Tribunal du travail, 16 mai 2019, Monsieur c. A. c/ La SAM A

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Abstract🔗

Contrat de travail – Licenciement pour faute grave – Manquement répété aux règles de sécurité – Motif valable (oui) – Caractère abusif (non)

Résumé🔗

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité et de la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de rupture et notamment de la faute grave alléguée. La faute grave résulte de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise et exige son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis. Cette faute n'est pas nécessairement en fonction du préjudice qui en est découlé. La persistance des manquements déjà sanctionnés autorise l'employeur à retenir lesdites fautes professionnelles antérieures, pour estimer la gravité des faits reprochés au salarié, et à justifier un licenciement reposant sur une appréciation globale de son comportement. Un manquement répété aux règles de sécurité du travail constitue une cause de licenciement. Quand bien même isolée, une seule infraction aux règles de sécurité suffit à permettre le licenciement sans indemnité dès lors qu'elle est susceptible d'emporter des conséquences dommageables. Tel est le cas notamment lorsque le non-respect d'une règle de sécurité : présente un danger tel un risque d'accident, et est de nature à causer un préjudice à l'employeur. Obéit à la même solution le refus répété de se plier aux règles de sécurité et notamment le refus réitéré d'un salarié de porter le casque de sécurité obligatoire. Le port du casque de protection est obligatoire pour les personnes exécutant des travaux de construction, ce qui est le cas en l'espèce ; et ce, sans qu'il y ait lieu de faire une distinction entre les travaux en intérieur ou en extérieur. Les chantiers de construction de gros œuvre sont des endroits dangereux où de nombreux travailleurs perdent leur vie chaque année, d'où une législation particulière imposant des équipements de protection collective et individuelle.

En l'espèce, le fait que l'auteur d'une attestation (Monsieur f.B. ne portait pas non plus de casque est sans incidence sur l'appréciation des faits, la décision d'un salarié de ne pas porter de casque ne pouvant atténuer la responsabilité d'un autre salarié ayant fait le même choix. Le port du casque fait partie des obligations élémentaires de sécurité. La réitération du comportement fautif tenant au refus du salarié de porter le casque de sécurité caractérise la faute grave, sans égard à l'ancienneté du salarié, et ce compte-tenu des conséquences pouvant en découler tant pour le salarié que pour l'employeur. Le Tribunal considère dès lors qu'en violant délibérément et à trois reprises (en tenant compte de l'avertissement en date du 7 mars 2017) les règles relatives au port des équipements de protection, même après un premier avertissement, et parce que de tels comportements sont susceptibles de porter gravement préjudice tant au salarié mis en danger qu'à l'employeur, Monsieur c.A. a bien commis une faute grave justifiant la rupture de son contrat de travail à effet immédiat.

Tout licenciement fondé sur un motif valable peut néanmoins présenter un caractère abusif si le salarié, auquel incombe la charge de cette preuve, démontre que l'employeur a méconnu certaines dispositions légales lors de la mise en œuvre de la rupture ou si les conditions matérielles ou morales de sa notification présentent un caractère fautif ou révèlent une intention de nuire ou la légèreté blâmable de l'employeur. En application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts. Il appartient à celui qui réclame des dommages et intérêts, de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné. Un licenciement peut être considéré comme abusif (qu'il ait été reconnu valable ou non) si l'employeur a avancé pour le justifier un faux motif, c'est-à-dire un motif qui n'était pas le motif réel qui l'a conduit à prendre cette décision et qui voulait « tromper », ce qui n'est pas le cas en l'espèce. L'analyse qui précède a permis de constater que le grief énoncé dans la lettre de licenciement s'est avéré fondé mais qu'il ne constituait pas une faute grave. Pour autant, le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque. Dès lors, la décision de rupture n'est pas fondée sur un motif fallacieux et ne présente donc pas en elle-même un caractère fautif ; ainsi, aucune faute de l'employeur ne peut ouvrir droit à l'indemnisation d'un préjudice matériel et financier résultant du licenciement. Le Tribunal relève encore que Monsieur c.A.ne formule aucune contestation sur les circonstances ayant entouré le licenciement, à savoir : sa mise en œuvre, les conditions matérielles ou morales de sa notification, la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné, de sorte qu'il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif.


Motifs🔗

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 16 MAI 2019

  • En la cause de Monsieur c. A., demeurant X1 à ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN (06190) ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Christiane PALMERO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Roland TAMISIER, avocat au barreau de Nice ;

d'une part ;

Contre :

  • La société anonyme monégasque dénommée A, dont le siège social se situe X2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Jean-Louis FACCENDINI, avocat au barreau de Nice ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 13 juillet 2017, reçue le 17 juillet 2017 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 15-2017/2018 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 24 octobre 2017 ;

Vu les conclusions de Maître Christiane PALMERO, avocat-défenseur au nom de Monsieur c. A. en date des 1er février 2018, 7 juin 2018 et 4 octobre 2018 ;

Vu les conclusions de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur au nom de la SAM A, en date des 5 avril 2018, 5 juillet 2018 et 5 septembre 2018 déposées le 7 septembre 2018 ;

Après avoir entendu Maître TAMISIER, avocat au barreau de Nice pour Monsieur c. A. et Maître Jean-Louis FACCENDINI, avocat en ce même barreau pour la SAM A, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

Monsieur c. A. a été embauché par la société anonyme monégasque dénommée A, en qualité d'Électricien, par contrat à durée indéterminée prenant effet au 26 avril 1999.

Par courrier en date du 22 mai 2017, le salarié a été licencié pour faute grave. Il lui a été reproché un non port de casque.

Par requête en date du 13 juillet 2017 reçue au greffe le 17 juillet 2017, Monsieur c. A. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

  • indemnité de licenciement : 14.184 euros,

  • préavis : 4.728 euros,

  • congés payés sur préavis : 394 euros,

  • dommages et intérêts pour licenciement abusif : 28.368 euros.

Aucune conciliation n'étant intervenue, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Monsieur c. A. a déposé des conclusions les 1er février 2018, 7 juin 2018 et 4 octobre 2018 dans lesquelles il fait essentiellement valoir que :

  • dans un premier temps, il avait brièvement enlevé son casque pour ramasser quelque chose et l'a remis dès que le responsable de sécurité lui en a fait la remarque,

  • il travaillait en outre à l'intérieur et le risque de voir tomber des objets ou du matériel des étages supérieurs était inexistant,

  • concernant le second fait du 19 mai 2017, il était à l'extérieur du chantier et n'était donc pas tenu de porter le casque,

  • néanmoins, lorsqu'il lui a été demandé de le mettre, il s'est exécuté immédiatement,

  • le non port du casque est un prétexte pour licencier un employé présentant une importante ancienneté,

  • en application de l'article 6 de la Convention Collective Nationale du Travail, il ne pouvait pas être licencié sans avoir fait l'objet au préalable d'un avertissement,

  • la Convention Collective du Bâtiment restant taisante sur l'avertissement préalable prévu par l'article 6 susvisé, ces dernières dispositions s'appliquent,

  • dès lors, seule la faute grave peut justifier une rupture immédiate du contrat de travail,

  • l'employeur ne démontre pas le caractère de gravité de la faute reprochée justifiant le renvoi immédiat sans indemnité,

  • les salariés ayant rédigé des attestations dans l'intérêt de la défenderesse ont répondu à l'injonction de cette dernière,

  • il conteste avoir refusé de mettre son casque à la demande de Monsieur r. L.

  • Monsieur f. B. qui a attesté dans l'intérêt de l'employeur, ne portait pas de casque et n'a pas été sanctionné,

  • la rupture est ainsi abusive et justifie l'allocation de dommages et intérêts correspondant à un an de salaire,

  • il n'a retrouvé un travail qu'à compter du mois de juillet 2017, en intérim, avec un salaire aléatoire en fonction des missions confiées.

La SAM A a déposé des conclusions les 5 avril 2018, 5 juillet 2018 et 7 septembre 2018 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et soutient essentiellement que :

  • le 7 mars 2017, Monsieur c. A. a fait l'objet d'un avertissement en raison de l'absence de port du casque de sécurité,

  • le 16 mai 2017, Monsieur r. L. Ingénieur Sécurité, a constaté que Monsieur c. A. ne portait pas son casque de sécurité ; ce dernier a même refusé de porter son casque en indiquant qu'il ne le mettrait pas,

  • le 19 mai 2017, Monsieur r. L. a été informé que Monsieur c. A. continuait de travailler sans son casque de protection,

  • l'article 1er de l'Arrêté Ministériel n° 76-273 du 28 juin 1976 rend obligatoire le port du casque dans certaines conditions,

  • le défaut de port du casque de sécurité peut s'analyser en une faute grave, particulièrement lorsque le salarié réitère son refus malgré les demandes de l'employeur,

  • les attestations produites aux débats démontrent le comportement habituel de Monsieur c. A. à ce titre,

  • les chantiers concernés sont totalement interdits au public de sorte que seuls les collègues de travail du demandeur peuvent apporter leur témoignage,

  • le 18 mai 2017, le président de la société a indiqué à Monsieur c. A. qu'il devait impérativement respecter les règles de sécurité et notamment le port du casque individuel, sans aucun effet,

  • chaque salarié se voit attribuer chaque année un casque nominatif, ce qui n'apparaît curieusement pas sur la photographie du casque produite par le demandeur,

  • de plus, ce casque est étudié pour être parfaitement réglé et pour tenir sur la tête de son utilisateur,

  • si un casque vient à être abîmé il est immédiatement remplacé,

  • Monsieur c. A. n'a formulé aucune demande de remplacement de son casque,

  • les allégations du demandeur sont contredites par les attestations de ses collègues de travail,

  • le 19 mai 2016, Monsieur c. A. n'était pas à l'extérieur, mais dans les parkings en sous-sol qui font partie intégrante du chantier,

  • le port du casque est obligatoire sur l'ensemble des chantiers, quels qu'ils soient et quelle que soit la zone et la nature des missions et interventions effectuées,

  • elle appose sur tous ses chantiers des affiches concernant les consignes de sécurité,

  • le comportement de Monsieur c. A. et celui de Monsieur f. B. n'ont aucun rapport, ce dernier ayant remis son casque à la demande de Monsieur r. L. le demandeur ayant refusé d'exécuter la consigne de son supérieur hiérarchique,

  • le refus délibéré de Monsieur c. A. à ce titre constitue une faute grave dans la mesure où il mettait en péril sa sécurité et sa santé et risquait d'être victime d'un accident du travail dont l'employeur aurait été déclaré responsable,

  • la Convention Collective Nationale du Travail, invoquée par le salarié, n'est pas applicable en l'espèce de sorte qu'elle n'était pas tenue d'adresser un avertissement à Monsieur c. A. avant de procéder à son licenciement,

  • seule la Convention Collective du Bâtiment du 4 août 1987 est applicable,

  • subsidiairement, si la faute grave n'était pas retenue, le non port du casque de sécurité constitue à tout le moins une cause de licenciement excluant le paiement de l'indemnité de licenciement,

  • le demandeur ne démontre pas en quoi le licenciement serait abusif,

  • Monsieur c. A. ne justifie pas de sa situation professionnelle récente, ni de ses revenus postérieurs au mois de juillet 2017.

SUR CE,

  • Sur le motif de la rupture :

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité et de la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de rupture et notamment de la faute grave alléguée.

La faute grave résulte de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise et exige son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis.

Cette faute n'est pas nécessairement en fonction du préjudice qui en est découlé.

La persistance des manquements déjà sanctionnés autorise l'employeur à retenir lesdites fautes professionnelles antérieures, pour estimer la gravité des faits reprochés au salarié, et à justifier un licenciement reposant sur une appréciation globale de son comportement.

En l'espèce, Monsieur c. A. a été licencié par lettre du 22 mai 2017 ainsi libellée :

« Monsieur,

Vous avez été embauché dans notre entreprise en qualité d'électricien en date du 26 avril 1999.

Lors de notre entretien du jeudi 18 mai 2017 à 7h30 je vous ai clairement exprimé l'importance et l'obligation de respecter les consignes de sécurité et notamment le port du casque en toutes circonstances.

En effet, vous semblez considérer que le port du casque est optionnel et ce malgré les nombreuses remarques faites par Monsieur r. L. ingénieur QSE.

Je suis au regret de constater que vous avez pris ce rappel à l'ordre à la légère puisque dès le lendemain, le vendredi 19 mai 2017, Monsieur L. a une nouvelle fois constaté que vous ne portiez pas votre casque.

Vous ne comprenez pas l'importance de respecter les consignes de sécurité, votre attitude est inacceptable et constitue une faute grave.

Ainsi, comme vous en a informé Monsieur b. M. responsable du service comptabilité, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement à effet immédiat pour refus de port du casque... ».

Un manquement répété aux règles de sécurité du travail constitue une cause de licenciement.

Quand bien même isolée, une seule infraction aux règles de sécurité suffit à permettre le licenciement sans indemnité dès lors qu'elle est susceptible d'emporter des conséquences dommageables. Tel est le cas notamment lorsque le non-respect d'une règle de sécurité :

  • - présente un danger tel un risque d'accident,

  • - est de nature à causer un préjudice à l'employeur.

Obéit à la même solution le refus répété de se plier aux règles de sécurité et notamment le refus réitéré d'un salarié de porter le casque de sécurité obligatoire.

En l'espèce, la Convention Collective du Bâtiment, seule applicable, prévoit en son article 23 « Hygiène et sécurité » que :

« Application in extenso de l'arrêté ministériel n° 66-009 portant règlementation des mesures particulières de protection et de salubrité applicables aux établissements dont le personnel exécute des travaux du bâtiment, des travaux publics et tous les autres travaux concernant les immeubles.

De plus, les parties signataires ont décidé de rappeler par un affichage sur les chantiers d'une certaine importance, les règles d'hygiène et de sécurité. ».

L'Arrêté Ministériel n° 66-009 du 4 janvier 1966 portant réglementation des mesures particulières de protection et de salubrité applicables aux établissements dont le personnel exécute des travaux du bâtiment, des travaux publics et tous autres travaux concernant les immeubles prévoit en son article 16, Chapitre - IV MESURES DE PROTECTION INDIVIDUELLES :

« Dans les cas où la protection collective du personnel ne peut être assurée d'une manière satisfaisante, des appareils, équipements ou produits protecteurs appropriés (tels que des ceintures ou baudriers de sécurité, casques, lunettes, bottes, vêtements imperméables, gants, brassières, maniques, épaulières, tabliers enduits aptes à s'opposer à l'action du ciment) doivent être mis à la disposition des travailleurs.

Les appareils et équipements doivent être personnels ; ils doivent être vérifiés et nettoyés avant d'être attribués à un nouveau titulaire.

Tout l'équipement de protection personnelle nécessaire doit être mis à la disposition du personnel employé sur le chantier et être toujours en état d'utilisation immédiate.

Les chefs d'établissement sont tenus de prendre toutes mesures pour que les dispositifs de protection individuelle prévus tant par le présent article que par les autres dispositions du présent arrêté soient effectivement utilisés. ».

Par ailleurs, l'Arrêté Ministériel n° 76-273 du 28 juin 1976 rendant obligatoire le port du casque dans certaines conditions de travail prévoit :

« Article 1. Chaque fois qu'il est couru un risque dû :

  • - à la chute de matériaux ou de matériel d'un niveau supérieur,

  • - à des chocs.

Le port du casque de protection est obligatoire pour toutes les personnes :

  • - travaillant en souterrain et dans les fouilles lorsque la profondeur de celles-ci excède 1,50 mètre,

  • - exécutant des travaux de fondation, de construction, de réparation, de démolition, d'extraction de matériaux, ainsi que de montage-levage.

Article 2. Le port d'un casque de protection est obligatoire pour toute personne autorisée ou appelée à circuler sur les mêmes lieux et soumise aux mêmes risques que ceux définis à l'article précédent.

Article 3. Les casques utilisés devront présenter une résistance suffisante aux chocs et à la perforation. Ils seront attribués nominativement. Dans le cas d'un changement d'attribution du casque, celui-ci ne sera remis au nouvel attributaire qu'après désinfection.

