Tribunal du travail, 10 janvier 2019, Monsieur h. B. S. c/ La SAM A
Abstract🔗
Contrat de travail - Licenciement pour inaptitude médicalement constatée - Validité du motif de licenciement - Rupture abusive du contrat de travail (oui) - Méconnaissance de l'obligation de reclassement - Absence de justification de l'impossibilité de reclassement invoquée - Dommages et intérêts (oui)
Résumé🔗
Le salarié, engagé en qualité d'officier d'Officier Vaisselier, a été licencié en raison de son inaptitude, médicalement constatée, consécutive à plusieurs accidents du travail et à l'impossibilité corrélative de le reclasser. Le licenciement litigieux repose sur un motif valable mais revêt un caractère abusif dès lors que l'employeur a agi avec une légèreté blâmable en s'abstenant de procéder à une recherche loyale et sérieuse de reclassement et sans justifier de l'impossibilité de reclassement invoquée. Le courriel adressé aux différentes directions des établissements ne comporte, en effet, aucune information sur la situation personnelle de l'intéressé. Par ailleurs, l'employeur n'a ciblé ses recherches que parmi les emplois susceptibles d'être vacants, sans envisager la mise en œuvre de mesures telles que transformations, mutations de postes ou formations, les seules envisagées étant au niveau d'un perfectionnement en langues anglaise et italienne. Les réponses particulièrement laconiques des différents établissements sollicités démontrent également qu'ils n'ont pu entreprendre une démarche loyale et sérieuse de recherche de reclassement. En outre, l'employeur ne fournit aucun document sur la nature des emplois existants dans les différentes structures de la société, ce qui ne permet pas au Tribunal d'avoir une vue objective de la situation générale de l'entreprise. Enfin, la dégradation de l'état de santé du salarié est due en partie à l'employeur qui a ignoré les demandes d'aménagement/changement de poste préconisées par la Médecine du Travail.
Le salarié justifie de l'ouverture de droit à l'allocation d'aide au retour à l'emploi pour une durée de 730 jours mais il ne produit aucune pièce sur sa situation professionnelle, matérielle et financière actuelle, et notamment les justificatifs des versements Pôle Emploi et ses déclarations de revenus. Il ne justifie pas non plus tant de la réalité des difficultés économiques alléguées que de la situation et de la composition de son foyer. Si sa perte de revenu est incontestable, elle est toutefois appréciée par rapport aux pièces produites. Il a également subi un préjudice moral qui doit être apprécié en fonction de son ancienneté (18 ans) et de son âge (39 ans). Il a enfin subi enfin un préjudice résultant de la perte de chance de conserver un emploi dans l'entreprise, même à temps partiel. En fonction de l'ensemble de ces éléments, le Tribunal lui alloue la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la décision.
Motifs🔗
TRIBUNAL DU TRAVAIL
JUGEMENT DU 10 JANVIER 2019
En la cause de Monsieur h. B. S., demeurant X1 à BEAUSOLEIL (06240) ;
Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Delphine FRAHI, avocat au barreau de Nice ;
d'une part ;
Contre :
La société anonyme monégasque dénommée A, dont le siège social se situe X2 à MONACO ;
Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la requête introductive d'instance en date du 9 juin 2016, reçue le 10 juin 2016 ;
Vu la procédure enregistrée sous le numéro 8-2016/2017 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 28 juin 2016 ;
Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de Monsieur h. B. S. en date des 2 mars 2017, 5 octobre 2017 et 8 mars 2018 ;
Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur au nom de la S. A. M. A, en date des 4 mai 2017 et 7 décembre 2017 ;
Vu les pièces du dossier ;
* * * *
Monsieur h. B. S. a été embauché par la société anonyme monégasque A (ci-après SAM A) le 15 septembre 1997 en qualité d'Officier Vaisselier au sein de l'établissement de l'Hôtel de Paris.
Le 23 décembre 1999, Monsieur h. B. S. a été victime d'un accident du travail avec arrêt de travail (hernie discale).
Le salarié a fait l'objet d'une rechute le 5 juin 2001.
La reprise du travail est intervenue au mois d'avril 2002 avec des restrictions préconisées par la Médecine du Travail.
Monsieur h. B. S. a été victime de nouveaux accidents du travail en 2009 et 2010. Il a à chaque fois été déclaré apte à la reprise du travail avec restrictions.
Le salarié a été victime d'un nouvel accident du travail le 25 juin 2013, pour lequel il a connu une rechute le 25 décembre 2014.
Il a été déclaré définitivement inapte à son poste le 24 mars 2016 avec une demande de reclassement.
L'employeur n'ayant pu proposer aucun poste en adéquation avec les restrictions médicales imposées, l'employeur a sollicité la tenue de la Commission prévue par l'article 6 de la loi n° 1.348 du 25 juin 2008, laquelle ne s'est pas opposée au licenciement de Monsieur h. B. S. dans sa décision du 25 mai 2016.
L'employeur a ainsi notifié au salarié son licenciement pour inaptitude par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 26 mai 2016.
Par requête en date du 9 juin 2016, reçue au greffe le 10 juin 2016, Monsieur h. B. S. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :
indemnité de licenciement : 13.842 euros,
dommages et intérêts pour licenciement abusif : 80.000 euros,
exécution provisoire du jugement à intervenir,
frais et dépens (pour mémoire),
intérêts aux taux légal sur l'ensemble des sommes à compter de la requête.
Aucune conciliation n'ayant pu aboutir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le bureau de jugement.
Monsieur h. B. S. a déposé des conclusions les 2 mars 2017, 5 octobre 2017 et 8 mars 2018 dans lesquelles il fait essentiellement valoir que :
la SAM A est responsable de la dégradation de son état de santé,
l'employeur a ignoré les avis répétés de la Médecine du Travail et les demandes de mutations qu'il lui a adressées,
la SAM A n'a pris aucune disposition pour aménager son poste,
du mois d'avril à octobre 2004, il a occupé le poste de commis d'étage à l'Hôtel Hermitage avant de devoir réintégrer son poste d'officier stewarding, en totale contravention avec les préconisations de la Médecine du Travail,
la SAM A a donc délibérément choisi de le conserver à ses fonctions d'officier stewarding, lui imposant de charrier du matériel lourd, au mépris de sa santé et dans le seul but de ne pas avoir à organiser son remplacement au sein de son équipe,
le 18 janvier 2010, il a postulé pour un poste de commis d'étage en remplacement d'un salarié qui partait à la retraite, en vain,
il se retrouvait régulièrement seul à devoir charrier le matériel et les lourdes charges pesant bien au-delà de 15 kg,
lorsqu'il travaillait en binôme, il était avec un collègue beaucoup plus âgé, proche de la retraite ou présentant un handicap, les mettant dans l'incapacité de l'aider,
contrairement à la SAM A, il a suivi toutes les préconisations médicales, se rendant aux séances de kinésithérapie et suivant scrupuleusement les indications de son médecin afin de poursuivre sa rééducation avec des exercices qu'il pouvait faire seul à son domicile,
la SAM A a manqué à son obligation de recherche d'un poste de reclassement,
de nombreux postes auraient pu lui être proposés et se trouvaient disponibles, notamment au room service ou, dans un premier temps, à un poste saisonnier, à l'Hôtel Hermitage,
deux postes au room service de l'Hôtel de Paris furent pourvus au mois de septembre 2016 et auraient pu lui être proposés,
au lieu de rendre un avis négatif quant au processus de reclassement mené par la SAM A, la Commission décidait de reporter son avis pour investigations complémentaires. Pourtant, la Commission n'a durant le délai, procédé ou fait procéder à aucune investigation,
entre temps, deux postes lui ont été proposés mais avec des salaires particulièrement faibles, ne lui permettant pas de faire vivre son foyer. Il a donc dû décliner ces deux propositions,
il aurait pu poursuivre sa carrière dans de nombreux métiers de l'hôtellerie, déjà titulaire d'un CAP en la matière,
il parle couramment le français et l'arabe littéraire. II pratique correctement l'italien et l'anglais et était disposé à suivre toute formation en ces deux dernières langues pour se perfectionner,
aucune indication ou suggestion portant sur la possibilité d'adapter un poste n'a été évoquée par la SAM A,
il a travaillé sur le poste de commis d'étage à de nombreuses reprises, à la grande satisfaction de sa hiérarchie qui souhaitait le reprendre à l'ouverture de l'Hôtel de Paris,
de manière fréquente, la SAM A faisait appel à lui pour des extras longue durée en tant que commis d'étage,
il a cessé ses fonctions de commis d'étage au mois d'octobre 2004 en raison de la fin de la saison estivale ne nécessitant plus une personne supplémentaire dans le service et non en raison de ses lacunes en langue,
la rupture est fondée sur un faux motif, son inaptitude trouvant son origine dans les graves manquements de la SAM A à son égard,
son licenciement porte sur un faux motif, dans la mesure où l'inaptitude définitive est le résultat direct des manquements de la SAM A aux préconisations du contrôle médical,
la SAM A a commis d'autres négligences fautives, à savoir des retards dans le paiement de ses salaires et dans la remise des indemnités et documents de fin de contrat,
la SAM A a fait preuve d'une mauvaise foi patente dans l'exécution du contrat de travail conduisant à la dégradation de son état physique,
il a droit à l'indemnisation de ses préjudices matériel et moral.
La S. A. M. A (ci-après SAM A) a déposé des conclusions les 4 mai 2017 et 7 décembre 2017 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et soutient essentiellement que :
elle a entrepris toutes les recherches afin de trouver au sein de l'entreprise un poste compatible avec les restrictions d'aptitude et correspondant aux prescriptions de la Médecine du Travail,
le Service des Ressources Humaines a adressé dès le 31 mars 2016 un courriel à l'ensemble des directeurs des établissements (hôtelier et jeux),
malgré les efforts déployés, les contraintes médicales imposées rendaient le reclassement de Monsieur h. B. S. difficile,
l'Hôtel de Paris était fermé pour travaux et sa réouverture était prévue pour le mois de septembre 2018 au plus tard, ce qui rendait toute demande de reclassement dans cet établissement dénuée de sens,
le courriel adressé par le Service des Ressources Humaines était accompagné des états de service du salarié ainsi que du rapport de la Médecine du Travail,
le faible niveau du salarié en anglais et en italien faisait également obstacle à ce qu'un poste où la pratique de ces langues est nécessaire puisse lui être proposé,
un poste de gestionnaire matériel informatique a été trouvé pour Monsieur h. B. S. mais la Médecine du Travail a estimé qu'il n'était pas compatible avec les restrictions imposées, et ce après deux visites sur les sites concernés,
aucun poste au room service de l'Hôtel de Paris ou de l'Hermitage n'était à pourvoir à cette époque,
il a ensuite été proposé deux postes au salarié, dont un nécessitait la maîtrise de l'anglais, pour laquelle elle prenait en charge le coût de la formation,
Monsieur h. B. S. les a refusés au motif que la rémunération afférente n'était pas suffisante,
elle a été à l'écoute des demandes de changement de poste que le salarié lui a adressées,
Monsieur h. B. S. a occupé durant les mois d'avril à octobre 2004 le poste de Commis d'étage. Ses lacunes en langues étrangères ne lui ont pas permis d'être maintenu sur ce poste qui requiert une bonne maîtrise de l'italien et un niveau avancé en anglais puisqu'il est en contact direct avec la clientèle,
elle a reçu le salarié lorsque ce dernier a sollicité le poste de chasseur au room service ou à la conciergerie au mois de janvier 2007,
il en est de même lorsque Monsieur h. B. S. a postulé le 18 janvier 2010 au poste de Commis d'étage,
ses demandes de mutation n'ont par conséquent pas été ignorées,
la demande de réintégration du 22 septembre 2016 est sans intérêt, l'employeur n'ayant aucune obligation de réembauchage,
le salarié n'a jamais formulé le reproche que ses conditions de travail ne seraient pas conformes à celles préconisées par le Médecin du Travail,
Monsieur h. B. S. a été placé jusqu'à la fermeture de l'Hôtel de Paris pour travaux, sur un poste de Plongeur à l'Office du room service,
il a ensuite travaillé en binôme,
aucun avis du Médecin du Travail ne mentionne qu'elle aurait manqué à ses obligations.
SUR CE,
Sur le motif de licenciement :
Le licenciement du demandeur fait suite à la déclaration d'inaptitude définitive à son poste : demande de reclassement établie par le Médecin du Travail le 24 mars 2016.
La rupture du contrat de travail est fondée sur un motif valable dès lors qu'elle est la conséquence de la déclaration définitive d'inaptitude.
Monsieur h. B. S. ne démontre pas avoir été licencié pour une autre cause que l'inaptitude déclarée par la Médecine du Travail.
Le salarié déclaré médicalement inapte à son poste de travail bénéficie aux termes de la loi n° 1.348 du 25 juin 2008 d'un droit à reclassement ; en cas d'impossibilité établie de reclassement ou en cas de refus par le salarié du reclassement, le licenciement est alors possible et le salarié bénéficie du paiement de l'indemnité de congédiement prévue à l'article 1er de la loi n° 845 du 27 juin 1968.
En application des dispositions de l'article 3 de la loi n° 1.348 du 25 juin 2008 : « Au vu du rapport établi par le Médecin du Travail, l'employeur propose au salarié un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé. Pour ce faire, il peut mettre en œuvre des mesures telles que des mutations, des transformations de postes, des formations adaptées à l'emploi proposé et internes à l'entreprise ou des aménagements du temps de travail. (...) ».
L'article 3 de la loi n° 1.348 du 25 juin 2008 impose à l'employeur de prouver l'impossibilité où il se trouve de reclasser le salarié en établissant avoir recherché les éventuelles mutations, transformations de postes, formations adaptées ou aménagements du temps de travail, en fonction des conclusions et indications figurant dans le rapport que le médecin dresse indépendamment de sa déclaration d'inaptitude définitive à l'emploi.
Il résulte de l'exposé des motifs de cette loi que « le texte s'attache à faire du reclassement une option concrète et crédible » et que l'article 3 précité impose à l'employeur « au vu des indications du Médecin du Travail, de rechercher un nouveau poste approprié aux capacités du salarié », le poste proposé après ces recherches devant « correspondre, autant faire se peut, aux compétences de l'intéressé. » .
Le rapporteur de ce texte au Conseil National a également été amené à préciser que « quant à l'employeur, si le texte ne l'oblige pas à reclasser les salariés déclarés inaptes, il sera néanmoins tenu de rechercher de façon active toutes les possibilités de reclassement au sein de l'entreprise » et que la liste des mesures susceptibles d'être prises par l'employeur à cet égard n'est pas exhaustive.
Si l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur est une obligation de moyen, il reste que pour pouvoir procéder régulièrement au licenciement, il lui appartient au préalable de rapporter la preuve de l'impossibilité où il se trouve de reclasser le salarié, et ce, nécessairement, après avoir étudié les possibilités existantes ou pouvant exister au sein de l'entreprise en fonction des préconisations de la Médecine du Travail (C. A., 9 octobre 2012, même affaire), « en établissant avoir recherché les éventuelles mutations, transformations de postes, formations adaptées ou aménagements du temps de travail, en fonction des conclusions et indications figurant dans le rapport que le médecin dresse indépendamment de sa déclaration définitive d'inaptitude à l'emploi » (Cour de Révision, 31 octobre 2013, même affaire).
Seul le Médecin du Travail, a le pouvoir de déclarer l'inaptitude du salarié ; à cette fin, la déclaration d'inaptitude définitive comprend ses indications sur les aptitudes du salarié, lesquelles s'analysent comme un conseil avisé destiné à l'employeur. Il y est joint un rapport dans lequel ce médecin, qui dispose d'une parfaite connaissance de l'environnement dans lequel évolue le salarié par les visites de contrôle qu'il est amené à effectuer dans l'année dans l'entreprise, formule ses conclusions et des indications sur l'aptitude éventuelle du salarié à exercer une des tâches existant dans l'entreprise.
La Médecine du Travail a déclaré, le 24 mars 2016, Monsieur h. B. S. inapte définitivement à son poste de travail avec demande de reclassement, en précisant :
« Inaptitude définitive à son poste : demande de reclassement.
Apte sur un poste :
sans manutention de plus de 10 kg,
ne nécessitant pas d'effort répété au niveau du rachis lombaire. » .
Le rapport établi par le Médecin du Travail à la suite de la déclaration d'inaptitude est une reprise mot pour mot de la fiche d'aptitude susvisée, de sorte qu'il n'est d'aucun intérêt ; en effet, le rapport établi par le Médecin du Travail à la suite de l'avis d'inaptitude doit permettre d'éclairer l'employeur sur les possibilités de reclassement du salarié.
Ce faisant, il appartient également à l'employeur de s'adresser à la Médecine du Travail pour obtenir toute précision complémentaire.
La Commission instituée par l'article 6 de la loi n° 1.348 du 25 juin 2008 relative au reclassement des salariés déclarés inaptes par le Médecin du Travail, a, aux termes de son procès-verbal du 25 mai 2016, indiqué :
« Après avoir pris connaissance du rapport établi le 24 mars 2016 par le Docteur L. CO., qui précise que Monsieur h. B. S. est inapte définitif à son poste d'officier vaisselier, mais qu'il est néanmoins apte à un poste :
- sans manutention de plus de 10 kg,
- ne nécessitant pas d'effort répété au niveau du rachis lombaire.
Considérant que la Commission qui s'était tenue le 13 mai 2016, s'était prononcée pour le report de sa décision pour complément d'investigations.
Attendu à ce titre que l'employeur, l'Office de la Médecine du Travail et l'Inspection du Travail ont procédé à l'étude des postes qui pourraient être occupés par le salarié.
Attendu que deux postes de reclassement ont été validés au plan médical par le Médecin du Travail lesquels ont été proposés à l'intéressé lors d'un entretien qui s'est déroulé le vendredi 20 mai 2016.
Attendu que le salarié a décliné les propositions de poste confirmées en séance devant les Membres de la Commission, au motif de la baisse de salaire.
Après avoir entendu les Membres de la Commission dans leurs explications et avoir pris note des démarches entreprises pour reclasser l'intéressé au sein de la Société, les Membres de la Commission estiment que l'employeur a satisfait à ses obligations qui découlent de la loi n° 1.348 du 25 juin 2008 relative au reclassement des salariés déclarés inaptes par le Médecin du Travail.
En conséquence, la Commission considère qu'aucun reclassement autre que ceux étudiés en séance ne sont envisageables au sein de la Société au regard de l'état de santé de Monsieur h. B. S.
Aussi la Commission ne s'oppose-t-elle pas au licenciement du salarié. ».
À la suite de cet avis, l'employeur notifiait à Monsieur h. B. S. son licenciement par courrier en date du 26 mai 2016.
Il résulte des dispositions développées ci-dessus que l'employeur, auquel incombe une obligation de recherche de solutions de reclassement en cas d'inaptitude définitive d'un salarié à son poste de travail, doit justifier des démarches actives et sérieuses qu'il a menées en vue d'effectuer des propositions crédibles et concrètes.
Si l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur est une obligation de moyen, il reste que pour pouvoir procéder régulièrement au licenciement, il lui appartient au préalable de rapporter la preuve de l'impossibilité où il se trouve de reclasser le salarié, et ce, nécessairement, après avoir étudié les possibilités existantes ou pouvant exister au sein de l'entreprise en fonction des préconisations de la Médecine du Travail.
Les possibilités de reclassement doivent s'apprécier au regard de la taille de l'entreprise et de la nature des emplois occupés.
L'employeur doit justifier des démarches actives en établissant avoir recherché les éventuelles mutations, transformations de postes, formations adaptées ou aménagements du temps de travail, en fonction des conclusions et indications figurant dans le rapport que le médecin dresse indépendamment de sa déclaration d' inaptitude définitive à l'emploi et démontrer les recherches sérieuses qu'il a menées en vue d'effectuer des propositions crédibles et concrètes.
Il résulte des pièces produites par les parties que :
le 31 mars 2016, Madame m. D. adresse un courriel aux directions des différents établissements, ainsi libellé :
« Bonjour,
Dans le cadre d'une demande de reclassement par la Médecine du travail pour raison d'inaptitude définitive au poste de travail de Monsieur B. S. je vous prie de bien vouloir prendre connaissance des éléments joints concernant Monsieur B. S.
Je vous remercie de bien vouloir étudier dans vos établissements, parmi les recrutements à venir en poste permanent ou les remplacements de départ en retraite correspondant aux aptitudes de notre employé, afin que nous puissions lui proposer en priorité.
Je vous remercie de bien vouloir étudier ce dossier et me faire part par retour vos éventuelles possibilités.
Je reste disponible pour toute information complémentaire.
Cordialement ».
L'information à transmettre aux établissements d'un groupe ou d'une société doit faire état de la situation du salarié dont le reclassement est recherché.
Ainsi, outre le poste occupé et les éventuelles précisions figurant dans l'avis d'inaptitude, il faut prévoir de détailler :
- l'identité, l'âge, la situation de famille du salarié,
- son ancienneté,
- son niveau, ses compétences,
- sa rémunération.
En l'espèce, le Tribunal relève que le mèl adressé par l'employeur tel que repris ci-dessus ne comporte aucune information sur la situation personnelle de Monsieur h. B. S. de sorte qu'aucune recherche sérieuse de reclassement par les directions des établissements sollicités ne peut être effective et efficiente.
Bien plus, ce même courriel limite la recherche de reclassement « parmi les recrutements à venir en poste permanent ou les remplacements de départ en retraite. ».
Il en résulte que la SAM A n'a ciblé ses recherches que parmi les emplois susceptibles d'être vacants, sans envisager la mise en œuvre de mesures telles que transformations, mutations de postes ou formations ; les seules envisagées étant au niveau d'un perfectionnement en langues anglaise et italienne.
Cette affirmation est d'ailleurs confirmée par les propositions de reclassement faites à Monsieur h. B. S. et qui ont été reprises dans la lettre de licenciement, en ces termes :
« (...) Entre temps, vous avez été reçu par Madame m. D. et Madame c. M. le vendredi 20 mai 2016, et deux postes qui venaient de se libérer, vous ont été proposés (...) ».
Enfin, il convient également de tenir compte des réponses intervenues dans un temps extrêmement bref, à savoir en l'espace de trois jours, mais aussi des réponses particulièrement laconiques apportées par les différents établissements sollicités, ce qui démontre que ces derniers n'ont pu mettre en œuvre une démarche loyale et sérieuse de recherche.
De plus, la SAM A ne fournit aucun document sur la nature des emplois existants dans les différentes structures de la société, ce qui ne permet pas au Tribunal d'avoir une vue objective de la situation générale de l'entreprise.
En s'abstenant d'avoir procédé à une recherche sérieuse et loyale de reclassement et faute d'avoir établi que le reclassement s'avérait impossible, la SAM A a notifié le licenciement en méconnaissance des dispositions légales relatives au reclassement et agi avec légèreté blâmable, ce qui confère à la rupture un caractère abusif.
Monsieur h. B. S. considère que l'employeur est responsable de la dégradation de son état de santé, pour avoir volontairement ignoré les avis répétés de la Médecine du Travail et ses demandes de mutation.
Il convient dès lors de rechercher si l'inaptitude définitive constatée par la Médecine du Travail a été directement causée par les agissements de l'employeur.
Il appartient à Monsieur h. B. S. de rapporter la preuve que l'inaptitude a été la conséquence du comportement fautif de la SAM A.
Il apparaît dans un premier temps que les demandes de mutation adressées par le salarié ne sont en aucune manière motivée par son état de santé mais par une volonté d'évolution professionnelle.
Ensuite, les pièces produites par Monsieur h. B. S. montrent une fragilité physique ayant entraîné de nombreux accidents du travail, pour lesquels des avis d'aptitude avec restriction ont été rendus par la Médecine du Travail.
Ainsi, dès le 17 avril 2002, la Médecine du Travail concluait à l'inaptitude du salarié au poste d'officier stewarding.
Par la suite, tous les avis d'aptitude ont été rendus avec des restrictions, sollicitant de l'employeur une aide pour les manutentions lourdes.
À partir du 6 janvier 2012 (puis les 3 février 2014 et 14 août 2014), la Médecine du Travail rendait un avis de demande de reclassement sur un poste allégé en terme de manutention.
Il appartient ainsi à l'employeur de rapporter tous éléments démontrant avoir respecté les préconisations de la Médecine du Travail.
Force est ainsi de constater que la SAM A est défaillante dans l'administration de la preuve à ce titre.
Les plannings qu'elle produit aux débats justifient seulement d'une aide partielle et ponctuelle d'un autre salarié, ce qui ne saurait constituer un aménagement eu égard aux recommandations particulièrement précises de la Médecine du Travail.
Il apparaît ainsi que la dégradation de l'état de santé du salarié est due en partie à l'employeur qui a ignoré les demandes d'aménagement/changement de poste préconisées par la Médecine du Travail.
Cette faute de l'employeur ne saurait constituer un motif fallacieux lequel se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.
En l'espèce, la rupture litigieuse repose bien sur l'inaptitude du salarié à exercer ses fonctions d'officier vaisselier, aucun autre motif n'étant invoqué par le demandeur.
Enfin, la rupture du contrat de travail est fondée sur un motif valable dès lors qu'elle est la conséquence de la déclaration définitive d'inaptitude, si bien que la demande en paiement de l'indemnité de licenciement doit être rejetée.
En s'abstenant d'avoir procédé à une recherche sérieuse et loyale de reclassement et faute d'avoir établi que le reclassement s'avérait impossible, la SAM A a notifié le licenciement en méconnaissance des dispositions légales relatives au reclassement et agi avec légèreté blâmable, ce qui confère à la rupture un caractère abusif.
Quant aux conséquences de cette rupture, Monsieur h. B. S. justifie d'une ouverture de droit à l'allocation d'aide au retour à l'emploi suivant courrier de Pôle Emploi en date du 29 novembre 2016, pour une durée de 730 jours.
Le Tribunal relève cependant que Monsieur h. B. S. ne produit aucune pièce sur sa situation professionnelle, matérielle et financière actuelle, et notamment les justificatifs des versements Pôle Emploi et ses déclarations de revenus.
Monsieur h. B. S. fait encore état de difficultés économiques dues notamment à un emprunt (pièce n° 55) et de la nécessité dans laquelle il s'est trouvé d'en contracter un nouveau pour faire face aux charges du foyer (pièce n° 54).
Il apparaît cependant que la pièce n° 54-2 est constituée par une offre de contrat de crédit à la consommation en date du 23 février 2017, non signée et non paraphée.
La pièce n° 55 est constituée par un tableau d'amortissement correspondant à un crédit arrivé à échéance.
Monsieur h. B. S. ne produit pas plus de documents sur la situation et la composition de son foyer.
Cependant, la perte de revenu est incontestable mais sera appréciée eu égard aux pièces produites par le demandeur.
Ce dernier subit en outre un préjudice moral qui doit être apprécié en fonction de l'ancienneté du salarié et de son âge (39 ans à la date du licenciement).
Monsieur h. B. S. a subi enfin un préjudice résultant de la perte de chance de conserver un emploi dans l'entreprise même à temps partiel qui doit être indemnisé en fonction de l'ancienneté du salarié, du montant de sa rémunération et de la taille de l'entreprise.
Il convient dans ces circonstances d'allouer à Monsieur h. B. S. la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Il n'est pas justifié pour le surplus des conditions nécessaires au prononcé de l'exécution provisoire.
La SAM A, qui succombe, doit supporter les dépens du présent jugement.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Dit que le licenciement de Monsieur h. B. S. par la société anonyme monégasque A est fondé sur un motif valable mais revêt un caractère abusif ;
Condamne la société anonyme monégasque A à payer à Monsieur h. B. S. la somme de 25.000 euros (vingt-cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
Déboute Monsieur h. B. S. du surplus de ses prétentions ;
Condamne la société anonyme monégasque A aux dépens du présent jugement ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Michel GRAMAGLIA, Daniel CAVASSINO, membres employeurs, Madame Mariane FRASCONI, Monsieur Bernard ASSO, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le dix janvier deux mille dix-neuf, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Michel GRAMAGLIA, Bernard ASSO et Madame Mariane FRASCONI, Monsieur Daniel CAVASSINO étant empêché, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef.