Tribunal du travail, 17 janvier 2019, Madame u. R-S. c/ La société A
Abstract🔗
Contrat de travail - Salaires - Heures supplémentaires - Preuve - Justification par semaine civile des heures supplémentaires effectuées (non)
Résumé🔗
La demande de la salariée en paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires est rejetée dès lors qu'elle ne démontre pas la réalité de ces heures supplémentaires par la production d'un décompte conforme aux dispositions de l'article 8 de l'Ordonnance-loi du 2 décembre 1959. Elle produit en effet un décompte mensuel et non établi par semaine civile devant mentionner notamment, le nombre total d'heures de travail effectivement accomplies au cours de la semaine considérée, et le nombre d'heures effectuées au-delà de 39 heures. Elle produit encore de manière insuffisante des copies de quelques relevés du dispositif de gestion du temps de travail sur quelques semaines, lesquels ne peuvent avoir le caractère probatoire qu'elle revendique, ce dispositif n'étant pas un système de pointage. Enfin, elle ne prouve pas que les heures supplémentaires revendiquées ont été réalisées à la demande de l'employeur ou que la charge de travail était telle qu'elle a été dans l'obligation de dépasser l'horaire de travail normal.
Motifs🔗
TRIBUNAL DU TRAVAIL
JUGEMENT DU 17 JANVIER 2019
En la cause de Madame u. R-S., demeurant X1à MENTON (06500) ;
Demanderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice ;
d'une part ;
Contre :
La société anonyme monégasque dénommée A, dont le siège social se situe X2 à MONACO ;
Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la requête introductive d'instance en date du 29 décembre 2015, reçue le 4 janvier 2016 ;
Vu la procédure enregistrée sous le numéro 53-2015/2016 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 26 janvier 2016 ;
Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de Madame u. R-S. en date des 1er décembre 2016, 2 novembre 2017 et 5 avril 2018 ;
Vu les conclusions de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur au nom de la S. A. M. A, en date des 2 mars 2017 et 11 janvier 2018 ;
Après avoir entendu Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice, pour Madame u. R-S. et Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la même Cour pour la S. A. M. A, en leurs plaidoiries ;
Vu les pièces du dossier ;
* * * *
Madame u. R-S. a été employée par la société anonyme monégasque A à compter du 14 octobre 1991 en qualité de Technicienne de laboratoire.
À compter du 1er août 2006, il lui est accordé la qualification de technicienne supérieure laboratoire.
Elle a fait l'objet d'un licenciement pour motif économique le 30 septembre 2015.
Par requête en date du 29 décembre 2015 reçue au greffe le 4 janvier 2016, Madame u. R-S. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :
rappel de salaire : 15.000 euros,
congés payés sur rappel de salaire : 1.500 euros,
dommages et intérêts pour non-paiement en temps voulu : 2.000 euros,
intérêts au taux légal,
exécution provisoire.
Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le bureau de jugement.
Madame u. R-S. a déposé des conclusions les 1er décembre 2016, 2 novembre 2017 et 5 avril 2018 dans lesquelles elle demande au Tribunal de condamner la S. A. M. A à lui payer les sommes suivantes :
- rappel de salaire pour heures supplémentaires : 9.154 euros,
- congés payés sur rappel de salaire : 915,40 euros,
- dommages et intérêts pour non-paiement en temps voulu : 2.000 euros,
- intérêts au taux légal,
- exécution provisoire.
Madame u. R-S. fait essentiellement valoir que :
elle a réclamé le paiement de ses heures supplémentaires par courrier en date du 6 juin 2015,
l'employeur a répondu le 25 juin 2015 que sa demande n'était pas recevable,
même si la hiérarchie ne demandait pas journellement d'effectuer des heures supplémentaires, le travail exigé chaque jour par celle-ci ne pouvait être fait en respectant strictement les horaires normaux,
sa hiérarchie ne procédait pas pour autant à une réduction de la charge de travail,
le protocole visé dans le courrier de l'employeur en date du 25 juin 2015 ne lui est pas opposable,
elle produit un décompte des heures sur la base du logiciel de la société employeur,
l'employeur dispose du logiciel de pointage mais s'abstient de le produire,
la réalité des heures supplémentaires est démontrée par la production des extraits du logiciel HOROQUARTZ,
elle produit un tableau faisant apparaître, jour par jour et par semaine :
* la présence badgée,
* heure totale de la journée,
* crédit du jour,
* crédit cumulé,
les entretiens annuels viennent confirmer que les heures supplémentaires étaient réalisées à la demande de l'employeur, ou étaient validées par ce dernier, et ce, en raison de la charge importante de travail,
dans l'évaluation annuelle de 2008, il est expressément indiqué qu'elle effectuait des heures supplémentaires,
si le décompte des sommes réclamées n'est pas établi par semaine civile, il n'en demeure pas moins qu'en abstenant, sans motif légitime, de produire aux débats toutes les fiches de pointage journaliers, la S. A. M. A l'a placée dans l'impossibilité de formuler correctement sa réclamation.
La S. A. M. A a déposé des conclusions les 2 mars 2017 et 11 janvier 2018 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et soutient essentiellement que :
l'article 3.2 du protocole d'accord signé avec le syndicat des employés des industries chimiques et plastiques de Monaco le 3 mars 2003, sur la réduction et l'aménagement du temps de travail, prévoit que les heures supplémentaires doivent être demandées par la hiérarchie et validées par la Direction des Ressources Humaines,
Madame u. R-S. n'a pas respecté ces dispositions,
les données figurant sur les relevés produits par la demanderesse se bornent à faire état de la présence de la salariée dans l'établissement mais n'établissent pas la réalisation d'heures supplémentaires,
il ne s'agit pas d'un dispositif de pointage-horaire comptabilisant le temps de travail des salariés, de sorte que ces relevés sont dénués de toute force probante,
l'entretien annuel d'évaluation de 2008 portant sur l'année 2007 ne porte pas sur la période en débat,
celui portant sur l'année 2010 et le premier semestre 2011 ne mentionnent pas la nécessité d'effectuer des heures supplémentaires,
le tableau produit par Madame u. R-S. ne permet pas d'identifier le travail effectif réalisé.
SUR CE,
Il appartient au salarié de rapporter la preuve de l'existence des heures supplémentaires dont il revendique le paiement et ce préalable étant rempli, à l'employeur de fournir les éléments qu'il détient et qui sont de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Seules les heures supplémentaires accomplies avec l'accord de l'employeur peuvent donner lieu à rémunération.
Pour pouvoir prétendre au paiement, dans le cadre de la présente instance, des heures supplémentaires effectuées par ses soins, Madame u. R-S. doit produire un décompte établi par semaine civile et mentionnant, conformément aux dispositions de l'article 8 de l'Ordonnance loi du 2 décembre 1959, pour chacune des semaines couvertes par sa réclamation :
- le nombre total d'heures de travail effectivement accomplies au cours de la semaine considérée,
- le nombre d'heures effectuées au-delà de 39 heures,
- le taux horaire de base applicable,
- le taux horaire majoré (+ 25 % pour les huit premières + 50 % pour les heures suivantes).
Contrairement à ce que soutient Madame u. R-S. l'employeur a confirmé à l'audience qu'il contestait l'exécution de toute heure supplémentaire.
Ce faisant, il convient de relever que l'ensemble des documents qu'elle produit ne répondent pas à ces prescriptions et ne prouvent en aucune manière l'accomplissement par la salariée, comme elle l'allègue, d'heures supplémentaires.
En effet, elle a établi un décompte des heures supplémentaires réclamées mensuellement, soutenant que l'employeur dispose de tous les éléments permettant de démontrer la réalité des heures de travail réalisées.
Cependant, il y a lieu de rappeler à Madame u. R-S. qu'il appartient, dans un premier temps au salarié, de démontrer l'existence d'heures supplémentaires réalisées, notamment par la production d'un décompte conforme aux dispositions de l'article 8 de l'Ordonnance loi du 2 décembre 1959, et ensuite à l'employeur d'apporter tous éléments permettant de justifier des horaires effectivement réalisés.
Madame u. R-S. verse encore aux débats des copies de relevés HOROQUARTZ sur quelques semaines de l'année 2011, lesquels ne peuvent avoir le caractère probatoire revendiqué par la salariée.
En effet, le système HOROQUARTZ eTEMPTATION n'est pas un système de pointage mais de gestion du temps (présence, absence, congés, planning), ainsi qu'il résulte du site HOROQUARTZ ; cette société proposant d'ailleurs des systèmes de pointage.
En outre, la salariée ne produit que quelques relevés alors que le système HOROQUARTZ permet à tous les salariés d'avoir un accès personnel à leur compte.
Enfin, la demanderesse produit aux débats des extraits de ses évaluations pour les années 2007 et 2010 dans lesquels il est fait état d'une charge de travail importante (2010) et de l'accomplissement d'heures supplémentaires pour atteindre ses objectifs (2007).
Le Tribunal observe à ce titre que les périodes correspondantes ne sont pas visées dans les demandes de la salariée et que la salariée s'abstient de produire les évaluations pour les années litigieuses.
Enfin, la salariée ne prouve pas que les heures supplémentaires revendiquées ont été réalisées à la demande de l'employeur ou que la charge de travail était telle qu'elle a été dans l'obligation de dépasser l'horaire de travail normal.
Dans ces circonstances, Madame u. R-S. sera déboutée de toutes ses demandes.
Succombant dans ses prétentions, elle sera condamnée aux dépens.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Déboute Madame u. R-S. de toutes ses demandes ;
Condamne Madame u. R-S. aux dépens du présent jugement ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Georges MAS, Francis GRIFFIN, membres employeurs, Monsieur Thomas BONAFEDE, Madame Nathalie VIALE, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le dix-sept janvier deux mille dix-neuf, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Georges MAS, Francis GRIFFIN et Thomas BONAFEDE, Madame Nathalie VIALE étant empêchée, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint.