Tribunal du travail, 15 février 2018, Monsieur l. AM. c/ La SAM A.
Abstract🔗
Contrat de travail – Droit à commissions – Conditions d'attribution – Documents contractuels
Résumé🔗
Monsieur Livio RI. a bénéficié d'un contrat de travail alors que Monsieur Antonio PO. a été engagé en qualité d'Agent, chacun ayant des modalités de commissionnement différentes. La situation de Monsieur Antonio PO. est totalement différente, avec un statut d'agent indépendant, lui procurant un taux de commissionnement différent et des objectifs à atteindre, inexistants dans les contrats de travail de Messieurs l. AM. et Livio RI.. Monsieur Livio RI. se voyait ainsi commissionné pour toutes les ventes et approvisionnements par lui réalisés, mais sans attribution d'un secteur géographique. La rémunération du prestataire est constituée par des redevances, outre une prime de réussite en fonction de l'impact direct sur l'activité et du résultat global de la société A.. Cette rémunération ne peut en aucune manière être comparée à celle de Monsieur l. AM. et servir d'élément de comparaison dans la mesure où l'entreprise B. ne procède à aucune activité de vente et d'approvisionnement permettant un commissionnement. Ce faisant, l'employeur ne démontre aucunement que le commissionnement de l'ensemble des traders salariés était uniquement fondé sur les transactions personnellement réalisées ; seul un contrat de travail (Monsieur Livio RI.) étant produit. Il convient dans ces circonstances de se reporter au contrat de travail et l'avenant liant les parties. L'avenant fait partie intégrante du contrat de travail et doit dès lors s'interpréter eu égard à l'acte en son entier. Les parties conviennent que le contrat de travail conclu en 2007 ne commissionnait Monsieur l. AM. que sur les transactions par lui réalisées ; ce dernier ne formule en effet aucune demande antérieurement à l'avenant de 2009. Ce dernier attribue au salarié un « territoire » de prospection en ajoutant des taux de commission pour des produits non visés dans le contrat d'origine. Il apparaît ainsi que l'avenant n'a en rien modifié les conditions d'attribution des commissions dues à Monsieur l. AM., ce document ajoutant simplement un territoire dont le salarié aura la responsabilité et de nouveaux produits avec un taux de commissionnement correspondant. L'argumentation de Monsieur l. AM. tendant à apprécier l'avenant litigieux, seul, ne saurait dès lors être retenue. Dans ces circonstances, la demande par lui présentée à ce titre ne peut prospérer.
Motifs🔗
TRIBUNAL DU TRAVAIL
JUGEMENT DU 15 FÉVRIER 2018
En la cause de Monsieur l. AM., demeurant 26 X1 à MONACO ;
Demandeur, plaidant par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et ayant élu domicile en son étude ;
d'une part ;
Contre :
La société anonyme monégasque dénommée A., dont le siège social se situe X2 à MONACO ;
Défenderesse, ayant primitivement élu domicile en l'étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, puis en celle de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur près la même Cour, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu la requête introductive d'instance en date du 6 novembre 2013, reçue le 8 novembre 2013 ;
Vu la procédure enregistrée sous le numéro 200-2013/2014 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 31 mars 2014 ;
Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de Monsieur l. AM., en date des 8 mai 2014, 8 janvier 2015, 14 juillet 2016 et 2 mars 2017 ;
Vu les conclusions de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, au nom de la société anonyme monégasque A., en date des 12 novembre 2014, 7 mai 2015, 8 octobre 2015, 2 décembre 2016 et 1er juin 2017 ;
Vu les conclusions de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, au nom de la société anonyme monégasque A., en date du 23 novembre 2017 ;
Vu les pièces du dossier ;
* * * *
Monsieur l. AM. a été engagé par la société anonyme monégasque dénommée A. à compter du 4 avril 2007 en tant que « Junior Trader », avec une rémunération composée des éléments suivants :
une rémunération annuelle fixe d'un montant de 41.621.00 euros,
une indemnité annuelle de logement d'un montant de 13.917.84 euros,
des commissions fixées selon les taux fixés par produits achetés ou vendus,
un bonus annuel dont le versement était à la discrétion de l'employeur.
Le 17 décembre 2009, la société A. et Monsieur l. AM. ont régularisé un avenant à son contrat de travail modifiant sa rémunération dans les termes suivants :
une rémunération mensuelle brute de 9.500.00 euros,
des commissions pour tout achat ou vente en provenance ou à destination des territoires dont Monsieur l. AM. a la responsabilité commerciale, à savoir :
* la Chine,
* les pays du sud-est asiatique (Thaïlande, Indonésie, Vietnam, Malaisie),
* Italie,
* Égypte et Libye,
* C. I. S. (pays de l'ex bloc soviétique, et en particulier l'Ukraine).
Les taux de commissions retenus étaient les suivants :
0.20 euros par M. T. pour les matières premières et produits semi finis,
0.50 euros par M. T. pour les produits finis.
Au mois de septembre 2010, Monsieur l. AM. a été nommé « Chief Trading Officer ».
En 2012, les taux de commissions de Monsieur l. AM. ont été revus et fixés comme suit :
0.20 euros par M. T. pour les matières premières et produits semi finis,
0.75 euros par M. T. pour les produits finis.
Le 2 juillet 2013, Monsieur l. AM. a reçu une lettre de convocation à entretien préalable fixé le 4 juillet 2013.
Par courrier du 4 juillet 2013, la société A. a notifié à Monsieur l. AM. son licenciement sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, avec dispense d'exécution de son préavis.
Par requête en date du 6 novembre 2013 reçue le 8 novembre 2013, Monsieur l. AM. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :
60.898,58 euros à titre de rappel de commissions, outre celle de 6.089,86 euros au titre des congés payés afférents,
intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2013, date de la mise en demeure,
10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'employeur qui n'a pas remis spontanément les documents de fin de contrat à l'issue du préavis, outre la délivrance de bulletins de salaire et attestation Pôle Emploi rectifiés.
Aucune conciliation n'étant intervenue, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.
Le 16 juin 2016, le Tribunal a ordonné la réouverture des débats afin que :
la SAM A. verse aux débats tous éléments de preuve permettant de justifier que l'usage au sein de la profession ou de l'entreprise est que le trader ne perçoive une commission qu'à la condition d'être à l'origine de l'achat et/ou de la vente du produit, les contrats de travail ou avenants relatifs au commissionnement de ses traders, lesquels étaient en cours au cours de la période d'activité de Monsieur l. AM. et notamment ceux de Monsieur Livio RI., de Monsieur Antonio PO. ainsi que des deux traders recrutés au cours de l'année 2012 pour couvrir le territoire de la Chine, de l'Asie et de l`Europe,
Monsieur l. AM. fournisse une analyse détaillée des tableaux qu'il a produits aux débats - afin que la présente juridiction puisse vérifier le calcul des diverses commissions sollicitées - en précisant les conditions d'établissement desdits tableaux.
Monsieur l. AM. a, à la suite de cette réouverture des débats, déposé des conclusions les 14 juillet 2016 et 2 mars 2017 dans lesquelles il fait essentiellement valoir que :
l'avenant au contrat de travail en date du 17 décembre 2009, à effet au 1er janvier 2010, est non équivoque,
il ressort clairement des termes de cet avenant que les parties ont convenu que les commissions seront calculées à partir du 1er janvier 2010 sur le critère de territorialité géographique, indépendamment du fait de savoir si ces achats ou ventes ont directement été réalisés par Monsieur l. AM.,
l'échange de mail entre Monsieur Victor CA. et Monsieur AR. démontre bien que la société A. commissionne ses traders alors même qu'ils ne seraient pas à l'origine de la transaction,
eu égard à la parfaite clarté des termes de l'avenant au contrat de travail, la démonstration de l'existence d'un usage contraire aux stipulations dudit avenant ne saurait modifier la solution du litige,
la société A. se contente de produire des éléments totalement inopérants et insuffisants à caractériser l'existence d'un quelconque usage,
un courriel ne saurait en aucun cas constituer la preuve d'un usage,
après plus de trois années de procédure, la SAM A. n'est en mesure de produire qu'un seul contrat de travail alors qu'il est constant que Monsieur Livio RI. n'est pas et n'a pas été l'unique trader salarié de la société,
ce seul contrat ne peut suffire à caractériser l'existence d'une pratique constante, fixe et générale,
l'existence d'un usage avec un salarié ne saurait se déduire des stipulations d'un contrat avec un agent indépendant ou une société,
le courrier de Monsieur Victor CA. du 28 novembre 2016 est une attestation au sens de l'article 323 du Code de procédure civile. Il ne respecte pas les conditions posées par l'article 324 du même code et devra être déclaré nul,
de surcroît, compte-tenu des fonctions qu'il a exercées au sein de la SAM A., le conflit d'intérêt est évident et aucun crédit ne saurait être accordé à cette correspondance,
le tableau récapitulatif qu'il produit a été élaboré sur la base des tableaux « Activity» tenus par la société A., concernant des achats et des ventes de matières premières réalisés sur les territoires qui lui sont attribués et pour lesquels il n'a perçu aucune commission,
la société A. ne produit aucune pièce aux débats démontrant l'inexactitude des données portées à ces tableaux, pas plus qu'elle ne produit aux débats les tableaux de commissionnement qu'elle estimerait pertinents.
La société A. a déposé des conclusions après réouverture des débats les 2 décembre 2016 et 1er juin 2017 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et sollicite reconventionnellement la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Elle soutient essentiellement que :
si l'avenant prévoit bien la délimitation territoriale de la responsabilité commerciale du salarié, en aucun cas il n'est stipulé qu'il toucherait une commission supplémentaire pour des achats ou ventes dont il ne serait pas à l'origine, dans la zone commerciale dont il avait la responsabilité,
les différents bulletins de salaire versés au débat révèlent parfaitement l'existence et le paiement de commissions à Monsieur l. AM. pour des opérations qu'il a réalisées, mais en aucun cas la perception de commissions pour des opérations dont il n'était pas à l'origine,
la règle régissant l'attribution des commissions a clairement été rappelée par Monsieur Victor CA., «Chief Executive Officer» de la société dans un courriel adressé à Monsieur l. AM., en date du 4 mai 2011,
cette règle, d'application générale au sein de la société, prévoit qu'un trader ne perçoit une commission qu'à la condition d'être à l'origine de l'achat et/ou de la vente du produit,
les contrats produits démontrent que, quel que soit le partenaire contractuel de la société, le trader ne perçoit une commission qu'en fonction de l'activité qu'il a personnellement générée,
les dispositions du contrat de travail de Monsieur l. AM., du 25 mars 2007, et de l'Avenant du 17 décembre 2009, sont très claires et n'ont pas lieu d'être dénaturées,
les tableaux dénommés «tableaux Activity», produits par Monsieur l. AM., sont fermement contestés. Ils ne portent aucune mention de la société A., ni aucun tampon officiel, et ne sont pas signés par un représentant de ladite société,
c'est sur Monsieur l. AM. que pèse la charge de la preuve de son prétendu droit à commission en application de l'article 1162 du Code civil.
À l'audience, le conseil du défendeur a sollicité le renvoi de l'affaire au motif qu'il a eu connaissance du dossier que très tardivement et quelques jours avant la date des plaidoiries.
Le conseil de Monsieur l. AM. s'est opposé à tout renvoi et a demandé le rejet de toutes les pièces et conclusions qui pourraient être déposées par le nouvel avocat de l'employeur.
Par ailleurs, le Tribunal a indiqué que la demande de 10.000 euros de dommages et intérêts présentée par Monsieur l. AM. était motivée différemment dans ses dernières écritures par rapport à celle développée devant le bureau de conciliation.
Il était ainsi sollicité des parties de présenter leurs observations sur la recevabilité de celle-ci.
Monsieur l. AM. considère à ce titre qu'il ne s'agit pas d'une nouvelle demande dans la mesure où il ne sollicite qu'une seule fois la somme de 10.000 euros en développant seulement son argumentation.
SUR CE,
Dans sa requête introductive d'instance, Monsieur l. AM. argumentait sa demande de dommages et intérêts sur le préjudice subi lié à l'attitude de l'employeur en ce qu'elle a retardé son inscription auprès de la main d'œuvre et des services de Pôle Emploi, retardant d'autant son indemnisation, et pouvant avoir une incidence sur le calcul de ses droits.
Dans ses dernières écritures, le demandeur invoque d'autres préjudices, ce qui ne change pas la nature indemnitaire de la somme réclamée.
Sur la demande de renvoi présentée par la société A.
Par courrier en date du 10 novembre 2017, Maître GARDETTO a informé le Tribunal que la société A. lui avait demandé de prendre la succession de Maître LAVAGNA et qu'il sollicitait de ce fait un renvoi afin de pouvoir conclure utilement dans l'intérêt de sa cliente.
Le Tribunal relève que Monsieur l. AM. a saisi la présente juridiction par requête datée du 6 novembre 2013.
Aucune conciliation n'étant intervenue, l'affaire a été renvoyée à l'audience de mise en état du 8 mai 2014, date à laquelle Maître LAVAGNA, intervenue dans l'intérêt de la société A., a obtenu un délai jusqu'au 6 novembre 2014 pour déposer ses écritures (après trois renvois).
Par la suite, des délais ont été accordés aux parties pour déposer leurs conclusions.
Suite à la réouverture des débats ordonnée, la société A. a obtenu un délai de près de cinq mois pour répondre à l'injonction du Tribunal.
Elle a sollicité et obtenu un nouveau délai pour répliquer aux conclusions du demandeur le 6 avril 2017, puis le 4 mai et 1er juin 2017 date à laquelle elle a enfin déposé ses écritures.
Ce faisant, le dossier a fait l'objet d'une fixation à plaider le 23 novembre 2017.
Sur ce, la société A. s'aperçoit treize jours avant l'audience de plaidoirie qu'elle doit choisir un nouvel avocat, ce dernier sollicitant un renvoi pour conclure et déposer de nouvelles pièces.
Cette demande ne saurait être accueillie.
En effet, il a été détaillé supra les nombreux renvois pour permettre à la société A. de déposer ses écritures ; celle-ci ayant d'ailleurs conclu en dernier.
Elle a ainsi pu faire valoir ses moyens de défense dans des délais plus que raisonnables, sans aucune opposition de Monsieur l. AM..
La demande de renvoi présentée par la défenderesse est dès lors particulièrement dilatoire et doit être rejetée.
Il conviendra dans ces circonstances d'écarter des débats les conclusions déposées par la société A. le 23 novembre 2017, ainsi que les pièces numérotées 5 bis, 7, 8, 9 et 10.
Sur la nullité de la pièce n° 5 produite par la société A.
Au terme de l'article 324 du Code de procédure civile, les attestations doivent, à peine de nullité, être écrites, datées et signées de la main de leur auteur, mentionner leur nom, prénom, date et lieu de naissance, demeure et profession, ainsi que l'existence ou l'absence de liens de parenté, alliance, subordination et d'intérêt avec les parties, préciser si l'auteur a un intérêt au litige, indiquer que l'auteur a établi cette attestation pour être produite en justice et qu'une fausse attestation l'expose aux sanctions de l'article 103 du Code pénal, et être accompagnée d'une copie d'un document officiel comportant sa signature.
La pièce n° 5 est constituée d'un document dactylographié, en langue anglaise, signé de Monsieur Victor CA..
Le Tribunal relève dans un premier temps que la traduction est libre et n'émane pas d'un traducteur assermenté.
Ensuite, aux termes des dispositions de l'article 323 du Code de procédure civile :
« Lorsque la preuve testimoniale est admissible, le tribunal peut recevoir des tiers les déclarations de nature à l'éclairer sur les faits litigieux auxquels ils ont assisté ou qu'ils ont personnellement constatés.
Les déclarations sont faites par attestation ou recueillies par voie d'enquête. ».
Les faits auxquels fait référence Monsieur Victor CA. dans ce document sont destinés, sans contestation, à éclairer la solution du litige, de sorte qu'il s'agit d'une attestation devant répondre aux prescriptions de l'article 324 susvisé.
La violation de ces dernières dispositions doit entraîner la nullité de l'attestation litigieuse.
Sur le droit à commissions de Monsieur l. AM.
Dans le cadre de la réouverture des débats, le Tribunal a demandé à :
- « La SAM A. verse aux débats tous éléments de preuve permettant de justifier que l'usage au sein de la profession ou de l'entreprise est que le trader ne perçoive une commission qu'à la condition d'être à l'origine de l'achat et/ou de la vente du produit, les contrats de travail ou avenants relatifs au commissionnement de ses traders, lesquels étaient en cours au cours de la période d'activité de l. AM. et notamment ceux de Livio RI., d'Antonio PO. ainsi que des deux traders recrutés au cours de l'année 2012 pour couvrir le territoire de la Chine, de l'Asie et de 1`Europe,
- l. AM. fournisse une analyse détaillée des tableaux qu'il a produits aux débats - afin que la présente juridiction puisse vérifier le calcul des diverses commissions sollicitées - en précisant les conditions d'établissement desdits tableaux ».
La société A. produit ainsi les contrats de travail de Messieurs Livio RI. et Antonio PO..
Monsieur Livio RI. a bénéficié d'un contrat de travail alors que Monsieur Antonio PO. a été engagé en qualité d'Agent, chacun ayant des modalités de commissionnement différentes.
Le contrat de travail de Monsieur Livio RI. prévoit en son paragraphe 2 « salaire, indemnités de congés et durée du travail :
2.1 L'employé percevra un salaire mensuel brut fixe de 8 500 € payable au terme de chaque mois calendaire.
2.2 En sus du salaire de base, en contrepartie de l'ensemble des activités de vente et d'approvisionnement effectués par l'employé, ce dernier aura droit à 5,50 €/MT de produits sidérurgiques finis (HR, CR, HRP, DEBARS, PPGI, HDG) et à 0,20 €/MT par produits semi-finis (billettes, brames) et matières premières (HBI, DRI, Minerai de fer, charbon, grains). Cette commission sera versée une fois la vente achevée. ».
La situation de Monsieur Antonio PO. est totalement différente, avec un statut d'agent indépendant, lui procurant un taux de commissionnement différent et des objectifs à atteindre, inexistants dans les contrats de travail de Messieurs l. AM. et Livio RI..
Monsieur Livio RI. se voyait ainsi commissionné pour toutes les ventes et approvisionnements par lui réalisés, mais sans attribution d'un secteur géographique.
L'employeur produit également un contrat de service en date du 24 avril 2012, avec un avenant en date du 26 avril 2012, concernant une prestation de la société suisse SA B. consistant à apporter son aide et son expertise à la société A. « afin d'étendre ses activités et permettre une répartition optimale des ressources au sein de son exploitation pour l'avenir. ».
La rémunération du prestataire est constituée par des redevances, outre une prime de réussite en fonction de l'impact direct sur l'activité et du résultat global de la société A.
Cette rémunération ne peut en aucune manière être comparée à celle de Monsieur l. AM. et servir d'élément de comparaison dans la mesure où l'entreprise B. ne procède à aucune activités de vente et d'approvisionnement permettant un commissionnement.
Ce faisant, l'employeur ne démontre aucunement que le commissionnement de l'ensemble des traders salariés était uniquement fondé sur les transactions personnellement réalisées ; seul un contrat de travail (Monsieur Livio RI.) étant produit.
Il convient dans ces circonstances de se reporter au contrat de travail et l'avenant liant les parties.
Monsieur l. AM. a été embauché dans les conditions suivantes :
« Salaire : salaire brut annuel 41.621,52 € + allocation logement annuelle 13.917,84 €.
À cela, s'ajouteront les taux fixes suivants par produits acheté ou vendu :
Matériaux galvanisés 0.30 €/MT,
Bobines HR, bobines CR, ronds en béton câbles, angles, profilés et plaques 0.20 €/MT,
Billettes, dalles, fonte brute, briquettes pré réduites et matières premières 0.10 €/MT,
Ces sommes seront payées après liquidation totale de la transaction. ».
Le 7 décembre 2009, un avenant a été signé entre les parties, en ces termes :
« Il a été convenu de commun accord entre les deux parties qu'à partir du 1er janvier 2010, la rémunération fixe brute de Monsieur l. AM. sera de 9.500 EUR par mois.
II a été convenu en outre que les territoires dont il a la responsabilité commerciale et pour lesquels il percevra une commission pour tout achat ou vente en provenance ou à destination de ces territoires sont :
- Chine,
- Pays du Sud-Est Asiatique (Thaïlande, Indonésie. Vietnam, Malaisie, Indonésie),
- Italie,
- Egypte et Libye,
- CIS.
La société A. reconnaitra les nouveaux taux de commission suivant à partir du 1er janvier 2010
- 0.20 eur/MT pour les matières premières et produits semi-finis
- 0.50 eur/MT pour les produits finis. ».
En application des dispositions de l'article 989 du Code civil, les conventions doivent être exécutées de bonne foi.
L'article 1011 du même code prévoit :
« On doit rechercher dans les conventions quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes. ».
L'article 1016 ajoute :
« Toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier. ».
L'avenant fait partie intégrante du contrat de travail et doit dès lors s'interpréter eu égard à l'acte en son entier.
Les parties conviennent que le contrat de travail conclu en 2007 ne commissionnait Monsieur l. AM. que sur les transactions par lui réalisées ; ce dernier ne formule en effet aucune demande antérieurement à l'avenant de 2009.
Ce dernier attribue au salarié un « territoire » de prospection en ajoutant des taux de commission pour des produits non visés dans le contrat d'origine.
Il apparaît ainsi que l'avenant n'a en rien modifié les conditions d'attribution des commissions dues à Monsieur l. AM., ce document ajoutant simplement un territoire dont le salarié aura la responsabilité et de nouveaux produits avec un taux de commissionnement correspondant.
L'argumentation de Monsieur l. AM. tendant à apprécier l'avenant litigieux, seul, ne saurait dès lors être retenue.
Dans ces circonstances, la demande par lui présentée à ce titre ne peut prospérer.
Sur la demande reconventionnelle de la société A.
L'action en justice représente l'exercice d'un droit qui ne peut dégénérer en abus de droit, sauf la démonstration, non rapportée au cas d'espèce, d'une intention de nuire ou d'une erreur équipollente au dol.
La défenderesse sera dès lors déboutée de ce chef de demande.
Succombant dans ses prétentions, Monsieur l. AM. sera condamné aux dépens.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Écarte des débats les conclusions déposées par la société anonyme monégasque A. le 23 novembre 2017, ainsi que les pièces numérotées 5bis, 7, 8, 9 et 10 ;
Prononce la nullité de l'attestation produite par la société anonyme monégasque A. en pièce n° 5 ;
Déboute Monsieur l. AM. de toutes ses demandes ;
Déboute la société anonyme monégasque A. de sa demande reconventionnelle ;
Condamne Monsieur l. AM. aux dépens ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Alain GALLO, Daniel BERTI, membres employeurs, Madame Fatiha ARROUB, Monsieur Philippe LEMONNIER, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le quinze février deux mille dix-huit, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Alain GALLO, Philippe LEMONNIER et Madame Fatiha ARROUB, Monsieur Daniel BERTI étant empêché, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint.