Tribunal du travail, 5 octobre 2017, Monsieur v. VA c/ La SAM B
Abstract🔗
Contrat de travail - Contrats sportifs - Engagement définitif d'un joueur - Condition suspensive - Visite médicale satisfaisante - Promesse de contrat de travail
Résumé🔗
Il est d'usage en matière de contrats « sportifs » de subordonner l'engagement définitif d'un joueur à la réalisation de la condition suspensive d'une visite médicale satisfaisante, le club devant s'assurer, avant de s'engager pour une durée déterminée, de la bonne condition physique du joueur. L'illégalité de cette clause ne peut être retenue eu égard aux spécificités du contrat envisagé et des parties en cause. Puisque le résultat de la visite médicale ne pouvait être considéré comme satisfaisant, la condition suspensive prévue conventionnellement n'a pas été réalisée, ce qui légitime la décision du club, compte tenu des enjeux financiers importants, tant à l'égard du joueur que sur les résultats à venir du club, de ne pas donner suite à sa promesse de contrat de travail.
Motifs🔗
AUDIENCE DU 5 OCTOBRE 2017
TRIBUNAL DU TRAVAIL
En la cause de Monsieur y Z, demeurant X1 - BARCELONE (Espagne),
Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître René SCHILEO, avocat au barreau de Nice,
d'une part ;
Contre :
La société anonyme monégasque dénommée B, dont le siège social se situe X2 à MONACO,
Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Patricia MOYERSOEN, avocat au barreau de Paris,
d'autre part ;
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les requêtes introductives d'instance en date des 2 septembre 2014 et 1er décembre 2015 respectivement reçues les 4 septembre 2014 et 2 décembre 2015 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date des 25 novembre 2014 et 12 janvier 2016 ;
Vu les conclusions déposées par Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, au nom de Monsieur y Z, les 5 février 2015, 9 juillet 2015, 4 février 2016, 8 mars 2016 et 14 juillet 2016 ;
Vu les conclusions déposées par Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur, au nom de la société anonyme monégasque dénommée B les 7 mai 2015, 8 octobre 2015, 14 avril 2016, 25 avril 2016 et 6 octobre 2016 ;
Après avoir entendu Maître René SCHILEO, avocat au barreau de Nice, pour Monsieur y Z, et Maître Patricia MOYERSOEN, avocat au barreau de Paris, pour la société anonyme monégasque dénommée B, en leurs plaidoiries ;
Vu les pièces du dossier ;
* * * *
Monsieur y Z exerce la profession de footballeur professionnel et a occupé le poste de gardien de but au sein du C de 2006 à 2014.
La SAM B (le club) a manifesté son intérêt pour recruter Monsieur Z et une promesse de contrat a été signée le 14 janvier 2014.
Le 3 juillet 2014, le club annonçait par la voix de son vice-président, Monsieur Vadim Z, que Monsieur y Z ne serait pas recruté en raison d'une blessure ne lui permettant pas d'être opérationnel immédiatement.
Estimant cette rupture abusive, Monsieur y Z a saisi le Tribunal du travail en conciliation par requête en date du 2 septembre 2014, reçue le 4 septembre 2014, des demandes suivantes :
- 16.800.000 euros au titre des salaires dus jusqu'au terme du contrat,
- 10.000.000 euros au titre de la prime de fidélité dans l'hypothèse où le club se maintiendrait en ligue 1 durant les 4 années qui constituent le cours du contrat,
- 150.000 euros en réparation du préjudice moral.
Par requête en date du 2 décembre 2015, Monsieur y Z a saisi à nouveau le Tribunal du travail en conciliation, en suite de l'argumentation du club qui soutenait qu'il n'y avait eu qu'une simple promesse conditionnelle de contrat qui n'aurait pas reçue d'exécution, des demandes additionnelles suivantes :
- à titre subsidiaire : 26.800.000 euros et 250.000 euros au titre du bonus,
- à titre très subsidiaire : 20.000.000 euros en application de la clause de pénalité contenue dans la promesse de contrat.
Aucune conciliation n'étant intervenue sur les deux requêtes, les deux dossiers ont été renvoyés devant le bureau de jugement.
Monsieur y Z a déposé des conclusions dans lesquelles il demande au Tribunal de :
Sur la requête du 2 septembre 2014 :
- constater que les parties sont liées par un contrat de travail à durée déterminée pour quatre saisons commençant à courir le 1er juillet 2014 pour se terminer le 30 juin 2018,
- constater que la SAM B n'a pas accompli les diligences pour réaliser les conditions suspensives de l'embauche effective de Monsieur y Z,
- constater que la SAM B a refusé l'embauche effective de Monsieur y Z pour une cause non contractuelle illicite,
- par voie de conséquence,
- dire et juger que la SAM B a rompu par anticipation et d'une manière fautive le contrat de travail à durée déterminée avec toutes les conséquences qui doivent en découler,
- et dès lors,
- dire et juger que la SAM B doit acquitter à titre de dommages et intérêts la rémunération contractuelle prévue jusqu'au terme du contrat,
- condamner en conséquence la SAM B à payer à Monsieur y Z la somme de 27.050.000 euros correspondant aux salaires et à la prime dite de fidélité prévus au contrat en réparation du préjudice matériel et financier subi,
- condamner la SAM B à payer à Monsieur y Z la somme de 150.000 euros en réparation du préjudice moral occasionné,
- condamner également la SAM B à payer à Monsieur y Z la somme de 15.000 euros en remboursement des débours qu'il a dû exposer pour la défense de ses droits légitimes ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de Maître Sophie LAVAGNA, avocat- défenseur, sous sa due affirmation.
Il fait essentiellement valoir dans cette première procédure que :
- les pourparlers ont donné lieu à la signature de deux actes :
* une promesse de contrat de travail en date du 14 janvier 2014, mais post datée pour avoir été établie courant 2013 (reconnu par le club)
* un contrat de travail à durée déterminée non daté,
- Monsieur y Z devait se blesser le 26 mars 2014 lors d'un match du championnat d'Espagne : rupture des ligaments croisés d'un genou avec une indisponibilité de sept à neuf mois,
- le club a été avisé de cet accident,
- il s'est présenté à la visite médicale organisée par le club le 2 juillet 2014,
- le 3 juillet 2014, le club se répandait dans la presse pour annoncer que Monsieur y Z ne rejoindra pas la SAM B, n'étant pas pleinement rétabli,
- la réelle cause de revirement du club ressort de la déclaration de presse de ce 3 juillet 2014 de laquelle il ressort que les dirigeants du club souhaitaient maintenir leur confiance au gardien de but titulaire, Monsieur SU.,
- La nature juridique du contrat :
- le 18 juillet 2013, les parties s'étaient accordées clairement sur les conditions de transfert et la rémunération consécutive à l'intervention de l'agent du joueur,
- les actes ont été signés en juillet 2013 avec une date au 14 janvier 2014 afin de contourner les règles de la FIFA sur le recrutement de joueurs entre clubs de pays différents (période de mercato),
- l'acte est intitulé « contrat de travail à durée déterminée » et comporte des conditions suspensives, la rémunération du joueur, la nature et le montant des primes et bonus,
- ce document remplit tous les critères constitutifs d'un contrat de travail au sens des dispositions de l'article 1 de la loi n° 729 du 16 mars 1963,
- les conditions légales de validité du contrat :
- en invoquant la caducité du contrat, le club reconnaît qu'un contrat de travail a bien été établi et qu'il s'est valablement formé entre les parties,
- la condition liée à l'obtention du permis de travail n'est pas évoquée dans le contrat,
- le club ne justifie d'ailleurs pas des démarches lui incombant à ce titre,
- les règlements FIFA stipulent que la validité d'un contrat ne peut dépendre de l'octroi d'un permis de travail,
- aucun élément du dossier ne démontre que les parties ont entendu subordonner l'embauche définitive à une période d'essai,
- le contrat de travail prévoit une date ferme d'embauche,
- la charte du football professionnel ayant valeur de convention collective ne prévoit pas de période d'essai préalable à l'embauche définitive. Il en est de même de la convention collective nationale des métiers du football,
- la période d'essai de l'article 4 de la loi n° 729 ne se présume pas et doit être prévue au contrat,
- il ne peut y avoir de période d'essai dans la mesure où le contrat a été rompu avant tout commencement d'exécution,
- la rupture pour justes motifs évoquée par le club (la blessure) ne peut être retenue dans la mesure où :
* l'indisponibilité de trois mois à compter du 1er juillet 2014 s'interrompait fin octobre soit deux mois avant la fin de la moitié du championnat,
* le contrat était d'une durée de quatre années, l'indisponibilité de trois mois étant minime,
* la nature de la blessure n'était nullement irréversible et n'entraînait pas une inaptitude définitive,
- le contrat de travail comporte la signature des parties, la date n'a pour objet que de faire la preuve du jour où celui-ci a été établi et n'est pas exigée à peine de validité de l'instrumentum dans les actes sous seing-privé,
- la mention « lu et approuvé » est dépourvue de toute portée, son omission n'ayant aucune influence sur le consentement des parties,
- la promesse ne fait aucunement mention en annexe d'un autre document intitulé contrat de travail auquel il y aurait lieu de se référer et qui aurait été rédigé à titre de simple modèle,
- le contrat ne porte pas la mention « annexe »,
- il ne fait référence à aucune promesse distincte préalablement établie,
- la promesse évoque la conclusion d'un contrat ayant pour objet d'incorporer le joueur dans l'effectif du club, ce dont il s'induit qu'il s'agit d'un contrat de travail devant succéder à la promesse,
- si le contrat de travail est entré en application au jour de sa signature, l'embauche effective est en date du 1er juillet 2014, à l'expiration du contrat le liant au club de Barcelone, en le soumettant à trois conditions suspensives : la participation de la SAM B au championnat de ligue 1, la formalisation du contrat sur modèle Isyfoot, l'homologation du contrat par la LFP et la qualification de Monsieur y Z pour participer aux compétitions officielles de la SAM B à compter la saison 2014/2015,
- la première condition s'est réalisée,
- la deuxième condition est une obligation qui incombe au club ; sa non réalisation incombe à ce dernier de sorte qu'elle doit être réputée réalisée,
- il en est de même pour la troisième condition qui est la conséquence directe de l'absence de réalisation de la deuxième condition,
- le club a ainsi agi de manière délibérée pour empêcher la réalisation de certaines conditions suspensives,
- la condition se rapportant à l'état physique du joueur prévue dans la promesse ne figurant pas dans le contrat de travail ne peut être retenue. Elle est de plus prohibée par les règlements de la FIFA,
- sur les conséquences de la rupture abusive :
- le préjudice matériel est constitué par les salaires qu'il aurait dû percevoir jusqu'à la fin du contrat,
- le préjudice moral consiste dans le retentissement que lui a causé la violation délibérée par l'employeur de son obligation de bonne foi et de loyauté,
- le contrat prévoyait également le paiement d'une prime fixe de fidélité de 2.500.000 euros, soit 10.000.000 euros pour la durée du contrat, ainsi que le paiement d'une prime de qualification en ligue des champions de 250.000 euros,
- c'est par l'annonce faite à la presse que Monsieur y Z a appris qu'il ne faisait plus partie de l'équipe,
- cette rupture a eu dans le milieu ciblé du football, un retentissement considérable et un impact incontestable,
- la presse s'est fait l'écho de cette rupture au niveau national et international.
L'employeur soutient essentiellement que :
- il admet que les parties ont postdaté la promesse de contrat de travail au mois de janvier 2014 pour ne pas s'exposer à une plainte du C,
- un document intitulé « contrat à durée déterminée » a été annexé à cette promesse, document paraphé sur chaque page par Monsieur Vadim Z et Monsieur y Z, son agent, mais non signé,
- cette annexe constituait le futur contrat de travail,
- le résultat de la visite médicale du 2 juillet 2014 s'est avéré négatif ; Monsieur y Z ne pouvant pas être rétabli avant un délai minimum de trois mois,
- seule la promesse de contrat de travail datée du 14 janvier 2014 lie les parties,
- cette promesse devient ferme quand les conditions se réalisent. A défaut, elle devient caduque,
- la condition suspensive relative à l'examen médical du joueur est valable,
- le club n'a d'intérêt à engager un sportif que s'il est dans une condition physique optimale,
- le club fait passer les examens médicaux avant la signature du contrat,
- les contrats de travail des joueurs professionnels doivent être établis selon un modèle prédéterminé Isyfoot,
- la promesse prévoit l'engagement des parties de signer le contrat Isyfoot de façon différée,
- la mention « lu et approuvé » n'est pas reprise,
- ce document est visé dans la promesse comme étant l'annexe I,
- il est prévu encore que lors de la signature du contrat, la SAM B sera représentée par son président, Monsieur Dmitry RY. qui n'a ni paraphé, ni signé ce document,
- la convention de séquestre du 19 juillet 2013 prouve que les deux documents (promesse et annexe) ont été signés et paraphés le même jour,
- l'accord de séquestre avait pour but de conserver un caractère secret aux accords passés et d'être en infraction avec les règles FIFA sur le transfert de joueurs,
- les courriels et les projets de contrat échangés pendant la phase de négociation démontrent que leur volonté était de s'engager dans les liens d'une promesse et non d'un contrat de travail,
- la date du 14 janvier 2014 a été choisie parce qu'à cette date, le club et Monsieur y Z étaient libres d'entamer des négociations sans devoir obtenir l'accord du C, et sans risque de sanction de la FIFA, le contrat avec le C expirant le 30 juin 2014,
- la promesse n'avait aucun sens si les parties avaient voulu se lier par un contrat de travail autonome dès le 14 janvier 2014 ; elles auraient parfaitement pu signer un contrat de travail dès cette date,
- les termes de la promesse confirment que les parties ont souhaité s'engager par une promesse sous conditions suspensives,
- il n'y avait aucun intérêt pour les parties de signer le même jour une promesse et un contrat de travail,
- à l'époque des pourparlers, le club n'était pas resté en ligue 1, de sorte qu'il était de l'intérêt des deux parties de ne signer qu'une promesse et non un contrat de travail définitif, et ce, d'un commun accord,
- subsidiairement : si le contrat de travail était retenu par le Tribunal :
- il doit être déclaré caduc, Monsieur y Z étant dans l'impossibilité d'obtenir un permis de travail en application de la loi n° 629 du 17 juillet 1957,
- Monsieur y Z ne pouvait obtenir une fiche d'aptitude au travail dans la mesure où il n'était pas apte à travailler, en l'état de sa blessure au genou,
- le règlement FIFA ne saurait prévaloir sur la loi d'ordre public monégasque,
- les règlements FIFA n'ont aucune valeur juridique dans l'ordre interne des Etats,
- très subsidiairement :
- la SAM B pouvait résilier le contrat pendant la période d'essai prévue à l'article 4 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, et ce même en l'absence de stipulation expresse dans le contrat, dans la mesure où Monsieur y Z était dans l'impossibilité de pratiquer son métier pendant une durée minimum de trois mois,
- aucun jour de travail n'a été accompli par Monsieur y Z en raison de sa situation médicale de sorte qu'aucun salaire ne peut lui être dû,
- la rupture pouvait également intervenir pour justes motifs en application de l'article 12 de la loi n° 729,
- le club ne pouvait pas prendre le risque d'engager un gardien de but qui ne pouvait participer à la première moitié du championnat,
- l'indisponibilité était au minimum de trois mois. Elle s'est avérée bien plus longue et Monsieur y Z n'a jamais retrouvé son niveau antérieur à sa blessure,
- il n'a repris la compétition avec le club de Manchester United que le 17 mai 2015, soit plus de 14 mois après sa blessure,
- la blessure de Monsieur y Z a affecté irrémédiablement ses capacités de footballeur professionnel justifiant la rupture du contrat pour juste motif,
- à titre infiniment subsidiaire :
- il convient de réduire les indemnités sollicitées en fonction du préjudice réellement subi et notamment du manque à gagner ; à savoir la différence entre les salaires prévus dans le prétendu contrat de travail avec la SAM B et les salaires versés par le club de Manchester United et éventuellement ceux qu'il négociera avec les éventuels futurs clubs jusqu'à la saison 2017/2018,
- Monsieur y Z devra produire son contrat de travail conclu avec Manchester United.
Dans le cadre de la seconde procédure, suivant requête reçue le 2 décembre 2015, Monsieur y Z sollicite du Tribunal de :
- prononcer la jonction avec celle engagée le 2 septembre 2014,
- tenant les demandes de Monsieur y Z formées dans cette instance engagée le 2 septembre 2014 pour entièrement répétées et réitérées,
- débouter la SAM B de toutes ses demandes,
- à titre principal,
- sur la promesse de contrat de travail du 14 janvier 2014,
- dire et juger que la convention intitulée « promesse de contrat de travail » constitue une promesse d'embauche valant contrat de travail à durée déterminée,
- constater que le contrat de travail comporte une embauche différée et conditionnelle,
- constater que la condition visée au § paragraphe (a) de l'article VI de la convention s'est réalisée,
- dire et juger :
* que la condition visée au paragraphe (c) de l'article VI de la convention est réputée accomplie,
* que la condition visée au paragraphe (b) de l'article VI de la convention est potestative et en prononcer la nullité,
- dès lors,
- dire et juger qu'en ne procédant pas à l'embauche effective du joueur à la date du 1er juillet 2014 prévue par la convention, la SAM B a manqué de manière fautive à son obligation,
- dire et juger qu'en agissant ainsi, la SAM B a rompu unilatéralement et abusivement le contrat de travail à durée déterminée,
- par voie de conséquence, dire et juger que la SAM B doit acquitter à titre de dommages et intérêts la rémunération contractuelle prévue jusqu'au terme du contrat,
- condamner en conséquence la SAM B à payer à Monsieur y Z la somme de 27.050.000 euros correspondant aux salaires et à la prime dite de fidélité et de qualification à la Ligue des Champions pour la saison 2014/2015 prévus à la convention en réparation du préjudice matériel et financier subi,
- à défaut et à titre subsidiaire,
- dans l'hypothèse où la convention est retenue en tant que simple «promesse de contrat de travail » sous conditions suspensives,
- constater que la condition visée au paragraphe (a) de l'article VI de la convention s'est réalisée,
- dire et juger :
* que la condition visée au § (c) de l'article VI de la convention est sans effet ni objet et en tout cas impossible et sans objet,
* que la condition visée au § (b) de l'article VI de la convention est potestative et en prononcer la nullité,
- dès lors,
- dire et juger qu'en refusant de régulariser un contrat de travail et de le reproduire sur le modèle Isyfoot dans le délai prévu des cinq jours qui ont suivi la fenêtre de transfert de l'été 2014, la SAM B FC a manqué fautivement à son obligation,
- par voie de conséquence et en application de la clause X dite de « pénalité»,
- condamner la SAM B à payer à Monsieur y Z la somme de 20.000.000 euros,
- à défaut, la condamner à tout le moins à lui payer celle de 10.000.000 euros,
- en toute hypothèse,
- condamner la SAM B à payer à Monsieur y Z la somme de 150.000 euros en réparation du préjudice moral occasionné,
- condamner également la SAM B à payer à Monsieur y Z la somme de 30.000 euros en remboursement des débours qu'il a dû exposer pour la défense de ses droits légitimes ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Monsieur y Z expose essentiellement dans le cadre de cette seconde requête que :
- telle qu'elle est rédigée, la promesse vaut en elle-même contrat de travail,
- les critères caractérisant un contrat de travail sont réunis, à savoir une prestation de travail, une rémunération et un lien de subordination,
- la qualification que les parties ont donnée à l'acte ne lie pas le juge,
- il n'est mentionné nulle part que les parties s'engagent à conclure un contrat de travail à l'issue de la promesse,
- l'acte prévoit que le contrat (la promesse) entrera en vigueur immédiatement à sa date, seul le commencement d'exécution étant différé au 1er juillet 2014,
- l'acte prévoit les conditions de résiliation,
- aucune des clauses de la promesse ne prévoit que son objet consiste dans la conclusion d'un contrat de travail futur,
- la seule condition afférente au contrat de travail porte sur la reproduction dudit contrat sur le modèle Isyfoot,
- la troisième condition prévue dans la promesse, à savoir celle relative à la visite médicale, est illicite et potestative,
- les règlements FIFA prévoient en effet que la validité d'un contrat ne peut dépendre du résultat positif d'un examen médical et/ou de l'octroi d'un permis de travail,
- cette clause a pour objet de conférer au seul bénéfice de l'employeur un droit de rétractation unilatéral et discrétionnaire, rompant ainsi l'équilibre du contrat,
- les conséquences de la requalification s'apprécient à la rupture d'un contrat à durée déterminée (Monsieur y Z renvoie le Tribunal à ses explications développées sur ce point dans la première procédure),
- subsidiairement :
- la promesse prend la forme d'un contrat préparatoire à la formation ultérieure d'un autre contrat, à savoir le contrat de travail,
- l'acte constituerait un acte autonome, dans lequel les parties s'engagent à l'exécution d'une obligation de faire, celle de conclure un contrat de travail,
- cette promesse revêt un caractère synallagmatique et diffère ainsi d'une simple offre qui ne lierait que le pollicitant,
- les conditions tenant à l'appréciation libre et discrétionnaire par l'employeur du résultat de la visite est potestative,
- au jour de la visite médicale, le 2 juillet 2014, le club connaissait la nature de la blessure de Monsieur y Z ; la visite avait donc pour objet de vérifier le bon déroulement du rétablissement du joueur,
- l'inexécution fautive d'une obligation de faire se résout par l'allocation de dommages et intérêts,
- la promesse prévoit à ce titre une pénalité de 10.000.000 euros à la charge du club,
- il est également prévu que si la défaillance porte sur le refus de régulariser le contrat sur le modèle Isyfoot, cette pénalité sera doublée.
La SAM B a déposé des conclusions dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et fait essentiellement valoir que :
- la promesse ne vaut pas contrat de travail parce qu'elle est soumise à des conditions suspensives,
- la promesse retarde la naissance du contrat définitif envisagé, tout en liant de manière forte les parties qui ont ainsi la garantie que les prestations désirées seront effectivement réalisées,
- la promesse porte sur le consentement des parties au contrat définitif qu'elle prépare. Le contrat de travail réalise l'opération dans les conditions définies par la promesse,
- elle demeure autonome par rapport au contrat de travail,
- les parties se sont fait des promesses mutuelles qui constituent l'objet de la promesse. Elles se font la promesse de signer un contrat dont elles ont arrêté les termes d'un commun accord, mais pas avant les cinq premiers jours de la fenêtre de transfert de l'été 2014,
- les parties ont donc clairement manifesté leur volonté de différer la signature du contrat de travail sur lequel elles se sont fait des promesses mutuelles,
- l'article VIII prévoit la possibilité pour le joueur de résilier la promesse ou le futur contrat de travail en cas de défaillance du club et l'article XI stipule que la promesse ne peut pas être transférée à un autre club sans l'accord du joueur,
- sur la condition suspensive relative à la visite médicale :
- la jurisprudence française admet la validité d'une telle condition,
- il était indispensable pour le club d'engager un gardien de but qui soit en parfaite condition sportive et médicale dès le début de la saison 2014/2015,
- la prétendue violation du règlement FIFA est inopposable à la SAM B, en son article 18 aux termes duquel : « la validité d'un contrat ne peut dépendre du résultat positif d'un examen médical et/ou de l'octroi d'un permis de travail »,
- l'article XIV de la promesse exclut l'application des règlements FIFA,
- de plus, les règlements FIFA n'ont aucune valeur juridique dans l'ordre interne des Etats,
- la condition n'est pas non plus potestative,
- tous les joueurs recrutés par la SAM B sont traités de la même manière,
- les examens médicaux sont pratiqués par un médecin indépendant et extérieur au club,
- le club n'avait donc pas le pouvoir juridique de faire échec à la réalisation de cette condition,
- c'est uniquement l'état physique de Monsieur y Z qui a empêché la réalisation et donc la signature du contrat de travail,
- la visite médicale a été reportée à la demande de l'agent du joueur, par courrier du 21 mai 2014, dans lequel il rappelle que le résultat de la visite médicale conditionnait sa promesse de signer un contrat de travail avec le joueur et que dans l'hypothèse où la visite médicale ne satisfaisait pas aux standards du club, aucun contrat de travail ne serait conclu avec lui,
- Monsieur y Z n'a pas demandé de contre-expertise et n'a pas cherché à obtenir une fiche d'aptitude au travail,
- son indisponibilité n'était pas limitée à seulement trois mois ; il s'agissait d'un minimum. En réalité, Monsieur y Z a été éloigné des terrains pendant 14 mois,
- subsidiairement :
- si la promesse devait valoir contrat de travail, elle est devenue caduque à raison de la non-réalisation de la condition suspensive relative à la situation médicale du joueur,
- la loi n° 629 du 17 juillet 1957 n'interdit pas de soumettre une embauche à l'aptitude du salarié à accomplir l'emploi pour lequel il est engagé,
- elle est également devenue caduque faute pour Monsieur y Z de pouvoir obtenir un permis de travail, toujours en application de la loi n° 629,
- n'ayant pas été déclaré apte au travail pour lequel il a été embauché, Monsieur y Z ne pouvait obtenir de permis de travail,
- l'employeur pouvait y mettre un terme pendant la période d'essai prévue à l'article 4 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, mais aussi pour justes motifs,
- sur la demande d'indemnisation :
- les parties n'ont pas prévu de cumuler les deux pénalités (celle due par le joueur et celle due par le club),
- il ne peut cumuler les salaires jusqu'à la fin du contrat de travail et la clause pénale contenue dans la promesse.
SUR CE,
Sur la jonction
Il convient d'ordonner, en application des dispositions de l'article 59 alinéa 2 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifiée, la jonction des instances portant les numéros 39 de l'année judiciaire 2014-2015 et 43 de l'année judiciaire 2015-2016, dès lors que les demandes dérivent d'un même contrat de travail.
Sur la nature de l'acte en date du 14 janvier 2014
En application des dispositions de l'article 1er de la loi n° 729 du 16 mars 1963 le contrat de travail est la convention par laquelle une personne s'engage temporairement à exécuter un travail sous l'autorité et au profit d'une autre personne contre paiement d'un salaire déterminé.
La promesse est la convention par laquelle une personne promet à une autre de conclure un contrat principal à des conditions déterminées.
Lorsqu'il est correctement qualifié, le contrat de promesse constitue un contrat préparatoire par rapport au contrat définitif.
En effet, la promesse n'est par essence qu'un avant-contrat auquel certains éléments de formation du contrat définitif font défaut.
C'est ainsi qu'elle ne doit pas être confondue avec le contrat lui-même, parfait mais assorti d'un terme ou d'une condition suspensive.
Les parties produisent un acte daté du 14 janvier 2014, en langue anglaise avec sa traduction française, intitulé « promesse de contrat de travail ».
Le Tribunal relève que le document visé ci-dessus reprend l'ensemble des conditions permettant de conclure à l'existence d'un contrat de travail et non d'une promesse d'embauche et notamment :
la durée de l'engagement : à durée déterminée pendant quatre saisons,
la nature des fonctions de Monsieur y Z : Joueur de Football Professionnel,
la rémunération et les primes accessoires,
le lieu de travail,
les obligations du joueur.
Ce document comporte en annexe un contrat de travail à durée déterminée, non daté et non signé par l'employeur, et qui reprend l'ensemble des éléments de la promesse, complété par des clauses obligatoires selon le modèle Isyfoot, devant être soumis à l'homologation de la Ligue de football professionnel.
Le contrat de travail porté en annexe de cette convention et conforme au modèle Isyfoot n'est pas signé par le club sur la partie réservée à la signature, la mention « lu et approuvé » n'est pas reprise et il ne comporte pas de date.
Aux termes des dispositions de l'article 981 du Code civil :
« Tout contrat a pour objet une chose qu'une partie s'oblige à donner, ou qu'une partie s'oblige à faire ou à ne pas faire. ».
Le contrat n'est valablement formé que s'il porte sur un objet qui existe au moment de sa conclusion.
De plus, pour être valable, un contrat doit avoir un objet possible à réaliser.
L'article 985 du même code prévoit en son premier alinéa que les choses futures peuvent être l'objet d'une obligation.
L'expression de «choses futures» doit être conçue de manière large. Elle vise non seulement les biens matériels, mais aussi les droits à venir.
En l'espèce, l'objet du contrat dit « annexe » (les prestations respectives des parties) était suspendu par la promesse de contrat préexistante, datée et signée par les parties, laquelle prévoit des conditions suspensives pour la formation définitive du contrat « annexe ».
Le contrat de travail ainsi conclu entre les parties le 14 janvier 2014 comporte les conditions suspensives suivantes :
« VI. CONDITIONS
L'engagement final d'engager le joueur par le club est soumis aux conditions suivantes :
(a) Le club doit être éligible pour jouer en Ligue 1 par les autorités de la Ligie de la Fédération Française pour la saison 2014/2015 ;
(b) Le club doit être satisfait de l'état médical du joueur et de sa forme physique conformément à sa politique standard et ce qui est indiqué dans la clause VII ;
(c) Le joueur doit être inscrit par la Ligue professionnelle de football française auprès du club conformément à un modèle de contrat Isyfoot et il doit être éligible pour jouer pour le club en Ligue 1 française pour la saison 2014/2015.
Si les conditions indiquées ci-dessus ne sont pas satisfaites à la date due (avant le 31 août 2014), l'engagement final d'engager le joueur cessera d'être en vigueur sans le besoin d'une notification à cet effet et sera considéré sans effet quelconque.
VII. EXAMEN MÉDICAL
Le club et le joueur s'engagent à organiser l'examen médical prévu dans la clause VI de la manière suivante :
le club s'engage à organiser un examen médical du joueur conformément à sa politique standard dans les cinq jours suivant la rencontre finale du joueur de la saison 2013/2014,
cinq jours au plus tard avant la date prévue, le club informera le joueur de la date de l'examen médical, par email,
dès réception, mais pas plus tard que 24 heures après la réception de l'avis, le joueur confirmera sa présence par email,
en cas de raison légitime et impérieuse, le joueur peut repousser la date de l'examen médical et doit donner des dates de disponibilité dans la période spécifiée,
le club fixera ensuite une nouvelle date pour l'examen médical qui communiquée par email au joueur et que le joueur ne pourra pas refuser,
le jour de l'examen médical, le joueur signera une feuille de présence,
le club communiquera au joueur le résultat de l'examen médical dès que possible. ».
La SAM B s'est ainsi engagée, de manière claire, à conclure un contrat de travail avec Monsieur y Z, sous réserve des conditions sus évoquées.
L'obligation est conditionnelle lorsqu'on la fait dépendre d'un événement futur et incertain soit en la suspendant jusqu'à ce que l'événement arrive, soit en la résiliant selon que l'événement arrivera ou n'arrivera pas.
Les obligations ainsi contractées respectivement par les parties ne deviendront définitives qu'après l'exécution des conditions visées ci-dessus.
Il convient dans ces circonstances de vérifier si lesdites conditions se sont réalisées.
L'employeur soutient que la condition tenant à la visite médicale n'a pas été satisfaite.
Il n'est pas contestable que Monsieur y Z a été blessé lors du match de Liga espagnole le 26 mars 2014, entre le C et le CELTA VIGO, victime d'une rupture du ligament croisé du genou droit.
Cette blessure intervient postérieurement à la signature de la promesse de contrat visée supra.
Dès l'annonce de la blessure du joueur, la SAM B s'est rapprochée de l'agent de ce dernier par courrier du 30 avril 2014, en ces termes :
« Cher Monsieur,
Nous faisons suite à notre réunion d'hier au cours de laquelle nous avons évoqué la blessure de y Z et l'opération chirurgicale qu'il a subie en Allemagne à la fin du mois dernier. Comme nous vous l'avons dit, nous espérons sincèrement que cette opération est réussie et nous lui souhaitons un prompt rétablissement.
Comme convenu, notre staff médical va contacter le médecin de v. en Allemagne pour évoquer son dossier médical.
Nous souhaitons organiser le plus rapidement possible la visite médicale prévue aux articles VI et VII de la promesse que vous avons signée avec lui 14 janvier 2014.
Comme vous le savez, cette promesse d'engagement est notamment conditionnée par le fait que sa condition physique et sportive réponde aux standards du club (article VI). Or, il est de l'intérêt de tous de savoir le plus rapidement possible si v. sera ou non en mesure de répondre à ces standards pour la reprise de la saison 2014-2015.
Merci de nous donner les disponibilités de v. afin que nous puissions organiser cette visite dans les meilleures conditions. ».
Monsieur Ginés CA., Agent de Monsieur y Z, répondait le 8 mai 2014, en ces termes :
« Messieurs,
En réponse à votre communication du 30 avril 2014, et comme continuation à la réunion tenue à Monaco le 29 avril, je vous indique que nous ferons tout le nécessaire pour que les médecins de votre club puissent entrer en contact avec l'équipe médicale qui a réalisé l'intervention en avril dernier.
De plus, nous savons qu'à cet effet, les premiers contacts ont déjà eu lieu entre les deux équipes médicales.
En ce qui concerne l'engagement que vous citez dans votre communication, indépendamment du fait qu'il existe dans les termes que les deux parties connaissent, ainsi que nous vous l'avons exprimé au cours de la réunion du 29 avril, nous pensons qu'il a été abrogé par le contrat de travail signé ultérieurement par les parties, dont l'efficacité et la validité ne dépend, comme conditions suspensives, que des homologations et des formalités y afférentes.
Il ressort, de façon évidente, des termes et conditions dudit contrat de travail que sa validité et efficacité ne dépend aucunement d'un examen physique ou médical conforme aux barèmes du club.
Nous sommes surpris de vous voir manifester que ledit engagement constitue une condition car le contrat de travail a été signé par les parties dans le but d'éviter tout problème à ce sujet, et il consacre le lien existant entre elles le plus tôt possible, du point de vue fédératif, surtout que les normes de la FIFA, soit le statut et transfert de joueurs, interdit à l'article 18.4 de faire dépendre la validité d'un contrat de travail du résultat positif d'un examen médical.
De toutes façons, le joueur, comme nous l'avons déclaré au cours de la réunion de Monaco, se soumettra à tous les examens et tests que le club considère nécessaires, tout en signalant clairement que ces examens ne constituent que de simples évaluations du développement de sa blessure, et non pas un contrôle d'accès à une relation de travail déjà constituée.
Dans le but de pouvoir effectuer toute évaluation médicale, dans le sens indiqué ci-dessus nous vous invitons à nous indiquer des dates possibles à cet effet, afin de déterminer laquelle s'adapte le mieux au déplacement du joueur. ».
Le Tribunal renvoie à des développements concernant la nature de l'engagement signé le 14 janvier 2014, en ce qu'il constitue une promesse de contrat sous conditions suspensives et n'étant définitif qu'à la réalisation de toutes les conditions suspensives prévues dans ladite promesse.
Bien plus, concernant le contrat porté en annexe de la promesse.
Les règles FIFA invoquées par le demandeur ne sont pas applicables dans le présent litige, les parties en ayant expressément écarté l'application dans la clause XV de la convention du 14 janvier 2014 et soumettant tout litige éventuel au droit de Monaco.
Par la suite, la SAM B, par courrier du 12 mai 2014 réitérait son argumentation sur la promesse et le contrat de joueur professionnel et proposait la date du 21 mai à 13 heures pour la visite médicale de Monsieur y Z.
L'échange de correspondances sur cette divergence d'interprétation s'est poursuivi.
Dans une missive du 21 mai 2014, la SAM B fait état d'un courrier de Monsieur Ginés CA. du 14 mai 2014 (figurant à son dossier sans en espagnol sans traduction en français) et d'un mail de ce dernier du 16 mai 2014 (non produit) et indique qu'elle est disposée à reporter la visite médicale du joueur « pour tenir compte de sa situation médicale ».
Celle-ci intervenait le 2 juillet 2014. Elle était réalisée par le professeur Jean-Henri JA., Chirurgien Orthopédique et Traumatologique, à l'IM2S (clinique médico-chirurgicale orthopédique de Monaco), lequel a établi un certificat médical le même jour :
« Je soussigné, Professeur Jean-Henri JA., certifie avoir examiné M. y Z le 2 juillet 2014.
Ce patient est né le 14.01.1982 et exerce la profession de footballeur.
Compte tenu de la clinique actuelle, compte tenu de l'état de cicatrisation, le patient est actuellement inapte à la reprise du football de haut niveau et le sera pendant un délai minimum de 3 mois.
Un nouvel examen s'impose dans un délai de 3 mois avant toute décision définitive sur la reprise. ».
Le demandeur considère que la condition suspensive relative à « l'état médical du joueur et de sa forme physique conformément à sa politique standard » est illicite et potestative.
L'illégalité de cette clause ne peut être retenue eu égard aux spécificités du contrat envisagé et des parties en cause.
En effet, il est d'usage en matière de contrats « sportifs » de subordonner l'engagement définitif d'un joueur à la réalisation de la condition suspensive d'une visite médicale satisfaisante, le club devant s'assurer, avant de s'engager pour une durée déterminée, de la bonne condition physique du joueur.
Sur la condition potestative
Les dispositions de l'article 1025 du Code civil prévoient :
« La condition potestative est celle qui fait dépendre l'exécution de la convention d'un événement qu'il est au pouvoir de l'une ou de l'autre des parties contractantes de faire arriver ou d'empêcher ».
La potestativité est ainsi retenue dès lors que l'exécution de la convention dépend d'un événement qu'il est au seul pouvoir de l'une des parties de faire survenir ou d'empêcher.
À l'inverse, il n'y a pas de potestativité dès lors que la réalisation de la condition dépend non seulement de la volonté du débiteur mais aussi de la volonté d'un tiers. Il en est de même dès lors que la réalisation de la condition dépend non de la seule volonté d'une partie, mais de circonstances objectives, susceptibles d'un contrôle judiciaire.
En l'espèce, le résultat de la visite médicale et par ricochet la constatation de la forme physique du joueur ne dépend en aucune manière du seul employeur.
En effet, la visite médicale est réalisée par un médecin extérieur au club, sans aucun lien de subordination. Les conclusions médicales sont par la suite adressées au club et aux médecins de ce dernier, lesquels estiment si le contrat peut être signé avec le joueur au vu de ces résultats.
S'agissant de constatations purement médicales, le joueur pouvait parfaitement solliciter un nouvel examen suite à la décision de la SAM B de ne pas donner suite à la promesse de contrat.
L'abstention de Monsieur y Z ne le prive pas d'une contestation devant la présente juridiction, ce qui retire à la clause toute notion de potestativité.
Il convient de revenir sur les spécificités des parties et de la nature des conventions.
Il résulte des pièces des parties que le club de football de Monaco était qualifié pour la saison 2014/2015 en Ligue des Champions et avait procédé à un recrutement devant leur permettre de faire « bonne figure » dans cette compétition de haut niveau.
Pour ce faire, le club avait décidé de recruter Monsieur y Z, au poste de Gardien de but, celui-ci faisant partie des meilleurs gardiens européens.
Il convient encore de relever que le début de l'entrainement pour la saison 2014/2015 était fixé au 2 juillet 2014 et que des matchs amicaux précédaient la reprise du championnat, devant débuter le 9 août 2014.
De plus, la SAM B a terminé deuxième du championnat, ce qui lui a assuré une place qualificative directe pour la phase de groupes de la Ligue des Champions, le premier match se déroulant le 16 septembre 2014.
Comme il a été indiqué supra, Monsieur y Z a souffert d'une rupture du ligament croisé du genou droit le 26 mars 2014.
La SAM B produit à ce titre une étude « prospective sur 15 ans sur l'évolution dans le temps et sur les taux de retour au jeu » d'un joueur victime de cette blessure de laquelle il résulte que « seulement 65 % des joueurs jouent encore en haut niveau 3 ans après une rupture du LCA ».
Eu égard aux résultats de la visite médicale et des constatations du professeur Jean-Henri JA., Monsieur y Z ne pouvait non seulement débuter la saison (le 2 juillet 2014 pour la reprise de l'entraînement et le 9 août pour la Ligue 1) mais également participer au premier match de Ligue des Champions ; sans pour autant être certain de sa participation au deuxième match de cette compétition, le 1er octobre 2014.
Il résulte encore du compte rendu médical que le club n'avait aucune certitude sur la durée totale d'indisponibilité du joueur et sur une récupération totale de ce dernier, lui permettant de joueur à un haut niveau durant la saison à venir.
Le résultat de la visite médicale ne pouvait dès lors être considéré comme satisfaisant, de sorte que la condition suspensive prévue conventionnellement n'a pas été réalisée, légitimant la décision du club, compte tenu des enjeux financiers importants (tant à l'égard du joueur que sur les résultats à venir du club) de ne pas donner suite à sa promesse de contrat de travail.
Monsieur y Z sera dans ces circonstances débouté de toutes ses demandes financières.
Sur la demande de dommages et intérêts présentée par la SAM B
L'action en justice constitue l'exercice d'un droit et que l'appréciation erronée qu'une partie fait de ses droits n'est pas, en soi, constitutive d'un abus, sauf démonstration, non rapportée au cas d'espèce, d'une intention de nuire, d'une malveillance ou d'une erreur équipollente au dol.
Monsieur y Z n'apparaît pas avoir commis d'abus en saisissant le Tribunal du travail, n'ayant commis aucune faute dans l'exercice de ce recours ni d'erreur équipollente au dol, ni fait preuve d'une quelconque intention de nuire envers le défendeur, compte tenu notamment de la complexité de la matière et de la diversité de la jurisprudence ; il a donc pu se méprendre sur l'étendue de ses droits, l'appréciation erronée du bien-fondé de ses demandes ne suffisant pas à caractériser un abus à l'encontre de la société défenderesse ;
La demande de dommages-intérêts formulée par la SAM B sera purement et simplement rejetée ;
Par ailleurs, la demande au titre des frais irrépétibles ne peut aboutir, cette notion n'existant pas en droit du for.
Succombant dans ses prétentions, Monsieur y Z sera condamné aux dépens.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant par jugement contradictoire, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Ordonne la jonction des instances portant les numéros 39 de l'année judiciaire 2014-2015 et 43 de l'année judiciaire 2015-2016 ;
Déboute Monsieur y Z de toutes ses demandes,
Déboute la société anonyme monégasque dénommée B de sa demande en dommages et intérêts ;
Condamne Monsieur y Z aux dépens ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Nicolas MATILE, Didier MARTINI, membres employeurs, Mesdames Anne-Marie PELAZZA, Nathalie VIALE, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le cinq octobre deux mille dix-sept, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Monsieur Nicolas MATILE et Mesdames Anne-Marie PELAZZA et Nathalie VIALE, Monsieur Didier MARTINI étant empêché, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef.