Tribunal du travail, 7 février 2019, Monsieur i. B. c/ Mademoiselle b. M. et Monsieur f. P.

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Abstract🔗

Procédure civile - Pièce de la procédure - Validité d'une attestation (oui) - Contrat de travail - Licenciement abusif - Circonstances critiquables, rupture brutale et légèreté blâmable

Résumé🔗

Les mentions exigées sur une attestation ne doivent pas nécessairement être reproduites à l'identique de la rédaction de l'article 324 du Code de procédure civile et certaines informations telles que l'intérêt au litige et l'existence d'un lien de subordination, d'alliance ou de parenté peuvent s'apprécier par le contenu même de l'attestation. S'agissant de l'intérêt au litige de l'auteur d'une attestation, l'absence d'une telle mention doit être entendue comme un défaut d'intérêt et ne peut être sanctionnée par la nullité de la pièce qui comporte les mentions légales imposées. Dès lors, la régularité de l'attestation ne saurait être discutée en ce qu'elle précise la profession de son auteur, laquelle n'a aucun lien avec les employeurs, ainsi que son lien de parenté avec le salarié dont elle est la cousine, aucune mention d'un intérêt quelconque aux procès n'étant précisé. Il n'existe ainsi aucun intérêt au litige.

Le licenciement est abusif dès lors que l'employeur s'est dispensé de toute convocation à un entretien préalable, les documents de rupture ayant été préparés en amont et mis à disposition du salarié le jour même du licenciement, ce qui est éminemment critiquable et psychologiquement préjudiciable eu égard à son ancienneté. De plus, la rupture a été brutale, le salarié n'ayant eu aucun moyen d'anticiper la décision de l'employeur lorsque le licenciement lui a été notifié au cours d'un entretien organisé sans délai de prévenance pour des faits s'étant déroulés quatre jours auparavant pour les plus anciens et qualifiés de graves par l'employeur. Enfin, l'employeur a fait preuve de légèreté blâmable et effectué un usage excessif de son pouvoir disciplinaire, s'agissant d'un licenciement prononcé pour faute grave.


Motifs🔗

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 7 FÉVRIER 2019

  • En la cause de Monsieur i. B., demeurant X1 à MONACO ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

  • 1°) Mademoiselle b. M., exploitant le commerce sous l'enseigne « AAA », dont le siège social se situe « X2», X2 à MONACO ;

  • 2°) Monsieur f. P. exploitant le commerce sous l'enseigne « AAA », dont le siège social se situe « X2», X2 à MONACO ;

Défenderesses, ayant primitivement élu domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, puis en celle de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la même Cour, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu les requêtes introductives d'instance en date des 25 novembre 2016 et 4 avril 2017, respectivement reçues les 25 novembre 2016 et 5 avril 2017 ;

Vu les procédures enregistrées sous les numéros 43-2016/2017 et 75-2016/2017 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date des 10 février 2017 et 25 avril 2017 ;

Vu les conclusions de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur au nom de Monsieur i. B. en date des 1er juin 2017, 7 décembre 2017 et 5 avril 2018 ;

Vu les conclusions de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur aux noms de Mademoiselle b. M. et Monsieur f. P. en date du 5 octobre 2017 ;

Vu les conclusions de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur aux noms de Mademoiselle b M. et Monsieur f. P. en date des 1er février 2018 et 16 mai 2018 déposées le 17 mai 2018 ;

Après avoir entendu Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco pour Monsieur i. B. et Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la même Cour pour Mademoiselle b. M. et Monsieur f. P. en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

Monsieur i. B. a été embauché par Mademoiselle b. M. et Monsieur f. P. exploitant en leur nom personnel un fonds de commerce de restauration sous l'enseigne « AAA », en qualité de Cuisinier, à compter du 7 juin 2004, par contrat à durée indéterminée, et ce moyennant un salaire mensuel brut de 2.107,96 euros.

Par lettre en date du 11 novembre 2016 remise en main propre, Monsieur i. B. a été licencié pour faute grave.

Le 14 novembre 2016, la lettre de rupture était adressée au salarié par la voie recommandée avec accusé de réception.

Par requête en date du 25 novembre 2016 reçue au greffe le même jour ( procédure enregistrée sous le numéro 43-2016/2017 ), Monsieur i. B. a saisi le Tribunal du Travail en conciliation des demandes suivantes :

  • la totalité de ses indemnités de rupture et de préavis dues après douze ans de contrat à durée indéterminée, soit :

    • * pour les indemnités de licenciement : 6.600 euros,

    • * pour les deux mois de préavis : 3.900 euros,

    • * dommages et intérêts : 25.000 euros.

Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le Bureau de Jugement.

Monsieur i. B. a déposé des conclusions les 1er juin 2017, 7 décembre 2017 et 5 avril 2018 dans lesquelles il demande au Tribunal de :

« À titre liminaire :

  • Rejeter la demande d'irrecevabilité des pièces n° 23, 25 et 32 formulée par Mademoiselle M. et Monsieur P.

  • Déclarer irrecevable la pièce adverse n° 28 qui n'est pas traduite en français.

  • Déclarer Monsieur i. B. parfaitement recevable en ses demandes et l'y déclarer bien fondé.

  • Prononcer la jonction des procédures intentées par Monsieur B. suivant saisines en date des 25 novembre 2016 et 4 avril 2017.

  • Dire et juger que le licenciement de Monsieur i. B. ne repose ni sur une faute grave, ni sur un motif valable de rupture.

  • Dire et juger que le licenciement de Monsieur i. B. revêt un caractère abusif.

  • Dire et juger que le licenciement de Monsieur i. B. du 11 novembre 2016 a été mis en œuvre de manière brutale, vexatoire, avec une précipitation et une légèreté blâmable.

En conséquence.

  • Condamner in solidum Mademoiselle b. M. et Monsieur f. P. à payer à Monsieur i. B.:

    • 3.900 euros d'indemnités de préavis,

    • 6.600 euros d'indemnités de licenciement,

    • 25.000 euros à titre de dommages et intérêts.

  • Débouter Mademoiselle b. M. et Monsieur f. P. de l'intégralité de leurs demandes, moyens, fins et prétentions.

  • Condamner Mademoiselle b. M. et Monsieur f. P. aux entiers frais et dépens dont distraction au profit de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur sous sa due affirmation. ».

Par requête en date du 4 avril 2017 reçue au greffe le 5 avril 2017 ( procédure enregistrée sous le numéro 75-2016/2017 ), Monsieur i. B. a saisi le Tribunal du Travail en conciliation des demandes suivantes :

  • - 13.699,68 euros à titre d'indemnité de licenciement,

  • - 6.263,83 euros à titre d'indemnité de congédiement,

  • - intérêts au taux légal sur ces sommes à compter de la date de citation à comparaître devant le Bureau de Conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire,

  • - jonction de la présente instance avec celle initiée le 25 novembre 2016 par Monsieur i. B.

Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le Bureau de Jugement.

Monsieur i. B. a déposé des conclusions les 1er juin 2017, 7 décembre 2017 et 5 avril 2018 dans lesquelles il demande au Tribunal de :

« À titre liminaire :

  • Rejeter la demande d'irrecevabilité des pièces n° 23, 25 et 32 formulée par Mademoiselle M. et de Monsieur P.

  • Déclarer irrecevable la pièce adverse n° 28 qui n'est pas traduite en français.

  • Déclarer Monsieur i. B. parfaitement recevable en ses demandes et l'y déclarer bien fondé.

  • Prononcer la jonction des procédures intentées par Monsieur B. suivant saisines en date des 25 novembre 2016 et 4 avril 2017.

  • Dire et Juger que le licenciement de Monsieur i. B. ne repose ni sur une faute grave, ni sur un motif valable de rupture.

  • Dire et juger que le licenciement de Monsieur i. B. revêt un caractère abusif.

  • Dire et Juger que le licenciement de Monsieur i. B. du 11 novembre 2016 a été mis en œuvre de manière brutale, vexatoire, avec une précipitation et une légèreté blâmable.

En conséquence.

À titre principal :

  • Condamner in solidum Mademoiselle b. M. et Monsieur f. P .à payer à Monsieur i. B.:

    • 3.900 euros d'indemnités de préavis,

    • 25.000 euros à titre de dommages et intérêts,

    • 13.699,68 euros à titre d'indemnité de licenciement,

    • 6.263,83 euros à titre d'indemnité de congédiement,

    • mémoire intérêts au taux légal pour l'ensemble de ces demandes à compter de la date de citation à comparaître devant le bureau de conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

À titre subsidiaire :

  • Condamner in solidum Mademoiselle b. M. et Monsieur f. P. à payer à Monsieur i. B.:

    • 13.699,68 euros à titre d'indemnité de licenciement,

    • 6.263,83 euros à titre d'indemnité de congédiement,

    • mémoire intérêts au taux légal pour l'ensemble de ces demandes à compter de la date de citation à comparaître devant le bureau de conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

  • Débouter Mademoiselle b. M. et Monsieur f. P. de l'intégralité de leurs demandes, moyens, fins et prétentions. ».

À l'audience de plaidoirie, Monsieur i. B. a précisé qu'il convenait de retenir ces dernières prétentions telles que reprises dans le dispositif de ses écritures reproduit ci-dessus.

Il a également indiqué qu'il ne maintenait pas sa demande d'irrecevabilité de la pièce produite par les défendeurs en n° 28 dans la mesure où elle avait fait l'objet d'une traduction.

Monsieur i. B. fait essentiellement valoir que :

  • il a été le seul Cuisinier depuis l'ouverture du restaurant,

  • c'est grâce à son travail que le restaurant connaît un bon chiffre d'affaires et des clients fidèles et réguliers,

  • il a toujours procuré une entière satisfaction à ses employeurs et aux clients,

  • son travail n'a jamais fait l'objet du moindre reproche en douze ans,

  • il avait noué avec Mademoiselle b. M. et Monsieur f. P. des liens d'amitié,

  • les employeurs prétendent que les relations se seraient dégradées depuis juin 2015 alors qu'ils ont été invités à son mariage le 22 août 2015 et à son anniversaire le 6 janvier 2016,

  • il a toujours travaillé avec Mademoiselle b. M. depuis 2004, en bonne entente,

  • les employeurs ne démontrent pas les fautes graves qu'ils lui reprochent,

  • la convention collective applicable prévoit que la faute grave ne peut être retenue qu'après répétition d'actes d'indiscipline sanctionnés par au moins trois blâmes,

  • il n'a fait l'objet d'aucun blâme ou avertissement,

  • il conteste les propos et insultes qui lui sont attribués à l'encontre de Mademoiselle b. M.

  • il a été licencié de manière brutale et vexatoire, avec prise d'effet immédiat,

  • il a été licencié le 11 novembre 216 pour un dernier incident qui se serait déroulé le 8 novembre 2016, ce qui ne correspond pas aux caractères de la faute grave qui implique une rupture immédiate du contrat de travail,

  • il a dès lors été surpris de la mesure de licenciement,

  • la lettre de licenciement lui a été remise en main propre après le service, devant le personnel et il s'est senti humilié par Mademoiselle b. M.

  • il a subi un préjudice moral et financier très important.

  • Les défendeurs ont déposé des conclusions les 5 octobre 2017, 1er février 2018 et 17 mai 2018 dans lesquelles ils s'opposent aux prétentions émises à leur encontre et soutiennent essentiellement que :

  • ils ont toujours fait preuve de bienveillance et d'écoute pour leur personnel,

  • ils ont créé avec Monsieur i. B. une relation de confiance qui les a amenés à partager certains évènements, sans pour autant parler de liens d'amitié,

  • les attestations versées aux débats par Monsieur i. B. sont imprécises, subjectives et constitutives de jugements de valeur et sont donc totalement inopérantes,

  • le débat ne porte pas sur les qualités professionnelles de Monsieur i. B. mais sur son comportement à l'égard de ses supérieurs,

  • au moment de la création du second établissement, dans lequel Monsieur i. B. n'avait aucun rôle, ce dernier a nourri un ressentiment à leur encontre,

  • l'ouverture de l'établissement Place d'Armes a entraîné un changement dans la gestion du commerce sous l'enseigne « AAA » et Mademoiselle b. M. en a pris les rênes,

  • Monsieur i. B. a été placé sous la seule autorité de celle-ci et c'est à partir de ce moment-là que le comportement du salarié s'est détérioré,

  • Monsieur i. B. n'a jamais accepté les méthodes de management de Mademoiselle b. M. et n'a pas hésité à exprimer ouvertement son mécontentement,

  • celle-ci n'a cependant jamais formalisé le moindre avertissement, privilégiant le dialogue,

  • les fautes reprochées sont démontrées par les attestations produites aux débats, tant par les salariés de l'entreprise que par des clients,

  • Monsieur i. B. a reconnu dans sa lettre de contestation du licenciement en date du 21 novembre 2016 avoir eu des propos inadaptés,

  • des insultes envers son employeur sont constitutives d'une faute grave,

  • les injures proférées par Monsieur i. B. l'ont été en présence de clients et du reste du personnel,

  • il ne s'agit pas d'actes d'indiscipline tels que prévus dans la convention collective mais d'une insubordination et d'insultes,

  • le demandeur ne démontre aucun motif fallacieux,

  • Monsieur i. B. a été licencié après une réunion avec les autres salariés, dans la mesure où Monsieur a. B. devait lui aussi faire l'objet d'une sanction disciplinaire,

  • le salarié ne démontre aucunement le caractère abusif de la rupture,

  • Monsieur i. B. ne justifie ni de sa situation professionnelle actuelle, ni de la réalité d'une recherche d'emploi.

Ils sollicitent également de voir déclarer nulles les pièces produites par Monsieur i. B. n° 23,25 et 32.

SUR CE,

Il convient d'ordonner, en application des dispositions de l'article 59 alinéa 2 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifiée, la jonction des instances portant les numéros 43 de l'année judiciaire 2016-2017 et 75 de l'année judiciaire 2016-2017, dès lors que les demandes dérivent d'un même contrat de travail.

  • Sur la nullité des pièces n° 23, 25 et 32 produites par Monsieur i. B. :

Aux termes de l'article 324 du Code de procédure civile, « l'attestation doit, à peine de nullité :

1° être établie par une personne remplissant les conditions requises pour être entendue comme témoin ;

2° être écrite, datée et signée de la main de son auteur ;

3° mentionner les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur, ainsi que l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties ;

4° préciser si son auteur a quelque intérêt au procès ;

5° indiquer qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur sait qu'une fausse attestation l'exposerait aux sanctions prévues par l'article 103 du code pénal ;

6° être accompagnée de tout document officiel, en original ou en photocopie, justifiant de l'identité de son auteur et comportant sa signature. ».

La pièce n° 23 est constituée par une attestation établie par Madame c. R. laquelle respecte l'ensemble des dispositions visées supra .

En effet, il est admis que les mentions exigées par l'article 324 du Code de procédure civile ne doivent pas nécessairement être reproduites à l'identique de la rédaction dudit article et que certaines informations telles que l'intérêt au litige et l'existence d'un lien de subordination, d'alliance ou de parenté peuvent s'apprécier par le contenu même de l'attestation.

De plus, l'alinéa 4 invoqué invite les auteurs d'une attestation à préciser s'ils ont « quelque intérêt au procès » ; il s'agit donc d'une précision à apporter lorsque cet intérêt existe, de sorte que l'absence d'une telle mention doit être entendue comme un défaut d'intérêt - ce d'autant qu'il n'est pas soutenu qu'un tel intérêt existerait en l'espèce - et ne peut être sanctionnée dès lors par la nullité de la pièce qui comporte les mentions légales imposées.

Dès lors, la régularité de l'attestation ne saurait être discutée en ce qu'elle précise que leur auteur exerce la profession d'hôtesse de bord maritime, dès lors sans aucun lien avec les défendeurs, et qu'elle est la cousine de Monsieur i. B. avec lequel elle a donc un lien de parenté, aucune mention d'un intérêt quelconque aux procès n'étant précisé, de sorte que le Tribunal doit considérer qu'il n'existe aucun intérêt, les défendeurs ne rapportant pas la preuve contraire.

La même argumentation sera reprise concernant les attestations établies par Monsieur o. B. Père du demandeur et Monsieur m. P. qui précise connaître le demandeur depuis 2009, ce qui induit l'absence de tout lien de parenté.

  • Sur le motif de la rupture :

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité et de la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de rupture et notamment de la faute grave alléguée.

La faute grave résulte de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise et exige son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis.

Cette faute n'est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est découlé.

En l'espèce, Monsieur i. B. a été licencié par lettre du 10 novembre 2016 ainsi libellée :

« Monsieur,

Depuis quelques temps vous avez de mauvaises attitudes face à certains clients et à certaines situations. Par exemple lundi 7 novembre un client arrivé 10 minutes avant la fermeture de la cuisine a commandé un plat de tagliatelles à la bolognaise. Vous avez volontairement négligé la présentation du plat en brisant les pâtes au moment de la préparation pour faire comprendre à cet habitué que vous n'avez pas apprécié son arrivé, selon vous, tardive (...).

À plusieurs reprises j'ai essayé de vous faire comprendre que vos attitudes peuvent nuire au bon fonctionnement du restaurant, à notre chiffre d'affaire et par conséquent aux employés (salaires, prime, pourboire, etc. (...) .

De plus, Mardi 8 Novembre 2016, pendant votre service en cuisine, vous avez tenu des propos injurieux à mon encontre, votre employeur, et une attitude d'insubordination.

Suite à la commande d'une table de 8 personnes avec 5 plats différents, vous avez commencé à jeter bruyamment des casseroles sur le plan de travail et dans l'évier afin de faire entendre à tous le monde votre mécontentement (les clients présents et les autres membres du personnel ont appréciés) Très tranquillement je suis rentrée en cuisine pour vous inviter à avoir une attitude plus appropriée et au lieu de suivre mes directives vous n'avez pas trouvé mieux que de m'insulter en utilisant les expressions suivantes : « vaffanculo » «non rompere i coglioni ». je vous ai dit que vous ne pouviez pas vous adresser à moi de cette façon et au lieu de vous arrêter vous avez surenchéri avec « ti parlo come cazzo voglio, io qui lavoro come cazzo voglio ».

Les circonstances liées au service de ce jour là n'expliquent pas votre comportement fait de violences verbales et d'indiscipline manifeste.

Vous avez clairement montré de ne pas reconnaître nom autorité en tant que votre employeur, et me mettez en porte-à-faux vis-à-vis des autres employés.

Devant la gravité des insultes proférées à mon encontre et votre indiscipline, considérant ces faits comme des fautes graves rendant impossible votre maintien dans la société je vous signifie par la présente ma décision de vous licencier.

Votre licenciement sera effectif dès la réception de cette lettre, sans préavis ni indemnité de rupture (...) ».

Le domaine de la subordination juridique excède la stricte exécution des obligations contractuelles pour concerner plus généralement le comportement du salarié.

En la matière, doivent être conciliés deux impératifs : le respect de la liberté d'expression du salarié et la protection de l'image de l'entreprise. Le seul désaccord ne constitue donc pas une faute. La Cour de cassation française en déduit notamment qu'il est interdit au salarié de dénigrer publiquement son employeur. Une telle solution ne s'étend pas à la critique adressée à l'employeur, même en des termes vifs, qui est considérée comme une mise en œuvre appropriée de la liberté d'expression. Le constat d'une divergence de vues n'est pas non plus, à lui seul, suffisant à constituer une faute disciplinaire.

La critique ne doit toutefois pas dégénérer. L'insulte, l'injure constituent le plus souvent une cause légitime de licenciement.

Le salarié ne peut abuser de sa liberté d'expression par des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs.

Les salariés sont tenus à une attitude courtoise tant à l'égard de l'employeur que de leurs supérieurs hiérarchiques ou collègues de travail. Un manquement à ce principe peut être légitimement sanctionné par un licenciement, sauf circonstances particulières.

L'insubordination, le refus de collaborer constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement. Plus précisément, légitime la rupture du contrat, le refus d'exécuter les directives de l'employeur.

Le refus opposé par le salarié d'exécuter le travail pour lequel il a été embauché, d'accomplir une tâche entrant dans ses attributions, ou correspondant à sa qualification, permet à l'employeur de rompre le contrat de travail.

À l'inverse, le refus opposé par le salarié d'exécuter une tâche qui n'entre pas dans ses attributions ni ne correspond à sa qualification, ne saurait être un juste motif de congédiement.

En l'espèce, il est reproché à Monsieur i. B. trois griefs qu'il convient d'examiner :

  • Sur le premier grief : l'incident des « pâtes » du 7 novembre :

Pour démontrer ce grief, l'employeur produit l'attestation établie par Monsieur e. P. client, ainsi libellée :

« Le lundi 7 novembre 2016 aux alentours de 14h-14h20 comme à mon habitude, je vient déjeuner au commerce sous l'enseigne « AAA » Sans avoir de prétention particulière je demande que l'on me prépare un plat rapide et facile a préparer de tagliatelle bolognese que j'affectionne.

Le plat qui m'est servi ne ressemble pas a ce que j'ai commandé, en fait les pates avait été broyées.

L'employée mademoiselle n C. me propose de changer le plat, mais étant pressé et pour ne pas faire d'histoire je mange le sois disant plat. ».

Il résulte de ce témoignage circonstancié que le plat de pâtes qui lui a été servi n'était pas présentable, mais mangeable, aucune observation sur le goût et la qualité gustative de ce plat n'étant émise par le client.

Bien plus, il appartenait à la serveuse, tenant ses obligations en la matière, de renvoyer le plat en cuisine ou d'alerter Mademoiselle b. M. en cas de refus de Monsieur i. B. de le refaire.

Il appartient en effet à tout serveur de :

  • assurer la totalité d'un service en salle depuis l'arrivée du client jusqu'à son départ sans incident,

  • garantir la qualité du service rendu,

  • réagir en temps réel à tout incident ou dysfonctionnement,

  • exercer sa vigilance afin d'aller au-devant des attentes du client,

  • assurer la totalité d'un service en salle depuis l'arrivée du client jusqu'à son départ sans incident,

  • avoir le sens du détail.

Le serveur doit en effet placer le client au centre de son activité et de sa mission.

Il en résulte que l'incident des « pâtes » du 7 novembre aurait pu être évité si la serveuse avait correctement rempli sa mission ; ce qui ne dédouane pas pour autant Monsieur i. B.

Il s'agit d'une responsabilité partagée entre les deux salariés.

Ce faisant, ce seul incident ne saurait à lui seul constituer une faute grave.

  • Sur le deuxième grief : les propos injurieux envers l'employeur :

Pour justifier ce grief, l'employeur produit les éléments suivants :

  • * L'attestation établie par Monsieur a. B. Serveur au commerce sous l'enseigne « AAA » qui indique :

« Le 8 novembre 2016 vers 13 h 45 j'ai assisté à la discussion entre la propriétaire b. M. et le cuisinier du restaurant i. B. Cette discussion est née de certaines mesures liées au travail prises par la propriétaire b. avec le cuisinier i. B. lequel s'est mis à mal lui répondre qu'elle ne comprend rien à la cuisine, il a commencé à jeter des casseroles par terre, et que « Madame b. M. est une conne (...) ».

Au vu de ce qui s'est passé, le 11 novembre 2016 Monsieur f. P. et Madame b. M. nous ont convoqués à côté du restaurant pour discuter des faits, j'ai reçu la première lettre de rappel pour le retard de la matinée et j'ai reconnu mes erreurs alors que Monsieur i. B. à peine reçu et lu la lettre, a reconnu les faits décrits et a réitéré devant nous tous les insultes proférées à l'encontre de Madame b. M. ».

  • * L'attestation établie par Madame C n. Serveuse au commerce sous l'enseigne « AAA » ainsi libellée :

« Le 8 novembre 2016 pendant ma journée de travail j'ai assisté à la rixe entre madame b. M. et Monsieur i. B.

Dans l'intention de mener à bien mes tâches derrière le comptoir, je n'ai pas directement assisté à la discussion, mais j'ai quand même entendu les phrases offensives dirigées contre madame b. M.(« tu es une conne », « tu ne comprends rien », « tu ne vas pas m'apprendre comment faire mon travail ») et le fracas des casseroles volontairement jetées par terre a fait que de nombreux clients sont venus me demander des explications sur ce qui se passait.

Je déclare avoir été présente le 11 novembre 2016 à une réunion demandée par madame b. M .à côté du commerce sous l'enseigne « AAA » en présence de toute l'équipe (madame b. M. moi-même, a. B. et i B..

Après que Monsieur B. ait reçu sa lettre de licenciement, ce dernier a de nouveau explosé et adressé à madame b. M. une autre phrase offensive, tout en lisant la déposition faite par madame b. M. concernant les motifs du licenciement, Monsieur B. a ajouté avec arrogance « tu as oublié d'écrire que je t'ai traitée de conne et je le répète ».

J'ajoute que Monsieur B. a un caractère irascible comme cela a pu être constaté dans diverses circonstances à mon encontre et à l'encontre d a. B.

Il nous était impossible de lui faire observer ses possibles erreurs ou manquements sur le lieu de travail et il se montrait réticent à accepter les demandes particulières des clients. ».

  • * L'attestation établie par Monsieur f. B. client, qui indique :

« Le mardi 8 novembre 2016 à 13 h 30 j'étais aucommerce sous l'enseigne « AAA » à Monte-Carlo, alors que je mangeais j'ai entendu une discussion provenant de la cuisine et j'ai entendu le cuisinier qui insultait la propriétaire b. avec les mots suivants : « tu me casses les couilles conne je travaille comme je veux », « tu es une conne sors de là ».

Il résulte de ces attestations qu'un incident s'est produit le 8 novembre 2016, ce qui n'est absolument pas contesté par le salarié.

Il conteste cependant les injures qui lui sont reprochées.

Le Tribunal relève à ce titre que la lettre de licenciement donne une version différente de celle contenue dans lesdites attestations.

En effet, l'employeur écrit que c'est le bruit des casseroles jetées bruyamment sur le plan de travail et l'évier qui a amené l'intervention de Mademoiselle b. M. alors que les salariés qui attestent soutiennent que le bruit des casseroles est intervenu postérieurement à l'entrée de Mademoiselle b. M. dans la cuisine, Monsieur i. B. jetant volontairement les casseroles par terre de colère.

Monsieur a. B. précise ainsi que la « discussion est née de certaines mesures liées au travail prises par la propriétaire b. avec le cuisinier i. B.».

Cette différence importante dans la relation des faits, alors que les salariés indiquent avoir assisté à la « rixe » et à la discussion litigieuse jettent un doute sur la sincérité des témoignages de Monsieur a. B. et Madame C n.

Bien plus, dans son courrier de contestation du licenciement en date du 21 novembre 2016, Monsieur i. B. confirme la version contenue dans la lettre de licenciement en ces termes :

« Concernant la date des faits reprochés du mardi 8 novembre 2016, vous êtes venu me dire de faire moins de bruit avec les casseroles (...) » .

Il convient dès lors de retenir l'attestation du client f. B. qui fait état de propos déplacés et insultant de Monsieur i. B. envers son employeur, Mademoiselle b. M.

Dans son courrier du 21 novembre 2016, Monsieur i. B. reconnaît avoir eu un langage inapproprié :

« En ce qui concerne les mots reprochés le 8 novembre 2016, je conteste avoir utilisé les mots « vaffaculo » et « non rompere i coglioni » contre Mme M. mais veux bien admettre parler à haute voix et râler dans ma cuisine en période intense et avoir dit « faccio quello che voglio » suite à son invitation à avoir une attitude plus approprié.

Après sa demande de ne pas s'adresser à elle de la sorte, je conteste avoir dit « ti parlo come cazzo voglio, io qui lavoro come cazzo voglio » mais admets avoir dit « e invece lo faccio le stesso ».

J'admets ne pas avoir eu un langage approprié mais ne considère pas avoir adopté un comportement d'indiscipline manifeste et de violences verbales.

Je précise encore que ne m'aviez jamais entendu vous parler comme ceci auparavant ce qui fait de cet événement un cas isolé. ».

L'attitude injurieuse, insultante, vis-à-vis de l'employeur, constitue à tout le moins une cause valable de licenciement.

Il y a lieu néanmoins de tenir compte des circonstances dans lesquelles les propos déplacés ont été tenus par Monsieur i. B.

En effet, une incorrection occasionnelle peut, compte-tenu des circonstances, ne pas être retenue comme une faute grave.

En l'espèce, il n'est pas contesté que Monsieur i. B. était le seul Cuisinier, le seul en cuisine et qu'il assurait le service de midi sans aucune aide.

Il ressort encore de la lettre de licenciement qu'il était confronté, en plus du service normal, à une commande d'une table de huit personnes avec cinq plats différents, ce qui a pu générer un stress important pour que l'ensemble des commandes de la même table soit servi simultanément.

Les propos entendus par le client et reconnus en partie par le demandeur ne sauraient dans ces circonstances avoir une gravité telle justifiant le licenciement sans indemnité.

Ils constituent à tout le moins une cause valable de licenciement eu égard aux explications développées supra .

  • Sur le troisième grief : l'indiscipline et l'insubordination :

Le Tribunal relève que l'employeur ne produit aucun élément à ce titre.

Il s'agit en effet d'une demande de l'employeur tendant à stopper tout bruit de casseroles et avoir une attitude plus appropriée, laquelle ne repose que sur les seules allégations des défendeurs.

Bien plus, et tenant la relation des faits par les salariés différente de celle de l'employeur, l'intervention de Mademoiselle b. M. ne peut être justifiée par les bruits intempestifs de casseroles.

Enfin, et à titre surabondant, un acte d'indiscipline unique, attribuable à un accès de mauvaise humeur de la part d'un salarié au passé professionnel irréprochable, est insuffisant pour justifier un licenciement pour faute grave.

Ce grief ne sera dès lors pas retenu.

Enfin, la faute grave doit être d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et exige son départ immédiat.

En l'espèce, l'employeur a attendu trois jours après les faits reprochés pour se séparer de Monsieur i. B.

La notion de faute grave ne peut dès lors être retenue.

Par ailleurs, les griefs retenus par le Tribunal ne peuvent pas plus constituer une faute grave ainsi qu'il a été indiqué supra, mais peuvent néanmoins constituer un motif valable de licenciement.

Monsieur i. B. peut ainsi prétendre à l'indemnité de préavis prévue à l'article 11 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 d'un montant de 3.900 euros brut, avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2016 date de la réception au greffe de la requête introductive d'instance.

Le licenciement étant fondé sur un motif valable, mais non sur une faute grave, Monsieur i. B. ne peut obtenir le versement de l'indemnité de licenciement prévue à l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968.

Il ne peut prétendre qu'à l'indemnité de congédiement d'un montant de 6.263,83 euros, ce dernier étant retenu en l'absence de contestation du calcul opéré, avec intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2017 date de la réception au greffe de la requête introductive d'instance.

  • Sur le caractère abusif du licenciement :

Tout licenciement fondé sur un motif valable peut néanmoins présenter un caractère abusif si le salarié, auquel incombe la charge de cette preuve, démontre que l'employeur a méconnu certaines dispositions légales lors de la mise en œuvre de la rupture ou si les conditions matérielles ou morales de sa notification présentent un caractère fautif ou révèlent une intention de nuire ou la légèreté blâmable de l'employeur.

En application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts.

Il appartient à celui qui réclame des dommages et intérêts, de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné.

Un licenciement peut être considéré comme abusif (qu'il ait été reconnu valable ou non) si l'employeur a avancé pour le justifier un faux motif, c'est-à-dire un motif qui n'était pas le motif réel qui l'a conduit à prendre cette décision et qui voulait « tromper », ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

L'analyse qui précède a permis de constater que le grief énoncé dans la lettre de licenciement s'est avéré fondé mais qu'il ne constituait pas une faute grave.

Pour autant, le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.

Le Tribunal relève à ce titre que Monsieur i. B. est défaillant dans l'administration de la preuve. Il ne démontre pas avoir été licencié pour une autre cause que celle énoncée dans la lettre de licenciement.

Dès lors, la décision de rupture n'est pas fondée sur un motif fallacieux et ne présente donc pas en elle-même un caractère fautif ; ainsi, aucune faute de l'employeur ne peut ouvrir droit à l'indemnisation d'un préjudice matériel et financier résultant du licenciement.

Monsieur i. B. fait également état du caractère soudain et brutal du licenciement.

L'employeur a fait preuve d'une légèreté blâmable dans la mise en œuvre et la procédure de licenciement.

Il apparaît en effet que l'employeur s'est dispensé de toute convocation à un entretien préalable, l'ensemble des documents (lettre de rupture et documents sociaux) ayant été préparé en amont et mis à disposition du salarié le jour même du licenciement ainsi qu'il résulte de la lettre de rupture.

Bien que la loi du for n'impose pas un entretien préalable, les circonstances du licenciement de Monsieur i. B. apparaissent éminemment critiquables et psychologiquement préjudiciables eu égard à son ancienneté.

La rupture est par ailleurs intervenue de manière brutale, dans la mesure où Monsieur i. B. n'avait aucun moyen d'anticiper la décision de la défenderesse lorsque le licenciement lui a été notifié au cours d'un entretien organisé sans délai de prévenance, pour des faits s'étant déroulés quatre jours auparavant pour les plus anciens et qualifiés de graves par l'employeur ; ce qui confère au licenciement un caractère abusif.

Enfin, l'employeur a fait preuve de légèreté blâmable et effectué un usage excessif de son pouvoir disciplinaire (faute grave) qui confère également au licenciement un caractère abusif.

Quant au préjudice invoqué, il est de principe que toute demande de dommages et intérêts formée du chef d'un abus dans les conditions de mise en œuvre de la rupture, et non d'un abus dans la prise de décision, ne peut être admise qu'en ce qui concerne le préjudice moral qui résulte du contexte ayant présidé à sa mise en œuvre, et ce, à l'exclusion du préjudice matériel qui serait résulté d'un licenciement abusif dans son principe.

Les difficultés financières dont il est fait état sont en effet le résultat de la diminution de revenu, provoquée par la perte d'emploi et non la conséquence de la brutalité et de l'abus qui, à les supposer établis, auraient caractérisé le licenciement. De plus, le demandeur n'établit nullement en quoi ces difficultés matérielles auraient été provoquées par les circonstances fautives ayant entouré le licenciement, lesquelles n'ont d'ailleurs pas été retenues par le Tribunal. Elles ne peuvent être de nature à établir l'existence d'une faute dans la mise en œuvre de la rupture (Cour de révision, 26 mars 2014, Pourvoi n° 2013-17).

Monsieur i. B. ne saurait prétendre qu'à l'indemnisation de son préjudice moral lié à la faute de l'employeur telle que relevée supra .

Cette faute ne remet aucunement en cause la validité de la rupture et la réalité des griefs reprochés à Monsieur i. B. ayant fondé le licenciement.

Ainsi, les dommages et intérêts accordés au salarié doivent être évalués sur la base de la faute de l'employeur et du préjudice qui en est résulté.

Ce préjudice est nécessairement limité en ce que le licenciement a été déclaré valable.

En effet, accorder au salarié des dommages et intérêts dans le cadre d'un licenciement valable mais abusif en tenant compte de son ancienneté entrainerait une inégalité de traitement avec le salarié ayant été licencié abusivement mais pour un motif non valable et pour lequel le préjudice moral est plus important.

Cet abus dans les conditions de mise en œuvre du licenciement ouvre droit à la réparation du seul préjudice moral, lequel sera correctement indemnisé par l'allocation d'une somme de 10.000 euros, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision.

Mademoiselle b. M. et Monsieur f. P. seront condamnés in solidum aux dépens.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Ordonne la jonction des instances portant les numéros 43 de l'année judiciaire 2016/2017 et 75 de l'année judiciaire 2016/2017 ;

Dit que le licenciement de Monsieur i. B. par Mademoiselle b. M. et Monsieur f. P. repose sur un motif valable mais n'est pas fondé sur une faute grave et revêt un caractère abusif ;

Condamne in solidum Mademoiselle b. M. et Monsieur f. P. à payer à Monsieur i. B. les sommes suivantes :

  • - 3.900 euros brut (trois mille neuf cents euros) à titre d'indemnité de préavis, avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2016 date de la réception au greffe de la requête introductive d'instance,

  • - 6.263,83 euros (six mille deux cent soixante-trois euros et quatre-vingt-trois centimes) à titre d'indemnité de congédiement, avec intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2017 date de la réception au greffe de la requête introductive d'instance,

  • - 10.000 euros (dix mille euros) à titre de dommages et intérêts, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision ;

Rejette le surplus des demandes présentées par les parties ;

Condamne in solidum Mademoiselle b. M. et Monsieur f. P. aux dépens du présent jugement ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Madame Anne-Marie MONACO, Monsieur Anthony GUICHARD, membres employeurs, Madame Anne-Marie PELAZZA, Monsieur Lucien REBAUDO, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le sept février deux mille dix-neuf, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Anthony GUICHARD, Lucien REBAUDO et Madame Anne-Marie MONACO, Madame Anne-Marie PELAZZA étant empêchée, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef.

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