Article 4. L'Inspection du Travail pourra accorder à une entreprise une dispense permanente ou temporaire de tout ou partie des prescriptions faites aux articles précédents, à condition que la sécurité des salariés soit assurée dans des conditions au moins équivalentes à celles qui sont fixées par le présent arrêté.

Article 5. Les dispositions prévues à l'article 4 de la loi n° 226 du 7 avril 1937 susvisée s'appliqueront à toute contravention aux prescriptions du présent arrêté. ».

Il résulte de ces dispositions que le port du casque de protection est obligatoire pour les personnes exécutant des travaux de construction, ce qui est le cas en l'espèce ; et ce, sans qu'il y ait lieu de faire une distinction entre les travaux en intérieur ou en extérieur.

Les chantiers de construction de gros œuvre sont des endroits dangereux où de nombreux travailleurs perdent leur vie chaque année, d'où une législation particulière imposant des équipements de protection collective et individuelle.

Dans le cas d'espèce, par courrier en date du 7 mars 2017, Monsieur c. A. a fait l'objet d'un avertissement, non contesté, en ces termes :

« Monsieur,

Suite à de nombreuses observations relatives à la sécurité, nous avons constaté à plusieurs reprises, et cela après plusieurs remarques de notre part, le non-respect des consignes de sécurité, notamment le vendredi 3 mars 2017 sur l'opération «Villa Y » lors de la visite hebdomadaire de sécurité qui s'est déroulée à 11 h 25.

Nous vous rappelons, à nouveau, les règles élémentaires de sécurité : le port du casque est obligatoire sur nos chantiers quelle que soit l'activité que vous exercez.

La sécurité n'est pas un choix mais une obligation.

Nous avons l'obligation de vous doter des moyens pour vous permettre de réaliser votre travail en toute sécurité ; vous avez l'obligation d'utiliser correctement ces moyens.

Votre avenir au sein de l'entreprise passe par le respect de ces règles de sécurité... ».

Pour démontrer le grief reproché à Monsieur c. A. l'employeur produit les éléments suivants :

Une attestation établie par Monsieur r. L. Ingénieur QSE au sein de la société B, ainsi libellée :

« En préambule, je précise que ma fonction est d'assurer la mise en place et le suivi des mesures de prévention lors de visites impromptues sur les différents chantiers en activité de la SAM A et d'intervenir lorsque des dysfonctionnements sont constatés afin de mettre en place sur le moment les actions correctes adaptées.

Le mardi 16 mai 2017 lors de ma visite sur le chantier « Villa Z », j'ai constaté dès mon arrivée sur le site, dans la zone d'activité du premier étage en cours de curage, que le compagnon A c. travaillait sans casque (...).

Sur ce fait et sur le moment, je lui ai demandé de le mettre immédiatement insistant sur le fait qu'il est valeur d'exemple car employé de la SAM A au milieu de bon nombre de compagnons intérimaires qui eux, portent leur casque.

Il met son casque.

Je continue ma visite au 2ème étage, redescends quelque minutes plus tard et tombe de nouveau sur le compagnon A c. qui travaille une nouvelle fois sans son casque, mais dans une autre pièce au beau milieu de compagnons intérimaires qui portent leur casque et qui sont témoins de la scène.

Je lui fais remarquer que ce n'est pas parce que l'on change de pièce que le casque doit être retiré et lui demande ce qu'il n'a pas compris dans mes propos et ma demande initiale ?

Il souffle, hoche la tête et me répond : « Je m'en fous ; je ne mets pas mon casque... ».

Stupéfait par cette réponse inadaptée, je hausse le ton et lui explique que s'il ne comprend pas ce que je lui dis, je peux également m'adapter par le bas et le lui écrire sous forme d'avertissement.

Tout en lui demandant une nouvelle fois de mettre son casque, je lui précise que cela serait stupide d'en arriver à faire remonter son dysfonctionnement de comportement auprès de sa hiérarchie. Il campe sur sa position et me dit : « Ce n'est pas grave, je m'en fous... ». Il ne met pas son casque.

Témoin de la scène et gêné par cette situation son chef, le compagnon f. B. intervient et demande au compagnon A c. d'arrêter de faire le fanfaron, d'écouter et de faire ce qu'on lui demande : mettre son casque.

Ce dernier persiste et signe, il hoche de nouveau les épaules et dit qu'il ne mettra pas son casque et qu'il se fout des suites qui pourront être données et que je peux faire ce que je veux.

Devant cet état de fait, je lui confirme que je vais prévenir nos hiérarchies respectives, ce que je fais en traçant l'incident dans mon compte rendu de visite du 16 mai 2017 que je fais suivre à Mrs P. et PA. et en prévenant son responsable Mr (illisible).

Le jour même, Mr P. me demande de faire convoquer en son bureau le jeudi 18 mai à 7 h 30 le compagnon A c. pour un entretien dont l'objectif sera de recadrer ce dernier.

Le vendredi 19 mai 2017, je suis averti par le compagnon R. SA S a j. qui travaille sur le chantier « Villa Z » et que je croise devant la société C lors de la pause déjeuné, que le compagnon A. continue à travailler sans son casque sur ce même chantier.

L'après-midi même, je décide de retourner sur le chantier pour y effectuer une visite de contrôle et malheureusement je constate que ce dernier travaille dans le sous-sol (pose de gaine de chemin de câble) sans son casque en compagnie de son chef qui lui aussi ne porte pas son casque.

Tout comme pour le compagnon A. le mardi 16 mai et dans la chronologique des choses je demande au compagnon B f. de mettre son casque.

Je demande au compagnon A. s'il a bien eu un entretien avec Mr P. et surtout ce qu'il n'a pas compris dans le message de ce dernier (...).

Je lui demande de mettre son casque et lui stipule qu'il ne me laisse pas le choix que de faire remonter à nouveau son dysfonctionnement de comportement.

Sur mes demandes, les deux compagnons vont aux vestiaires pour récupérer leur casque et le mettre.

Je fais remonter l'information dans un premier mail à (illisible) et dans un second à Mr P. ».

Une attestation établie par Monsieur a j. R. DA S. salarié de la défenderesse, pour laquelle le Tribunal relève que la signature y figurant est différente de celle apposée sur la carte de résident annexée.

De même, le graphisme de la signature, constituée par le nom et prénom, est différent de celui utilisé dans l'attestation.

Tenant ces différences importantes, ce document ne sera pas retenu par le Tribunal.

Une attestation établie par Monsieur j. M. Conducteur de Travaux et Responsable du Chantier « Villa Z », ainsi libellée :

« Je suis conducteur de travaux sur le site de la « Villa Z ».

De par ma fonction je me rends quotidiennement sur le site depuis le mois d'avril 2017, date de début des travaux.

J'ai pu constater à plusieurs reprises, lors de ces visites, que le compagnon A c. ne portait pas son casque sur le chantier de la « Villa Z » alors qu'il y circulait et y intervenait dans le cadre de ses missions. ».

Une attestation établie par Monsieur f. B. Chef de chantier Electricien, salarié de la défenderesse, ainsi libellée :

« Avoir été témoin le mardi 16 mai 2017 que le compagnon A c. ne portait pas son casque sur sa tête, mais néanmoins qu'il l'avait avec lui lors du passage de Mr L r. sur le chantier.

Ce dernier lui a demandé une première fois de le mettre ce qu'il a fait.

Quelques minute plus tard, le compagnon A c. a une nouvelle fois était surpris par Mr L r. sans son casque.

Ce dernier lui a une nouvelle fois demandé de mettre son casque en ma présence, mais le compagnon a eu une attitude désinvolte vis-à-vis de Mr L.

Je lui ai demandé d'arrêter de faire la forte tête et de mettre son casque. Il a campé sur ses positions et Mr L. est parti.

Le vendredi 19 mai, alors que nous étions en train de travailler dans les parties commune de la banque avec le compagnon A. Mr L. est arrivé sur le site et a de nouveau constaté que le compagnon A. ne portait pas son casque, il lui a demandé d'aller le mettre ce qu'il a fait sur le moment. ».

Il résulte à suffisance de ces témoignages que Monsieur c. A. n'a pas porté son casque de protection en permanence, ce qu'il ne conteste d'ailleurs pas.

La société P. verse aux débats des photographies des affichages du chantier « Villa Z » sur lesquelles figure la mention « Port du casque obligatoire ».

Le salarié tente de s'exonérer en soutenant que son casque ne tenait pas sur sa tête dans la mesure où il était endommagé et produit pour en justifier la photographie d'un casque de protection dont rien ne démontre qu'il serait celui qui lui a été attribué par l'employeur.

Bien plus, Monsieur c. A. ne démontre pas plus avoir signalé une détérioration de cet équipement de protection individuelle ; il n'a jamais demandé le remplacement de son casque de sécurité.

Pour le fait du 19 mai 2018, Monsieur c. A. soutient qu'il ne se trouvait pas sur le chantier, sans pour autant préciser l'endroit et le motif pour lequel il aurait quitté le chantier pendant les heures de travail.

Bien plus, ses allégations sont contredites par les attestations produites par l'employeur et reprises supra .

Le fait que l'auteur d'une attestation (Monsieur f. B. ne portait pas non plus de casque est sans incidence sur l'appréciation des faits, la décision d'un salarié de ne pas porter de casque ne pouvant atténuer la responsabilité d'un autre salarié ayant fait le même choix.

Le port du casque fait partie des obligations élémentaires de sécurité.

La réitération du comportement fautif tenant au refus du salarié de porter le casque de sécurité caractérise la faute grave, sans égard à l'ancienneté du salarié, et ce compte-tenu des conséquences pouvant en découler tant pour le salarié que pour l'employeur.

Le Tribunal considère dès lors qu'en violant délibérément et à trois reprises (en tenant compte de l'avertissement en date du 7 mars 2017) les règles relatives au port des équipements de protection, même après un premier avertissement, et parce que de tels comportements sont susceptibles de porter gravement préjudice tant au salarié mis en danger qu'à l'employeur, Monsieur c. A. a bien commis une faute grave justifiant la rupture de son contrat de travail à effet immédiat.

  • Sur le caractère abusif du licenciement :

Tout licenciement fondé sur un motif valable peut néanmoins présenter un caractère abusif si le salarié, auquel incombe la charge de cette preuve, démontre que l'employeur a méconnu certaines dispositions légales lors de la mise en œuvre de la rupture ou si les conditions matérielles ou morales de sa notification présentent un caractère fautif ou révèlent une intention de nuire ou la légèreté blâmable de l'employeur.

En application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts.

Il appartient à celui qui réclame des dommages et intérêts, de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné.

Un licenciement peut être considéré comme abusif (qu'il ait été reconnu valable ou non) si l'employeur a avancé pour le justifier un faux motif, c'est-à-dire un motif qui n'était pas le motif réel qui l'a conduit à prendre cette décision et qui voulait « tromper », ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

L'analyse qui précède a permis de constater que le grief énoncé dans la lettre de licenciement s'est avéré fondé mais qu'il ne constituait pas une faute grave.

Pour autant, le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.

Le Tribunal relève à ce titre que Monsieur c. A. est défaillant dans l'administration de la preuve. Il ne démontre pas avoir été licencié pour une autre cause que celle énoncée dans la lettre de licenciement.

Dès lors, la décision de rupture n'est pas fondée sur un motif fallacieux et ne présente donc pas en elle-même un caractère fautif ; ainsi, aucune faute de l'employeur ne peut ouvrir droit à l'indemnisation d'un préjudice matériel et financier résultant du licenciement.

Le Tribunal relève encore que Monsieur c. A. ne formule aucune contestation sur les circonstances ayant entouré le licenciement, à savoir :

sa mise en œuvre,

les conditions matérielles ou morales de sa notification,

la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné,

de sorte qu'il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

  • Sur les dépens :

Succombant dans ses prétentions, Monsieur c. A. sera condamné aux dépens.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Déboute Monsieur c. A. de toutes ses demandes ;

Le condamne aux dépens du présent jugement ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Didier MARTINI, Émile BOUCICOT, membres employeurs, Madame Agnès ORECCHIA, Monsieur Maximilien AGLIARDI, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le seize mai deux mille dix-neuf, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Didier MARTINI, Émile BOUCICOT, Maximilien AGLIARDI et Madame Agnès ORECCHIA, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef.

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