Tribunal du travail, 25 avril 2019, Madame c. D. c/ La SARL A
Abstract🔗
Contrat de travail - Demandes non soumises au préalable de la conciliation - Recevabilité (non) - Caractère abusif du licenciement (non) - Exécution fautive du contrat de travail (non) - Harcèlement moral (non) - Dommages et intérêts (non)
Résumé🔗
La salariée, engagée en qualité d'aide comptable a été licenciée pour faute. Elle présente dans ses écritures deux demandes additionnelles qui n'ont pas fait l'objet du préalable de la conciliation, à savoir le paiement de 100 000 euros en réparation de son préjudice financier et une demande tendant à voir déclarer non valable son licenciement. Ces deux demandes nouvelles sont donc irrecevables. Le déroulement de la procédure de licenciement ne fait apparaître aucun abus, ni aucune légèreté blâmable de l'employeur. L'intéressée est en conséquence débouté de ses prétentions indemnitaires au titre du caractère abusif de son licenciement. Faute pour elle de démontrer le préjudice cause par la remise tardive des documents de fin de contrat, sa demande indemnitaire à ce titre est également rejetée.
L'intéressée soutient également que l'employeur a exécuté fautivement le contrat de travail et qu'elle a été victime d'agissements de harcèlement moral. Le Tribunal relève cependant que l'employeur n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat de travail (surcharge invoquée de travail, attestation destinée à l'assurance pour finaliser l'achat d'un bien immobilier, congés annuels) et que ses demandes relèvent en outre de son pouvoir de direction (message relatif à la consultation de sa messagerie professionnelle pendant ses congés, absence de réponse à une demande relevant de ses attributions. Elle est ainsi également déboutée de cette dernière demande indemnitaire.
Motifs🔗
TRIBUNAL DU TRAVAIL
JUGEMENT DU 25 AVRIL 2019
En la cause de Madame c. D., demeurant X1 à NICE (06000) ;
Demanderesse, comparaissant en personne ;
d'une part ;
Contre :
La société à responsabilité limitée dénommée A, dont le siège social se situe X2 à MONACO ;
Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la requête introductive d'instance en date du 17 février 2017, reçue le 27 février 2017 ;
Vu la procédure enregistrée sous le numéro 67-2016/2017 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 14 mars 2017 ;
Vu les conclusions de Madame c. D. en personne, en date des 2 novembre 2017 et 7 juin 2018 ;
Vu les conclusions de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur au nom de la SARL A, en date des 8 mars 2018 et 4 octobre 2018 ;
Ouï Madame c. D. en personne, en sa plaidoirie ;
Ouï Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco pour la SARL A, en sa plaidoirie ;
Vu les pièces du dossier ;
* * * *
Madame c. D. a été embauchée par la société à responsabilité limitée A en contrat à durée indéterminée à compter du 15 septembre 2014, en qualité d'Aide Comptable, moyennant un salaire net mensuel de 2.100 euros pour une durée de travail mensuelle de 169 heures.
Madame c. D. a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 6 avril 2016, lequel a été prolongé jusqu'au 31 octobre 2016.
Par courrier en date du 2 novembre 2016, Madame c. D. a été licenciée pour faute et dispensée d'exécuter son préavis.
Par requête en date du 17 février 2017 reçue au greffe le 27 février 2017, Madame c. D. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :
dommages et intérêts pour l'exécution de mauvaise foi du contrat ayant conduit à une hospitalisation en psychiatrie : 150.000 euros,
dommages et intérêts pour licenciement abusif : 50.000 euros,
exécution provisoire du jugement à intervenir,
frais et dépens,
intérêts au taux légal sur l'ensemble des sommes à compter de la requête.
À l'audience de conciliation, Madame c. D. a présenté la demande additionnelle suivante :
aide au retour à l'emploi : 10.000 euros.
Aucune conciliation n'ayant pu aboutir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le bureau de jugement.
