Tribunal du travail, 17 mai 2018, Monsieur o. BL. c/ Le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble « R »

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Abstract🔗

Contrat de travail – Licenciement – Motif valable (oui) – Faute grave (non) – Caractère abusif (oui)

Résumé🔗

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité et de la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de rupture et notamment de la faute grave alléguée. La faute grave résulte de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise et exige son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis. Cette faute n'est pas nécessairement en fonction du préjudice qui en est découlé. La persistance des manquements déjà sanctionnés autorise l'employeur à retenir lesdites fautes professionnelles antérieures, pour estimer la gravité des faits reprochés au salarié, et à justifier un licenciement reposant sur une appréciation globale de son comportement. Monsieur o. BL. est ainsi licencié pour des actes de violence à l'encontre d'un subordonné sur le lieu de travail et un mauvais comportement antérieur. Les altercations violentes, rixes, voies de fait, qui se produisent pendant le temps de travail ou à l'occasion du travail, entre salariés ou entre un salarié et le chef d'entreprise sont, le plus souvent, constitutives d'une faute privative des indemnités de rupture. Cependant, compte tenu des faits de l'espèce, la faute grave peut être rejetée. Il en est ainsi lorsque l'attitude de la victime des violences n'est pas exempte de tout reproche. Monsieur o. BL. a tenté de porter un coup de pied à ce dernier (en défense ou en attaque), ce qui constitue un acte de violence intolérable entre salariés. Il apparaît encore que le comportement provocateur de Monsieur c. DE SO. peut expliquer le geste de Monsieur o. BL. Il est permis à l'employeur, dans l'intérêt de l'entreprise et dans l'exercice de son pouvoir d'individualisation des mesures disciplinaires de sanctionner différemment des salariés qui ont participé à une même faute. En l'espèce, les actes de Monsieur o. BL. le 15 juin 2015 ne sont dès lors pas susceptibles de constituer une faute grave mais justifient le licenciement de celui-ci eu égard aux rappels à l'ordre précédemment adressés par l'employeur au salarié sur son comportement parfois inadapté. Monsieur o. BL. peut ainsi prétendre à l'indemnité de préavis prévue à l'article 11 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 d'un montant de 8.172,81 euros. Le licenciement étant fondé sur un motif valable, mais non une faute grave, Monsieur o. BL. ne peut obtenir le versement de l'indemnité de licenciement prévue à l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968. Il ne peut prétendre qu'à l'indemnité de congédiement d'un montant de 12.353,25 euros.

Eu égard au déroulement de la procédure disciplinaire, aucune brutalité ou caractère vexatoire ne peut être retenu à l'encontre de l'employeur. Cependant, l'employeur a fait preuve de légèreté blâmable et effectué un usage excessif de son pouvoir disciplinaire (faute grave) qui confère au licenciement un caractère abusif. Cet abus dans les conditions de mise en œuvre du licenciement ouvre droit à la réparation du seul préjudice moral, lequel sera correctement indemnisé par l'allocation d'une somme de 15.000 euros.


Motifs🔗

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 17 MAI 2018

  • En la cause de Monsieur o. BL., demeurant 15 X1 à MONACO ;

Demandeur, plaidant par Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant élu domicile en son étude ;

d'une part ;

Contre :

  • Le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE « R », représenté par son Syndic en exercice, dont le siège social se situe X à MONACO ;

Défenderesse, plaidant par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant élu domicile en son étude ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 28 octobre 2015, reçue le 3 novembre 2015 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 37-2015/2016 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 9 décembre 2015 ;

Vu les conclusions de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur, au nom de Monsieur o. BL., en date des 3 mars 2016, 2 mars 2017 et 5 octobre 2017 ;

Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom du SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE « R », représenté par son Syndic en exercice, en date du 1er juin 2017 ;

Après avoir entendu Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour Monsieur o. BL., et Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE « R », représenté par son Syndic en exercice, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

Monsieur o. BL. a été embauché par contrat à durée indéterminée, le 1er juillet 2003 par le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble « R » (ci-après le syndicat) en qualité d'Huissier Concierge.

Dans le cadre de son activité professionnelle, Monsieur o. BL. percevait une rémunération mensuelle de 2303,81 euros et bénéficiait d'un logement de fonction au sein de la résidence « R ».

Monsieur o. BL. était placé en arrêt en maladie, le 22 juin 2015.

Le 23 juin 2015, le Syndic adressait à Monsieur o. BL. une correspondance aux termes de laquelle ce dernier était convoqué le 25 juin 2015 pour un entretien.

Le 2 juillet 2015, Monsieur o. BL. était mis à pied à titre conservatoire et ce pour une période indéterminée.

Aux termes d'une correspondance en date du 6 juillet 2015, Monsieur o. BL. était convoqué, le 9 juillet 2015 à 16h30, pour un entretien préalable de licenciement.

Par courrier en date du 10 juillet 2015, Monsieur o. BL. était licencié pour faute grave.

