Tribunal du travail, 21 février 2019, Monsieur e. T. c/ Monsieur j-v. P.

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Abstract🔗

Contrat de travail - Licenciement pour motif personnel - Faute grave (oui) - Validité du motif de licenciement - Caractère abusif du licenciement - Dommages et intérêts (non)

Résumé🔗

Le salarié, engagé en qualité de cuisinier, a été licencié pour faute grave à la suite d'une altercation avec une autre salariée, qui a également été licenciée. Il conteste la validité de ce licenciement et l'estime abusif. Le salarié ne conteste pas la matérialité des faits mais considère qu'il a agi en état de légitime défense, son adversaire lui ayant porté un coup au visage avec un saladier en inox. Le Tribunal est dans l'impossibilité de déterminer qui des deux salariés est à l'origine de l'altercation litigieuse et a porté le premier coup. L'employeur démontre néanmoins, sans contestation, que les comportements répréhensibles des deux salariés ont entraîné des répercussions sur le service de midi du restaurant. Ces faits, ajoutés aux cris et insultes proférés par les deux protagonistes dans un lieu ouvert au public, caractérisent la faute grave invoquée par l'employeur.

L'intéressé reproche également à l'employeur sa précipitation et sa légèreté blâmable, ainsi que les circonstances brutales du licenciement. Si les déclarations contradictoires des deux parties ne permettent pas de retenir que l'employeur a bien eu un entretien préalable avec le salarié, l'employeur établit qu'il a prié les deux salariés de rentrer chez eux le jour de l'altercation, qu'il les a reçus et qu'il les a licenciés après avoir interrogé leurs collègues. Aucune faute ne peut donc être relevée à son encontre dans les circonstances entourant le licenciement. Le Tribunal rejette en conséquence les prétentions indemnitaires formées par le salarié à ce titre.


Motifs🔗

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 21 FÉVRIER 2019

  • En la cause de Monsieur e. T., demeurant X1 à ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN (06190) ;

Demandeur, bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décision n°XX du 24 novembre 2016, ayant élu domicile en l'étude de Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat ;

d'une part ;

Contre :

  • Monsieur j-v. P. exerçant sous l'enseigne A, dont le siège social se situe X2 à MONACO ;

Défendeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Sophie MARQUET, avocat près la même Cour ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 27 février 2017, reçue le 1er mars 2017 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 68-2016/2017 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 14 mars 2017 ;

Vu les conclusions de Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat au nom de Monsieur e. T. en date des 1er juin 2017, 8 mars 2018 et 7 juin 2018 ;

Vu les conclusions de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur au nom de Monsieur j-v. P. exerçant sous l'enseigne A en date des 2 novembre 2017, 17 mai 2018 et 5 juillet 2018 ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

Monsieur e. T. a été embauché par Monsieur j-v. P. exerçant sous l'enseigne A en qualité de Cuisinier, en extra du 1er au 28 février 2013, puis en contrat à durée indéterminée.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 22 septembre 2016, Monsieur e. T. a été licencié pour faute grave, suite à une altercation avec une de ses collègues, Madame i. D. qui a également fait l'objet d'un licenciement.

Par requête en date du 27 février 2017 reçue au greffe le 1er mars 2017, Monsieur e. T. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

  • - dire et juger que son licenciement est dépourvu de motif valable et abusif,

  • - condamner Monsieur j-v. P. à lui payer les sommes suivantes :

    • * 4.653,68 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

    • * 465,37 euros à titre de congés payés afférents au préavis,

    • * 1.839,90 euros au titre de l'indemnité de congédiement,

    • * 5.151,67 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

    • * 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,

  • - dire et juger que les condamnations porteront intérêts à compter de la citation devant le bureau de conciliation,

  • - condamner Monsieur j-v. P. aux dépens.

Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, l'affaire a fait l'objet d'un renvoi devant le bureau de jugement.

Monsieur e. T. a déposé des conclusions les 1er juin 2017, 8 mars 2018 et 7 juin 2018 dans lesquelles il fait essentiellement valoir que :

  • - son employeur est Monsieur j-v. P. Bien que l'activité restauration soit désormais exploitée par la SARL B, son contrat de travail n'a pas été transféré à ladite société,

  • - Monsieur j-v. P. demeure inscrit au Répertoire du Commerce et de l'Industrie en qualité de commerçant,

  • - tous les documents liés à la rupture ont été établis au nom de Monsieur j-v. P.

- sur le licenciement :

  • - il n'a eu aucun comportement déplacé, menaçant ou provoquant à l'encontre de sa collègue de travail,

  • - il a demandé à cette dernière de l'assister à la confection des boîtes bento et Madame i. D. est entrée dans une colère noire et a commencé à l'invectiver,

  • - il est resté calme, sans élever la voix, demandant à Madame i. D. de se calmer,

  • - c'est alors que Madame i. D. lui a porté un coup au visage avec un saladier,

  • - il a alors tenté de la repousser sans lui porter de coup,

  • - aucun élément ne vient démontrer qu'il aurait été à l'origine de l'altercation, ni qu'il a porté le premier coup à Madame D.

  • - il a agi en état de légitime défense,

  • - il n'y a eu aucune désorganisation du service : un seul salarié est intervenu et l'incident a eu lieu à la fin du service de midi,

  • - les conséquences ont été plus que limitées pour le restaurant,

  • - le restaurant dispose de deux cuisines et l'altercation n'a eu aucun effet sur le fonctionnement de la seconde cuisine,

  • - il n'est pas démontré que le service apporté à la clientèle a été impacté par l'altercation, pas plus que l'image de la société,

  • - les cuisines se situent dans une pièce fermée de sorte qu'il est impossible que les clients aient pu assister à l'altercation,

  • - aucun préjudice financier n'est démontré par l'employeur,

  • - l'employeur a fait preuve d'une précipitation et d'une légèreté blâmable,

  • - aucun entretien préalable n'a eu lieu,

  • - l'employeur n'a procédé à aucune investigation avant de prendre la décision de le licencier,

  • - il lui a été demandé à l'issue de son service de midi de ne plus venir sur son lieu de travail,

  • - il n'a pu apporter aucune explication sur les circonstances de l'altercation,

  • - l'employeur a également agi avec brutalité,

  • - il a subi un préjudice tant financier que moral.

Le demandeur sollicite encore la nullité de l'attestation rédigée par Monsieur h. B. produite par le défendeur.

Monsieur j-v. P. a déposé des conclusions les 2 novembre 2017, 17 mai 2018 et 5 juillet 2018 dans lesquelles il s'oppose aux prétentions émises à son encontre et soutient essentiellement que :

  • - il résulte de l'attestation de Monsieur h. B. que Monsieur e. T. est à l'origine de l'altercation et le premier à asséner un coup à Madame i. D.

  • - Monsieur h. B. n'a pu séparer seul les deux salariés. Il a dû attendre l'arrivée de deux autres salariés pour ce faire,

  • - Monsieur e. T. et Madame i. D. étaient tous deux marqués au visage et ensanglantés,

  • - le fait générateur n'était autre qu'une pénurie de nouilles, ce qui démontre le caractère imprévisible, sanguin et déloyal de Monsieur e. T.

  • - le comportement irresponsable de Monsieur e. T. constitue un manquement manifeste aux règles d'hygiène et de sécurité élémentaires applicables dans une cuisine de restaurant,

  • - cette altercation aurait pu avoir des conséquences bien plus graves vu les nombreux objets dangereux se trouvant dans une cuisine,

  • - cet incident a généré du retard dans le service, lequel a été interrompu pendant trente minutes entre 13 h et 13 h 30,

  • - de nombreux plats ont été gâchés et leur préparation a dû être recommencée,

  • - l'incident n'est pas intervenu à la fin du service mais au moment où le service battait son plein,

  • - l'image du restaurant et sa réputation ont été fortement ternies à la suite de cette altercation,

  • - la cuisine du restaurant japonais ne se situe pas dans une pièce fermée de sorte que les clients ont été témoins des nombreux cris des salariés et ont assisté à la sortie des protagonistes couverts de farine et ensanglantés,

  • - bien que l'entretien préalable ne soit pas obligatoire à Monaco, Monsieur c. P. Directeur de l'établissement, a convoqué Monsieur e. T. et Madame i. D. le 16 septembre 2016, à un entretien prévu le 20 septembre 2016 pour qu'ils s'expliquent,

  • - les droits du salarié ont été respectés,

  • - Monsieur e. T. ne produit aucune recherche d'emploi et ne démontre pas la réalité du préjudice allégué.

SUR CE,

  • Sur la nullité de l'attestation produite par la défenderesse en pièce n° 3 :

Aux termes de l'article 324 du Code de procédure civile, « l'attestation doit, à peine de nullité :

1° être établie par une personne remplissant les conditions requises pour être entendue comme témoin ;

2° être écrite, datée et signée de la main de son auteur ;

3° mentionner les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur, ainsi que l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties ;

4° préciser si son auteur a quelque intérêt au procès ;

5° indiquer qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur sait qu'une fausse attestation l'exposerait aux sanctions prévues par l'article 103 du code pénal ;

6° être accompagnée de tout document officiel, en original ou en photocopie, justifiant de l'identité de son auteur et comportant sa signature. ».

La pièce n° 3 est constituée par une attestation établie par Monsieur h. B A. laquelle ne comporte pas la mention prévue par le 5° de l'article susvisé de sorte que sa nullité devra être prononcée.

Le Tribunal relève que le dossier du défendeur comporte en pièce n° 22 une nouvelle attestation établie par Monsieur h. B A. comportant l'ensemble des mentions prescrites supra .

Il ne s'agit pas de la régularisation de la précédente attestation mais d'une nouvelle, dans la mesure où elle n'est pas identique à celle figurant en pièce n° 3.

  • Sur le motif de la rupture :

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité et de la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de rupture et notamment de la faute grave alléguée.

La faute grave résulte de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise et exige son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis.

Cette faute n'est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est découlé.

En l'espèce, Monsieur e. T. a été licencié par lettre du 22 septembre 2016 ainsi libellée :

« Monsieur,

Nous faisons suite à l'entretien préalable de licenciement du 20 septembre 2016. Vous avez eu une conduite constitutive d'une faute grave.

Nous vous informons par la présente que nous mettons fin à votre contrat à durée indéterminée suite aux faits que vous eu en cuisine, c'est-à-dire que vous vous êtes bagarré avec une de vos collègues le jeudi 15 septembre 2016 pendant le service de midi.

Ces faits ont gravement nui à la bonne marche de l'entreprise, vis-à-vis des clients ainsi que des autres salariés. C'est pourquoi, compte tenu de leur gravité et malgré vos explications lors de notre entretien préalable, nous sommes au regret de devoir procéder à votre licenciement pour faute grave. Pour ces mêmes raisons, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible, y compris durant la période de préavis.

Votre licenciement prend donc effet à compter de la première présentation de cette lettre, sans préavis... ».

Les altercations violentes, rixes, voies de fait, qui se produisent pendant le temps de travail ou à l'occasion du travail, entre salariés ou entre un salarié et le chef d'entreprise sont, le plus souvent, constitutives d'une faute privative des indemnités de rupture.

Cependant, compte-tenu des faits de l'espèce, la faute grave peut être rejetée. Il en est ainsi lorsque l'attitude de la victime des violences n'est pas exempte de tout reproche.

De même, les injures ou insultes du salarié à l'égard d'un autre membre de l'entreprise constituent, en général, des fautes graves, notamment lorsqu'elles sont violentes, graves, répétées, exprimées en présence de tiers, ou susceptibles d'avoir des répercussions importantes pour l'entreprise.

En cas de rixe, il convient notamment de voir si le salarié est à l'origine de la rixe et l'incidence de cette dernière sur la marche de l'entreprise.

En l'espèce, Monsieur e. T. ne conteste pas l'altercation dont il est fait état dans la lettre de licenciement mais considère qu'il a agi en état de légitime défense, Madame i. D. lui ayant porté un coup au visage avec un saladier en inox.

Pour justifier le grief reproché à Monsieur e. T. l'employeur produit les éléments suivants :

L'attestation de Monsieur h. B A. salarié de Monsieur j-v. P. ainsi libellée :

« Le jeudi 15 septembre 2016, je travaillais en cuisine avec e. T. pour la préparation des bento box qui était réallisée pour i. ch. et ja. au Teppanyaki.

i. est venu nous prévenir qu'il n'y avait plus assez de nouilles par rapport à la prise de commande des clients. e. lui a demandé de revenir plus tard mais il ne l'a pas préparé car nous travaillons sur les commandes de la carte des clients. i. est venu à deux reprises pour savoir si les nouilles étaient prêtes. e. a commencé à lui crier dessus. Elle a répliqué.

J'étais en train de préparer de soupes quand tout d'un coup, j'ai reçu de la farine de tempura en liquide. En me retournant il était tous les deux en train de se bagarrer en criant et e. avait le bol à main qui contenait de tempura.

J'ai essayé des les séparer et j'ai appelé à l'aide pour qu'on puisse venir m'aider. Les deux étaient marqués au visage et je n'ai pas vu qui à commencé le premier.

La cuisine était toute sale lorsque le maître d'hôtel du japonais est arrivé. Il a appelé tout de suite le chef de cuisine. Les deux était marqués au visage.

Il n'était plus possible de poursuivre le service de japonais. br. et ro. qui travail au sushi bar sont venus pour aider à nettoyer. Le service à été interrompu durant ½ h minimum. Dès qu'ils ont fini de nettoyer, la directeur leur à demandé de rentrer chez eux tous les deux.

Ensuite on à essayé de faire mieux pour finir le service avec les deux personnes en moins et un environnement désordonné. ».

Monsieur e. T. reconnaît que Monsieur h. B A. était le seul présent lors de l'altercation.

Il résulte des déclarations de celui-ci qu'il n'a pas vu lequel des deux salariés a porté le premier coup.

Il est néanmoins formel en ce que Monsieur e. T. a commencé à crier sur Madame i. D. qui insistait pour que la préparation des nouilles soit plus rapide.

Monsieur h. B A. a ensuite constaté un échange de coups réciproques (une bagarre) et des traces sur le visage de chacun des salariés.

L'attestation établie par Monsieur ro R. salarié de Monsieur j-v. P. en langue anglaise accompagnée de sa traduction libre non contestée par Monsieur e. T. ainsi libellée :

« Le 15 septembre 2016, je travaillais au sushi bar pour le déjeuner quand j'ai entendu cet incident à l'intérieur de la cuisine japonaise, mais je n'ai pu arrêter de travailler car c'était l'heure de grande affluence.

Mais je sens que quelque chose ne va pas parce que j'entends crier et pleurer comme s'ils étaient en train de se battre. Après, il y a eu du dérangement pendant le service, parce que le directeur est venu vérifier ce qu'il se passait. C'était de plus très dangereux parce qu'il y avait des couteaux et d'autres choses qu'ils auraient pu utiliser lors de leur bagarre. J'étais en retard dans mon travail parce que j'ai nettoyé tout le désordre. Tous les employés ont été affectés parce que tout était est en désordre à cause de ce qu'ils avaient fait. Ils ont renversé toute la farine sur le sol ainsi que la tempura. ».

Monsieur ro R. a seulement été un témoin auditif de l'altercation entre Monsieur e. T. et Madame i. D. mais il détaille les conséquences dommageables de celle-ci sur le service.

L'attestation de Monsieur RA BU jo. br. salarié de Monsieur j-v. P. en langue anglaise accompagnée de sa traduction libre non contestée par Monsieur e. T. ainsi libellée :

« Le 15 septembre 2016 au déjeuner, j'étais en train de préparer des sushis quand j'ai entendu du bruit dans la cuisine et mon collègue B. crie mon nom pour l'aider. Donc, quand je suis rentré, j'ai juste vu de la farine sur le sol et sur le mur.

Le directeur est intervenu et a ordonné de nettoyer la cuisine. Ensuite, je suis retourné à ma place pour continuer mon travail. Le service a été interrompu un moment à cause de ce qu'il s'était passé et du fait qu'il était nécessaire de nettoyer la cuisine. ».

Le Tribunal reprend la même argumentation que celle concernant l'attestation de Monsieur ro R.

L'attestation de Monsieur c. P. salarié de Monsieur j-v. P. en qualité de Directeur du restaurant, ainsi libellée :

« Lors du 15 septembre 2016, une bagarre a démarré dans la cuisine japonaise. Lorsqu'on m'a averti je suis allé les voir et j'ai trouvé la cuisine en désordre, avec de la farine à tempura qui recouvrait sol, mur, plan de travail, plats. Il était impossible de continuer le service sans faire au préalable un grand nettoyage et il fallait recommencer les plats déjà prêts.

Vu l'état de la cuisine et des personnes, il n'était pas possible de les faire continuer à travailler, donc je leur ai demandé de rentrer chez eux. Le vendredi 16 septembre 2016, le gérant n'étant pas présent durant quelques jours, nous les avons contacté pour un entretien le mardi suivant le 20/09, vu que le restaurant est fermé le lundi.

J'ai reçu les deux employés simultanément avec le comptable, le mardi 20/09.

Les deux employés expliquaient que c'étaient la faute de l'autre, qu'ils avaient porté plainte à la police.

La situation était trop grave pour pouvoir les remettre à leur poste de nouveau tous les deux. ».

Monsieur c. P. qui n'a pas été témoin des faits, a néanmoins constaté les dégâts dans la cuisine. Il apparaît en outre que les deux salariés concernés se rejettent mutuellement la responsabilité des faits.

L'attestation de Monsieur c DU. salarié de Monsieur j-v. P. ainsi libellée :

« Je dirige les cuisines du restaurant thaï et on m'a demandé de descendre en cuisine japonaise suite à une altercation entre deux cuisiniers dans la cuisine japonaise. Le service à était momentanément arrêté en cuisine thaï et je suis descendu constaté le problème et j'ai arrêter le service à l'arrière du sushi suite à l'altercation entre deux cuisiniers.

La cuisine était couverte de tempura ainsi que les trois salariés.

Vu l'espace confiné de la cuisine et les objets coupant et dangereux présent autour d'eux, les fais auraient pu être beaucoup grave.

On ne pouvait plus assurer le service du midi dans de telles circonstances.

Je leur ai fait nettoyer les murs et les plans de travail pour pouvoir continuer le service dans des normes d'hygiène correcte ce qui à pris un certain temps et qui a perturbé le bon fonctionnement du service du 15 septembre 2016 au midi au japonais.

Le temps que j'ai perdu à régler le problème survenu dans la cuisine japonaise ne j'ai pas pu exercer mes fonction illisible de la cuisine thaï ce qui à des conséquences sur le bon déroulement du service.

C'est un incident qui est regrettable car il nui à l'image du restaurant M B. ».

Monsieur c DU. a également constaté l'état de la cuisine et la désorganisation du service de midi qui en a résulté.

Monsieur e. T. n'apporte aucun élément permettant de donner crédit à ses allégations quant à une agression de Madame i. D. et sur le fait qu'il n'aurait fait que se défendre.

Le Tribunal est dans l'impossibilité de déterminer qui de Monsieur e. T. ou de Madame i. D. est à l'origine de l'altercation litigieuse et qui a porté le premier coup.

Les pièces produites par l'employeur démontrent sans contestation que les comportements répréhensibles des deux salariés ont eu des répercussions sur le service de midi du restaurant.

De plus, et tenant les cris et insultes proférés par les deux protagonistes dans un lieu ouvert au public, la faute reprochée revêt le caractère de gravité justifiant le renvoi immédiat et sans préavis du demandeur.

  • Sur le caractère abusif du licenciement :

Tout licenciement fondé sur un motif valable peut néanmoins présenter un caractère abusif si le salarié, auquel incombe la charge de cette preuve, démontre que l'employeur a méconnu certaines dispositions légales lors de la mise en œuvre de la rupture ou si les conditions matérielles ou morales de sa notification présentent un caractère fautif ou révèlent une intention de nuire ou la légèreté blâmable de l'employeur.

Un licenciement peut être considéré comme abusif (qu'il ait été reconnu valable ou non) si l'employeur a avancé pour le justifier un faux motif, c'est-à-dire un motif qui n'était pas le motif réel qui l'a conduit à prendre cette décision et qui voulait « tromper », ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Il appartient à celui qui réclame des dommages et intérêts, de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné.

En application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts.

Au cas particulier, Monsieur e. T. sollicite d'être indemnisé à hauteur de la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts.

L'analyse qui précède a permis de constater que le grief énoncé dans la lettre de licenciement s'est avéré fondé.

Pour autant, le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.

Force est de constater que Monsieur e. T. qui a la charge de la preuve à ce titre, ne démontre pas que le licenciement serait intervenu pour une autre cause que celle visée dans la lettre de licenciement.

Dans ces circonstances, la décision de rupture n'est pas fondée sur un motif fallacieux et ne présente donc pas en elle-même un caractère fautif ; ainsi, aucune faute de l'employeur ne peut ouvrir droit à l'indemnisation d'un préjudice matériel et financier résultant du licenciement.

Monsieur e. T. invoque également la précipitation et la légèreté blâmable de l'employeur, ainsi que les circonstances brutales du licenciement.

L'employeur fait état dans ses écritures d'un entretien préalable qui se serait déroulé le 20 septembre 2016, mais n'en rapporte pas la preuve.

Bien plus, dans ses écritures en date du 2 novembre 2017, il écrit que cet entretien aurait été mené par Monsieur j-v. P. alors que Monsieur c. P. affirme dans son attestation avoir procédé audit entretien en compagnie du comptable de la société.

Monsieur e. T. conteste avoir non seulement été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement mais également l'existence même de celui-ci tel qu'avancé par l'employeur.

Eu égard aux contradictions relevées supra, le Tribunal estime que la preuve n'est pas rapportée par l'employeur à ce titre.

Il résulte encore des pièces des dossiers respectifs des parties que :

  • - les deux salariés ont été priés de rentrer chez eux le jour de l'altercation, soit le 15 septembre 2016,

  • - l'employeur, après avoir reçu les deux salariés, a pris sa décision de licencier Monsieur e. T. et Madame i. D. après avoir interrogé les collègues des deux protagonistes.

Aucune faute ne peut dès lors être relevée à l'encontre de l'employeur dans les circonstances entourant le licenciement.

Succombant dans ses prétentions, Monsieur e. T. sera condamné aux dépens.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Prononce la nullité de l'attestation produite en pièce n° 3 par Monsieur j. v. P.;

Dit que le licenciement de Monsieur e. T. par Monsieur j. v. P. exerçant sous l'enseigne A repose sur un motif valable et n'est pas abusif ;

Déboute Monsieur e. T. de toutes ses demandes ;

Condamne Monsieur e. T. aux dépens du présent jugement ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Émile BOUCICOT, j. François RIEHL, membres employeurs, Messieurs Gilles UGOLINI, Lionel RAUT, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le vingt et un février deux mille dix-neuf, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Émile BOUCICOT, j. François RIEHL et Lionel RAUT, Monsieur Gilles UGOLINI étant empêché, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef.

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