Tribunal du travail, 22 février 2018, Madame a. VE. c/ Association A.

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Abstract🔗

Contrat de travail - Licenciement - Inaptitude physique - Lien de causalité entre la carence de l'employeur et l'état de santé de la salariée (oui) - Préjudices matériel et moral - Indemnisation (oui)

Résumé🔗

La demanderesse, professeure d'espagnole, a été déclarée définitivement inapte à tout poste dans l'entreprise défenderesse. Il ressort des éléments du débats que l'employeur était parfaitement conscient d'une surcharge des effectifs en classe d'espagnol mais n'a pris aucune mesure pour y pallier, laissant la demanderesse gérer les difficultés inhérentes à ce surcroît d'élèves en comparaison avec les autres langues enseignées dans l'établissement. La carence de l'employeur a entraîné une dégradation de l'état de santé de la salariée ainsi qu'il résulte d'un certificat médical du psychiatre. Le lien de causalité entre l'abstention fautive de l'employeur pour soulager la salariée et la déclaration d'inaptitude de la médecine du travail est établi, ce qui doit entraîner l'indemnisation de ses préjudices matériel et moral.


Motifs🔗

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 22 FÉVRIER 2018

  • En la cause de Madame a. VE., demeurant X1 à NICE (06300) ;

Demanderesse, bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décision n° 74 BAJ 13 du 14 février 2013, ayant primitivement élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, puis en l'étude de Maître Charles LECUYER, avocat près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat ;

d'une part ;

Contre :

  • L'Association dénommée A., dont le siège social se situe X2 à MONACO ;

Défenderesse, plaidant par Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant élu domicile en son étude ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 46-2013/2014 ;

Vu le jugement avant-dire-droit du Tribunal du travail en date du 28 janvier 2016 ;

Vu les conclusions de Maître Charles LECUYER, avocat, au nom de Madame a. VE., en date du 1er décembre 2016 ;

Vu les conclusions de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, au nom de l'Association dénommée A., en date du 1er juin 2016 ;

Après avoir entendu Maître Charles LECUYER, avocat près la Cour d'Appel de Monaco, pour Madame a. VE., et Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour l'Association dénommée A., en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

Par jugement mixte en date du 28 janvier 2016, auquel il convient de se référer pour un examen plus ample des faits de la cause et de la procédure, le Tribunal a :

  • donné acte à Madame a. VE. de ce qu'elle renonce à sa demande en paiement de l'indemnité de congédiement,

  • condamné l'Association A. à payer à Madame a. VE. la somme brute de 15,73 euros (quinze euros et soixante-treize centimes) à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2013,

  • dit que le licenciement de Madame a. VE. par l'Association A. est fondé sur un motif valable mais revêt un caractère abusif,

  • avant-dire-droit sur le montant des dommages et intérêts devant être alloués à Madame a. VE., ordonne la réouverture des débats afin que l'Association A. produise tous éléments justificatifs relatifs aux contrats de travail (durée d'emploi hebdomadaire, salaire) des professeurs de langues (telles que l'italien, l'allemand, le russe ainsi que l'anglais) et aux effectifs de leurs différentes classes au cours des années scolaires 2011-2012, 2012-2013 et 2013-2014 (en différenciant les effectifs « mother tongue » et « language support »),

  • dit qu'il appartiendra, le cas échéant, à l'Association A. de fournir toutes indications et pièces complémentaires permettant de justifier objectivement une éventuelle différence de traitement,

  • débouté Madame a. VE. de sa demande en paiement de l'indemnité de licenciement et l'Association A. de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,

  • sursis à statuer sur la demande en paiement de dommages et intérêts formée par Madame a. VE..

À la suite de cette décision, Madame a. VE. a déposé des conclusions le 1er décembre 2016 dans lesquelles elle maintient ses demandes et soutient essentiellement que :

  • l'employeur sollicite désormais la réparation de ses préjudices sur le fondement de la législation sur les accidents du travail,

  • il n'a pourtant procédé à aucune déclaration à ce titre,

  • sa pathologie ne peut être qualifiée d'accident du travail dans la mesure où son état psychologique ne s'est pas détérioré du jour au lendemain par la survenance d'un fait précis,

  • la dépression dont elle souffre résulte du comportement adopté par son ancien employeur sur le long terme,

  • l'Association A. ne saurait dès lors tirer argument du fait qu'elle estime de façon erronée avoir été victime d'un accident du travail,

  • pour chaque niveau de classe, elle devait préparer un cours adaptable en fonction des acquis et capacités de chacun des élèves d'une même classe. Ce qui lui rajoutait une charge de travail conséquente et épuisante,

  • il était indispensable qu'un professeur supplémentaire soit embauché afin de faire des groupes de niveau,

  • l'espagnol étant la troisième langue obligatoire derrière le français et l'anglais, il devrait y avoir au moins deux professeurs d'espagnol. Ce qui n'est pas le cas,

  • l'embauche de Monsieur a. OR. BO. a été décidée par l'Association A. postérieurement à son arrêt maladie, pour soulager Madame s. MA.,

  • contrairement aux affirmations de l'employeur, elle s'est plainte à plusieurs reprises de ses conditions de travail (rapports annuels et courriels),

  • l'Association A. n'a aucunement cherché à trouver une solution, allant même jusqu'à lui reprocher son perfectionnisme, source de stress,

  • la qualité de son travail a systématiquement été saluée,

  • elle voyait tous les ans son temps de travail et sa rémunération augmenter,

  • elle demeurait néanmoins seule enseignante en langue espagnole, et ce, malgré la croissance constante et importante des effectifs,

  • elle voyait sa charge de travail sans cesse augmenter sans qu'aucune aide ne lui soit portée,

  • un nouvel enseignant en langue russe et un autre en langue allemande ont été engagés respectivement en 2011 et 2012 alors que les effectifs des classes de langues russe et allemande étaient 4 à 5 fois inférieurs à ceux des classes de langue espagnole,

  • elle a subi un préjudice économique et moral important.

L'Association A. a par conclusions du 1er juin 2016, déposées le 3 juin 2016, demandé au Tribunal de :

« À TITRE PRINCIPAL

  • Vu la Loi n° 636 du 11 janvier 1958,

  • Dire et Juger que les conséquences pécuniaires de l'accident du travail de Madame VE. doivent être prises en charge au titre de la Loi sur les accidents du travail.

  • Par conséquent, débouter Madame VE. de ses demandes à l'encontre de l'Association A..

À TITRE SUBSIDIAIRE

  • Dire et juger que l'Association A. n'a eu aucun comportement fautif à l'encontre de Madame VE..

  • Par conséquent, débouter Madame VE. de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.

À INFINIMENT SUBSIDIAIRE

  • Vu la Loi n° 636 du 11 janvier 1958,

  • Si le Tribunal devait estimer qu'il y a un lien de causalité entre le comportement fautif de l'Association A. et les troubles anxio-dépressifs de Madame VE.,

  • Dire et juger que les conséquences dommageables de cet accident du travail doivent être prises en charge au titre de la Loi sur les accidents du Travail.

  • Par conséquent, débouter Madame VE. de l'intégralité de ses demandes.

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE

  • Si une somme devait être mise à la charge de l'Association A. pour licenciement abusif, celle-ci ne pourra être que symbolique.

  • Débouter Madame VE. du surplus de ses demandes, fins et conclusions.

  • Reconventionnellement,

  • Condamner Madame VE. au paiement de la somme de 5.000 ¿ à titre de procédure abusive tenant au fait qu'elle n'a pas initié la procédure d'accident du Travail prévue par la Loi n° 636 du 11 janvier 1958.

  • La condamner aux entiers dépens. ».

Elle fait essentiellement valoir que :

  • Madame a. VE. considère avoir été victime d'un « accident du travail » le 4 septembre 2012,

  • c'est ce qu'elle écrivait à l'Association A. dans son courrier du 18 janvier 2013,

  • le 13 février 2013, elle prenait note que Madame a. VE. affirmait avoir déclaré de son propre chef l'accident du travail dont elle prétendait avoir été victime,

  • la procédure sur les accidents du travail a un caractère d'ordre public, de sorte que la victime ne peut y renoncer pour une autre procédure,

  • si, contrairement à ce qu'elle prétendait le 18 janvier 2013, elle n'a pas effectué de déclaration ou, si la procédure accident du travail n'a pas abouti, elle est dorénavant irrecevable à agir, pour obtenir réparation des conséquences de son accident, puisque son action est prescrite,

subsidiairement :

  • il appartient à Madame a. VE. de rapporter la preuve du lien de causalité ayant pu exister entre un soi-disant comportement fautif de l'employeur et son état dépressif sévère l'ayant conduit à être déclarée inapte définitivement à tout poste dans l'entreprise,

  • s'agissant d'éléments substantiels du contrat de travail, elle n'a pu augmenter le temps de travail de Madame a. VE. qu'avec son accord exprès, ce qu'elle lui reproche maintenant plusieurs années après,

  • si Madame a. VE. estimait que la charge de travail allait être trop importante pour elle, elle aurait pu librement décliner l'offre de l'établissement scolaire et rester à temps partiel,

  • selon le règlement intérieur de l'École, les trois langues obligatoires sont le français, l'anglais et l'espagnol,

  • faire une comparaison entre les classes d'espagnol et les classes de russe, d'italien et d'allemand paraît inapproprié et peu probant dans le présent contentieux,

  • l'École veut conserver des classes à effectifs réduits, avec un maximum de seize élèves,

  • si à la rentrée scolaire, le nombre d'élèves par classe dépassent seize, l'École a besoin de temps pour chercher un autre professeur,

  • c'est ce qui s'est passé pour la classe 7 en espagnol où le nombre d'élèves inscrit était trop important à la rentrée, de sorte qu'elle s'est empressée de chercher un autre professeur d'espagnol pour soulager Madame a. VE.,

  • elle a ainsi embauché Monsieur a. OR. BO.,

  • malgré cette embauche, Madame a. VE. a renouvelé ses arrêts de travail, ce qui témoigne du fait que son état anxio-dépressif n'était pas dû, comme elle le prétend, au seul fait qu'elle était la seule professeur d'espagnol pour le collège et le lycée,

  • les fiches d'effectifs pour le collège classes 7, 8 et 9 versées aux débats par Madame a. VE. sont obsolètes et erronées et ne correspondent absolument pas à la réalité,

  • elle produit les fiches actualisées le démontrant,

  • par rapport aux quatorze autres professeurs de l'École, Madame a. VE. était le seul professeur à travailler 33 heures par semaine, ce qui lui avait été octroyé à titre privilégié,

  • Madame a. VE. n'avait pas un salaire qui différait de celui de ses collègues,

  • elle était payée pour 33 heures hebdomadaires, dont 21 heures de cours, la différence étant consacrée à la préparation des cours et participation aux réunions,

  • la situation de Madame a. VE. n'était pas moins avantageuse que celle des autres professeurs, bien au contraire, puisque l'Association A. a toujours respecté son souhait de ne pas travailler le vendredi.

SUR CE,

La loi n° 636 du 11 janvier 1958 tend à modifier et à codifier la législation sur la déclaration, la réparation et l'assurance des accidents du travail.

Constitue un accident du travail au sens de l'article 2 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 tout fait précis survenu soudainement au cours du travail occasionnant une lésion ou un traumatisme.

Cependant, il n'appartient pas à la présente juridiction de déterminer si un salarié a été victime d'un accident du travail.

À titre surabondant, le Tribunal relève que Madame a. VE. ne fait état d'aucun fait relevant de ladite définition et susceptible de recevoir la qualification d'accident du travail.

Bien plus, il ne peut être contesté que le juge des accidents du travail indemnise les conséquences de l'accident du travail subi par le salarié dans la capacité de ce dernier à retrouver un emploi lui procurant des gains équivalents à son ancien emploi.

La présente juridiction doit dès lors rechercher si l'inaptitude définitive à tout poste dans l'entreprise constatée par la Médecine du Travail a été directement causée par les agissements de l'employeur.

Il résulte du règlement intérieur de l'Association A. que l'espagnol est la troisième langue obligatoire après l'anglais et le français.

L'employeur reconnaît à ce titre que les classes d'espagnol sont plus remplies que les classes de russe, d'italien ou d'allemand.

Il reconnaît en outre que les cours de russe et d'allemand sont dispensés par deux professeurs dans chaque langue, mais n'apporte aucune justification à cette différence de traitement avec les cours d'espagnol.

Contrairement à ce qu'indique l'Association A. dans ses écritures, elle n'a en aucune manière pris en considération les contraintes liées à ces effectifs plus importants en espagnol puisque l'embauche de deux enseignants supplémentaires dans cette langue est intervenue à la suite de l'arrêt maladie de Madame a. VE. le 4 septembre 2012, alors que cette dernière assurait seule les cours pour l'ensemble des étudiants inscrits en espagnol.

Dès le mois de mars 2005, Madame a. VE., dans le cadre de son évaluation (pièce n° 43 : traduction libre partielle non contestée par la défenderesse), a sollicité l'embauche d'un enseignant en espagnol supplémentaire.

Dans le bilan réalisé par l'employeur, il est écrit :

« Recommandations :

Je suis d'accord avec le fait que compte tenu de l'augmentation du nombre de ses élèves, les cours d a. doivent être plus étalés dans la journée.

Objectifs futurs :

Le point sur lequel a. attiré notre attention, à savoir embaucher des enseignants pour les étudiants dont l'espagnol est la langue maternelle ainsi que pour les autres élèves est hautement pertinent a. sera un élément clé pour les nouveaux membres du staff. ».

Dans son évaluation du mois de mai 2008 (pièce n° 44, même observation que pour la pièce n° 43), Madame a. VE. indique :

« J'aimerais disposer de plus de temps pour me consacrer aux classes du secondaire, où les étudiants sont à un niveau qui leur permet d'utiliser leurs compétences en espagnol pour un travail qui demande plus d'exigence, par exemple pour la littérature, les débats et les discussions, matières que j'apprécie plus et qui sont très importantes pour leurs examens. Je pense aussi que nous devrions considérer le fait d'avoir un professeur supplémentaire capable d'aider le département de langue espagnole pour palier le nombre croissant des élèves. ».

En mai 2009, la salariée mettait en avant certains dysfonctionnements (pièce n° 45, mêmes observations que supra) :

« Les classes dans lesquelles le niveau des élèves est mélangé sont mieux gérées bien que le passage des élèves de la classe 8 à la classe 9 a posé des difficultés ce qui, à mon avis, empêche un bon apprentissage.

(...)

Je souhaiterais à nouveau insister sur le fait que notre école devrait commencer à songer à embaucher un nouveau professeur capable d'aider le département de langue espagnole pour palier le nombre croissant des élèves. Par exemple, nous aurions besoin d'un professeur supplémentaire pour m'aider avec les classes 8c et 9. Mrs LO. m'a été d'une grande aise, s'occupant de la classe 8c deux fois par semaine ; cependant, le fait qu'elle ne soit pas réellement un professeur et qu'elle ait été arrêtée en avril n'a pas eu les effets escomptés (sur la charge de travail) ».

Madame a. VE. produit par ailleurs les pièces suivantes :

un courriel qui lui a été adressé par Madame WR., Directrice secondaire, le 16 février 2012, ainsi libellé :

« Bonjour !

Vous n'allez pas m'aimer !

Tiffany et Alison go. ne sont pas « langue maternelle » en allemand, bien qu'ayant été inscrit pour ce cours avec l'espoir qu'elles progressent et apprennent l'allemand.

Tiffany a suivi des cours d'espagnol pendant trois ans, Alison moins, mais leurs parents veulent réellement qu'elles intègrent le cours d'espagnol.

Je ne peux qu'accepter, puisqu'elles ne peuvent suivre le cours d'allemand en langue maternelle.

J'ai conscience que la classe d'espagnol 9 déborde d'élèves. Nous ne pouvons rien y faire pour le moment.

(...)

Je suis désolée, j'espère que vous comprendrez. ».

la réponse de la salariée à ce mèl, le 20 février 2012 :

« Bonjour Lindsay,

C'est très étrange. Lindsay, vous indiquez qu'une des filles GO. va intégrer la classe 8 alors qu'elle est en classe 9 ? Quid des élèves déjà présents dans mon cours ? les 18 chaises que comptent la classe sont déjà occupés ! où va-t-elle s'asseoir ?

Je sais que je ne peux pas y faire grand-chose, si ce n'est de vous rappeler qu'il y a un règlement s'agissant des cours de langue. Pourquoi ont-elles suivi le cours d'allemand initialement ?

Si les parents ont choisi l'allemand en début d'année et si l'école a accepté, et qu'ils ne sont à présent pas satisfaits du cours d'allemand, je ne peux pas récupérer sur demande de leurs parents tous les élèves qui ne se plaisent pas dans ce cours.

Ces filles vont commencer l'espagnol en mars !!

Je sais que je ne peux pas décider mais je suis totalement contre cela.

Tous ces changements ne pèsent pas uniquement sur moi mais également sur les élèves, et créent une ambiance particulière. Je peux vous citer plusieurs exemples dans ce sens. Stéphanie PU., par exemple, qui semble être une bonne élève dans toutes les matières sauf l'espagnol, parce qu'elle est frustrée d'être laissée de côté, sans que je ne puisse rien y faire compte tenu de la surpopulation de la classe 9, et elle ne venait pas du cours d'allemand !

Pour cette classe 9, certains parents me demandent de pousser les élèves les plus forts tandis que d'autres me demandent d'aider ceux à la traîne, ce que j'essaie de faire en donnant par exemple des cours supplémentaires à deux élèves, m'assurant qu'ils me remettent leurs devoirs, devoir les corriger, prendre contact avec leurs parents s'ils ne les font pas, ce qui été le cas la semaine dernière (dès la première semaine de notre arrangement !!) vérifiez avec Keith sur ce point) etc. C'est ce que j'entends par «peser» sur moi et les élèves, en ayant déjà 18 élèves dans ma classe.

Il y a un seuil d'effort au-delà duquel tout professeur est impuissant

J'espère que votre décision sera la bonne

Merci. ».

un courriel qui lui a été adressé par Madame VE. le 3 mars 2012, ainsi libellé :

« Bonsoir, a. !

J'ai brièvement vu Lindsay après son message pour toi et moi (vendredi la veille des vacances j'ai été très malade et j'étais obligée de partir de l'école vers une heure) et c'est encore le cas où elle avait pris la décision pour placer les élèves en allemand en septembre dernier par elle-même, sans m'informer.

Si tu regardes les anciennes listes des groupes datées de fin d'août, tu pourras retrouver ces deux élèves en groupes d'espagnol. Elles avaient fait de l'espagnol dans leur ancienne école.

Je sais que la situation devient difficile avec le nombre d'élèves en espagnol en classe 9. On va essayer de voir ça dès lundi prochain. ».

Il en résulte que l'employeur était parfaitement conscient d'une surcharge des effectifs en classe d'espagnol mais n'a pris aucune mesure pour y pallier, laissant Madame a. VE. gérer les difficultés inhérentes à ce surcroît d'élèves en comparaison avec les autres langues enseignées dans l'établissement (emploi du temps, heures de cours, travail extérieur à la préparation des cours, soutien des élèves en difficulté).

La carence de l'employeur a entraîné une dégradation de l'état de santé de la salariée ainsi qu'il résulte d'un certificat médical du docteur JAUBERT, psychiatre, en date du 15 mars 2016, ainsi libellé :

« Je continue de recevoir régulièrement en consultation Madame VE. a., 51 ans, pour la prise en charge de troubles anxieux et dépressifs.

Je l'avais déjà rencontrée au début de l'année 2008 et elle était venue me voir pendant environ 6 mois à l'époque. Elle est revenue à la rentrée scolaire 2012, avec une symptomatologie anxieuse au premier plan, dans le contexte de difficultés rencontrées avec son employeur. Fin novembre, elle était touchée par le refus de son administration de trouver une solution amiable. Son état de santé, prêt à se dégrader à nouveau en cas de retour dans les conditions qui avaient présidé à son mal-être, a rendu nécessaire la décision de la déclarer inapte et a donc conduit mécaniquement à son licenciement ».

Le lien de causalité entre l'abstention fautive de l'employeur pour soulager Madame a. VE. dans les conditions reprises supra et la déclaration d'inaptitude de la médecine du travail est établi, ce qui doit entraîner l'indemnisation de ses préjudices matériel et moral.

À la date du licenciement, Madame a. VE. percevait un salaire mensuel de 2.856 euros.

Elle justifie avoir perçu l'allocation de solidarité spécifique à compter du 9 mars 2016, pour une durée de six mois au taux journalier de 16,25 euros.

Elle démontre encore être hébergée gracieusement par Monsieur LA..

La perte de revenu est dès lors incontestable.

Par ailleurs, le préjudice moral subi par Madame a. VE. est d'autant plus important que son travail n'a jamais fait l'objet de la moindre critique et que son souhait était de reprendre son poste.

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, Madame a. VE. se verra attribuer la somme de 35.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'ensemble de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

La défenderesse, qui succombe, doit supporter les dépens du présent jugement.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Condamne l'Association A. à payer à Madame a. VE. la somme de 35.000 euros (trente-cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts en réparation de l'ensemble de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Condamne l'Association A. aux dépens ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Jean-Pierre ESCANDE, Régis MEURILLION, membres employeurs, Messieurs Bernard ASSO, Marc RENAUD, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le vingt-deux février deux mille dix-huit, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Régis MEURILLION, Bernard ASSO et Marc RENAUD, Monsieur Jean-Pierre ESCANDE étant empêché, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint.

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