Par requête en date du 28 octobre 2015 reçue au greffe le 3 novembre 2015, Monsieur o. BL. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

« Pour avoir paiement des sommes suivantes :

  • - 8.172,81 euros à titre d'indemnité de préavis ;

  • - 15.691,79 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

  • - 12.353,25 euros à titre d'indemnité de congédiement ;

  • - 30.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif en réparation des préjudices de toute nature que son licenciement lui a occasionné ;

Intérêts au taux légal pour l'ensemble de ces demandes à compter de la date de la tentative de conciliation. ».

Aucune conciliation n'étant intervenue, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Monsieur o. BL. a déposé des conclusions les 3 mars 2016, 2 mars et 5 octobre 2017 dans lesquelles il fait essentiellement valoir que :

  • les fautes qui lui sont reprochées ont évolué au gré des conclusions déposées par l'employeur,

  • il n'a porté strictement aucun coup à l'encontre de Monsieur c. DE SO. et n'est aucunement responsable de l'incapacité de travail de trois jours de ce dernier dont il est fait état dans sa lettre de licenciement,

  • il a adressé une correspondance explicative à son employeur le 18 juin 2015 et a sollicité un rendez-vous pour s'expliquer,

  • l'attestation de Madame VA-PE. est sans intérêt puisqu'elle n'a pas assisté à l'altercation avec Monsieur c. DE SO.,

  • l'attestation de Monsieur R. est nulle au regard de l'article 324 du Code de procédure civile. En outre les propos qu'il relate dans son attestation sont différents de ceux qu'il a tenus à la sureté publique et contraires aux constatations des policiers,

  • en raison des liens d'amitié existant entre Monsieur R. et Monsieur c. DE SO., le Tribunal ne pourra écarter l'éventualité d'un contact, d'un échange entre les amis précités et le déroulement de l'audition du 23 juin 2015,

  • aucun élément du dossier social mais également du dossier pénal ne permet d'accréditer les prétendues constatations de Monsieur R.,

  • la plainte déposée par Monsieur c. DE SO. a été classée sans suite par le Parquet Général,

  • le caractère mensonger des déclarations de Monsieur c. DE SO. ressort de la vidéo surveillance et du procès-verbal d'exploitation des caméras de surveillance situées dans le hall de l'immeuble « R »,

  • le certificat médical n'est pas probant,

  • le médecin n'a constaté aucun hématome au niveau du cou alors que Monsieur c. DE SO. allègue avoir reçu un coup de poing à ce niveau,

  • il n'est donné aucune précision quant à la taille, la localisation de l'hématome au niveau du genou gauche ainsi que le caractère récent ou ancien dudit hématome,

  • il ressort d'un certificat médical daté du 15 juin 2015 que :

    • *aucun hématome n'est constaté par le médecin au niveau du cou de Monsieur c. DE SO.,

    • *alors que Monsieur c. DE SO. allègue avoir reçu un coup de poing au niveau de la nuque côté gauche, le médecin SE. constate que la « Rotation à gauche» est « normale »,

    • *l'impotence fonctionnelle du genou gauche de Monsieur c. DE SO. est imputable à un état antérieur et aucunement aux agissements qui lui sont prêtés,

  • il reconnaît seulement avoir repoussé avec sa main droite ouverte, Monsieur c. DE SO., au niveau de son torse, dans la mesure où il était en train de s'avancer vers lui. Il s'agit d'un geste défensif,

  • de même, en raison du comportement provocant et menaçant de Monsieur c. DE SO., il a reconnu avoir également bloqué, de manière défensive, le pied de ce dernier avec son pied,

  • les différents témoignages recueillis par les enquêteurs de Police, s'agissant principalement des collègues de travail des protagonistes, font majoritairement état des provocations récurrentes et déplacées de Monsieur c. DE SO.,

  • il conteste le prétendu incident avec Monsieur CO., pour lequel il n'a reçu aucune correspondance de l'employeur,

  • l'attestation de Monsieur PA. est imprécise et non circonstanciée,

  • il y a en outre une différence de calligraphie entre la signature manuscrite de Monsieur PA. et le corps manuscrit de l'attestation,

  • l'attestation de Monsieur CO. ne démontre rien,

  • il a fait l'objet d'un licenciement brutal, soudain et fondé sur un motif fallacieux,

  • l'employeur a agi avec une précipitation ou une légèreté blâmable ainsi que de manière vexatoire.

Le Syndicat des copropriétaires « R » a déposé des conclusions le 8 juin 2017 dans lesquelles il s'oppose aux prétentions émises à son encontre et fait essentiellement valoir que :

  • tout au long de la relation contractuelle qui l'a lié à son employeur, Monsieur o. BL. a fait l'objet de plusieurs remarques s'agissant notamment de son attitude,

  • Monsieur o. BL. n'a jamais contesté aucune des mises en garde qui lui ont été adressées,

  • Monsieur o. BL. a formulé une demande d'indemnité de congédiement et une demande d'indemnité de licenciement alors que les deux ne se cumulent pas,

  • la lettre de licenciement ne se limite pas à reprocher à Monsieur o. BL. des violences physiques, mais plus généralement son comportement violent inacceptable,

  • l'altercation du 15 juin 2015 a constitué le point d'orgue du comportement agressif et inacceptable adopté par Monsieur o. BL. depuis plusieurs années déjà,

  • face à ces comportements inacceptables de deux de ses salariés au sein de la copropriété, en public, le Syndicat a convoqué les protagonistes afin de mettre au clair la situation,

  • Monsieur c. DE SO. a immédiatement coopéré et s'est rendu chez son employeur, Monsieur o. BL. n'a pas jugé opportun de donner des explications à son employeur,

  • à deux reprises, il ne s'est pas rendu à l'entretien auquel il a été convoqué et a préféré procéder par échange de courriers,

  • Monsieur o. BL. s'est finalement rendu chez son employeur le 25 juin 2015, suite à une ultime relance du Syndicat. Pour autant il n'a à nouveau donné aucune explication au cours de cet entretien,

  • face à l'absence d'explication de la part de Monsieur o. BL., le Syndicat a mené des investigations afin de faire la lumière sur cet évènement,

  • il s'est avéré que Monsieur R., ancien occupant du R, et Madame VA-PE., agent de sécurité au sein de la copropriété, ont assisté à l'altercation qu'ils décrivent de manière circonstanciée, confirmant le rôle actif de Monsieur BL.,

  • il ressort de ces témoignages que c'est Monsieur o. BL. qui a été l'instigateur de l'altercation, dans un premier temps en agressant verbalement Monsieur c. DE SO., puis en l'agressant physiquement dans un second temps,

  • il appartenait au Syndicat, au titre de son obligation de sécurité, de prendre les mesures nécessaires afin d'assurer la protection tant de ses salariés que des copropriétaires du R,

  • le bien-fondé d'un licenciement pour faute grave n'est pas subordonné à la suite donnée par le Procureur Général à une plainte,

  • l'enquête menée par la Sûreté Publique monégasque confirme le comportement agressif et violent de Monsieur o. BL. ayant mené à son licenciement,

  • la réalité du coup porté à la jambe de Monsieur c. DE SO. est corroborée par le certificat médical dressé par le Service d'Accueil des Urgences, confirmant ainsi les violences physiques,

  • la configuration des lieux n'a pas permis de filmer l'intégralité de l'altercation,

  • Monsieur o. BL. savait parfaitement comment éviter de se trouver dans le champ de la caméra afin qu'une partie de la scène ne soit pas filmée,

  • Monsieur o. BL. n'a jamais nié son comportement, se contentant de rappeler à son employeur qu'une enquête était en cours,

  • quatre jours avant l'incident, Monsieur o. BL. agressait son supérieur hiérarchique, Monsieur CO., lors d'une discussion dans le bureau de ce dernier,

  • Monsieur PA., salarié de la copropriété, a assisté à cet évènement,

  • Monsieur o. BL. produit aux débats diverses attestations, toutes sans lien avec le débat, dans la mesure où elles ne portent aucunement sur l'incident ayant mené à son licenciement,

  • aucune légèreté blâmable de l'employeur, ni aucun abus dans la décision de rompre le contrat de travail n'est démontré par Monsieur o. BL.,

  • Monsieur o. BL. ne produit aucune pièce démontrant la réalité de ses prétendues recherches d'emploi.

SUR CE,

  • Sur la nullité de l'attestation de Monsieur R. produite par le syndicat en pièce n° 10

Aux termes de l'article 324 du Code de procédure civile, « l'attestation doit, à peine de nullité :

1° être établie par une personne remplissant les conditions requises pour être entendue comme témoin ;

2° être écrite, datée et signée de la main de son auteur ;

3° mentionner les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur, ainsi que l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties ;

4° préciser si son auteur a quelque intérêt au procès ;

5° indiquer qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur sait qu'une fausse attestation l'exposerait aux sanctions prévues par l'article 103 du Code pénal ;

6° être accompagnée de tout document officiel, en original ou en photocopie, justifiant de l'identité de son auteur et comportant sa signature. ».

L'attestation produite en pièce n° 10 est constituée par une attestation établie par Monsieur R. qui indique à la fin du document : « Je joins à la présente la photocopie d'un document d'identité délivrée par une autorité administrative ».

Il s'agit en effet d'une exigence prévue par le paragraphe 6 de l'article 324 du Code de procédure civile, dont l'omission doit entraîner la nullité de l'attestation.

Il convient ainsi de relever que cette dernière ne comporte aucun document officiel justifiant de l'identité de son auteur et comportant sa signature, de sorte qu'il y a lieu de prononcer la nullité de l'attestation correspondante.

  • Sur le motif de la rupture

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité et de la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de rupture et notamment de la faute grave alléguée.

La faute grave résulte de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise et exige son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis.

Cette faute n'est pas nécessairement en fonction du préjudice qui en est découlé.

La persistance des manquements déjà sanctionnés autorise l'employeur à retenir lesdites fautes professionnelles antérieures, pour estimer la gravité des faits reprochés au salarié, et à justifier un licenciement reposant sur une appréciation globale de son comportement.

En l'espèce, Monsieur o. BL. a été licencié par lettre du 10 juillet 2015, ainsi libellée :

« Monsieur,

Suite à la connaissance de l'altercation violente qui a eu lieu le 15 juin 2015 sur votre lieu de travail, nous avons dû prendre les mesures nécessaires ainsi que, par précaution, instruire les faits.

Vous avez ainsi été reçu par le 25 juin 2015 pour vous entendre sur ces faits.

D'autres mesures d'instruction ont été prises depuis, notamment un entretien avec l'autre employé concerné.

Nous avons également été informés de l'affaire portée devant la Sureté Publique de Monaco vous concernant.

Après instruction et réception de tous les éléments, puis informés d'une première suspension de votre contrat de travail pour maladie, nous vous avons notifié une mise à pied à titre conservatoire débutant le 2 juillet jusqu' à ce jour.

Conformément aux règles, nous vous avons dument convoqué à un entretien préalable le jeudi 9 juillet 2015 à 16H30 en nos bureaux.

Après instruction des faits et après avoir recueillis les commentaires, témoignages et informations sur les faits, nous sommes arrivés à la conclusion que votre comportement lors de cette altercation, qui a entrainé une incapacité totale de travail de 3 jours de Monsieur DE SO., constitue une faute qui vous est imputable.

En conséquence et avec l'accord du Conseil Syndical, nous vous informons de la décision de rompre votre contrat de travail pour faute grave au motif suivant :

  • - comportement violent inacceptable au regard de votre poste, sur votre lieu de travail, devant témoin, à l'encontre de Monsieur DE SO. c., Agent de Sécurité. Votre subordonné avec des conséquences physiques pour celui-ci.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien en tant que salarié de la Copropriété s'avère impossible et une rupture immédiate de votre contrat de travail vous est donc notifiée.

Cette décision est prise également dans le cadre d'une revue de votre dossier du personnel et des actes passés de mauvais comportement qui ont été soulignés à plusieurs reprises ».

Monsieur o. BL. est ainsi licencié pour des actes de violence à l'encontre d'un subordonné sur le lieu de travail et un mauvais comportement antérieur.

Les altercations violentes, rixes, voies de fait, qui se produisent pendant le temps de travail ou à l'occasion du travail, entre salariés ou entre un salarié et le chef d'entreprise sont, le plus souvent, constitutives d'une faute privative des indemnités de rupture.

Cependant, compte tenu des faits de l'espèce, la faute grave peut être rejetée. Il en est ainsi lorsque l'attitude de la victime des violences n'est pas exempte de tout reproche.

Pour justifier le grief reproché à Monsieur o. BL., l'employeur produit les éléments suivants :

  • un courrier adressé en recommandé avec accusé de réception à Monsieur o. BL. le 17 mars 2008 ainsi libellé :

« Monsieur,

Suite à la nouvelle altercation intervenue vendredi dernier entre Monsieur CO. et vous-même, je me vois dans l'obligation de vous adresser la présente pour vous confirmer la teneur de nos précédentes conversations relatives à ce problème relationnel qui engendre un climat néfaste à la bonne marche de la copropriété.

Nous vous rappelons que Monsieur CO. est détaché par notre Cabinet sur place pour gérer la copropriété.

En conséquence, nous vous demandons instamment de respecter ses décisions prises sous notre responsabilité, pour le bien de la copropriété.

De plus nous ne saurions tolérer une attitude négative de votre part, incompatible avec votre statut professionnel et pouvant nuire à la réputation et à la probité de votre employeur.

Nous désirons continuer notre collaboration qui se fera ainsi dans un climat plus serein, comme nous l'avons souhaité depuis votre arrivée, pour le bien de la copropriété et la tranquillité de chacun.

Nous vous remercions de faire un effort en ce sens, en respectant les charges qui incombent à chacun ».

Monsieur o. BL. ne conteste pas les faits qui lui sont reprochés dans ce courrier. Il soutient que le courrier ne constitue en rien une sanction mais une simple mise en garde.

Le Tribunal retient en effet que l'altercation et l'attitude négative mises en avant dans ce courrier n'ont donné lieu à aucune sanction disciplinaire.

L'employeur estime cependant que le comportement de Monsieur o. BL. doit changer et le lui fait savoir :

une lettre adressée en recommandé avec accusé de réception à Monsieur o. BL. le 4 novembre 2010 ainsi libellé :

« Monsieur,

(...)

Il semble qu'une certaine ambiance désagréable, ressentie par toutes les personnes présentes, s'installe au R.

Votre attitude en serait la cause.

L'ensemble du personnel d'entretien et autres du R se comporte toujours sur la défensive quand vous êtes présent, et est beaucoup plus ouvert et coopératif durant vos absences.

Nous avions déjà attiré votre attention sur votre fâcheuse habitude de faire valoir vos doléances personnelles auprès de certains copropriétaires. Cela se divulgue et pas en votre faveur.

La situation économique actuelle est certainement difficile pour tout le monde, mais aux yeux de beaucoup vous êtes considéré comme privilégié.

Si vous avez des revendications, c'est à vous que vous devez les soumettre.

Nous pensons que vous n'êtes pas défavorisé, ni par votre salaire, ni par les avantages matériels conséquents que vous procure votre poste d'huissier concierge.

La présence permanente de Monsieur CO., qui nous représente sur place au R et a toute notre confiance, est fort appréciée et constitue un atout majeur dans notre rôle de Syndic pour donner à la copropriété le meilleur service.

Tout le personnel est au service de la copropriété mais les employés dépendent du Syndic.

Vous ne devez pas considérer la présence de Monsieur CO. comme une entrave à votre rôle mais comme un atout.

Nous vous demandons de tirer enfin profit des remarques et de prendre conscience des conséquences de nos observations. Il nous serait très désagréable de devoir à nouveau intervenir, d'autant plus que nous sommes à l'origine de votre venue au R, où votre intégration a été très difficile et pourtant nous vous avions soutenue. ».

Il s'agit là encore d'une mise en garde, aucune sanction disciplinaire n'étant infligée au salarié.

Il s'évince des deux courriers susvisés qu'une mésentente semble régner entre Monsieur o. BL. et Monsieur CO., ce qui est confirmé par l'attestation de ce dernier en pièce n° 13, dans laquelle il indique, suite à une demande d'explication de sa part :

« Monsieur BL. se met alors à hurler à plusieurs reprises que je n'avais pas le traiter comme un « chien » et commence à regagner son poste puis se ravise et revient sur ses pas et sur un ton colérique et une gestuelle menaçante se met à hurler des propos sous entendant que toute la copropriété savait à quoi s'en tenir sur mon compte et sur les endroits que je fréquentais. Il m'a semblé qu'il évoquait des salons de massage¿. Ce n'était pas la première fois qu'une simple mise au point dégénérait en hurlements de la part de Monsieur BL.. Nos postes de travail respectifs se trouvant dans le hall d'entrée de la résidence cela renvoyait une image déplorable de la copropriété. En ce qui me concerne, j'ai toujours su, au regard de ma fonction, garder mon calme malgré les cris voire même, fin 2014, les insultes, et n'ai même jamais informé ma hiérarchie de cet aspect des difficultés relationnelles connues qui existaient entre nous.

Mais cette fois, les allusions malsaines sur ma moralité m'ont conduit à immédiatement relater les faits présents et passés par téléphone à ma direction et à les confirmer par écrit par la suite ».

Monsieur o. BL. ne conteste pas le contenu de l'attestation, estimant qu'il s'agit de déclarations purement subjectives, ne démontrant ni n'établissant strictement rien.

Il convient néanmoins de les retenir pour apprécier le comportement du salarié mis en avant dans la lettre de licenciement, et ce d'autant plus que les relations tendues entre ces deux personnes sont également confirmées par Monsieur PA., agent de sécurité au R :

« Un matin dans le courant du dernier trimestre 2014, je n'ai pas la souvenir de la date précise, Monsieur BL. o., intendant de la résidence a, lors d'une discussion animée de déroulant à la réception du R, traité au moins à deux reprises Monsieur CO. j-m., reprêsant du syndic sur la copropriété d'abruti.

Monsieur CO. vient nous saluer tous les matins, voila plusieurs mois que Monsieur BL. refuse de lui serrer la main.

Le jeudi 11 juin 2015 en milieu de matinée, Monsieur CO., après être venu préalablement récupérer le carnet de rondes à la réception, demande à Monsieur BL. de la rejoindre dans son bureau. Quelques minutes plus tard, j'ai entendu Monsieur BL. pousser plusieurs hurlements sans que je puisse en distinguer correctement leur contenu. Il a ensuite rejoint la réception passablement énervé. ».

Une attestation établie par Madame VA-PE., agent de sécurité au R, ainsi libellée :

« Le lundi 15 juin 2015 avant la fin de mon service à 20 H, j'ai été témoin de la première confrontation à la réception du R entre Mr BL. et de Mr DE SO.. Le ton est rapidement monté et Monsieur BL. a insulté Monsieur DE SO. en le traitant de «suceur de bite de CO. ».

Depuis plusieurs mois Monsieur BL. se vantait auprès des salariés de la copropriété d'avoir une situation financière qui lui permettait de s'arrêter de travailler quand il le voudrait. ».

Il en résulte que Madame VA-PE. n'a pas été témoin des faits de violence fondant le licenciement de Monsieur o. BL..

Elle relate une altercation entre les deux protagonistes, juste avant les faits litigieux.

Le procès-verbal d'interrogatoire de Monsieur R. par la Sûreté Publique, en date du 16 juin 2015, duquel il apparaît que celui-ci n'a pas été témoin des violences imputées à Monsieur o. BL.. Il ne procède que par déduction d'une manière dès lors totalement subjective. Il fait néanmoins état d'une altercation verbale entre les deux protagonistes, ce qui n'est aucunement contesté.

Ses déclarations ne seront dans ces circonstances pas retenues.

Lors de sa seconde comparution devant la Sûreté publique le 23 juin 2015, Monsieur R. indique avoir vu le pied de Monsieur o. BL. s'avancer vers Monsieur c. DE SO. mais sans avoir constaté un contact.

Ces déclarations contredisent les premières dans la mesure où le 16 juin, soit le lendemain des faits, il affirmait n'avoir pas été témoin de coups portés sur la personne de Monsieur c. DE SO..

Ainsi et tenant les liens amicaux existants avec ce dernier, le dernier témoignage de Monsieur R. est à prendre avec les plus extrêmes réserves.

Un procès-verbal d'interrogatoire de Madame VA. par la Sûreté Publique, en date du 24 juin 2015, duquel il résulte que Monsieur c. DE SO. a eu des paroles déplacées à l'encontre de Monsieur o. BL. lors de l'altercation.

Elle ajoute que Monsieur c. DE SO. « est un très mauvais collègue qui l'insulte régulièrement en ces termes : connasse, salope, pute, tu es vraiment plus con que la moyenne - dès qu'il y a un désaccord ou un léger retard de relève.

Ses déclarations se poursuivent ainsi :

  • Elle ajoute qu'il y a environ 10 jours, elle est arrivée en retard pour la relève de M. DE SO.. Celui-ci, très énervé, aurait quitté son poste à l'accueil pour la suivre dans le parking où son véhicule était stationné et l'aurait agressée verbalement en ces termes : « je vais finir par te frapper, sale pute ».

  • À ses yeux, M. DE SO. était quelqu'un d'extrêmement provocateur, avec qui il est impossible de discuter tant il aime attiser et piquer les gens.

Mme VA. nous déclare s'être plainte à plusieurs reprises du comportement de M. DE SO. à M. BL. et à M. CO., en vain, aucune sanction n'a été prise, M. DE SO. se défendant en disant qu'il s'agit de sa façon de parler.

Elle nous informe ne jamais avoir eu le moindre problème avec M. BL. dont elle vantait les qualités professionnelles et humaines, à la différence de M. DE SO. dont elle fustige le comportement.

Elle nous informe que les relations entre M. BL. et M. CO. sont tendues et qu'il suit un traitement médicamenteux sans pour autant en connaître la nature. Elle ajoute que M. BL. a déjà demandé au syndic un « licenciement à l'amiable » en raison de cette mésentente.

In fine, elle déclare que travailler avec M. DE SO. devient insupportable à cause de ses provocations et insultes récurrentes. ».

Il résulte de ce témoignage que le comportement de Monsieur c. DE SO. n'est pas exempt de tout reproche, tant à l'égard de Monsieur o. BL. qu'à l'égard de Madame VA..

Un procès-verbal d'interrogatoire de Monsieur o. BL. par la Sûreté Publique, en date du 22 juin 2015, dans lequel celui-ci reconnaît avoir de mauvaises relations avec Monsieur c. DE SO.. Il reconnaît également avoir repoussé ce dernier qui avançait sur lui, avec sa main droite sur le haut de son torse, se sentant menacé. Il ajoute avoir allongé sa jambe et posé son pied au niveau du pied de Monsieur c. DE SO. toujours pour le bloquer. Il conteste lui avoir porté des coups.

Un procès-verbal de déclaration de Monsieur c. DE SO. et de visionnage de la caméra de vidéosurveillance par la Sûreté Publique, en date du 16 juin 2015.

Monsieur c. DE SO. soutient avoir reçu un coup de pied au niveau de son genou gauche et un coup à la nuque.

L'agent de Police constate les faits suivants :

« Nous avons alors visionné la bande de la caméra de vidéosurveillance visant la réception.

À 20h39, je distingue un mouvement rapide de jambe se dirigeant vers le nommé DE SO. c. mais je ne peux certifier qu'il le touche, le requérant rentrant sa jambe vers l'intérieur.

Je précise que je ne l'ai pas vu déséquilibré, ni reculer, et ni se prendre la jambe de douleur. Il est resté statique et a continué à discuter de manière véhémente.

Je n'ai pas vu qui était l'auteur du mouvement de jambe, la personne étant hors caméra, masquée derrière le pilier.

Concernant le coup prétendu à la nuque, je n'ai pu aucun mouvement pouvant correspondre.

Durant tout le temps de visionnage, je n'ai vu aucun autre coup porté et ce, par aucune des deux parties. Ensuite est arrivé le témoin, M. R. j..

De même que durant le temps de visionnage, je n'ai vu à aucun moment M DE SO. perdre l'équilibre ou devoir se rattraper sur on coude droit, ni heurter quoi que ce soit avec ce même coude.

De mémoire, le temps de visionnage n'a duré que 2 ou 3 minutes, de 20h39 à 20h41 ou 20h42 environ.

Selon les dires de M DE SO., la caméra ne fonctionnant qu'au mouvement, le visionnage ne commençait qu'à 20h39, heure du coup de pied porté, que nous avons pu constater.

Je pense que si d'autres mouvements avaient été effectués par une ou les deux parties préalablement, l'enregistrement de la caméra se serait vraisemblablement déclenché avant le coup de pied. ».

Ces constatations sont confirmées par le procès-verbal de visionnage en date du 21 juin 2015.

Monsieur o. BL. produit à ce titre une attestation du frère de Monsieur c. DE SO., ainsi libellée :

« J'atteste par la présente que Mr DE SO. c. est manipulateur, menteur, provocateur et impulsif, qu'il est capable de pousser les gens à bout de manière à avoir un geste ou des paroles déplacées à son encontre pour se faire passer pour une victime. ».

Ce comportement a également été confirmé par Monsieur PA. devant les services de Police le 24 juin 2015 : « Notre interlocuteur nous informe être au courant de l'altercation ayant eu lieu entre M BL. et M DE SO..

Absent au moment de l'altercation il n'était pas en mesure de nous apporter le moindre élément sur la scène, en revanche il fustigeait le comportement provocateur et insultant de M DE SO. avec qui il a déjà eu des mots.

Il ajoute avoir failli en venir aux mains avec celui-ci qui ne cesse d'insulter et provoquer les gens lorsqu'il existe un désaccord, les faits remontent à environ 1 an et demi.

Il déclare ne jamais avoir eu le moindre problème avec M BL. dont la rigueur sert la qualité de leur travail.

Il confirmait les dires de sa collègue Mme VA. et insistait sur le comportement insultant et provocateur de M DE SO.. ».

Les déclarations des parties montrent que Monsieur c. DE SO., après la première altercation verbale, a envoyé des S. M. S. à Monsieur o. BL., ce qui semble confirmer la provocation.

Le demandeur produit par ailleurs un certificat médical établi par le Docteur SE., le 15 juin 2015, qui déclare :

« Monsieur DE SO. allègue une agression physique. Il aurait reçu un coup de poing au niveau du cou à gauche et un coup de pied au niveau du genou gauche. Il serait tombé sur le côté droit et aurait heurté le sol avec son coude droit. Il déclare avoir eu auparavant des problèmes de rachis ainsi qu'un ménisque abimé au niveau du genou gauche. ».

Le Tribunal relève que les déclarations de Monsieur c. SO. au Docteur SE. ne correspondent pas à celles qu'il a faites auprès des agents de la Sûreté Publique.

Il a en effet affirmé le 15 juin 2015 à 23 heures qu'il a été emporté par le coup de poing sur le côté gauche du cou et qu'il s'est éraflé le coude droit sur le comptoir, « froissant en même temps une page de la main courante. ».

Le coup porté doit avoir été violent pour entraîner un déséquilibre alors que les médecins n'ont constaté aucun hématome sur le cou.

Il résulte de l'ensemble des explications développées supra que la réalité des coups portés à Monsieur c. DE SO. n'est pas démontrée.

Cependant, Monsieur o. BL. a tenté de porter un coup de pied à ce dernier (en défense ou en attaque), ce qui constitue un acte de violence intolérable entre salariés.

Il apparaît encore que le comportement provocateur de Monsieur c. DE SO. peut expliquer le geste de Monsieur o. BL..

Il est permis à l'employeur, dans l'intérêt de l'entreprise et dans l'exercice de son pouvoir d'individualisation des mesures disciplinaires de sanctionner différemment des salariés qui ont participé à une même faute.

En l'espèce, les actes de Monsieur o. BL. le 15 juin 2015 ne sont dès lors pas susceptibles de constituer une faute grave mais justifient le licenciement de celui-ci eu égard aux rappels à l'ordre précédemment adressés par l'employeur au salarié sur son comportement parfois inadapté.

Monsieur o. BL. peut ainsi prétendre à l'indemnité de préavis prévue à l'article 11 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 d'un montant de 8.172,81 euros.

Le licenciement étant fondé sur un motif valable, mais non une faute grave, Monsieur o. BL. ne peut obtenir le versement de l'indemnité de licenciement prévue à l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968.

Il ne peut prétendre qu'à l'indemnité de congédiement d'un montant de 12.353,25 euros.

  • Sur le caractère abusif du licenciement

Tout licenciement fondé sur un motif valable peut néanmoins présenter un caractère abusif si le salarié, auquel incombe la charge de cette preuve, démontre que l'employeur a méconnu certaines dispositions légales lors de la mise en œuvre de la rupture ou si les conditions matérielles ou morales de sa notification présentent un caractère fautif ou révèlent une intention de nuire ou la légèreté blâmable de l'employeur.

Un licenciement peut être considéré comme abusif (qu'il ait été reconnu valable ou non) si l'employeur a avancé pour le justifier un faux motif, c'est-à-dire un motif qui n'était pas le motif réel qui l'a conduit à prendre cette décision et qui voulait «tromper», ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Il appartient à celui qui réclame des dommages-intérêts, de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné ;

En application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts ;

Au cas particulier, Monsieur o. BL. sollicite d'être indemnisé à hauteur de la somme de 30.000 euros en réparation de son préjudice.

L'analyse qui précède a permis de constater que le grief énoncé dans la lettre de licenciement s'est avéré fondé mais qu'il ne constituait pas une faute grave.

Pour autant le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.

Force est de constater que Monsieur o. BL., qui a la charge de la preuve à ce titre, ne démontre pas que le licenciement serait intervenu pour une autre cause que celle visée dans la lettre de licenciement.

Dans ces circonstances, la décision de rupture n'est pas fondée sur un motif fallacieux et ne présente donc pas en elle-même un caractère fautif ; ainsi, aucune faute de l'employeur ne peut ouvrir droit à l'indemnisation d'un préjudice matériel et financier résultant du licenciement.

Monsieur o. BL. invoque également les circonstances brutales et vexatoires du licenciement.

Il apparaît que le salarié a fait l'objet d'une mise à pied suivant courrier recommandé avec accusé de réception en date du 30 juin 2015, en ces termes :

« Monsieur,

Comme évoqué lors de notre entrevu en nos bureaux le jeudi 25 juin 2015 à 16h30, nous vous confirmons par la présente votre mise à pied à titre conservatoire pour une durée de 7 jours ouvrés à compter du 2 juillet 2015 date de votre reprise du travail à l'issue de votre congé maladie.

Cette période nous permettra de vous prononcer sur d'éventuelles sanctions à votre encontre liées à la violente altercation que vous avez eue le 15 juin 2015 sur votre lieu de travail avec Monsieur DE SO., agent de sécurité de la copropriété ».

Cette mise à pied disciplinaire fait suite à un même courrier adressé à Messieurs o. BL. et c. DE SO. le 16 juin 2015, aux termes duquel :

« Monsieur,

Nous avons eu connaissance de faits qui pourraient être qualifiés de graves, vous concernant, faits qui se sont déroulés sur votre lieu de travail, immeuble R, X à Monaco, hier soir et ayant nécessité l'intervention de la Sureté Publique.

Vous voudrez bien vous présenter en nos bureaux au plus tôt en ayant préalablement téléphoné pour un rendez-vous au (00377) 93 50 79 59. ».

Par la suite, l'employeur a adressé au demandeur une lettre de convocation à un entretien préalable ainsi libellée :

« Monsieur,

Suite à l'altercation survenue le 15 juin dernier entre vous et un autre employé sur votre lieu de travail, et après avoir pris connaissance de tous les éléments de cette affaire, nous vous convoquons à un entretien préalable afin d'évoquer l'avenir de votre contrat de travail.

À ce titre, nous vous prions de vous présenter dans nos bureaux X2 le jeudi 9 juillet à 16h30 où nous vous exposerons notre point de vue et au cours duquel vous aurez la possibilité de vous exprimer ».

Monsieur o. BL. était enfin licencié par lettre du 10 juillet 2015.

Eu égard au déroulement de la procédure disciplinaire, aucune brutalité ou caractère vexatoire ne peut être retenu à l'encontre de l'employeur.

Cependant, l'employeur a fait preuve de légèreté blâmable et effectué un usage excessif de son pouvoir disciplinaire (faute grave) qui confère au licenciement un caractère abusif.

Cet abus dans les conditions de mise en œuvre du licenciement ouvre droit à la réparation du seul préjudice moral, lequel sera correctement indemnisé par l'allocation d'une somme de 15.000 euros.

  • Sur les dépens

Les dépens seront mis à la charge du syndicat des copropriétaires.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Prononce la nullité de l'attestation de Monsieur R. produite par le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble « R » en pièce n° 10 ;

Dit que le licenciement de Monsieur o. BL. par le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble « Le Château d' Azur » repose sur un motif valable mais n'est pas fondé sur une faute grave et revêt un caractère abusif ;

Condamne le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble « Le Château d' Azur » à payer à Monsieur o. BL. les sommes suivantes :

  • - 8.172,81 euros (huit mille cent soixante-douze euros et quatre-vingt-un centimes) à titre d'indemnité de préavis,

  • - 12.353,25 euros (douze mille trois cent cinquante-trois euros et vingt-cinq centimes) à titre d'indemnité de congédiement,

  • - 15.000 euros (quinze mille euros) à titre de dommages et intérêts ;

Rejette le surplus des demandes présentées par les parties ;

Condamne le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble « R » aux dépens ;

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le dix-sept mai deux mille dix-huit, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Paul-Marie j. et Guy-Philippe FERREYROLLES, membres employeurs, Mesdames Nathalie VIALE et Marianne FRASCONI, membres salariés, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef.

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