peut en aucun cas se prévaloir d'une présence ininterrompue de deux ans dans l'établissement, que soient incluses ou non les périodes de remplacement qu'elle a eu à faire,

  • - la demanderesse a été embauchée en contrat à durée déterminée pour le remplacement de salariés absents du 10 janvier au 2 mars 2014 inclus et du 16 mars 2015 au 31 août 2016 inclus,

  • - Madame f J. a été déclarée apte sans réserve particulière relative au travail de nuit pour son poste de Femme de Ménage, et ce le 23 juillet 2015,

  • - le premier arrêt de travail de Madame f J. va intervenir le 10 août 2015,

  • - ce n'est que le 15 septembre 2015 que la Médecine du Travail va émettre des restrictions temporaires pour un travail de femme de chambre au-delà de minuit et non une interdiction du travail de nuit,

  • - en réalité, Madame m. A. D. a été embauchée en remplacement de Madame n. A. finalement déclarée invalide par les Caisses Sociales de Monaco puis de Madame f. T.

  • - la définition conventionnelle des horaires de nuit ainsi que les horaires de travail de Madame f J. sont étrangers à la solution du litige,

  • - Madame f J. fait toujours partie des effectifs de la SAM A de sorte qu'il est faux de prétendre que son poste est vacant,

  • - la jurisprudence a admis la succession de contrats saisonniers, laquelle ne peut donner lieu à une requalification en contrat à durée indéterminée,

  • - elle a parfaitement respecté les dispositions de l'article 6 de la Convention Collective en matière de priorité de réembauchage,

  • - Madame m. A. D. ne justifie pas avoir fait connaître son intention de bénéficier de la priorité de réembauchage ainsi prévue,

  • - en tout état de cause, l'article 6 n'est pas applicable dans la mesure où la société B est ouvert tout au long de l'année et ne fait pas l'objet d'une fermeture saisonnière,

  • - elle embauche des saisonniers lorsque l'activité l'exige,

  • - Madame m. A. D. ne peut pas plus se prévaloir des dispositions de l'article 9 de la Convention Collective dans la mesure où elle n'a jamais travaillé vingt mois consécutifs,

  • - elle ne saurait être tenue pour responsable des mentions portées par la Direction du Travail sur le permis de travail de la demanderesse. En effet, dès lors qu'un salarié est titulaire d'une carte de séjour, la Direction du travail mentionne sur le permis qu'elle délivre la mention générique « fin de carte de séjour » pour la date d'expiration de ce dernier.

SUR CE,

Madame m. A. D. invoque les dispositions de l'article 6 de la Convention Collective de Travail de l'Industrie Hôtelière du 1er juillet 1968 aux termes desquelles :

« L'embauchage et le débauchage du personnel s'effectuera librement conformément aux dispositions légales et réglementaire en vigueur.

En cas de fermeture saisonnière, sous respect des dispositions légales et réglementaires mentionnées au 1er du présent article, la priorité de réembauchage au moment de la réouverture sera accordée aux employés ayant été occupés dans l'établissement durant la saison précédente, à la condition que lesdits employés aient fait connaître leur intention de bénéficier de cette priorité avant le 15 août pour la saison d'hiver et le 15 mai pour la saison d'été... » .

Ces dispositions d'interprétation stricte ne souffrent d'aucune interprétation et supposent la fermeture saisonnière de l'établissement pour qu'un salarié ayant été occupé durant la saison précédente puisse bénéficier de la priorité de réembauchage.

Force est de constater que la société B est ouvert tout au long de l'année, sans aucune fermeture saisonnière, de sorte que l'article 6 de la Convention Collective de Travail de l'Industrie Hôtelière n'est pas applicable au présent litige.

Madame m. A. D. invoque ensuite les dispositions de l'article 9 de la même Convention Collective aux termes desquelles :

« Conformément à la loi n° 729 du 16 mars 1963 selon laquelle le contrat de travail est la convention par laquelle une personne s'engage temporairement à exécuter un travail sous l'autorité et au profit d'une autre personne contre paiement d'un salaire déterminé, le contrat de travail peut être à durée indéterminée ou à durée déterminée.

  • a) Les contrats individuels de travail, qu'ils soient à durée déterminée ou indéterminée, sont régis par les dispositions de la présente convention collective.

  • b) Après deux ans de présence ininterrompue au sein de l'établissement, le titulaire de contrats à durée déterminée successifs dans le même emploi ou dans différents emplois relevant de la même qualification professionnelle sera considéré comme bénéficiaire d'un contrat à durée indéterminée.

Toutes clause restrictives, telles que le roulement du personnel sont proscrites, si :

  • - à une échéance comprise entre la fin du vingtième mois et celle du vingt-quatrième mois, l'intéressé n'était pas conservé dans le poste, par suite de non renouvellement de son contrat, à l'initiative de l'employeur, il bénéficierait d'une priorité au seine de l'établissement, sous réserve des dispositions légales et réglementaires en vigueur, en cas d'ouverture de poste dans la même ou dernière qualification, ce, pendant une période de trois mois, à dater du terme du contrat,

  • - par suite de la mise en jeu de cette priorité, si l'intéressé était, à nouveau, engagé, il serait considéré comme titulaire d'un contrat à durée indéterminée dès que ses périodes d'emploi antérieures relevant de la même qualification professionnelle, ajoutées à la nouvelle atteindraient vingt-quatre mois.

Ces dispositions prendront effet à la date de renouvellement des contrats en cours.

  • c) Pour le décompte des 2 années de présence ininterrompue, au sein de l'établissement, prévu au premier alinéa du paragraphe b) du présent article :

    • - seront pris en compte, en complément des périodes contractuelles successives d'activité, les congés payés réglés sous forme d'indemnités compensatrices, une fois reconstitués en jours calendaires. Une telle assimilation de la période de congés payés au temps de travail n'est effectuée que pour les besoins dudit décompte sans autre implication quelconque.

    • - sera exclue la prise en compte des périodes contractuelles, successives ou discontinues, d'activité se rapportant au remplacement d'autres employés (es) absents pour cause de maladie, accident du travail, congé sans solde, congé payé, maternité ou toute autre cause prévu par la loi.

... » .

Ce texte, auquel les parties ne peuvent se soustraire, ne souffre pas plus d'interprétation que l'article 6, par la clarté de ses termes.

Il en résulte que seuls les salariés embauchés de manière continue pendant deux ans au moins peuvent en revendiquer le bénéfice.

Les pièces produites par les parties démontrent que Madame m. A. D. a travaillé pour le compte de la SAM A dans les conditions suivantes

  • - contrat de travail à durée déterminée (C. D. D.) du 22 mai au 30 juin 2006 en qualité de femme de chambre jour/nuit. Ce contrat a fait l'objet de trois avenants de prorogation jusqu'au 15 octobre 2006,

  • - C. D. D. du 15 mai au 30 juin 2007 en qualité de femme de chambre jour/nuit. Ce contrat a fait l'objet de trois avenants de prorogation jusqu'au 30 septembre 2007,

  • - C. D. D. du 15 mai au 30 juin 2008 en qualité de femme de chambre jour/nuit. Ce contrat a fait l'objet de deux avenants de prorogation jusqu'au 30 septembre 2008,

  • - C. D. D. du 18 mai au 30 juin 2009 en qualité de femme de chambre jour/nuit. Ce contrat a fait l'objet de deux avenants de prorogation jusqu'au 31 août 2009,

  • - C. D. D. du 8 juillet au 31 juillet 2010 en qualité de femme de chambre jour/nuit. Ce contrat a fait l'objet de deux avenants de prorogation jusqu'au 30 septembre 2010,

  • - C. D. D. du 27 mai au 31 août 2011 en qualité de femme de chambre jour/nuit. Ce contrat a fait l'objet d'un avenant de prorogation jusqu'au 30 septembre 2011,

  • - C. D. D. du 18 mai au 31 août 2012 en qualité de femme de chambre jour/nuit. Ce contrat a fait l'objet d'un avenant de prorogation jusqu'au 30 septembre 2012,

  • - C. D. D. du 4 mai au 31 août 2013 en qualité de femme de chambre jour/nuit,

  • - C. D. D. du 10 janvier au 26 janvier 2014 en qualité de femme de chambre jour/nuit, en remplacement d'un salarié absent. Ce contrat a fait l'objet de deux avenants de prorogation jusqu'au 2 mars 2014,

  • - C. D. D. du 3 mars au 16 mars 2014 en qualité de femme de chambre jour/nuit. Ce contrat a fait l'objet de quatre avenants de prorogation jusqu'au 30 avril 2014,

  • - C. D. D. du 1er mai au 31 août 2014 en qualité de femme de chambre jour/nuit. Ce contrat a fait l'objet d'un avenant de prorogation jusqu'au 30 septembre 2014,

  • - C. D. D. du 16 mars au 31 mars 2015 en qualité de femme de chambre jour/nuit, en remplacement d'un salarié absent. Ce contrat a fait l'objet de dix avenants de prorogation jusqu'au 16 février 2016,

  • - C. D. D. du 17 février au 17 mai 2016 en qualité de femme de chambre, en remplacement d'un salarié absent. Ce contrat a fait l'objet de deux avenants de prorogation jusqu'au 31 août 2016,

  • - C. D. D. du 1er août au 30 septembre 2017 en qualité de femme de chambre, en afin d'assurer un emploi saisonnier. Ce contrat a fait l'objet d'un avenant de prorogation jusqu'au 31 octobre 2017,

  • - C. D. D. du 1er novembre au 30 novembre 2017 en qualité de femme de chambre. Ce contrat a fait l'objet d'un avenant de prorogation jusqu'au 31 janvier 2018.

Il ressort encore des bulletins de salaire produit par la demanderesse qu'elle a effectué des périodes d'extra ainsi qu'il suit :

  • avril 2006 : 10 jours,

  • mai 2006 : 8 jours,

  • août 2006 : 4 jours,

  • septembre 2006 : 2 jours,

  • octobre 2006 : 10 jours,

  • novembre 2006 : 11 jours,

  • décembre 2006 : 12 jours,

  • mars 2007 : 11 jours,

  • avril 2007 : 12 jours,

  • mai 2007 : 8 jours,

  • juin 2007 : 2 jours,

  • juillet 2007 : 2 jours,

  • septembre 2007 : 1 jour,

  • février 2008 : 7 jours,

  • mars 2008 : 12 jours,

  • avril 2008 : 12 jours,

  • mai 2008 : 8 jours,

  • septembre 2008 : 2 jours,

  • octobre 2008 : 14 jours,

  • novembre 2008 : 11 jours,

  • décembre 2008 : 7 jours,

  • janvier 2009 : 10 jours,

  • février 2009 : 8 jours,

  • mars 2009 : 6 jours,

  • avril 2009 : 7 jours,

  • mai 2009 : 5 jours,

  • juin 2009 : 1 jour,

  • juillet 2009 : 1 jour,

  • août 2009 : 1 jour,

  • juin 2010 : 7 jours,

  • juillet 2010 : 1 jour,

  • octobre 2010 : 7 jours,

  • novembre 2010 : 5 jours,

  • décembre 2010 : 6 jours,

  • janvier 2011 : 6 jours,

  • février 2011 : 1 jour,

  • mars 2011 : 6 jours,

  • avril 2011 : 8 jours,

  • mai 2011 : 2 jours,

  • octobre 2011 : 1 jour,

  • mars 2012 : 14 jours,

  • avril 2012 : 18 jours,

  • mai 2012 : 3 jours,

  • octobre 2012 : 18 jours,

  • novembre 2012 : 9 jours,

  • décembre 2012 : 11 jours,

  • janvier 2013 : 9 jours,

  • février 2013 : 10 jours,

  • mars 2013 : 12 jours,

  • avril 2013 : 8 jours,

  • janvier 2014 : 2 jours,

  • octobre 2014 : 3 jours,

  • mars 2015 : 1 jour.

Il résulte de l'ensemble des contrats (à durée déterminée et extra) que Madame m A. D. ne peut se prévaloir de deux ans de présence ininterrompue au sein de la société B, et ce, quelle que soit la situation prise en compte (salarié absent ou non, extra).

Par ailleurs, la SAM A démontre que le remplacement de salariés absents était justifié (arrêts de travail classement en invalidité de Madame n. A. en pièces nos 13 et 14, certificats de prolongation d'arrêt de travail et fiches d'aptitude de Madame f. T. en pièces nos 15, 16 et 17, arrêt de travail de Madame f J. en pièce n° 18).

L'ensemble de ces éléments fait donc obstacle à la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

Cependant, il convient de relever que la SAM A a systématiquement et régulièrement fait appel à Madame m. A. D. depuis 2006, pour des activités liées aux fluctuations touristiques, dans le cadre de contrats à durée déterminée ou d'extra, de sorte que l'employeur devait nécessairement privilégier, sauf à manquer à son obligation de bonne foi, l'appel à ses services et ne pas interrompre toute relation à compter du mois de janvier 2018 sans aucune raison, alors que Madame m. A. D. a toujours rempli ses missions avec efficacité.

Or, la salariée a dénoncé dans ses écritures l'embauchage de salariés sans ancienneté et n'étant pas limitrophe de la Principauté de Monaco à la réouverture de la société B, sans que des explications claires et/ou des pièces aient été fournies par la SAM A afin de combattre l'argumentation pertinente de la demanderesse sur ce point.

La SAM A a dès lors placé la demanderesse dans une situation très inconfortable d'un point de vue professionnel.

Cependant, Madame m. A. D. ne produit aucun élément sur sa situation financière (indemnisation Pôle Emploi ou contrats précaires) de sorte que son préjudice sera limité.

Dans ces conditions, le Tribunal estime que la somme de 7.500 euros de dommages et intérêts doit être allouée à Madame m. A. D. pour réparer le préjudice subi du fait du manquement à l'obligation de bonne foi, les intérêts au taux légal courant à compter du présent jugement.

Les dépens seront laissés à la charge de la SAM A.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, en premier ressort, par jugement contradictoire et après en avoir délibéré,

Déboute Madame m. A. D. de sa demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;

Condamne la société anonyme monégasque A à payer à Madame m. A. D. la somme de 7.500 euros (sept mille cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du manquement à l'obligation de bonne foi ;

Condamne la SAM A aux dépens du présent jugement ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Madame Carol MILLO, Monsieur Alain HACHE, membres employeurs, Messieurs Lucien REBAUDO, Karim TABCHICHE, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le vingt-sept juin deux mille dix-neuf, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Madame Carol MILLO, Messieurs Lucien REBAUDO et Karim TABCHICHE, Monsieur Alain HACHE étant empêché, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint.

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