Tribunal du travail, 9 novembre 2017, Monsieur a. RI. c/ La SNC B

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Abstract🔗

Contrat de travail – Sanctions disciplinaires – Conditions - Licenciement pour faute – Conditions – Motif valable (oui) – Caractère abusif (oui)

Résumé🔗

Conformément aux dispositions des articles 1er et 54 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, le Tribunal du travail dispose du droit de contrôler les sanctions disciplinaires prononcées par l'employeur à l'encontre d'un salarié ; que la sanction doit être justifiée et proportionnée à la faute commise, sous peine d'être annulée. Si l'employeur tient de son pouvoir de direction dans l'entreprise le droit de sanctionner un salarié pour un comportement fautif, il appartient au Tribunal du travail, saisi d'une contestation d'une sanction disciplinaire, d'en contrôler le bien fondé et de l'annuler si elle apparaît irrégulière en la forme, injustifiée, disproportionnée par rapport à la faute commise voire même discriminatoire. Il lui incombe, en cas de contestation, d'établir tant la régularité formelle de la mesure prise que son caractère justifié et proportionné au regard du manquement commis. Le comportement fautif du salarié doit se manifester par un acte positif ou une abstention de nature volontaire, fait avéré qui lui est imputable et constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail. La lettre de notification doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables. Elle doit indiquer la consistance des faits et ne pas se contenter de viser leur qualification. En l'absence de motivation suffisante, les sanctions sont injustifiées et annulables de plein droit. En l'espèce, Monsieur a. RI. a fait l'objet d'un avertissement par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 mai 2013. Monsieur a. RI. ne conteste pas avoir quitté son poste de travail à 21h15, et de fait ne pas avoir respecté son horaire de travail qui se termine à 21h30. Il indique en outre avoir procédé au rangement de l'étal à partir de 20h30/20h45, ce dernier étant pratiquement vide dès 21h15. Il s'agit dès lors d'une faute suffisante pour justifier l'avertissement litigieux. Par ailleurs, Monsieur a. RI. a été mis à pied pour d'autres faits. Le Tribunal constate que la S.N.C. B ne produit aucun élément pour démontrer la réalité de la faute reprochée à Monsieur a. RI.. La mise à pied ainsi prononcée est injustifiée et elle sera annulée. Celle-ci n'ayant pas été mise à exécution, il n'y a pas lieu à un rappel de salaire suite à son annulation. Monsieur a. RI. a cependant subi un préjudice moral qui sera correctement indemnisé par l'allocation d'une somme de 300 euros.

Il appartient à l'employeur d'établir la réalité et la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de licenciement. Il résulte des éléments de l'espèce que l'auteur des propos désobligeants rapportés par Monsieur p QU. est bien Monsieur a. RI., justifiant ainsi le licenciement prononcé. En effet, Monsieur a. RI. avait déjà fait l'objet d'un avertissement le 22 mai 2013, l'employeur l'invitant à modifier son comportement. Par ailleurs, eu égard à ses fonctions, Monsieur a. RI. doit faire preuve de la plus grande courtoisie avec les clients du magasin, ce qui n'a pas été le cas le 21 août 2013. Cette attitude inadmissible, faisant suite à un précédent avertissement, justifie la rupture du contrat de travail pour faute. Monsieur a. RI. sera dans ces circonstances débouté de sa demande au titre de l'indemnité de licenciement.

Tout licenciement fondé sur un motif valable peut néanmoins présenter un caractère abusif si le salarié, auquel incombe la charge de cette preuve, démontre que l'employeur a méconnu certaines dispositions légales lors de la mise en oeuvre de la rupture ou si les conditions matérielles ou morales de sa notification présentent un caractère fautif ou révèlent une intention de nuire ou la légèreté blâmable de l'employeur. Il appartient à celui qui réclame des dommages-intérêts, de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné. En application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts. Même si la loi du for n'impose aucun entretien préalable, l'ancienneté de Monsieur a. RI. eut justifié un tel entretien afin de recueillir ses observations et éventuellement se justifier quant à son attitude du 21 août 2013. L'employeur a néanmoins fait preuve de légèreté blâmable et effectué un usage excessif de son pouvoir disciplinaire (faute grave), doublée de précipitation qui confère au licenciement un caractère abusif. L'employeur a dès lors agi avec une légèreté blâmable et une précipitation qui confèrent au licenciement un caractère abusif, justifiant l'allocation à Monsieur a. RI. d'une somme de 7.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.


Motifs🔗

TRIBUNAL DU TRAVAIL

AUDIENCE DU 9 NOVEMBRE 2017

  • En la cause de Monsieur a. RI., demeurant X1 à NICE (06000),

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice,

d'une part ;

Contre :

  • La SNC B, dont le siège social se situe X2 à MONACO,

Défenderesse, plaidant par Maître Etienne LEANDRI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant élu domicile en son étude,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance reçue le 27 février 2014 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 17 juin 2014 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de Monsieur a. RI., les 31 mars 2015, 7 janvier 2016, 14 juillet 2016 et 3 novembre 2016 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Etienne LEANDRI, avocat-défenseur, au nom de la SNC B, les 8 octobre 2015, 2 juin 2016, 6 octobre 2016 et 5 janvier 2017 ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

Monsieur a. RI. est entré au service de la SNC B par contrat à durée déterminée, à compter du 15 mai 2006, en qualité d'assistant de vente, puis à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2006.

Par lettre en date du 22 mai 2013, il a reçu un avertissement pour avoir quitté son rayon à 21h15 au lieu de 21h30 le 24 avril 2013.

Il a reçu une mise à pied par lettre du 13 août 2013, effectuée du 1er au 3 octobre 2013.

Par lettre en date du 7 septembre 2013, Monsieur a. RI. était licencié pour faute.

Par requête reçue au greffe le 27 février 2014, Monsieur a. RI. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

  • rappel de salaire : 15.000 euros,

  • congés payés sur rappel de salaire : 1.500 euros,

  • complément indemnité de préavis : 600 euros,

  • congés payés sur complément indemnité de préavis : 60 euros,

  • complément indemnité de congédiement : 1.000 euros,

  • annulation avertissement du 22 mai 2013,

  • annulation mise à pied du 13 août 2013,

  • indemnité de licenciement avant déduction de l'indemnité de congédiement : 10.000 euros,

  • dommages et intérêts pour sanctions et licenciement abusifs : 30.000 euros,

  • certificat de travail conforme sous astreinte de 20 euros par jour de retard,

  • intérêt au taux légal,

  • exécution provisoire.

Monsieur a. RI. a déposé des conclusions les 31 mars 2015, 7 janvier, 14 juillet et 3 novembre 2016.

Dans ses dernières écritures, il sollicite du Tribunal de :

  • faire droit à ses demandes formulées dans sa requête introductive d'instance enregistrée le 27 février 2014 et ses conclusions n° 1 mais telles que revues dans les présentes conclusions n° 2,

En conséquence :

  • lui donner acte de ce qu'il ne poursuit pas l'argumentation développée dans ses conclusions n° 1 quant à sa demande de rappel de salaire et les conséquences de celle-ci sur les indemnités dues ensuite de son licenciement, mais qu'il se réserve la possibilité, s'il se révélait en cours de la présente procédure une quelconque anomalie touchant sa rémunération, de reformuler sa demande,

  • annuler l'avertissement du 22 mai 2013,

  • annuler la mise à pied du 13 août 2013,

  • dire le licenciement non valable,

  • le déclarer abusif,

  • condamner la SNC B à lui payer les sommes suivantes :

    • * 2.777,17 euros à titre d'indemnité de licenciement,

    • * 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis,

  • dire que toutes les sommes dues devront être réglées avec intérêt au taux légal à compter de la demande en justice,

  • ordonner la délivrance d'un certificat de travail conforme sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

  • dire que le jugement à intervenir sera exécutoire en toutes ses dispositions,

  • condamner enfin la SNC B en tous les dépens distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Monsieur a. RI. fait essentiellement valoir que :

sur l'avertissement du 22 mai 2013 :

  • son service se terminait à 21h30 ; d'où il suit qu'il n'est pas possible, les poissons ne pouvant rester exposés toute la nuit, qu'ils le soient jusqu'à 21h30, heure de fermeture à la clientèle de l'établissement,

  • les employés du rayon doivent forcément procéder à son rangement avant 21h30, ce qui implique que, contrairement à ce qui est prétendu dans la lettre d'avertissement, tout client ne peut être susceptible d'être servi jusqu'à la fermeture du magasin,

  • d'ailleurs, il n'est nullement évoqué la présence de clients ce 24 avril 2013 qui n'auraient pas pu être servis en raison de la fermeture prétendue prématurée du rayon,

  • le règlement intérieur produit par l'employeur n'a été joint ni au contrat à durée déterminée du 15 mai 2006, ni à l'avenant du 25 septembre 2006 ; il ne lui est donc pas opposable,

  • l'employeur n'a communiqué que la première page de ce règlement intérieur ; son contenu ne peut dès lors être pris en considération,

  • à partir de 19h30 - 20h, il ne restait au rayon poissonnerie que deux employés et ce pour la simple raison qu'il y a très peu d'achats après 20 heures à ce rayon et que deux employés sont effectivement nécessaires pour pouvoir le ranger,

  • la légitimité d'une sanction dépend de la nature et des circonstances du fait reproché,

  • l'employeur diffuse 15 à 20 minutes avant l'heure de fermeture du magasin une annonce rappelant que le magasin ferme à 21h30 et invitant les clients à se diriger vers les caisses,

  • si la SNC B veut que ses employés, comme les denrées alimentaires restent en place et intacts jusqu'à 21h30, il lui appartient d'organiser ses horaires de travail de façon à ce que lesdits employés travaillent jusqu'à 22 heures pour effectuer le rangement et le nettoyage nécessaires des étals,

sur la mise à pied du 13 août 2013 :

  • il a été sanctionné pour s'être trouvé à 15h45 assis à l'arrière du rayon poissonnerie à lire un livre alors que ses deux collègues de travail attendaient patiemment que les clients viennent pour les servir,

  • si son attitude avait été effectivement répréhensible, il ne lui aurait pas été infligé une mise à pied à exécuter plus d'un mois et demi plus tard,

  • il conteste les faits reprochés,

  • le livre était dans sa poche et il ne le lisait pas,

sur le licenciement :

  • le client concerné ne l'a nullement désigné nommément comme étant celui dont il aurait eu à se plaindre. Il a seulement indiqué qu'il s'agissait d'un « jeune trentenaire portant collier de barbe »,

  • il n'était pas le seul dans cette tranche d'âge et surtout pas le seul à porter un collier de barbe,

  • l'employeur n'a procédé à aucune vérification alors qu'il estime avoir travaillé le 21 août 2013, non pas le matin, mais l'après-midi, les faits s'étant déroulés à 11h30.

La SNC B a déposé des conclusions les 8 octobre 2015, 2 juin et 6 octobre 2016, 5 janvier 2017 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et soutient essentiellement que :

sur l'avertissement du 22 mai 2013 :

  • Monsieur a. RI. devait terminer son travail à 21h30. Il a quitté son poste de travail à 21h20. Il s'est placé en fraude de son contrat,

  • le salarié ne peut feindre d'ignorer les dispositions du règlement intérieur ; la page produite est écrite de sa main,

  • ce règlement intérieur a été élaboré en 1994 et est à disposition des salariés dans un état irréprochable ; il est parfaitement opposable à Monsieur a. RI.,

  • ce dernier n'a pas pointé sa sortie effective de travail. Il a reconnu son départ dix minutes avant l'heure prévue en pièce n° 15,

  • peu importe qu'il y ait des clients entre 21h20 et 21h30, le fait de finir de ranger le rayon vers 21h15 pour le quitter physiquement à 21h20 prouve que le rangement du rayon a débuté très prématurément et que Monsieur a. RI. était dans l'impossibilité de servir bien avant la fermeture du magasin,

sur la mise à pied du 13 août 2013 :

  • l'exécution de la sanction était tardive car de nombreux salariés étaient absents et nécessitait donc la présence des autres membres de l'équipe, dont Monsieur a. RI.,

sur le licenciement :

  • la feuille de respect des obligations indique la correction validée par Monsieur a. RI. de son départ effectif à 12h50 de son poste de travail et qu'il était sans conteste présent au rayon à 11h30,

  • l'employeur a mené une enquête interne, demandant au client des précisions, ce dernier ayant bien identifié Monsieur a. RI. pour les faits du 21 août 2013,

  • la description faite par le client est suffisamment formelle pour ne cibler que Monsieur a. RI. par rapport à ses trois autres collègues de travail,

  • la redondance des fautes du salarié, mettant en cause l'image de l'entreprise, ne pouvait qu'aboutir à son départ de la société.

SUR CE,

  • Sur l'avertissement du 22 mai 2013 :

Conformément aux dispositions des articles 1er et 54 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, le Tribunal du travail dispose du droit de contrôler les sanctions disciplinaires prononcées par l'employeur à l'encontre d'un salarié ; que la sanction doit être justifiée et proportionnée à la faute commise, sous peine d'être annulée ;

Si l'employeur tient de son pouvoir de direction dans l'entreprise le droit de sanctionner un salarié pour un comportement fautif, il appartient au Tribunal du travail, saisi d'une contestation d'une sanction disciplinaire, d'en contrôler le bien fondé et de l'annuler si elle apparaît irrégulière en la forme, injustifiée, disproportionnée par rapport à la faute commise voire même discriminatoire.

Il lui incombe, en cas de contestation, d'établir tant la régularité formelle de la mesure prise que son caractère justifié et proportionné au regard du manquement commis ;

Le comportement fautif du salarié doit se manifester par un acte positif ou une abstention de nature volontaire, fait avéré qui lui est imputable et constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail.

La lettre de notification doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables. Elle doit indiquer la consistance des faits et ne pas se contenter de viser leur qualification.

En l'absence de motivation suffisante, les sanctions sont injustifiées et annulables de plein droit.

Monsieur a. RI. a fait l'objet d'un avertissement par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 mai 2013, en ces termes :

« Monsieur,

Suite à l'entretien du 21 mai 2013 avec votre responsable, Monsieur CO., je vous confirme un avertissement pour les faits qui vous sont reprochés et qui sont les suivants :

Mercredi 24 avril 2013, vos horaires prévoyaient une fin de travail à 21h30. Or, Monsieur DE., responsable du secteur produits frais et responsable de permanence cette journée du 24 avril, a constaté un rayon vide de marchandises et d'employés à 21h15, alors que le magasin ferme à 21h30 ! C'est alors qu'il vous croisa dans le magasin accompagné de Monsieur OL., votre collègue de travail, sur le chemin menant à la pointeuse. À son questionnement sur les raisons de la fermeture prématurée du rayon, vous lui avez répondu que vous n'aviez pas de client !

Je vous rappelle que tout client est susceptible d'être servi jusqu'à la fermeture du magasin et que le retour de la marchandise en chambre froide ne pouvait commencer donc avant 21h15 ! C'est la raison pour laquelle votre manager planifie des horaires de travail jusqu'à la fermeture effective du magasin à notre clientèle. Vous n'avez manifestement respecté ni vos horaires ni l'engagement premier de notre entreprise : celui de servir les clients dans un cadre horaire défini. Nous vous rappelons donc les règles de l'article 1 des titres IV et VI du règlement intérieur :

Je vous rappelle que chaque client, quelle que soit l'heure de sa venue, est sensé retrouver une qualité d'approvisionnement ou de service identique. Il doit donc pouvoir être servi de la même façon jusqu'à la fermeture du magasin.

Je compte sur votre rigueur et votre professionnalisme pour ne plus avoir à revenir sur de tels faits à l'avenir. ».

Monsieur a. RI. a contesté cette sanction par courrier en date du 1er octobre 2013, en ces termes :

« Madame,

Le 22 mai 2013 vous m'avez envoyé un RAR en me sanctionnant d'un avertissement parce que j'avais quitté mon poste à 21h15 au lieu de 21h30 le mercredi 24 avril 2013 soit un mois après cette prétendue faute.

Je tiens à vous signaler que le rayon poissonnerie commence à être débarrassé entre 20h30 et 20h45, en conséquence la clientèle ne peut plus, à partir de cette heure, être servi sur la totalité du rayon. De plus à partir de 21h15 quasiment tout le rayon est rangé, prés à être rentré dans les frigos, à cette heure-ci il est donc presque impossible de servir les clients, hormis une ou deux références. Effectivement ce jour ci je suis parti 10 minutes en avance, ayant fini le rangement du rayon, car j'avais une course à récupérer.

Je suis surpris de votre sévérité soudaine à mon encontre, car j'ai sept années d'ancienneté dans l'entreprise et j'ai toujours été professionnel. Je conteste donc cet avertissement du 22 mai 2013. ».

Monsieur a. RI. ne conteste pas avoir quitté son poste de travail à 21h15, et de fait ne pas avoir respecté son horaire de travail qui se termine à 21h30.

Il indique en outre avoir procédé au rangement de l'étal à partir de 20h30/20h45, ce dernier étant pratiquement vide dès 21h15.

Il s'agit dès lors d'une faute suffisante pour justifier l'avertissement litigieux.

Les développements du demandeur sur le temps dont il dispose pour ranger les produits frais dans les frigos, pour quitter son travail à 21h30 (heure de fermeture du magasin) sont sans intérêt dans la mesure où il a reconnu avoir quitté son poste de travail sans autorisation avant la fermeture du magasin.

  • Sur la mise à pied du 13 août 2013 :

Monsieur a. RI. a été sanctionné pour les faits suivants :

« Monsieur,

Suite aux faits du 11 août 2013, nous vous notifions par la présente une mise à pied disciplinaire. Les faits qui vous sont reprochés sont les suivants :

Dimanche 11 août 2013, vous aviez été volontaire pour travailler. Or, à 15h45, votre responsable de secteur, Monsieur DE. Michel, effectue un tour de contrôle de son secteur et constate que vous étiez présent au rayon poisson, assis à l'arrière du rayon, à lire un livre, alors que vos deux autres collègues de travail attendaient patiemment que les clients viennent pour les servir. À sa demande d'explications, vous lui avez rétorqué : « je me suis fait prendre, pas de chance ! »

Votre comportement est inadmissible. Vous êtes salarié Carrefour, entreprise de commerce et, à ce titre, devez adopter en premier lieu un comportement commerçant, c'est-à-dire, respecter les règles suivantes, règles liées à votre contrat de travail et communes à l'ensemble des collaborateurs de l'entreprise :

De plus, vous étiez en poste et deviez donc à ce titre entretenir le rayon, accueillir et servir les clients, effectuer du nettoyage etc. or, vous vaquiez pendant votre temps de travail à des occupations personnelles, sans aucunes préoccupations professionnelles ! Votre comportement, et votre explication sont marqués par une désinvolture inqualifiable à l'égard de votre responsable et de l'entreprise, en violation des dispositions de l'article 1 du titre VI du règlement intérieur :

Nous vous rappelons que vous aviez déjà fait l'objet d'un avertissement par courrier du 22 mai 2013 suite au non-respect du règlement intérieur dans ses règles de discipline générale. Les faits du 11 août 2013 relèvent d'une faute similaire.

Nous souhaitons que vous preniez conscience du nécessaire respect des règles de l'entreprise en vous sanctionnant par une mise à pied disciplinaire de trois (3) jours. Ces jours sont prévus du 1er au 3 octobre 2013. Ces jours de mise à pied disciplinaire entraîneront retenue de salaire sur votre paie en exécution de la présente décision.

Si de tels incidents devaient se renouveler, nous serions amenés à envisager la rupture du contrat de travail. Nous souhaitons donc vivement que vous preniez conscience de vos actes pour qu'ils ne se reproduisent pas. ».

Monsieur a. RI. a contesté cette mesure par courrier en date du 1er octobre 2013, en ces termes :

« Par la suite le 13 août 2013, vous m'avez notifié d'une nouvelle sanction de trois jours de mise à pied parce que je lisais un livre assis à l'arrière du rayon.

Je conteste ce que vous décrivez, car effectivement j'avais sur moi un livre que je gardais pour lire durant ma pause. À aucun moment je n'ai été assis dans le rayon, j'ai seulement jeté un instant un regard sur mon livre car comme vous le précisez nous étions trois à attendre les clients. De plus je n'ai jamais rétorqué à Mr DE. « je me suis fait prendre, pas de chance ».

Lors de cette sanction j'ai contacté l'inspection du travail la semaine suivante, pour évoquer cette situation qui me paraissait exagérée et j'ai eu un rendez-vous avec Mr ES.. Lors de ce rendez-vous en présence de Mr ES. et de Mr g UG. J'ai demandé à l'inspection d'intervenir auprès de mon employeur par ce que votre sévérité me paraissait incompréhensible et j'ai eu la sensation que l'on voulait me licencier.

À partir de ce moment, l'attitude de ma hiérarchie a complètement changé, j'ai eu droit à une forme d'agressivité comme si l'on voulait me faire payer le fait d'avoir été à l'inspection du travail.

Les trois jours de mise à pied disciplinaire ont été prévus du 1er au 3 octobre 2013, soit presque 2 mois après les faits, ce qui ne me semble pas adapté à la législation.

Je conteste donc cette sanction particulièrement excessive. »

Le Tribunal constate que la SNC B ne produit aucun élément pour démontrer la réalité de la faute reprochée à Monsieur a. RI..

La mise à pied ainsi prononcée est injustifiée et elle sera annulée.

Celle-ci n'ayant pas été mise à exécution, il n'y a pas lieu à un rappel de salaire suite à son annulation.

Monsieur a. RI. a cependant subi un préjudice moral qui sera correctement indemnisé par l'allocation d'une somme de 300 euros.

  • Sur le motif de la rupture :

Il appartient à l'employeur d'établir la réalité et la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de licenciement.

Monsieur a. RI. a été licencié par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 7 septembre 2013, ainsi libellé :

« Monsieur,

Suite aux faits qui se sont déroulés le 21 août 2013 dont nous avons eu connaissance le 28 août 2013, nous vous notifions par la présente votre licenciement.

Les faits reprochés sont les suivants :

Un client nous explique par courrier reçu le 28 août 2013 la mésaventure qui lui est arrivée au sein du rayon poissonnerie le 21 août 2013 à 11h30 : il attendait avec trois autres clients d'être servi, ticket en main. 5 minutes plus tard, il s'est permis de protester car les employés du rayon, dont vous faisiez partir, parlaient entre eux, sans s'occuper de la file d'attente. C'est à sa remarque que vous lui avez rétorqué : « vous venez d'arriver et vous gueulez ? »

Fort mécontent, le client nous fit part de son indignation par écrit.

Aussi, votre attitude tant envers vos responsables que vis-à-vis des clients, le non-respect récurrent des consignes de travail et de comportement, l'impact négatif et dommageable que vous véhiculez au sein du rayon poissonnerie aux clients et l'absence de réaction positive dans votre attitude suite aux différents courriers qui étaient censés vous alerter à mettre fin à votre contrat de travail.

Votre licenciement sera effectif dès la première présentation du présent courrier et vous cesserez donc à cette date, de faire partie des effectifs de notre société. »

Bien que l'employeur mentionne dans la lettre de licenciement une rupture immédiate, il va régler à Monsieur a. RI. le salaire du 1er au 11 septembre 2013 et l'indemnité de préavis et de congédiement.

Il s'agit en conséquence d'un licenciement pour faute simple et non pour faute grave.

Pour justifier le grief reproché à Monsieur a. RI., l'employeur produit les éléments suivants :

  • une lettre de Monsieur p QU. à CARREFOUR, ainsi libellée :

« Messieurs,

Fidèle client depuis l'ouverture de votre établissement, il vous est facile de le vérifier en consultant mon compte client ; je ne puis passer sur le comportement de votre personnel du rayon poissonnerie.

Le 21 août à 11h30 nous étions trois clients, chacun son ticket à main, à attendre d'être servis. Pendant ce temps qui a duré plus de 5 minutes, je l'affirme, les quatre employés présents, faisaient la causette ; je me suis cru autorisé à protester, c'est alors que l'un d'entre eux (un jeune trentenaire portant collier de barbe) m'a grossièrement interpelé « vous venez d'arriver et vous « gueulé ».

Je n'ai qu'à me louer des produits proposés à la poissonnerie ; mais je me dois de vous signaler le laisser aller du personnel qui y est affecté ; ceci depuis un certain temps déjà. ».

Monsieur p QU. va confirmer cet incident dans un nouveau courrier reçu par l'employeur le 30 mai 2014, en ces termes :

« Messieurs,

J'ai l'honneur par la présente de vous confirmer que j'ai été l'objet d'un comportement pour le moins indélicat de la part de l'un de vos employés au rayon poissonnerie. Alors que j'étais dans l'attente d'être servi, j'ai constaté que le personnel présent (4 employés) était occupé à discuter. La chose se prolongeant, j'ai dit sur un ton tout à fait correct que j'étais dans l'attente ainsi d'ailleurs qu'un couple de vieilles personnes. C'est alors que l'un des employés (la trentaine et collier de barbe) c'est adressé à moi en déclarant que j'attendais depuis peu de temps et que j'étais un « faiseur d'histoire » et autres termes dont je n'ai plus le souvenir, sinon qu'ils étaient désobligeants.

Je précise que je suis client du B depuis son ouverture et que c'est le seul incident auquel j'ai été confronté.

PS : Les faits relatés ont eu lieux au mois d'août 2013. ».

Il résulte incontestablement de ces courriers qu'un incident s'est produit au rayon poissonnerie entre un employé de ce rayon et Monsieur p QU..

Monsieur a. RI. conteste être l'auteur de ces propos désobligeants à l'égard du client et soutient même qu'il ne travaillait pas le matin des faits mais l'après-midi.

Cette allégation du salarié est contredite par la pièce n° 21 produite par l'employeur, « mouvements réels du 21/08/2013 », de laquelle il s'évince que Monsieur a. RI. était bien présent sur son lieu de travail à partir de 5h02 jusqu'à 12h50.

Ce document retrace l'historique des pointages effectifs des salariés sur la journée du 21 août 2013.

Le demandeur fait état d'un dysfonctionnement du système de pointage mais ne produit aucun élément pour le démontrer ; et ce, d'autant plus que tout salarié de CARREFOUR dispose de la possibilité de modifier les pointages réalisés ainsi qu'il ressort de la pièce 23 produite par le défendeur (Monsieur a. RI. a d'ailleurs usé de cette faculté).

Il résulte encore des mouvements réels du 21/08/2013 que les salariés présents à l'heure des faits étaient les suivants :

  • Monsieur h AR., né le 28 mars 1990,

  • Monsieur g CA., né le 29 octobre 1964,

  • Madame p DE BE.,

  • Monsieur p OL., né le 2 janvier 1963,

  • Monsieur a. RI..

  • Monsieur p QU. fait état d'un employé âgé d'une trentaine d'années, ce qui exclut Messieurs g CA. et p OL., âgés respectivement de 49 et 50 ans au moment des faits.

  • Monsieur h AR. était quant à lui âgé de 23 ans, ce qui ne peut correspondre à la description donnée par le client.

Le Tribunal relève encore que Monsieur a. RI. ne conteste pas porter un collier de barbe, sans pour autant soutenir que ses collègues de travail en portaient également au moment de l'incident.

Il résulte ainsi des explications développées supra que l'auteur des propos désobligeants rapportés par Monsieur p QU. est bien Monsieur a. RI., justifiant ainsi le licenciement prononcé.

En effet, Monsieur a. RI. avait déjà fait l'objet d'un avertissement le 22 mai 2013, l'employeur l'invitant à modifier son comportement.

Par ailleurs, eu égard à ses fonctions, Monsieur a. RI. doit faire preuve de la plus grande courtoisie avec les clients du magasin, ce qui n'a pas été le cas le 21 août 2013.

Cette attitude inadmissible, faisant suite à un précédent avertissement, justifie la rupture du contrat de travail pour faute.

Monsieur a. RI. sera dans ces circonstances débouté de sa demande au titre de l'indemnité de licenciement.

  • Sur le caractère abusif du licenciement :

Tout licenciement fondé sur un motif valable peut néanmoins présenter un caractère abusif si le salarié, auquel incombe la charge de cette preuve, démontre que l'employeur a méconnu certaines dispositions légales lors de la mise en œuvre de la rupture ou si les conditions matérielles ou morales de sa notification présentent un caractère fautif ou révèlent une intention de nuire ou la légèreté blâmable de l'employeur.

Il appartient à celui qui réclame des dommages-intérêts, de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné ;

En application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts ;

Au cas particulier, Monsieur a. RI. sollicite d'être indemnisé à hauteur de la somme de 30.000 euros en réparation de son préjudice.

Le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.

En l'espèce, eu égard aux circonstances de la rupture et de l'avertissement adressé au salarié, resté sans effet, il n'apparaît pas établi qu'un motif fallacieux ait présidé à la rupture.

Monsieur a. RI., qui a la charge de la preuve à ce titre, ne démontre pas que le licenciement serait intervenu pour une autre cause que celle visée dans la lettre de licenciement.

Dans ces circonstances, la décision de rupture n'est pas fondée sur un motif fallacieux et ne présente donc pas en elle-même un caractère fautif ; ainsi, aucune faute de l'employeur ne peut ouvrir droit à l'indemnisation d'un préjudice matériel et financier résultant du licenciement ;

Monsieur a. RI. invoque également les circonstances brutales et vexatoires du licenciement.

Il reproche à l'employeur de ne pas avoir procédé à un entretien préalable afin de pouvoir s'expliquer sur la faute qui lui était reprochée.

Même si la loi du for n'impose aucun entretien préalable, l'ancienneté de Monsieur a. RI. eut justifié un tel entretien afin de recueillir ses observations et éventuellement se justifier quant à son attitude du 21 août 2013.

L'employeur a néanmoins fait preuve de légèreté blâmable et effectué un usage excessif de son pouvoir disciplinaire (faute grave), doublée de précipitation qui confère au licenciement un caractère abusif.

L'employeur a dès lors agi avec une légèreté blâmable et une précipitation qui confèrent au licenciement un caractère abusif, justifiant l'allocation à Monsieur a. RI. d'une somme de 7.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

  • Sur l'exécution provisoire et les dépens :

Les conditions requises par l'article 202 du Code de procédure civile pour que l'exécution provisoire puisse être ordonnée n'étant pas réunies en l'espèce la demande à ce titre ne pourra qu'être rejetée.

Les dépens seront laissés à la charge de la société B.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré ;

Annule la mise à pied infligée à Monsieur a. RI. par la SNC B le 13 août 2013,

Condamne la SNC B à payer à Monsieur a. RI. la somme de 300 euros (trois cents euros) en réparation du préjudice moral causé à ce titre, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

Dit que le licenciement de Monsieur a. RI. par la SNC B est fondé sur un motif valable et revêt un caractère abusif ;

Condamne la SNC B à payer à Monsieur a. RI. la somme de 7.000 euros (sept mille euros) à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la SNC B aux dépens du présent jugement ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Alain GALLO, Paul-Marie JACQUES, membres employeurs, Messieurs Jean-Marie PASTOR, Philippe LEMONNIER, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le neuf novembre deux mille dix-sept, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Alain GALLO, Jean-Marie PASTOR et Philippe LEMONNIER, Monsieur Paul-Marie JACQUES étant empêché, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef.

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