Tribunal du travail, 21 décembre 2017, Monsieur j-f. SE. c/ La SAM A
Abstract🔗
Départ volontaire à la retraite – Refus de l'employeur – Faute de l'employeur (oui)
Résumé🔗
Monsieur SE. formalisait son accord par la mention suivante apposée en bas de page de ce courrier : « Bon pour accord le 16/01/14 », suivie de sa signature. Il n'est pas plus contesté que ces départs volontaires à la retraite s'inscrivent dans le cadre d'un plan pour l'emploi suite aux travaux réalisés à l'Hôtel B. Le départ volontaire étant la rencontre d'une offre de l'employeur et d'une acceptation du salarié, l'offre doit être claire, précise et ferme et comporter un délai raisonnable d'acceptation. L'employeur ne peut refuser une candidature qu'en se fondant sur des éléments objectifs conformes aux contraintes du plan, respectant ainsi le principe d'égalité. En l'espèce, l'offre de l'employeur a été acceptée par Monsieur j-f. SE. qui considère ainsi que le refus ultérieur de la SAM A est fautif. Il convient dans ces circonstances de rechercher si le départ de Monsieur j-f. SE. permettait le reclassement d'un salarié concerné par une suppression de poste, eu égard aux conditions posées par l'employeur dans le plan pour l'emploi et la note d'information reprise supra en date du 2 octobre 2012. Il apparaît ainsi que les conditions prévues par ce document diffèrent de celles contenues dans le courrier de l'employeur du 20 décembre 2013 par lequel ce dernier prend acte de la candidature du salarié et lui détaille les modalités du départ volontaire. En effet, la note d'information prévoit que « Pour que le salarié puisse bénéficier des dispositions ci-après, il faut que son départ se traduise in fine, soit par l'économie de son poste (économie directe), soit par une réduction de l'effectif global, lorsque par l'effet de la mobilité, c'est un autre poste qui est supprimé (économie indirecte) » ; il résulte de ces dispositions que le seul départ du salarié est suffisant pour le faire bénéficier du plan de départ volontaire, à charge pour l'employeur d'apprécier la réalité de cette économie. Dans le courrier du 20 décembre 2013, l'employeur conditionne son acceptation « quand il sera certain que la suppression de votre poste permet de sauvegarder un emploi par reclassement direct d'un salarié menacé par les réductions de postes à l'Hôtel B. ». Il s'agit d'une modification par rapport à l'offre originaire mais qui a néanmoins été acceptée par Monsieur j-f. SE. L'accord de rupture n'est parfait qu'une fois que l'adhésion a été confirmée par l'employeur. En effet, sauf si elle en dispose autrement, l'offre de départ volontaire n'est pas une offre ferme de contracter, mais plutôt une offre de contrat. Il fallait, pour que le salarié soit éligible au bénéfice du plan de départ volontaire, que son départ permette de sauver un emploi menacé. Il convient de rechercher si cette condition a été remplie ou a fait défaut en l'espèce. Tenant l'objectif principal de sauvegarder autant qu'il est possible les emplois de l'Hôtel B, les conditions permettant à l'employeur d'accepter définitivement le départ volontaire de Monsieur SE. étaient parfaitement réunies. Par son refus, l'employeur a commis une faute qui a causé à Monsieur SE. un préjudice qui doit être évalué à l'équivalent de ce à quoi il aurait pu prétendre dans le cadre du plan de départs volontaires, soit un total non contesté de 80.544,32 euros à titre de dommages et intérêts.
Motifs🔗
TRIBUNAL DU TRAVAIL
AUDIENCE DU 21 DÉCEMBRE 2017
En la cause de Monsieur j-f. SE., demeurant X1 à BEAUSOLEIL (06240) ;
Demandeur, plaidant par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant élu domicile en son étude ;
d'une part ;
Contre :
La société anonyme monégasque dénommée A, dont le siège social se situe X2 à MONACO ;
Défenderesse, ayant élu domicile en l'Etude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Nicolas POTTIER, avocat au barreau de Paris ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu la requête introductive d'instance en date du 29 juin 2015, reçue le 1er juillet 2015 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 6 octobre 2015 ;
Vu les conclusions de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de Monsieur j-f. SE., en date des 3 décembre 2015, 14 avril 2016 et 1er décembre 2016 ;
Vu les conclusions de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, au nom de la société anonyme monégasque dénommée A, en date des 4 février 2016, 2 juin 2016 et 2 février 2017 ;
Après avoir entendu Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur pour Monsieur j-f. SE., et Maître Nicolas POTTIER, avocat au barreau de Paris, pour la société anonyme monégasque dénommée A, en leurs plaidoiries ;
Vu les pièces du dossier ;
* * * *
Monsieur j-f. SE. a fait toute sa carrière professionnelle au sein de la société anonyme monégasque A (SAM A) dans laquelle il est entré le 1er avril 1973.
Il a quitté l'entreprise en décembre 2014 pour cause de départ à la retraite.
Le 20 décembre 2013, Monsieur j-f. SE. avait reçu une proposition de départ volontaire à la retraite, qu'il a acceptée le 16 janvier 2014.
Le 17 juin 2014, la SAM A lui répondait en lui indiquant que dans la mesure où aucun volontaire disposant des prérequis nécessaires à son remplacement n'avait postulé à l'Hôtel B, elle n'était plus en mesure de réserver une suite favorable à sa demande.
Par courrier du 30 juin 2014, Monsieur j-f. SE. sollicitait des explications complémentaires.
Le 16 juillet 2014, l'employeur lui répondait en indiquant qu'il avait reçu davantage de demandes de départ à la retraite que de candidatures, ce qui l'avait conduit à faire un choix.
Estimant que la décision de l'employeur était fautive, Monsieur j-f. SE. a saisi, par requête en date du 29 juin 2015, reçue au greffe le 1er juillet 2015, le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :
condamner la SAM A à lui payer la somme de 80.544,32 euros, soit la différence entre le montant de la prime de départ anticipé à la retraite dont aurait dû bénéficier le salarié et le montant qu'il a perçu lors de son départ à la retraite le 21 décembre 2014,
condamner la SAM A à lui payer la somme de 10.672,66 euros, compte tenu des erreurs apparaissant sur la fiche de paie du mois de décembre 2014, dénoncées de façon motivée par le salarié sous forme de courrier recommandé avec accusé de réception en date des 22 janvier et 25 février 2015,
la condamner en tant que de besoin à régler cette somme avec intérêts au taux légal à compter de la requête,
frais et dépens,
exécution provisoire de la décision à intervenir, dans les limites légales.
Aucune conciliation n'étant intervenue, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.
Monsieur j-f. SE. a déposé des conclusions les 3 décembre 2015, 14 avril 2016 et 1er décembre 2016 dans lesquelles il fait essentiellement valoir que :
la rétractation unilatérale de l'employeur est fautive,
dans la mesure où il a accepté la proposition de la SAM A, un accord synallagmatique a été trouvé et il incombait à l'employeur de régler le montant de l'indemnité de rupture prévue, soit la somme de 100.000 euros,
toutes les conditions prévues dans l'acte ayant été réunies, la SAM A ne pouvait unilatéralement se rétracter,
une mise à la retraite notifiée par l'employeur à son salarié ne peut être rétractée qu'avec l'accord de ce dernier,
trois postulants de l'Hôtel B avaient déposé leur candidature pour remplacer trois capitaines du Café C, dont Monsieur FU. qui était Maître d'hôtel à l'Hôtel B et qui aurait pu le remplacer, les professions de Capitaine au Café C et de maître d'hôtel étant équivalentes,
Monsieur FU. a certes été transféré mais en tant que Serveur. Il a bien fait partie des effectifs du Café C à compter du 11 novembre 2014 et le fait qu'il ait été en arrêt maladie à compter de cette date ne change rien,
à cette date, la proposition faite à Monsieur j-f. SE. était signée et acceptée et il devait en conséquence bénéficier de ce plan de départ volontaire,
l'ordre de priorité n'a pas été respecté par l'employeur, s'agissant d'un licenciement revêtant toutes les caractéristiques d'un licenciement économique,
les deux salariés choisis par la SAM A ont été retenus sur des critères arbitraires et contraires à la législation en vigueur,
le plan de départ volontaire à la retraite était nécessairement connexe au plan social pour l'emploi que la SAM A a mis en place du fait des travaux réalisés à l'Hôtel B, en ce que l'incitation aux départs volontaires a été générée par le même contexte de réduction des effectifs,
les salariés qui acceptent un départ volontaire dans le cadre d'un plan social sont toujours assimilés à des salariés licenciés pour motif économique,
l'employeur invoque un motif personnel ayant présidé son choix, à savoir le comportement de l'intéressé pendant sa carrière,
le débat ne porte pas sur les qualités professionnelles du salarié,
la condition posée par l'employeur dans la proposition de départ volontaire est potestative,
sur les erreurs contenues dans les derniers bulletins de salaire :
le salarié a dénoncé son solde de tout compte par courrier recommandé en date du 22 janvier 2015, en donnant tous les éléments pour procéder à un calcul correct des sommes dues,
la SAM A n'a pas procédé de la même manière pour calculer son indemnité de départ à la retraite et celle de ses collègues, ces derniers ayant bénéficié de l'excédent de masse malgré des périodes de maladie, contrairement à lui.
La SAM A a déposé des conclusions les 4 février 2016, 2 juin 2016 et 2 février 2017 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et soutient essentiellement que :
lors des travaux de rénovation de l'Hôtel B en 2014, pour éviter au maximum les licenciements, elle a mis en place des mesures de départ volontaire dans le cadre d'un plan pour l'emploi déposé à la direction du travail le 13 novembre 2013,
la situation de Monsieur FU., évoquée par le demandeur, est différente des deux autres salariés transférés de l'Hôtel B au Café C,
en effet, Monsieur FU., Maître d'hôtel à l'Hôtel B a été transféré au Café C à compter du 11 novembre 2014 mais n'y a en réalité jamais travaillé puisqu'il a été en arrêt maladie du 11 novembre 2014 au 30 avril 2015, date à laquelle il a réintégré l'Hôtel B,
l'arrivée de ce salarié dans les effectifs du Café C n'a pas permis de se passer des services d'un capitaine du Café C acceptant de quitter son poste de manière volontaire,
la proposition de départ volontaire faite à Monsieur j-f. SE. était conditionnelle, la suppression de son poste devant permettre de sauvegarder un emploi par reclassement direct d'un salarié menacé par les réductions de poste à l'Hôtel B,
il fallait qu'un salarié du Café C soit disposé à quitter volontairement son emploi mais également que, corrélativement, un salarié de l'Hôtel B accepte d'être transféré au Café C,
cette seconde condition n'est pas réalisée lorsque le salarié candidat au transfert est arrêté pour maladie et n'est donc pas en mesure de prendre le poste du salarié candidat au départ,
cette condition n'est pas potestative puisque sa réalisation dépendait du nombre de salariés de l'Hôtel B qui pourraient ne pas être licenciés en prenant un poste laissé vacant par un salarié du Café C,
il y avait plus de capitaines du Café C candidats au départ que de maître d'hôtel de l'Hôtel B disposés à prendre leur poste,
les dispositions relatives à l'ordre des licenciements ne s'appliquent pas aux départs volontaires,
elle n'a jamais pris l'engagement d'appliquer l'ordre des licenciements aux départs volontaires,
elle n'a pas retenu Monsieur j-f. SE. car il était moins âgé que ses collègues,
si l'ordre des licenciements avait dû être appliqué, Monsieur j-f. SE. n'aurait pas été licencié,
les demandes présentées par le salarié relatives aux éléments de son solde de tout compte sont infondées,
Monsieur SE. prétend que l'assiette de calcul retenue est incorrecte sans pour autant s'expliquer sur l'assiette qui aurait dû être retenue.
SUR CE,
1/ Sur le départ à la retraite de Monsieur j-f. SE.
Il est acquis aux débats que Monsieur SE. a souhaité adhérer au plan de départs volontaires tel que résultant de la « note d'information relative à l'incitation aux départ à la retraite » du 2 octobre 2012, laquelle prévoit :
« L'attention des salariés est appelée sur le dispositif d'incitation aux départs anticipés à la retraite que la Société des Bains de Mer leur propose dans les conditions ci-dessous définies.
1. Bénéficiaires
Pour que le salarié puisse bénéficier des dispositions ci-après, il faut que son départ se traduise in fine, soit par l'économie de son poste (économie directe), soit par une réduction de l'effectif global, lorsque par l'effet de la mobilité, c'est un autre poste qui est supprimé (économie indirecte).
D'un point de vue concret, la Société apprécie la réalité de cette économie. Il s'agit donc de départs organisés dans le cadre d'un consensus : accord du salarié et de l'entreprise qui accepte ou non de faire bénéficier le salarié des dispositions du présent accord.
2. Modalités
Un document écrit, signé par les deux parties, concrétisera l'accord intervenu et en récapitulera les éléments clés : date de rupture du contrat de travail, montant de l'indemnité statutaire, montant du complément d'indemnité dû. ».
Par courrier en date du 20 décembre 2013, l'employeur confirmait les éléments matériels qui accompagneraient le départ volontaire de Monsieur j-f. SE. en ces termes :
« montant brut de l'indemnité de rupture : 100 000 euros,
votre départ aura la qualification de départ volontaire intervenant dans le cadre d'un plan social. Au regard de l'assurance chômage, et en l'état de la réglementation, il est établi que ce type de départ revêt toutes les caractéristiques du licenciement pour cause économique.
Votre départ interviendra le 30/11/2014 pour autant que le planning des travaux ne subisse pas de modification.
Votre poste n'étant pas directement supprimé pendant la durée des travaux de l'Hôtel B, l'acceptation formelle de votre départ ne pourra vous être confirmée que quand il sera certain que la suppression de votre poste permet de sauvegarder un emploi par reclassement direct d'un salarié menacé par les réductions de postes à l'Hôtel B.
Dans cette attente, vous voudrez bien me dire, au vu des conditions décrites ci-dessus, si vous restez intéressé par un départ volontaire. Afin de pouvoir avancer concrètement sur ce dossier une réponse écrite formelle avant le 27/01/2014 m'obligerait. »
Monsieur SE. formalisait son accord par la mention suivante apposée en bas de page de ce courrier : « Bon pour accord le 16/01/14 », suivie de sa signature.
Il n'est pas plus contesté que ces départs volontaires à la retraite s'inscrivent dans le cadre d'un plan pour l'emploi suite aux travaux réalisés à l'Hôtel B, dont un extrait figure au dossier de la SAM A en pièce n° 8, lequel prévoit :
« Conformément aux termes de l'Article 11 de l'avenant n° 12 à la CC Nationale du travail, la SBM a pris l'engagement :
de réduire autant qu'il est possible le nombre de licenciements.
d'utiliser les possibilités offertes à cet égard par une politique de détachements externes au périmètre défini ci-après, soit à l'intérieur de l'établissement concerné, soit d'un établissement à un autre établissement de l'entreprise ».
Le Tribunal relève que l'employeur ne produit que les pages 10, 14, 16, 18 et 20 du plan, de sorte qu'il ne peut avoir une vue complète des conditions de celui-ci.
Le départ volontaire étant la rencontre d'une offre de l'employeur et d'une acceptation du salarié, l'offre doit être claire, précise et ferme et comporter un délai raisonnable d'acceptation.
L'employeur ne peut refuser une candidature qu'en se fondant sur des éléments objectifs conformes aux contraintes du plan, respectant ainsi le principe d'égalité,
En l'espèce, l'offre de l'employeur a été acceptée par Monsieur j-f. SE. qui considère ainsi que le refus ultérieur de la SAM A est fautif.
Il convient dans ces circonstances de rechercher si le départ de Monsieur j-f. SE. permettait le reclassement d'un salarié concerné par une suppression de poste, eu égard aux conditions posées par l'employeur dans le plan pour l'emploi et la note d'information reprise supra en date du 2 octobre 2012.
Il apparaît ainsi que les conditions prévues par ce document diffèrent de celles contenues dans le courrier de l'employeur du 20 décembre 2013 par lequel ce dernier prend acte de la candidature du salarié et lui détaille les modalités du départ volontaire.
En effet, la note d'information prévoit que « Pour que le salarié puisse bénéficier des dispositions ci-après, il faut que son départ se traduise in fine, soit par l'économie de son poste (économie directe), soit par une réduction de l'effectif global, lorsque par l'effet de la mobilité, c'est un autre poste qui est supprimé (économie indirecte) » ; il résulte de ces dispositions que le seul départ du salarié est suffisant pour le faire bénéficier du plan de départ volontaire, à charge pour l'employeur d'apprécier la réalité de cette économie.
Dans le courrier du 20 décembre 2013, l'employeur conditionne son acceptation « quand il sera certain que la suppression de votre poste permet de sauvegarder un emploi par reclassement direct d'un salarié menacé par les réductions de postes à l'Hôtel B. »
Il s'agit d'une modification par rapport à l'offre originaire mais qui a néanmoins été acceptée par Monsieur j-f. SE..
L'accord de rupture n'est parfait qu'une fois que l'adhésion a été confirmée par l'employeur.
En effet, sauf si elle en dispose autrement, l'offre de départ volontaire n'est pas une offre ferme de contracter, mais plutôt une offre de contrat.
Il fallait, pour que le salarié soit éligible au bénéfice du plan de départ volontaire, que son départ permette de sauver un emploi menacé.
Il convient de rechercher si cette condition a été remplie ou a fait défaut en l'espèce.
L'employeur reconnaît que deux maîtres d'hôtel de l'Hôtel B ont accepté de devenir capitaine au Café C et qu'un troisième, Monsieur FU., a été transféré au Café C à compter du 11 novembre 2014 mais n'y a en réalité jamais travaillé puisque placé en arrêt maladie depuis le 11 novembre 2014 jusqu'au 30 avril 2015.
Son arrivée au Café C aurait été purement administrative et n'a pas permis à la SAM A de se passer des services d'un capitaine du Café C.
En application des dispositions de l'article 989 du Code civil, les conventions doivent être exécutées de bonne foi.
L'article 1016 du même code prévoit :
« Toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier.».
Dans le présent litige, l'objet de l'offre faite aux salariés était « de réduire autant qu'il est possible le nombre de licenciements » et pour ce faire « d'utiliser les possibilités offertes à cet égard par une politique de détachement externes au périmètre défini ci-après (l'Hôtel B), soit à l'intérieur de l'établissement concerné, soit d'un établissement à un autre établissement de l'entreprise. »
Il apparaît que l'employeur a transféré trois maîtres d'hôtel de l'Hôtel B au Café C, condition prévue par les documents visés supra.
Le transfert administratif de Monsieur FU. au Café C, s'il ne s'est pas traduit par une présence physique dans l'établissement, a néanmoins permis de sauver son emploi qui était menacé par les réductions de postes à l'Hôtel B.
En exigeant une présence effective au Café C, l'employeur ajoute une condition non prévue dans la note d'information du 2 octobre 2012, son courrier du 20 décembre 2013 et le plan pour l'emploi par lui produit en pièce n° 8.
L'argumentation de l'employeur sur l'impossibilité de se passer des services d'un capitaine du Café C est d'autant moins recevable que Monsieur j-f. SE. a pris effectivement sa retraite au mois de décembre 2014 ; l'employeur restant taisant sur son éventuel remplacement soit disant indispensable du fait de l'absence de présence physique de Monsieur FU..
Ce faisant, et tenant l'objectif principal de sauvegarder autant qu'il est possible les emplois de l'Hôtel B, les conditions permettant à l'employeur d'accepter définitivement le départ volontaire de Monsieur SE. étaient parfaitement réunies.
Par son refus, l'employeur a commis une faute qui a causé à Monsieur SE. un préjudice qui doit être évalué à l'équivalent de ce à quoi il aurait pu prétendre dans le cadre du plan de départs volontaires, soit un total non contesté de 80.544,32 euros à titre de dommages et intérêts.
La SAM A sera condamnée à lui payer cette somme à titre de réparation avec les intérêts au taux légal à compter du présent jugement, la créance de dommages et intérêts ne portant intérêt qu'à compter du jour où elle fixée.
2/ Sur les sommes réclamées par Monsieur j-f. SE. au titre de ses indemnités de départ à la retraite
Monsieur SE. a dénoncé par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 22 janvier 2015 le reçu pour solde de tout compte qui lui a été remis à cette occasion et sollicite un rappel de 10.672,66 euros.
Monsieur SE. est en droit de prétendre, sur les bases définies par l'article V du Protocole d'Accord du 11 mai 1971, à l'allocation d'une indemnité de départ à la retraite correspondant à trois mois de salaire mensuel garanti.
Les parties sont en désaccord sur le calcul de ce dernier.
L'avenant n° 18 du 13 mai 1981 à la Convention collective nationale du travail prévoit en son article 7 « indemnité de départ à la retraite » que le salaire à prendre en considération est celui défini à l'article 6 concernant l'indemnité de congédiement, à savoir :
« Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité est le 12e de la rémunération des douze derniers mois précédant le congédiement ou, selon la formule la plus avantageuse pour l'intéressé, le tiers des trois derniers mois comme s'il avait travaillé normalement, étant entendu que, dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, qui aurait été versée au salarié pendant cette période ne serait prise en compte que prorata temporis.».
En application des dispositions de l'article 1162 du Code civil, « celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. »
Il appartient dès lors à Monsieur j-f. SE. d'apporter au Tribunal tous les éléments permettant de démontrer le bien-fondé de sa demande en complément d'indemnité de départ à la retraite, ce qu'il ne fait pas.
En effet, le bulletin de salaire du mois de mars 2013, dernier mois travaillé avant son accident du travail (précision faite qu'il n'a pas repris le travail jusqu'à son départ à la retraite), ne figure pas dans son dossier.
Il ne produit que ses bulletins de salaire des mois de février et mars 2011, lesquels ne permettent pas de calculer le salaire mensuel garanti, car trop anciens.
Il apparaît à la lecture de ces deux fiches de paie que la rémunération perçue par Monsieur j-f. SE. pendant son arrêt maladie du mois de février 2011 comporte la part de masse.
Cependant, la somme correspondante est nécessairement calculée sur le mois précédent travaillé par Monsieur j-f. SE. de sorte qu'il n'est pas démontré qu'elle était versée automatiquement même en l'absence de toute fourniture de travail par le salarié ; le bulletin de salaire du mois de mars 2011 (arrêt maladie de Monsieur SE.) ne prévoyant aucun versement à ce titre.
Force est de constater que le demandeur ne met pas le Tribunal en position de procéder à un contrôle de la somme réclamée par celui-ci.
Monsieur j-f. SE. sera dans ces circonstances débouté de ce chef de demande.
Sur l'indemnité de congés payés « CP-1 » :
- la loi n° 619 du 26 juillet 1956 fixant le régime des congés payés annuels prévoit à ce titre, en son article 3, que les périodes limitées à une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle, sont considérées comme périodes de travail effectif.
En l'espèce, Monsieur SE. a fait l'objet d'un arrêt pour cause d'accident du travail jusqu'au 10 janvier 2014 ainsi qu'il résulte des bulletins de salaire produits par l'employeur ; le salarié ayant été pris en charge, à compter du 11 janvier 2014, au titre de la maladie.
Monsieur j-f. SE. ne peut dès lors prétendre à aucune somme complémentaire à ce titre.
Sur la revalorisation du mois de décembre 2013 et de la période du 1er janvier au 1er mai 2014 :
- le seul élément produit par le demandeur pour justifier sa prétention est constitué par son courrier adressé à l'employeur le 22 janvier 2015, en contestation du solde de tout compte, et dans lequel il indique :
« Il m'est apparu également que ma revalorisation du mois de décembre 2013 est incomplète, il manque 758 euros, il en va de même pour la période en accident du travail du 1er janvier au 1er mai qui ne m'a pas été versé, soit environ 800 euros.».
Non seulement Monsieur j-f. SE. ne donne aucune précision sur son mode de calcul, ses écritures étant également taisantes sur ce point, mais il sollicite des sommes qu'il qualifie d' « environ », ce qui ne saurait convaincre le Tribunal de leur bien fondé.
3/ Sur l'exécution provisoire
Les conditions requises par l'article 202 du Code de procédure civile pour que l'exécution provisoire puisse être ordonnée n'étant pas réunies en l'espèce, la demande à ce titre ne pourra qu'être rejetée.
La A qui succombe, doit supporter les dépens du présent jugement.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré,
Condamne la société anonyme monégasque dénommée A à payer à Monsieur j-f. SE. la somme de 80.544,32 euros (quatre-vingt mille cinq cent quarante-quatre euros et trente-deux centimes) à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
Déboute Monsieur j-f. SE. du surplus de ses demandes ;
Condamne la société anonyme monégasque dénommée A aux dépens ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Eugenio TUILLIER, Georges MAS, membres employeurs, Messieurs Bruno AUGÉ, Karim TABCHICHE, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le vingt et un décembre deux mille dix-sept, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Eugenio TUILLIER, Bruno AUGÉ et Karim TABCHICHE, Monsieur Georges MAS étant empêché, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef.