Tribunal du travail, 18 janvier 2018, Monsieur g. PO. c/ La Société A.

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Abstract🔗

Contrat de travail - Sanction disciplinaire - Annulation (oui)  - Dommages et intérêts = 2 000 euros

Résumé🔗

Conformément aux dispositions des articles 1er et 54 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, le Tribunal du travail dispose du droit de contrôler les sanctions disciplinaires prononcées par l'employeur à l'encontre d'un salarié. La sanction doit être justifiée et proportionnée à la faute commise, sous peine d'être annulée. Si l'employeur tient de son pouvoir de direction dans l'entreprise le droit de sanctionner un salarié pour un comportement fautif, il appartient au Tribunal du travail, saisi d'une contestation d'une sanction disciplinaire, d'en contrôler le bien fondé et de l'annuler si elle apparaît irrégulière en la forme, injustifiée, disproportionnée par rapport à la faute commise voire même discriminatoire. Il lui incombe, en cas de contestation, d'établir tant la régularité formelle de la mesure prise que son caractère justifié et proportionné au regard du manquement commis. Le comportement fautif du salarié doit se manifester par un acte positif ou une abstention de nature volontaire, fait avéré qui lui est imputable et constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail. La lettre de notification doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables. Elle doit indiquer la consistance des faits et ne pas se contenter de viser leur qualification. En l'absence de motivation suffisante, les sanctions sont injustifiées et annulables de plein droit. Le Tribunal doit apprécier la validité de la sanction prononcée en tenant compte des pièces qui ont seulement été portées à la connaissance de la commission de discipline et du salarié, à savoir celles contenues dans le dossier de ce dernier. Au regard de ces pièces, et ainsi que Monsieur PO. a pu le relever, l'employeur ne démontre en aucune manière les détournements frauduleux, socle de la sanction prononcée à l'encontre de celui-là. Il apparaît encore que la commission de discipline a statué en tenant compte des précisions apportées par le représentant de l'employeur, en l'absence de toute pièce justificative, de sorte que la sanction infligée à Monsieur PO. doit être annulée. Le préjudice subi par le salarié à ce titre sera correctement indemnisé par l'allocation d'une somme de 2 000 euros.


Motifs🔗

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 18 JANVIER 2018

  • En la cause de Monsieur g. PO., demeurant X1 à MENTON (06500) ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la même Cour, désignée en qualité d'administrateur ad hoc ;

d'une part ;

Contre :

  • La société anonyme monégasque dénommée A., dont le siège social se situe X2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Nicolas POTTIER, avocat au barreau de Paris ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 23 mars 2016, reçue le 25 mars 2016 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 26 avril 2016 ;

Vu les conclusions de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de Monsieur g. PO., en date des 14 juillet 2016 et 1er décembre 2016 ;

Vu les conclusions de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, au nom de la société anonyme monégasque dénommée A., en date des 6 octobre 2016 et 2 mars 2017 ;

Après avoir entendu Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour Monsieur g. PO. et Maître Nicolas POTTIER, avocat au barreau de Paris, pour la société anonyme monégasque dénommée A., en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

Monsieur g. PO. est entré au service de la société anonyme monégasque dénommée A. (ci-après A.) le 1er juin 1981 en qualité de Barman.

Le 1er juillet 2015, il a été nommé «responsable point de vente» au service «Brigade Restauration de la société A. ».

Par courrier du 15 février 2016, il a été convoqué devant la Commission de discipline devant se tenir le 26 février 2016 à 10 heures 30, date à laquelle il lui est infligé une mise à pied pour une durée d'une semaine.

Par l'intermédiaire de son Conseil, Monsieur g. PO. a interjeté immédiatement appel de cette décision par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 mars 2016.

La sanction de mise à pied a été notifiée au salarié par lettre recommandée en date du 2 mars 2016, réceptionnée par Monsieur g. PO. le 8 mars 2016.

Par un second courrier d'avocat, Monsieur g. PO. a renouvelé son appel le 9 mars 2015.

Par courrier du 10 mars 2015, la société A. a répondu qu'elle maintenait sa décision, prise conformément à l'avis unanime de la commission de discipline, en l'absence d'élément nouveau invoqué par le salarié.

Par requête en date du 23 mars 2016, reçue au greffe le 25 mars 2016, Monsieur g. PO. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

  • 1/ annuler la sanction disciplinaire reçue à l'issue de la Commission de discipline du 26 février 2016 (sept jours de mise à pied),

  • 2/ condamner la SAM A. à lui payer la somme de 20.000 euros pour le préjudice subi du fait de cette procédure disciplinaire abusive.

Aucune conciliation n'étant intervenue, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Monsieur g. PO. a déposé des conclusions les 14 juillet et 1er décembre 2016 dans lesquelles il fait essentiellement valoir que :

  • la société A. fait une présentation biaisée de ses fonctions,

  • les premiers barmen ne sont responsables que de leur bar où ils évoluent avec leurs subordonnés qui se trouvent dans la même tranche horaire de travail. Ils ne sont pas responsables de tous les barmen de la brigade.

sur la nullité de la sanction disciplinaire :

  • la sanction a été prise sur le fondement d'éléments extérieurs à son dossier de poursuite (et sur lesquels il n'a donc pas pu s'expliquer) et d'un élément du dossier non pertinent,

  • il lui est reproché « de ne pas avoir mis en place les procédures adéquates afin que de tels faits ne se produisent pas, ou tout au moins de faire remonter les dysfonctionnements flagrants existant au sein de la Brigade »,

  • les « dysfonctionnements » évoqués, à savoir les prétendues sommes détournées, ne résultent nullement de son dossier disciplinaire,

  • son dossier disciplinaire est vide,

  • le rapport du 10 mars 2015 ne peut être utilisé contre lui eu égard à sa fonction de délégué du personnel au titre de laquelle il a été entendu,

  • les enregistrements invoqués par la société A. n'ont jamais été versés aux débats et ne figurent pas non plus dans le dossier disciplinaire,

  • l'employeur indique que les procédures d'encaissement n'étaient pas respectées par les barmen et se réfère à sa pièce n° 1 intitulée « Procédure encaissements Bars de la société A. », laquelle ne figure pas au dossier disciplinaire,

  • il n'y a dans le dossier disciplinaire aucune preuve des vols dont la société A. se plaint.

  • il n'avait aucun moyen pour effectuer les contrôles que la société A. lui reproche de ne pas avoir effectués. Sa seule possibilité pratique est d'informer sa hiérarchie s'il repère une anomalie par sa seule présence ou s'il y a une plainte d'un client.

sur la nullité de la procédure disciplinaire :

  • depuis le début de la procédure, les droits de la défense n'ont pas été respectés,

  • il est averti qu'une procédure disciplinaire est déclenchée contre lui, mais à aucun moment il ne sait pour quel motif,

  • la convention collective ne prévoit pas que le salarié peut être assisté d'un avocat, mais par trois représentants du personnel,

  • en réalité, ces trois représentants du personnel vont siéger comme « juges » au sein de la Commission de discipline,

  • les dispositions de la convention collective ne garantissent pas le respect des droits de la défense et sont totalement contraires à l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l'homme,

  • de plus, son appel n'a reçu aucune suite.

La société A. a déposé des conclusions les 6 octobre 2016 et 2 mars 2017 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et sollicite reconventionnellement la somme de 1 euro de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Elle expose que :

  • les salariés affectés au bar de la société A. (serveurs, barmen, etc.) sont organisés en brigade. Cette brigade est, aujourd'hui encore, encadrée par Monsieur g. PO., en qualité de « Responsable point de vente»,

  • fin 2015, elle a suspecté l'existence de détournements, par les salariés du bar de la société A., d'une partie des paiements effectués en espèces par les clients,

  • la consultation des enregistrements de vidéo-surveillance de la police des jeux a confirmé les soupçons de l'entreprise,

  • les procédures d'encaissement n'étaient donc pas respectées par les équipes de Monsieur g. PO.,

  • après avoir recueilli les explications des salariés, les membres de la commission de discipline se sont prononcés à l'unanimité en faveur du licenciement des fautifs,

  • Monsieur g. PO., Responsable direct des salariés de la brigade, a manifestement manqué à ses missions de contrôle des salariés qu'il encadrait et n'a jamais mis en place la moindre procédure de nature à prévenir les détournements opérés,

  • en qualité de cadre, il appartenait à Monsieur g. PO. d'assurer l'encadrement de ses équipes. Or, cet encadrement suppose à tout le moins l'exercice d'un contrôle efficace,

  • Monsieur g. PO. n'a pas fait preuve d'une vigilance suffisante dans le contrôle qu'il devait exercer auprès de ses équipes, « par sa présence » notamment,

  • la négligence de Monsieur g. PO. est d'autant plus coupable qu'il avait eu connaissance des détournements perpétrés par les barmen dans le cadre de ses précédentes fonctions de Premier Barman et en qualité de Délégué du personnel,

  • la procédure disciplinaire prévue par la convention collective a été parfaitement respectée par la Direction,

  • le 2 mars 2016, Monsieur g. PO., par l'intermédiaire de son avocat, a prétendu « faire appel » de la sanction qui n'avait pourtant pas encore été notifiée. II n'a donc été donné aucune suite à cet « appel »,

  • par un second courrier d'avocat, Monsieur g. PO. a renouvelé son « appel » le 9 mars 2015, sans toutefois faire valoir le moindre élément nouveau, d'où le maintien de la décision prise par la commission de discipline,

  • iI n'y a donc eu aucun manquement à la procédure disciplinaire instituée par la convention collective.

  • le fait que la réponse de la société A. ait été signée par la Secrétaire générale de la société, Madame Agnès P., et non par son «Directeur général» est sans incidence,

  • s'il n'est effectivement pas possible au salarié d'être accompagné par un avocat devant la commission de discipline, il peut en revanche être «assisté d'un représentant du personnel» en plus des représentants du personnel composant déjà la commission paritaire de discipline,

  • c'est là une garantie substantielle du respect des droits de la défense,

  • la commission de discipline n'est pas une «juridiction»,

  • la loi ne prévoit pas, en Principauté, la tenue obligatoire d'un entretien préalable avant le prononcé d'une sanction disciplinaire, ni même d'un licenciement,

  • la procédure est parfaitement conforme au respect des droits de la défense,

  • les manquements reprochés au salarié, qui sont des abstentions, ne pouvaient, par nature, se matérialiser dans le dossier disciplinaire de Monsieur g. PO.,

  • le dossier disciplinaire n'a évidemment pas vocation à réunir tous les documents contractuels, procédures et notes internes en vigueur dans l'entreprise.

SUR CE,

  • Sur la nullité de la procédure disciplinaire :

Les salariés de la société A. sont soumis à la convention collective générale des salariés société A. hors-jeux de table ne relevant pas de la convention collective de l'hôtellerie.

L'article 2.28.3 vise les sanctions disciplinaires de deuxième niveau et notamment la mise à pied.

La procédure disciplinaire est la suivante :

« Le salarié concerné est informé par lettre recommandée avec accusé de réception de sa prochaine comparution devant la Commission de discipline. Il doit alors avoir accès au dossier le concernant, dans les 48 heures de la réception de ladite lettre.

La Direction des Ressources Humaines instruit l'ensemble des pièces du dossier, qu'elle présente au salarié concerné.

Après prise de connaissance de son dossier, le salarié dispose, d'un délai de 48 heures pour désigner parmi les délégués du personnel ou les membres des bureaux syndicaux au sens strict n'appartenant pas aux jeux de table, 3 représentants du personnel qu'il souhaite voir assurer sa défense.

À défaut de choix de sa part dans le délai imparti, les délégués du personnel acceptants de son collège, et choisis dans l'ordre de leur ancienneté, ou, si leur nombre est insuffisant, ceux de collèges proches, sont invités d'office pour l'assister.

Une Commission paritaire, composée de 3 représentants de l'employeur et des 3 représentants ainsi désignés du salarié concerné, est convoquée dans un délai minimum de 8 jours calendaires.

Au cours de ce délai les représentants du personnel sont invités à prendre connaissance du dossier de l'intéressé, en ou hors sa présence. De même que l'intéressé, ils pourront demander par écrit la production de pièces complémentaires comme tout témoignage.

Un représentant de la Direction des Ressources Humaines soumet le dossier à la Commission, à laquelle il assiste sans voix délibérative, il peut cependant présenter toutes observations utiles à la bonne compréhension des éléments figurant au dossier.

Il assure, au besoin assisté par un membre de la Direction des Ressources Humaines, le procès-verbal de la réunion.

Lors de la tenue de la Commission paritaire, l'intéressé sera nécessairement entendu et pourra comparaître assisté d'un Représentant du Personnel s'exprimant éventuellement en son nom qui jouera un rôle symétrique de celui assuré par le représentant de la Direction présentant le dossier, c'est-à-dire qu'il n'a pas de voix délibérative et ne peut être présent que quand le salarié est lui-même présent.

Il peut, s'il le souhaite, présenter sa défense par mémoire écrit. Dans ce cas, ledit mémoire sera annexé au procès-verbal de la réunion.

Si l'intéressé ne peut être entendu pour des raisons tenant à son seul fait, l'avis rendu par la Commission sera néanmoins rendu par défaut.

Les membres de la Commission, doivent, après échanges, se prononcer tant sur la réalité des faits présentés que sur la nature de la décision à proposer en fonction du cas de l'espèce et de la gravité de la situation.

L'avis rendu par la Commission est rendu à la majorité de ses membres et transmis à la Direction Générale, avec le procès-verbal de la réunion, pour décision. En cas d'avis émis à l'unanimité des membres de la Commission, la Direction Générale ne peut prononcer une sanction plus grave que celle dudit avis.

En cas de partage des voix, la décision sera renvoyée à la Direction Générale qui statuera après avoir pris connaissance du dossier et des délibérations de la commission, sans être tenue par celles-ci.

Tout salarié concerné pourra faire appel de sa sanction par courrier recommandé avec accusé de réception. Dans les 48 heures suivant sa notification (1ère présentation du courrier RAR ou date de remise en main propres). L'appel sera soumis à la Direction Générale accompagné des pièces justifiant de son appel.

La direction Générale communiquera sa décision dans les mêmes formes. ».

Il est ainsi prévu que « La Direction des Ressources Humaines instruit l'ensemble des pièces du dossier, qu'elle présente au salarié concerné. ».

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 5 février 2016, l'employeur invitait le salarié à, notamment, prendre connaissance de son dossier, lequel était constitué des pièces suivantes :

  • extrait de carrière,

  • rapport du 10 mars 2015,

  • code de déontologie des cadres.

Monsieur g. PO. soutient que la société A. produit devant la présente juridiction six pièces qui auraient dû se trouver dans son dossier disciplinaire, de sorte qu'il n'a pu faire valoir ses observations.

Les pièces produites par la société A. à l'appui de ses prétentions sont les suivantes :

  • pièce n° 1 : procédure encaissements bars de la société A. : Monsieur g. PO. ne peut ignorer la procédure applicable en ce domaine, tenant son expérience en qualité de barman, puis sa promotion en qualité de responsable point de vente, alors surtout que cette procédure d'encaissement a été abordée devant la commission de discipline,

  • pièce n° 2 : constituée des lettres de licenciement des barmen concernés par les détournements. Il s'agit de documents n'ayant pas à figurer dans le dossier disciplinaire de Monsieur g. PO. bien qu'en lien avec la sanction qui lui a été infligée. En effet, il a été expliqué à ce dernier les raisons pour lesquelles il avait été convoqué devant la commission de discipline et notamment eu égard aux agissements des salariés concernés par lesdits licenciements,

  • pièce n° 3 : constituée du procès-verbal de la commission de discipline du 26 février 2016 et qui ne pouvait, de ce fait, se trouver dans le dossier de Monsieur g. PO.,

  • pièce n° 4 : nomenclature du conseil d'administration et de la direction générale de la société A. qui ne concerne aucunement le conseil de discipline pour l'appréciation des fautes reprochées et de la sanction éventuelle,

  • pièce n° 5 : constituée par un arrêt de la Cour de cassation française du 30 mars 2011. Le Tribunal oppose la même remarque que supra,

  • pièce n° 6 : constituée par un document détaillant les fonctions du responsable point de vente. Monsieur g. PO. découvre cette fiche ainsi qu'il l'indique dans ces écritures (page 10), l'employeur ne justifiant pas que les salariés concernés en ont eu connaissance,

  • en toute hypothèse, il n'est pas plus démontré par Monsieur g. PO. que la commission de discipline a disposé de ce document pour prendre sa décision ;

  • pièce n° 7 : constituée par un courrier de l'employeur à Monsieur GI. en date du 24 mars 2015, dans laquelle il est notifié à ce salarié une mise à pied à titre conservatoire pour des faits liés à la procédure d'encaissement, Monsieur GI. étant assisté de Monsieur g. PO.,

  • bien que ne figurant pas dans le dossier disciplinaire de ce dernier, le cas de Monsieur GI. a été abordé puisqu'il en est fait état dans le rapport du 10 mars 2015 qui, lui, se trouve dans ledit dossier ;

  • pièce n° 8 : constituée par les bulletins de salaire de Monsieur g. PO., lesquels n'ont pas vocation à rejoindre son dossier disciplinaire.

Il résulte de ces éléments que Monsieur g. PO. ne démontre pas que la commission a statué au vu des pièces communiquées par l'employeur, qui ne lui auraient pas été préalablement adressées ou qui n'auraient pas été intégrées dans son dossier disciplinaire.

Monsieur g. PO. invoque également une irrégularité sur l'appel par lui diligenté à l'encontre de la commission de discipline.

Les pièces du dossier montrent que le salarié a formé son recours dans les 48 heures suivant la notification de la décision de la commission de discipline (lettre de notification reçue le 8 mars 2016 et lettre de contestation du 9 mars 2015).

Par courrier du 10 mars 2015, la société A. a maintenu sa décision, en l'absence d'élément nouveau invoqué par le salarié.

Ce courrier a été signé par Madame Agnès P., Secrétaire générale, Directeur des ressources humaines.

Monsieur g. PO. considère que le recours aurait dû être traité par le directeur général.

La convention collective prévoit que :

« L'appel sera soumis à la Direction Générale accompagné des pièces justifiant de son appel.

La direction Générale communiquera sa décision dans les mêmes formes. ».

Le directeur général ou administrateur délégué est nommé par le conseil d'administration. Il reçoit de lui un mandat pour exécuter ses décisions dans le cadre d'une fonction dénommée « direction générale » et lui rend compte périodiquement.

Il s'agit d'une personne physique, salariée de la société.

La convention collective fait référence à la direction générale, dans son ensemble, sans désigner la personne physique représentant cette entité.

La société A. produit à ce titre la nomenclature de cette direction générale constituée de la manière suivante :

  • administrateur délégué : Monsieur Jean Louis M.,

  • directeur général adjoint : Madame Isabelle S.,

  • directeur général adjoint finances : Monsieur Yves de T.,

  • secrétaire général - directeur des ressources humaines : Madame Agnès P..

Il en résulte que Madame Agnès P., faisant partie de la direction générale, avait toute compétence pour signer la lettre litigieuse.

Enfin, Monsieur g. PO. soutient que la procédure disciplinaire elle-même est contraire aux règles du procès équitable et à la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que la convention collective ne prévoit pas l'assistance du salarié par un avocat devant la commission de discipline.

La convention collective prévoit à ce titre que le salarié peut se faire assister par un représentant du personnel, sans pour autant interdire l'intervention d'un avocat.

Le Tribunal relève d'ailleurs que Monsieur g. PO. n'a pas demandé à être défendu par un avocat devant ladite commission de sorte qu'il ne peut invoquer aucun grief en relation avec une quelconque atteinte aux droits de la défense au sens de la Convention européenne des droits de l'homme.

Il ne démontre pas plus que la décision aurait été toute autre s'il avait été assisté d'un avocat.

Il convient dans ces circonstances de souligner que les faits reprochés à Monsieur g. PO. ont été effectivement discutés devant la commission de discipline, sans qu'il ait été démontré que l'employeur se serait abstenu de produire des pièces déterminantes et aurait porté atteinte aux droits de la défense.

  • Sur la sanction :

Conformément aux dispositions des articles 1er et 54 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, le Tribunal du travail dispose du droit de contrôler les sanctions disciplinaires prononcées par l'employeur à l'encontre d'un salarié ; que la sanction doit être justifiée et proportionnée à la faute commise, sous peine d'être annulée.

Si l'employeur tient de son pouvoir de direction dans l'entreprise le droit de sanctionner un salarié pour un comportement fautif, il appartient au Tribunal du travail, saisi d'une contestation d'une sanction disciplinaire, d'en contrôler le bien fondé et de l'annuler si elle apparaît irrégulière en la forme, injustifiée, disproportionnée par rapport à la faute commise voire même discriminatoire.

Il lui incombe, en cas de contestation, d'établir tant la régularité formelle de la mesure prise que son caractère justifié et proportionné au regard du manquement commis.

Le comportement fautif du salarié doit se manifester par un acte positif ou une abstention de nature volontaire, fait avéré qui lui est imputable et constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail.

La lettre de notification doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables. Elle doit indiquer la consistance des faits et ne pas se contenter de viser leur qualification.

En l'absence de motivation suffisante, les sanctions sont injustifiées et annulables de plein droit.

En l'espèce, il a été démontré supra que la régularité formelle de la sanction infligée à Monsieur g. PO. ne posait pas difficulté.

Le grief reproché au demandeur est le suivant (lettre en date du 2 mars 2016) :

« Monsieur,

À l'occasion des premières commissions de discipline des salariés du bar de la société A., qui se sont déroulées le 22 janvier 2016, il a été porté à ma connaissance que votre responsabilité dans cette affaire, du fait de votre position hiérarchique ne pouvait être écartée. En effet, il a été constaté que des sommes significatives correspondant aux encaissements espèces au sein du bar de la société A. étaient régulièrement détournées, laissant présumer des agissements frauduleux, et qu'aucun contrôle, ni aucune procédure n'était déterminé dans cette brigade.

Cette affaire a été fortement préjudiciable à la Société, non seulement financièrement mais aussi en terme d'image.

En effet, votre statut de Responsable point de vente et votre position hiérarchique directe envers les salariés de la brigade, puisque vous êtes en contact constant et permanent, impliquent qu'il était de votre devoir de mettre en place les procédures adéquates afin que de tels faits ne se produisent pas, ou tout au moins de faire remonter les dysfonctionnements flagrants existant au sein de la Brigade.

Le code de déontologie, dont vous ne pouvez ignorer les termes puisque vous l'avez formellement reçu le 20 juillet 2015, et qui règlemente les rapports hiérarchiques avec les subordonnés, dispose dans son article 9 que « les collaborateurs qui feraient preuve de faiblesse ou de complaisance en ne rappelant pas à l'ordre ou en ne sanctionnant pas les manquements de leurs subordonnés [ ¿ ] seront considérés comme auteurs de fautes graves et incapables de remplir leurs fonctions ».

Par ailleurs, un incident similaire s'est produit en février 2015 au sein de la société D., incident dont vous n'ignoriez pas l'existence puisque vous avez été mandaté par le salarié concerné en qualité de délégué du personnel pour assurer sa défense. Compte tenu des informations en votre possession, à votre nomination en juillet 2015, la société était en droit d'attendre de vous la mise en œuvre de moyens de contrôle, afin de s'assurer que de tels faits ne se produisaient pas dans les points de vente sous votre responsabilité. ».

Le Tribunal doit apprécier la validité de la sanction prononcée en tenant compte des pièces qui ont seulement été portées à la connaissance de la commission de discipline et du salarié, à savoir celles contenues dans le dossier de ce dernier.

Au regard de ces pièces, et ainsi que Monsieur g. PO. a pu le relever, l'employeur ne démontre en aucune manière les détournements frauduleux, socle de la sanction prononcée à l'encontre de celui-là.

La seule pièce évoquant ces actes et qui a fait l'objet d'un débat contradictoire devant la commission de discipline, est un rapport en date du 10 mars 2015, dont la lecture montre que Monsieur g. PO. intervenait en qualité de délégué du personnel ; avec la précision qu'il a été nommé responsable point de vente le 1er juillet 2015.

Il apparaît encore que la commission de discipline a statué en tenant compte des précisions apportées par le représentant de l'employeur, en l'absence de toute pièce justificative, de sorte que la sanction infligée à Monsieur g. PO. doit être annulée.

Le préjudice subi par le salarié à ce titre sera correctement indemnisé par l'allocation d'une somme de 2.000 euros.

Ce faisant, la société A. sera déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive.

Succombant dans ses prétentions, la société A. sera condamnée aux dépens.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré ;

Annule la mise à pied infligée à Monsieur g. PO. par la société anonyme monégasque dénommée A. le 2 mars 2016 ;

Condamne la société anonyme monégasque dénommée A. à payer à Monsieur g. PO. la somme de 2.000 euros (deux mille euros) de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à ce titre ;

Déboute la société anonyme monégasque dénommée A. de sa demande reconventionnelle ;

Condamne la société anonyme monégasque dénommée A. aux dépens ;

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le dix-huit janvier deux mille dix-huit, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Manolo VELADINI et Emile BOUCICOT, membres employeurs, Madame Mariane FRASCONI, Monsieur Lionel RAUT, membres salariés, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef.

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