Madame c. D. a déposé des conclusions les 2 novembre 2017 et 7 juin 2018 dans lesquelles elle fait essentiellement valoir que :
trois semaines après son embauche, elle a cumulé deux postes de travail puisque la comptable se trouvait en arrêt maladie, et ce pendant huit mois,
l'employeur a commencé par lui refuser une semaine de vacances au mois de novembre 2015 en plus des quatre semaines qui lui avaient été accordées, pour finalement l'accorder,
pendant ses vacances, il lui a été reproché de consulter sa messagerie professionnelle,
à son retour de congé, l'employeur a rompu toute communication avec elle,
des reproches plus anodins les uns que les autres vont lui être faits,
face à cette pression, et sur les conseils du Médecin du Travail, elle s'est rendue à l'hôpital au service psychiatrie,
à la suite de son arrêt maladie, elle a obtenu de la Médecine du Travail une reprise anticipée au 17 octobre 2016, afin d'obtenir une attestation de son employeur destinée à l'assurance pour l'obtention d'un prêt immobilier,
l'employeur a refusé sa réintégration à cette date alors qu'elle l'avait informé de son retour par courriel du 14 octobre 2016,
malgré ses promesses, l'employeur n'a jamais établi cette attestation,
sur les motifs du licenciement et son caractère abusif :
elle reconnaît avoir téléchargé certains logiciels mais avec l'accord de l'employeur,
elle a demandé la date des téléchargements reprochés, en vain,
l'employeur a eu connaissance de l'existence des logiciels le 22 avril 2016 et a curieusement attendu plus de six mois avant de dénoncer les faits,
le contexte de ce licenciement laisse apparaître une véritable volonté de nuire,
le motif est fallacieux car il vient camoufler un motif discriminant, à savoir celui de la maladie ainsi qu'une volonté de la sanctionner pour ne pas avoir été complice de certains agissements de l'employeur,
elle a subi un préjudice tant financier que moral.
Madame c. D. sollicite dans le corps de ses écritures l'allocation d'une somme de 100.000 euros en réparation de son préjudice financier.
La SARL A a déposé des conclusions les 8 mars 2018 et 4 octobre 2018 dans lesquelles elle soulève l'irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts à hauteur de 100.000 euros présentée par Madame c. D. dans ses écritures au titre de son préjudice financier et moral et sollicite le rejet des prétentions émises à son encontre.
Elle soulève l'irrecevabilité de la demande présentée par Madame c. D. dans ses écritures au titre de la validité du licenciement, laquelle n'a pas fait l'objet du préliminaire de conciliation.
Elle fait essentiellement valoir que :
sur le licenciement :
Madame c. D. a téléchargé des programmes et applications sans lien avec ses fonctions sur l'ordinateur mis à sa disposition, avec le risque de provoquer le dysfonctionnement des applications de la société ainsi que leur contamination par virus ou malwares,
elle n'a jamais donné l'autorisation à Madame c. D. de télécharger certains logiciels,
l'utilisation de l'ordinateur de l'entreprise est interdite à des fins personnelles par la charte informatique et confidentialité signée par la salariée le 3 octobre 2014,
suite à son refus de voir Madame c. D. reprendre le travail le 17 octobre 2016, sur la base de documents médicaux qui ne lui avaient jamais été transmis, la salariée a eu un comportement déplacée et agressif, alors que l'arrêt de travail courait jusqu'au 31 octobre 2016,
il appartenait à la salariée de respecter les dispositions de l'article 18 de la Convention Collective applicable pour pouvoir être réintégrée,
elle a refusé de délivrer à Madame c. D. l'attestation qu'elle réclamait dans la mesure où elle ne reflétait pas la réalité,
Madame c. D. a usé de moyens de pression totalement déplacés et intolérables pour obtenir cette attestation facultative destinée à obtenir un prêt immobilier,
Madame c. D. ne démontre pas que son hospitalisation serait due à l'employeur,
les difficultés de communication décrites par la salariée sont le fait de cette dernière qui avait un comportement particulièrement agressif avec ses interlocuteurs,
Madame c. D. ne démontre pas le caractère prétendument abusif de la rupture,
la demanderesse n'établit pas en quoi l'envoi tardif de l'attestation PE lui aurait causé un préjudice,
sur la bonne foi pendant la durée du contrat de travail :
suite à l'arrêt maladie d'une des comptables, Mesdames c. D. et s. P. ont indiqué qu'elles seraient capables d'assumer la charge découlant de cette absence, moyennant une augmentation de salaire, ce qui a été fait,
des erreurs ayant été constatées, il a été procédé à un nouveau recrutement sans pour autant diminuer le salaire des deux aides comptables.
Le Tribunal a interrogé les parties sur la demande présentée par Madame D. tendant à l'allocation d'une somme de 100.000 euros en réparation de son préjudice financier, comme n'ayant pas été soumise au préliminaire de conciliation.
Madame c. D. a indiqué qu'il ne s'agissait pas d'une demande nouvelle, alors que la défenderesse en sollicite l'irrecevabilité.
SUR CE,
Sur l'irrecevabilité des demandes nouvelles présentées par la demanderesse :
En application de l'article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifiée, le bureau de jugement du Tribunal du travail ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum.
Si le demandeur peut, en vertu des dispositions de l'article 42 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifier ses demandes devant le bureau de conciliation, la possibilité d'augmenter ses prétentions ou d'en formuler de nouvelles, en l'absence d'une disposition identique contenue dans cette même loi, ne lui est pas ouverte devant le bureau de jugement, lequel ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum, en application de l'article 1er précité.
En l'espèce, Madame c. D. a présenté deux demandes additionnelles dans ses écritures, n'ayant pas fait l'objet du préliminaire de conciliation.
La somme de 100.000 euros en réparation de son préjudice financier.
Il n'est pas contestable que Madame c. D. n'a pas sollicité dans sa requête introductive d'instance la condamnation de l'employeur à lui régler ladite somme ; cette prétention n'ayant été formulée que postérieurement à la tentative de conciliation par voie de conclusions déposées devant le bureau de jugement.
La demande nouvelle tendant au paiement de la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier, formulée aux termes des écritures judiciaires déposées par Madame c. D. devant le bureau de jugement les 2 novembre 2017 et 7 juin 2018, doit ainsi être déclarée irrecevable.
La validité de la rupture :
Le Tribunal relève que Madame c. D. a réclamé, dans sa requête initiale, la somme de 50.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif.
La cause de la rupture doit reposer sur des faits ou des griefs matériellement vérifiables et suffisamment pertinents pour justifier le licenciement et le Tribunal procède à ce contrôle dans le cadre de la validité du licenciement et non du caractère abusif de ce dernier.
Un licenciement fondé ou non sur des motifs valables peut ne pas être considéré comme abusif.
Il s'agit de deux demandes ayant des fondements et des conséquences juridiques différents.
Un licenciement non valable entraîne la condamnation de l'employeur à verser au salarié l'indemnité de licenciement prévue à l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968 alors qu'un licenciement abusif permet l'attribution au salarié de dommages et intérêts en fonction du préjudice subi et de la faute de l'employeur.
La demande présentée par Madame c. D. au titre d'un licenciement non valable constitue dès lors une prétention nouvelle n'ayant pas fait l'objet du préliminaire de conciliation et doit en conséquence être déclarée irrecevable.
Sur le caractère abusif du licenciement :
Constitue un licenciement abusif l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister notamment dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ; qu'il appartient au salarié qui se prévaut du caractère abusif de la rupture d'en rapporter la preuve.
Un licenciement peut être considéré comme abusif (qu'il ait été reconnu valable ou non) si l'employeur a avancé pour le justifier un faux motif, c'est-à-dire un motif qui n'était pas le motif réel qui l'a conduit à prendre cette décision et qui voulait « tromper ».
En application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts.
Il appartient à celui qui réclame des dommages et intérêts, de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné.
En l'espèce, tenant l'absence de saisine du Tribunal sur la validité du licenciement, le caractère abusif de la rupture doit être limité aux circonstances entourant la rupture, en l'absence de toute recherche sur un quelconque motif fallacieux qui ne peut être retenu que lorsque le motif invoqué n'est pas valable.
En effet, la recherche d'un motif fallacieux oblige le Tribunal à apprécier la validité du licenciement alors qu'aucune demande n'est présentée à ce titre.
Quant au préjudice invoqué, il est de principe que toute demande de dommages et intérêts formée du chef d'un abus dans les conditions de mise en œuvre de la rupture, et non d'un abus dans la prise de décision, ne peut être admise qu'en ce qui concerne le préjudice moral qui résulte du contexte ayant présidé à sa mise en œuvre, et ce, à l'exclusion du préjudice matériel qui serait résulté d'un licenciement abusif dans son principe.
Les pièces du dossier montrent que l'employeur a :
convoqué la salariée à un entretien préalable par courrier en date du 17 octobre 2016, devant se dérouler le 24 octobre suivant, suite à la découverte de logiciels téléchargés sur son poste de travail étrangers à toute activité professionnelle,
licencié Madame c. D. par courrier en date du 2 novembre 2016.
Le déroulement de la procédure de licenciement telle que reprise ci-dessus ne fait apparaître aucun abus, ni aucune légèreté blâmable de l'employeur.
Madame c. D. sera dans ces circonstances déboutée de sa demande de dommages et intérêts présentée à ce titre.
Sur la demande de 10.000 euros d'aide au retour à l'emploi :
Madame c. D. soutient que sa demande est fondée sur la remise tardive des documents de fin de contrat.
Il lui appartient à ce titre de démontrer le préjudice causé par la faute de l'employeur.
Étant défaillante dans l'administration de la preuve à ce titre, elle devra être déboutée de ce chef de demande.
Sur la demande de dommages et intérêts liée à l'exécution du contrat de travail :
Madame c. D. sollicite la somme de 150.000 euros de dommages et intérêts à ce titre.
Conformément à l'article 989 du Code civil, l'employeur doit exécuter de bonne foi le contrat de travail.
Madame c. D. reproche à l'employeur d'avoir été à l'origine de son arrêt de travail. Elle fait état de pressions incessantes durant l'exécution du contrat de travail et de harcèlement qui l'ont conduite à tomber malade et à être hospitalisée.
Dans un courrier en date du 20 octobre 2016, adressé à l'employeur, elle indique que les problèmes de harcèlement ont commencé dès le mois de septembre 2015.
La notion de harcèlement moral invoquée par la demanderesse et reconnue par la loi n° 1.457 du 12 décembre 2017 relatif au harcèlement et à la violence au travail n'était pas consacrée par le législateur au moment de la rupture, en sorte qu'au cas d'espèce, la responsabilité éventuelle de l'employeur ne pouvait être recherchée qu'à raison de manquements graves de son fait ou du fait de ses salariés en s'étant abstenu de prendre les mesures appropriées pour faire cesser la situation de harcèlement moral dénoncée qui sont susceptibles d'affecter la santé du salarié.
Dès lors, la responsabilité de l'employeur peut être recherchée à cet égard par application des règles de droit commun :
- sur le fondement de l'obligation de bonne foi prévue par l'article 989 du Code civil :
* lorsqu'il est l'auteur, dans des circonstances liées au travail, d'agissements (abus, menaces, humiliations, mises à l'écart) entraînant ou étant susceptibles d'entraîner notamment une dégradation de la santé physique ou mentale de ses salariés,
* lorsqu'il a été informé d'une situation de harcèlement moral ou de difficultés relationnelles entre ses salariés et s'est abstenu de prendre les mesures appropriées,
- sur le fondement de l'article 1231 alinéa 4 du Code civil, lorsque les agissements sus évoqués ont été commis par un de ses employés dans le cadre du lien de préposition.
Cependant, l'employeur n'est nullement tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de harcèlement moral, au regard des dispositions légales monégasques applicables lors de la rupture.
En tout état de cause, il appartient au salarié de rapporter la preuve des faits de harcèlement moral qu'il invoque, étant relevé que le Tribunal du travail peut apprécier les présomptions, qui ne sont pas établies par la loi, dans les conditions fixées par l'article 1200 du Code civil.
Pour étayer ses affirmations, Madame c. D. produit aux débats un courrier en date du 20 octobre 2016, adressé à l'employeur et dans lequel elle détaille l'ensemble des griefs reprochés à ce dernier dans l'exécution du contrat de travail :
Elle indique avoir occupé deux postes sans avoir eu de formation, suite au départ en arrêt maladie de la comptable :
L'employeur ne conteste pas cet état de fait mais soutient que Madame c. D. et la seconde aide comptable, Madame s. P. lui ont expliqué qu'elles seraient capables d'assumer la charge de travail supplémentaire, moyennant une augmentation de salaire, ce qui fut fait, Madame c. D. percevant à compter du mois de novembre 2014 un salaire net de 2.500 euros (alors qu'elle avait été embauchée à compter du 15 septembre 2014 avec un salaire net de 2.100 euros).
Même si l'employeur ne démontre pas avoir procédé à l'embauche d'une troisième comptable rapidement comme il le prétend, Madame c. D. ne conteste pas ce recrutement, mais seulement à compter du mois de mai 2015.
Le Tribunal relève à ce titre que Madame c. D. ne produit aucun élément sur une surcharge de travail due à l'absence de sa collègue. Elle ne démontre pas plus avoir alerté l'employeur sur ce point, sur les six mois (et non huit : de novembre 2014 à avril 2015 inclus) pendant lesquels cette situation a perduré.
Ce grief ne saurait dès lors constituer une faute de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail.
L'achat de son appartement :
Madame c. D. reproche à l'employeur de ne pas lui avoir établi une attestation destinée à l'assurance afin de finaliser le financement concernant l'achat d'un bien immobilier.
L'employeur a écrit à la salariée le 28 octobre 2016 pour lui signifier son refus de procéder à l'établissement d'un tel document, n'étant aucunement tenu de l'établir.
Il apparaît que la société B, assureur santé prévoyance, a sollicité de Madame c. D. par lettre en date du 20 octobre 2016, une attestation de son employeur mentionnant la date de reprise à temps complet.
La Médecine du Travail a déclaré la salariée apte à l'essai le 13 octobre 2016.
Cette reprise du travail, bien qu'étant à temps complet, est réalisée à l'essai, de sorte qu'il ne peut être reproché à l'employeur de ne pas avoir établi une attestation de reprise à temps complet, et de ce fait, sans aucune restriction.
Il convient néanmoins de rappeler à l'employeur qu'il ne peut refuser d'établir un tel document qui correspondrait à la réalité de la situation, même si elle est sollicitée dans un but personnel.
Les congés annuels :
Madame c. D. reproche à l'employeur de lui avoir refusé une semaine de vacances au mois de novembre 2015.
Les pièces produites par la demanderesse ne permettent en aucune manière d'accréditer la thèse de la salariée.
En effet, un échange de mèls est intervenu le 14 septembre 2015 concernant les dates de congés des employés et notamment de Madame c. D.
Ainsi, à 15 h 32, Madame C. demande à la demanderesse de lui confirmer ses « dates de congés, à savoir : absence à compter du 3 novembre 2015 et retour le 3 décembre 2015 ? ».
La confirmation de Madame c. D. interviendra à 19 h 01, en ces termes :
« Faisant suite à nos différents entretiens, merci de bien vouloir accepter mes congés comme suit :
Du mardi 3 novembre à 12 h 30 au 3 décembre à 14 h 00.
Après avoir informé mes collègues et sachant que cette période est creuse, il ne devrait pas avoir de problème particulier. ».
Il n'en résulte aucune opposition de la part de l'employeur qui a seulement sollicité de la salariée une confirmation de ses dates de congés.
Il lui a été reproché de consulter sa messagerie professionnelle pendant ses congés :
L'employeur a adressé un courriel à Madame c. D. le 20 novembre 2015, en ces termes :
« Chère c.
Il y a quelques jours nous avons appris avec stupeur que vous avez demandé le code confidentiel à notre nouvel informaticien sans nous avertir et sans avoir notre permission pour accéder au courrier de votre ordinateur au bureau.
Votre demande est peut être partie d'un bon sentiment, toutefois permettez-nous de vous dire sur nous sommes très mécontentes. Nous ne vous aurions pas donné l'autorisation de lire le Outlook de la comptabilité de l'agence pendant vos vacances et surtout pour une si longue période et à l'endroit où vous vous trouvez ! Il s'agit de travail, de données, noms, chiffres, strictement confidentiels qui ne concernent que notre bureau et nos clients et qui ne doivent pas être visibles ailleurs.
Plusieurs choses peuvent mettre en périls nos données et notamment : 1) nous ne savons pas qui peut les lire à l'endroit où vous vous trouvez, 2) en cas de perte de votre portable/ordi/tablette, 3) pour ne pas parler de virus ou autres ... etc...
Ça va sans dire que le code confidentiel va être changé, et nous attendons vos excuses. ».
La charte informatique et de confidentialité signée par Madame c. D. prévoit que « dans le respect des lois relatives à la protection des informations nominatives, la société pourra exercer un droit de regard sur l'usage qui est fait des moyens de communications mis à disposition de l'employé, notamment la messagerie électronique. ».
Dans le cadre de son pouvoir de direction, conforté par la charte informatique susvisée, l'employeur peut encadrer l'usage de la messagerie électronique de la société, sans que cela constitue une faute.
Dès lors, le courriel adressé à Madame c. D. le 20 novembre 2015 ne constitue qu'une application de ce pouvoir de direction.
- L'employeur ne lui a plus adressé la parole à son retour de congés.
Aucun élément n'est produit par Madame c. D. démontrant la réalité de ses allégations.
- Il lui a été reproché d'utiliser sa signature e-mail lorsqu'elle envoie des courriers aux clients.
Par courriel en date du 21 janvier 2016, Monsieur p. P. informe Madame c. D. de la création d'une nouvelle signature e-mail qu'il convient désormais d'utiliser « afin que tous les membres de l'agence véhiculent la même identité visuelle. ».
Le 11 février 2016, l'employeur demande à Madame c. D. de remettre la nouvelle signature, ce qui relève de son pouvoir de direction, sans que cela puisse constituer une quelconque faute.
- Il lui a été demandé à deux reprises la vérification des caisses pour la période de septembre 2014 à novembre 2015 en soutenant ne les avoir jamais eues.
Le dossier de Madame c. D. comporte les deux courriels de l'employeur ainsi libellés :
Courriel du 25 mars 2016 à 15 h 57 :
« Chère c.
Malgré nos multiples demandes lors de nos divers entretiens et lors de la dernière réunion qui s'est tenue en date du 19.02.2016, nous n'avons pas encore reçu de votre part la vérification des caisses pendant toute la période où vous en aviez la charge.
Nous vous demandons donc de repointer et vérifier le montant des caisses depuis le jour où nous vous les avions confiées et contrôlées ensemble, au mois d'octobre 2014, jusqu'au jour de votre départ en vacances le 4/11/2015.
Nous souhaitons recevoir vos conclusions avant mardi MARDI 05/04/2016. ».
Courriel du 5 avril 2016 à 19 h 05 :
« Chère c.
Nous n'avons pas eu de retour de votre part à notre mail du 25 mars ni reçu vos conclusions sur la vérification des caisses malgré notre demande.
Nous vous rappelons que cette question est très importante pour nous.
Nous pensons que vous avez eu assez de temps pour vous préparer mais si vous avez besoin de quelques jours supplémentaires, nous vous demandons de nous remettre ces éléments ainsi que vos explications au plus tard VENDREDI 08/04/2016 l lors d'un R. V. fixé à 9h30 en salle de réunion.
Nous ne pourrons pas attendre plus longtemps. Merci. ».
Le Tribunal relève que Madame c. D. non seulement n'a apporté aucune réponse à la demande de l'employeur, mais n'a pas non plus contesté cette dernière qu'elle estime aujourd'hui non fondée pour avoir été satisfaite en son temps.
Il convient à ce titre de rappeler que le salarié doit en tout premier lieu exécuter la prestation de travail convenue dans le respect des directives.
En l'espèce, Madame c. D. ne démontre aucun abus de l'employeur dans la demande faite le 25 mars 2016 puis le 5 avril 2016.
Il résulte de l'ensemble de ces explications que Madame c. D. ne fournit pas d'éléments de preuve suffisants permettant d'établir qu'elle aurait été personnellement victime d'agissements répétitifs, abusifs, excessifs et vexatoires, qui seraient à l'origine de la dégradation de son état de santé.
L'absence d'exécution de bonne foi du contrat par l'employeur n'est pas plus démontrée, aucun des griefs allégués par Madame c. D. n'étant établi.
Celle-ci sera dans ces circonstances déboutée de ce chef de demande.
Sur les dépens :
Succombant dans ses prétentions, les dépens seront laissés à la charge de la demanderesse.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Dit que les demandes en dommages et intérêts à hauteur de 100.000 euros en réparation de son préjudice financier et en validité du licenciement présentées par Madame c. D. sont irrecevables ;
Déboute Madame c. D. de toutes ses demandes ;
La condamne aux dépens du présent jugement ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Cédric CAVASSINO, Daniel CAVASSINO, membres employeurs, Messieurs Bruno AUGÉ, Jean-Marie PASTOR, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le vingt-cinq avril deux mille dix-neuf, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Cédric CAVASSINO et Bruno AUGÉ, Messieurs Daniel CAVASSINO et Jean-Marie PASTOR, étant empêchés, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef.