Tribunal du travail, 26 septembre 2018, Madame f BE. c/ La société A

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Abstract🔗

Licenciement – Motif valable (oui) – Indemnité de préavis (non) – Rupture abusive (non)

Résumé🔗

Il appartient à l'employeur d'établir la réalité et la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de licenciement. Parmi les obligations inhérentes au contrat de travail, le salarié doit exercer régulièrement et de façon continue ses attributions, seule l'absence régulièrement autorisée par l'employeur ou excusée par la maladie ou l'accident caractérisant une exception valable à ce type de devoir. Si la maladie constitue une cause régulière d'absence, et donc de suspension de la relation travail, il n'en demeure pas moins que le salarié doit en aviser son employeur dans les meilleurs délais en fournissant un certificat médical justificatif. Ce devoir d'information doit être rempli dans un délai compris entre 24 et 72 heures (l'avenant 18 de la Convention collective nationale du travail fixant ce délai à 48 heures) et ce, à l'effet de ne pas perturber davantage le fonctionnement de l'entreprise, contrainte d'organiser le remplacement de l'employé absent. Il est constant ainsi en droit que le salarié absent de son poste de travail en raison d'une incapacité de travail pour maladie est tenu, d'une part, d'informer son employeur dans les plus brefs délais de la durée prévisible de son indisponibilité pour lui permettre de pourvoir à son remplacement et, d'autre part, de justifier de son absence par la production d'un certificat médical d'arrêt de travail. En l'espèce, le licenciement de Madame f BE. est justifié par un motif valable, en sorte que la demande en paiement de l'indemnité de licenciement doit être rejetée.

Le salarié ne peut prétendre au paiement d'une indemnité pour un préavis qu'il aurait été dans l'incapacité d'exécuter. En effet, si l'article 10 de la loi n° 729 impose à l'employeur et au salarié le respect de toutes les obligations réciproques qui leur incombent pendant la durée du préavis, il n'en demeure pas moins que pour pouvoir prétendre au paiement de son salaire durant la période de préavis le salarié doit être en mesure d'exécuter le travail qui en constitue la contrepartie. En l'espèce, il résulte des pièces produites aux débats que Madame f BE. était en absence injustifiée constituant un abandon de poste, mais également en arrêt de travail (même si les arrêts correspondants n'ont pas été adressés à l'employeur) et se trouvait dès lors dans l'incapacité notamment physique d'accomplir durant son préavis sa prestation de travail, dans les conditions convenues lors de son embauche. Dans ces circonstances, la demanderesse n'est pas fondée à solliciter le paiement d'une indemnité de préavis.

Tout licenciement fondé sur un motif valable peut néanmoins présenter un caractère abusif si le salarié, auquel incombe la charge de cette preuve, démontre que l'employeur a méconnu certaines dispositions légales lors de la mise en oeuvre de la rupture ou si les conditions matérielles ou morales de sa notification présentent un caractère fautif ou révèlent une intention de nuire ou la légèreté blâmable de l'employeur. Un licenciement peut être considéré comme abusif (qu'il ait été reconnu valable ou non) si l'employeur a avancé pour le justifier un faux motif, c'est-à-dire un motif qui n'était pas le motif réel qui l'a conduit à prendre cette décision et qui voulait « tromper », ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Il appartient à celui qui réclame des dommages-intérêts, de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné. En application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts. Les circonstances de l'espèce montrent que Madame f BE. n'a pas respecté son obligation d'information de l'employeur de ses arrêts de travail. Elle n'a pas pris la peine de transmette lesdits arrêts par lettre simple lorsque le courrier correspondant lui a été retourné par la Poste. L'employeur a adressé plusieurs courriers recommandés avec accusé de réception à sa salariée, dont copie à l'Inspection du Travail, laquelle ne lui a jamais conseillé de les doubler en lettre simple. Bien plus, il résulte de l'attestation de Madame TIL. que l'employeur a tenté de joindre téléphoniquement Madame f BE. en vain. La proximité entre Monsieur TI.et Madame TIL.ne saurait, à elle seule, remettre en cause la véracité des propos de cette dernière ; Madame f BE. n'ayant pas jugé utile de déposer plainte pour fausse attestation. Il en résulte que les circonstances ayant entouré la rupture ne peuvent en aucune manière être jugées fautives, de sorte que Madame f BE. sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.


Motifs🔗

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 26 SEPTEMBRE 2018

  • En la cause de Madame f BE., demeurant X1à MENTON (06500) ;

Demanderesse, bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décision n° 398 BAJ 16 en date du 21 avril 2016, ayant élu domicile en l'étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substituée et plaidant par Maître Clyde BILLAUD, avocat-stagiaire ;

d'une part ;

Contre :

  • La société en commandite simple dénommée A, dont le siège social se situe X2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant primitivement élu domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, puis en celle de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la même Cour, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 22 novembre 2016, reçue le 23 novembre 2016 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 41 - 2016/2017 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 10 janvier 2017 ;

Vu les conclusions de Maître Patricia REY, avocat-défenseur au nom de Madame f BE. en date des 2 mars 2017, 5 octobre 2017 et 17 mai 2018 ;

Vu les conclusions de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur au nom de la A, en date du 4 mai 2017 ;

Vu les conclusions de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur au nom de la A, en date du 8 mars 2018 ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

Madame f BE. a été embauchée par la société en commandite simple A (ci-après la A, exerçant sous l'enseigne « B », par contrat à durée indéterminée à effet du 1er juin 2011 en qualité de Vendeuse.

Le 22 décembre 2011, Madame f BE. est victime d'une chute sur son lieu de travail.

Elle a repris son travail le 3 mai 2012 avec restrictions.

Au mois de septembre 2012, la salariée est transférée sur l'enseigne « C » toujours en qualité de vendeuse.

Au mois de janvier 2013, Madame f BE. fait l'objet d'une rechute et des arrêts de travail lui sont prescrits jusqu'au mois de novembre 2015.

Par jugement en date du 18 décembre 2014, le Tribunal de première instance a refusé d'analyser les nouveaux troubles comme pouvant être la conséquence de l'accident survenu le 22 décembre 2011.

Cette décision fut confirmée par la Cour d'appel le 14 juillet 2015.

Pendant cette période, la S. C. S. A procède à la cession du fonds de commerce relatif à l'enseigne « C » au profit de la S. A. R. L. E, exploitant sous l'enseigne « D ».

À l'issue de son arrêt maladie, Madame f BE. s'est rapprochée de l'Inspection du Travail qui a convoqué Monsieur TI. fin février 2016, lequel indiquait que la salariée avait été licenciée au mois d'août 2014 pour abandon de poste.

Par courrier en date du 3 mars 2016, Madame f BE. a sollicité de l'employeur la copie de la lettre de licenciement, son certificat de travail, son reçu pour solde de tout compte et l'attestation Pôle Emploi.

Après un échange de courriers entre les conseils respectifs des parties, Madame f BE. par requête en date du 22 novembre 2016 reçue au greffe le 23 novembre 2016, saisissait le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

  • - dire et juger que son licenciement n'est pas fondé sur un motif valable et qu'il est abusif,

  • - condamner la S. C. S. A au paiement des sommes suivantes :

    • * indemnité de licenciement : 2.510,78 euros,

    • * indemnité de préavis (2 mois) : 3.303,66 euros,

    • * indemnité compensatrice de congés payés : 1.810 euros,

    • * indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 330,37 euros,

  • - dommages et intérêts pour licenciement abusif :

    • * préjudice financier,

    • * préjudice moral compte-tenu des conséquences dommageables sur sa vie professionnelle et personnelle : 50.000 euros,

  • - délivrance des bulletins de salaire, de certificat de travail, d'attestation Pôle Emploi et du solde de tout compte conformes,

  • - exécution provisoire du jugement à intervenir,

  • - intérêts de droit au taux légal à compter de la citation.

Aucune conciliation n'ayant pu aboutir, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Madame f BE. a déposé des conclusions les 2 mars 2017, 5 octobre 2017 et 17 mai 2018 dans lesquelles elle fait essentiellement valoir que :

  • - elle n'a pas reçu l'intégralité des courriers recommandés avec accusé de réception adressés par l'employeur suite à un dysfonctionnement avéré de la Poste,

  • - elle a été arrêtée jusqu'au 31 octobre 2015 et elle n'a pas manqué de transmettre à l'employeur la totalité de ses arrêts de travail,

  • - elle a pu légitimement se méprendre sur l'identité de son employeur en l'état de la cession du fonds de commerce « C » durant son arrêt maladie,

  • - elle a pu légitimement croire avoir été transférée à la nouvelle société lors de la cession du fonds de commerce,

  • - c'est la raison pour laquelle elle a adressé des arrêts de travail à « D » puis à « B »,

  • - il appartenait à l'employeur de la mettre en demeure de reprendre le travail avant de la licencier,

  • - l'employeur aurait pu se rapprocher des Caisses sociales, lesquelles lui auraient confirmé qu'elle était toujours en arrêt de travail,

  • - la S. C. S. A était parfaitement au courant de la situation dans la mesure où une procédure de contestation de la rechute était en cours au mois d'août 2014,

  • - la preuve n'est pas rapportée de sa volonté ferme et irrévocable d'abandonner son poste de travail,

  • - en s'abstenant de l'avoir convoquée à un entretien préalable et de justifier avoir cherché de manière effective à la joindre par tout moyen à l'effet de lui faire part de la mesure de licenciement envisagée, l'employeur a agi avec légèreté blâmable et précipitation,

  • - les arrêts de travail provoqués par accident de travail ou maladie professionnelle sont assimilés à une période de travail effectif,

  • - elle a subi une perte importante de revenus dans la mesure où elle n'a eu connaissance de son licenciement qu'au mois de mars 2016 et n'a pu s'inscrire à Pôle Emploi qu'à compter de cette date,

  • - elle a les plus grandes difficultés à retrouver un travail, étant âgée de 49 ans et sans diplôme,

  • - elle subit en outre un préjudice moral.

La S. C. S. A a déposé des conclusions les 4 mai 2017 et 8 mars 2018 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et sollicite reconventionnellement la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Elle soutient essentiellement que :

  • - par courrier recommandé en date du 28 janvier 2014, retiré par Madame f BE. elle informe cette dernière de la cession de l'activité du marché et de la poursuite de son contrat de travail comme salariée du fonds de commerce B,

  • - le 23 juin 2014, une nouvelle lettre recommandée était adressée à la salariée, contenant le formulaire de modification de son contrat de travail, afin de concrétiser sa réintégration chez B,

  • - Madame f BE. ne retirait pas ce courrier, pas plus que les lettres postérieurement envoyées,

  • - en vertu de son obligation générale de loyauté, Madame f BE. devait informer l'employeur de son absence et s'expliquer sur les raisons de celle-ci,

  • - la charge de cette information pèse sur le salarié et celle-ci doit intervenir dans les 48 heures,

  • - elle a réceptionné les arrêts de travail datés du 10 mars 2014 et du 30 septembre 2014, ce qui démontre que Madame f BE. a eu connaissance de ce que l'établissement situé au marché de la Condamine n'était plus exploité par la S. C. S. A et qu'il lui fallait adresser désormais ses correspondances au siège de cette société,

  • - or, la demanderesse a envoyé les arrêts de travail entre le 10 mars et le 30 septembre 2014 à des destinataires divers, en indiquant une adresse à laquelle elle savait qu'ils ne parviendraient pas à son employeur,

  • - Madame f BE. fournit les dépôts des plis mais aucunement les accusés de réception,

  • - bien plus, un des plis lui a été retourné, ce qui confirme que l'arrêt de travail ne lui a pas été remis,

  • - il appartenait à la salariée de prendre toutes les dispositions nécessaires pour informer effectivement son employeur des motifs de son absence,

  • - il ne lui appartenait pas de pallier la défaillance de la salariée,

  • - dans la mesure où Madame f BE. a refusé de régulariser la poursuite de son contrat de travail au sein de l'établissement « B », elle est restée salariée de l'établissement secondaire « C »,

  • - dès le 28 janvier 2014, elle a convié sa salariée à se présenter sur son lieu de travail pour régulariser sa situation,

  • - tous les courriers envoyés à l'adresse déclarée par Madame f BE. sont revenus avec la mention « pli avisé, non réclamé »,

  • - l'employeur ne pouvait avoir connaissance du prétendu problème de distribution du courrier évoqué par la demanderesse, alors que certaines lettres lui sont malgré ce parvenues,

  • - ayant connaissance de cette difficulté, il appartenait à Madame f BE. de prendre ses dispositions pour y remédier et prévenir son employeur,

  • - le gérant de la société a en outre tenté de contacter la salariée téléphoniquement à de nombreuses reprises, sans que celle-ci ne le rappelle,

  • - l'Inspection du Travail fait également état de la difficulté rencontrée pour contacter Madame f BE.

  • - à la date du licenciement, la demanderesse était en absence injustifiée depuis plus de quatre mois,

  • - l'entretien préalable n'est pas obligatoire en droit monégasque,

  • - de plus, toute communication étant rendue impossible par la salariée elle-même, toute convocation pour ce faire ne lui serait pas parvenue,

  • - Madame f BE. est responsable de son préjudice lié à l'impossibilité de s'inscrire à Pôle Emploi, en refusant de retirer les courriers recommandés qui lui ont été adressés,

  • - elle ne démontre pas plus les préjudices qu'elle invoque,

  • - elle ne peut prétendre à l'indemnité de licenciement ayant une ancienneté inférieure à deux années,

  • - le contrat de travail de la salariée était suspendu, cette suspension lui permettant de conserver son ancienneté mais n'entrant pas en compte pour le calcul de la durée d'ancienneté pour bénéficier de l'indemnité de licenciement,

  • - il en est de même concernant l'indemnité de préavis, qui, eu égard à l'ancienneté de la salariée, doit être d'un mois. En outre, la demanderesse ne donne aucune précision sur le calcul par elle opéré,

  • - les documents de fin de contrat ont été adressés à la salariée par pli recommandé avec accusé de réception non réclamé par celle-ci. Ils ont dès lors été tenus à sa disposition auprès de l'Inspection du Travail. Elle a néanmoins refusé de les y récupérer.

SUR CE,

  • Sur la validité de la rupture :

Il appartient à l'employeur d'établir la réalité et la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de licenciement.

Madame f BE. a été licenciée par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 6 août 2014 (non retiré par la salariée), ainsi libellé :

« Madame,

Vous êtes maintenant en arrêt maladie depuis le 10 janvier 2013 mais nous n'avons plus reçu de votre part de certificat médical depuis votre courrier recommandé AR du 12 mars 2014 adressé chez B pour une prolongation de votre arrêt jusqu'au 6 avril 2014. De plus par mon courrier du 28 janvier 2014 je vous avisais de ma cessation d'activité « C » et vous priais de prendre contact avec moi afin de modifier votre contrat de travail et de procéder à votre mutation sur mon activité « B», j'ai réitéré ma requête le 23 juin dernier par courrier recommandé AR en vous adressant votre demande de modification de travail pour mutation sur B dûment complétée et vous demandant de la signer afin que je puisse la déposer auprès du service de l'emploi : ce dernier courrier recommandé m'est revenu, vous n'avez pas pris la peine de le retirer auprès de la poste. Pour ces motifs je procède dès aujourd'hui et avec effet immédiat à votre licenciement pour abandon de poste et tiens à votre disposition votre dernier bulletin avec solde de tout compte et certificat de travail. Je procèderai à l'établissement de l'attestation Pôle Emploi dès réponse de votre part. ».

Parmi les obligations inhérentes au contrat de travail, le salarié doit exercer régulièrement et de façon continue ses attributions, seule l'absence régulièrement autorisée par l'employeur ou excusée par la maladie ou l'accident caractérisant une exception valable à ce type de devoir.

Si la maladie constitue une cause régulière d'absence, et donc de suspension de la relation travail, il n'en demeure pas moins que le salarié doit en aviser son employeur dans les meilleurs délais en fournissant un certificat médical justificatif.

Ce devoir d'information doit être rempli dans un délai compris entre 24 et 72 heures (l'avenant 18 de la Convention collective nationale du travail fixant ce délai à 48 heures) et ce, à l'effet de ne pas perturber davantage le fonctionnement de l'entreprise, contrainte d'organiser le remplacement de l'employé absent.

Il est constant ainsi en droit que le salarié absent de son poste de travail en raison d'une incapacité de travail pour maladie est tenu, d'une part, d'informer son employeur dans les plus brefs délais de la durée prévisible de son indisponibilité pour lui permettre de pourvoir à son remplacement et, d'autre part, de justifier de son absence par la production d'un certificat médical d'arrêt de travail.

En l'espèce il résulte des pièces versées aux débats que :

  • - l'employeur a adressé à Madame f BE. le 28 janvier 2014, un courrier recommandé avec accusé de réception, ainsi libellé :

« Objet : cessation d'activité

Madame,

Je viens par la présente vous informer que je cesse mon activité « C » et vous prie, dans les plus brefs délais, de prendre contact avec moi afin de convenir d'un rendez-vous pour procéder à la modification de votre contrat de travail. ».

  • - Madame f BE. ayant réceptionné ce courrier, elle ne saurait, aujourd'hui, arguer de l'absence d'information sur son véritable employeur,

  • - la salariée a adressé un premier arrêt de travail à son employeur « B » à l'adresse suivante : « X4 à Monaco », lequel a été reçu par celui-là,

  • - l'employeur a également été destinataire de l'arrêt de travail du 30 septembre 2014, à la même adresse que ci-dessus,

  • - les arrêts de travail entre le 6 avril et le 30 septembre 2014 ont été curieusement envoyés par la salariée à l'adresse suivante : « C, X5, Monaco » .

Or, il s'avère que l'employeur avait averti Madame f BE. par courrier du 28 janvier 2014, réceptionné le 3 février 2014, de la cessation de l'activité audit marché.

Bien plus, la pièce n° 17-5 produite par la demanderesse montre que le courrier envoyé à ladite adresse a été retourné, confirmant, s'il en était besoin, l'absence de toute activité liée à l'enseigne « C » .

Ensuite, les pièces par elle produites en n° 17-6 et 17-9 sont incomplètes, Madame f BE. s'abstenant de communiquer (contrairement à la pièce n° 17-5), soit la lettre en son entier, soit l'accusé de réception correspondant.

La pièce n° 16 présente au dossier de Madame f BE. ne saurait avoir la portée qu'elle souhaite lui donner.

En effet, il s'agit d'une lettre de la Poste en date du 19 septembre 2016, ainsi libellée :

« Madame,

Par la présente je vous confirme l'installation des nouvelles boîtes CIDEX sur l'impasse X6 06500 Menton, le 15 et 17 juin 2015 en remplacement des anciennes détériorées (cf. photos jointes). ».

Ce document ne démontre en aucune manière que la boîte à lettres de la demanderesse était détériorée (les photos montrant certaines boîtes intactes), ni, dans l'affirmative, qu'elle l'était en 2014.

En effet, la lettre par elle envoyée en pièce n° 17-5 lui a été retournée par la Poste et remise dans sa boîte à lettres.

Il lui appartenait ainsi, dès cet instant, de prendre attache auprès de son employeur, par tout moyen afin de respecter son devoir d'information tel que détaillé supra .

Il résulte de l'ensemble de ces constatations que l'abandon de poste allégué par l'employeur n'étant ainsi nullement caractérisé, le licenciement de Madame f BE. est justifié par un motif valable, en sorte que la demande en paiement de l'indemnité de licenciement doit être rejetée.

  • Sur l'indemnité de préavis :

Le salarié ne peut prétendre au paiement d'une indemnité pour un préavis qu'il aurait été dans l'incapacité d'exécuter.

En effet, si l'article 10 de la loi n° 729 impose à l'employeur et au salarié le respect de toutes les obligations réciproques qui leur incombent pendant la durée du préavis, il n'en demeure pas moins que pour pouvoir prétendre au paiement de son salaire durant la période de préavis le salarié doit être en mesure d'exécuter le travail qui en constitue la contrepartie.

En l'espèce, il résulte des pièces produites aux débats que Madame f BE. était en absence injustifiée constituant un abandon de poste, mais également en arrêt de travail (même si les arrêts correspondants n'ont pas été adressés à l'employeur) et se trouvait dès lors dans l'incapacité notamment physique d'accomplir durant son préavis sa prestation de travail, dans les conditions convenues lors de son embauche.

Dans ces circonstances, la demanderesse n'est pas fondée à solliciter le paiement d'une indemnité de préavis.

  • Sur l'indemnité compensatrice de congés payés :

La somme sollicitée par Madame f BE. correspond à celle calculée par l'employeur et du chèque par lui établi le 24 mars 2016.

Il s'avère que celui-ci a adressé l'ensemble des documents liés à la rupture, ainsi que ledit chèque, par courrier recommandé avec accusé de réception, non réclamé par la salariée.

Par la suite, ces documents ont été envoyés par l'employeur à l'Inspection du Travail et Madame f BE. a également refusé de les récupérer.

L'employeur conclut à ce titre « qu'il lui doit donné acte qu'il va procéder à la remise desdits documents entre les mains du conseil de la salariée, procédant également, par ce biais, au règlement de l'indemnité compensatrice de congés payés. »

Il est rappelé que le donné acte ne confère de droit ni au profit ni au détriment d'une partie, de sorte que ce chef de demande ne peut prospérer.

Dans ces circonstances, l'employeur sera condamné, en tant que de besoin, au paiement de la somme de 1.810 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, avec exécution provisoire s'agissant de salaires, accessoires et intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision tenant les atermoiements de la salariée.

  • Sur le caractère abusif de la rupture :

Tout licenciement fondé sur un motif valable peut néanmoins présenter un caractère abusif si le salarié, auquel incombe la charge de cette preuve, démontre que l'employeur a méconnu certaines dispositions légales lors de la mise en œuvre de la rupture ou si les conditions matérielles ou morales de sa notification présentent un caractère fautif ou révèlent une intention de nuire ou la légèreté blâmable de l'employeur.

Un licenciement peut être considéré comme abusif (qu'il ait été reconnu valable ou non) si l'employeur a avancé pour le justifier un faux motif, c'est-à-dire un motif qui n'était pas le motif réel qui l'a conduit à prendre cette décision et qui voulait « tromper », ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Il appartient à celui qui réclame des dommages-intérêts, de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné.

En application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts.

Au cas particulier, Madame f BE. sollicite d'être indemnisée à hauteur de la somme de 50.000 euros en réparation de son préjudice.

L'analyse qui précède a permis de constater que le grief énoncé dans la lettre de licenciement s'est avéré fondé.

Pour autant, le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.

Force est de constater que Madame f BE. qui a la charge de la preuve à ce titre, ne démontre pas que le licenciement serait intervenu pour une autre cause que celle visée dans la lettre de licenciement.

Dans ces circonstances, la décision de rupture n'est pas fondée sur un motif fallacieux et ne présente donc pas en elle-même un caractère fautif ; ainsi, aucune faute de l'employeur ne peut ouvrir droit à l'indemnisation d'un préjudice matériel et financier résultant du licenciement.

Madame f BE. invoque également la précipitation et la légèreté blâmable de l'employeur dans la mise en œuvre du licenciement, en ces termes :

« En s'abstenant d'avoir convoqué Madame f BE. en vue de l'entretien préalable et de justifier avoir cherché de manière effective à la joindre par tout moyen à l'effet de lui faire part de la mesure de licenciement pour abandon de poste envisagée, puis finalement prise, la S. C. S. A a agi avec légèreté blâmable et précipitation, ce qui confère à la rupture un caractère abusif. ».

Il est constant que la convocation préalable à une sanction disciplinaire n'est pas obligatoire en droit du for.

Les circonstances de l'espèce montrent que Madame f BE. n'a pas respecté son obligation d'information de l'employeur de ses arrêts de travail. Elle n'a pas pris la peine de transmette lesdits arrêts par lettre simple lorsque le courrier correspondant lui a été retourné par la Poste.

L'employeur a adressé plusieurs courriers recommandés avec accusé de réception à sa salariée, dont copie à l'Inspection du Travail, laquelle ne lui a jamais conseillé de les doubler en lettre simple.

Bien plus, il résulte de l'attestation de Madame TIL. que l'employeur a tenté de joindre téléphoniquement Madame f BE. en vain.

La proximité entre Monsieur TI. et Madame TIL. ne saurait, à elle seule, remettre en cause la véracité des propos de cette dernière ; Madame f BE. n'ayant pas jugé utile de déposer plainte pour fausse attestation.

Il en résulte que les circonstances ayant entouré la rupture ne peuvent en aucune manière être jugées fautives, de sorte que Madame f BE. sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

  • Sur la remise des documents de fin de contrat :

L'employeur demande de lui donner acte de la remise de ces documents.

Sous la même argumentation que celle développée au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, il sera ordonné, en tant que de besoin, la délivrance des documents de fin de contrat (bulletin de salaire du mois d'août 2014, certificat de travail, attestation Pôle Emploi et solde de tout compte), dans le délai de quinze jours à compter de la signification du présent jugement.

  • Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

L'action en justice constitue l'exercice d'un droit et l'appréciation erronée qu'une partie fait de ses droits n'est pas, en soi, constitutive d'un abus, sauf démonstration, non rapportée au cas d'espèce, d'une intention de nuire, d'une malveillance ou d'une erreur équipollente au dol.

En outre, la défenderesse ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'elle invoque.

La défenderesse sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Chacune des parties conservera à sa charge ses propres dépens.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Condamne, en tant que de besoin, la société en commandite simple A à payer à Madame f BE. la somme de 1.810 euros bruts (mille huit cent dix euros) à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, avec exécution provisoire s'agissant de salaires, accessoires et intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision ;

Dit que le licenciement de Madame f BE. par la S. C. S. A repose sur une cause valable et n'est pas abusif ;

Ordonne, en tant que de besoin, la délivrance des documents de fin de contrat (bulletin de salaire du mois d'août 2014, certificat de travail, attestation Pôle Emploi et solde de tout compte), dans le délai de quinze jours à compter de la signification du présent jugement ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Dit que chacune des parties conservera à sa charge ses propres dépens.

Composition🔗

Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Francis GRIFFIN, Didier MARTINI, membres employeurs, Messieurs Bruno AUGÉ, Jean-Marie PASTOR, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le vingt-six septembre deux mille dix-huit, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Francis GRIFFIN, Bruno AUGÉ et Messieurs Didier MARTINI, Jean-Marie PASTOR étant empêchés, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint.

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