Tribunal du travail, 1 juin 2017, Monsieur f. g. a. KA c/ La SAM A

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Abstract🔗

Contrat de travail - Licenciement - Faute grave (oui) - Manquement aux obligations contractuelles - Manquement à l'obligation générale d'exécution de bonne foi du contrat de travail

Résumé🔗

Repose sur une faute grave, le licenciement du salarié, engagé en qualité de directeur général, ayant pour mandat d'assurer la direction et la gestion de l'organisme à la lumière des orientations stratégiques établies par l'employeur, lequel n'a pas respecté l'ensemble de ces obligations, malgré plusieurs rappels à l'ordre et lequel a demandé à ses subordonnés d'établir une liste de clients pour ensuite la transmettre à un tiers, et ce malgré le désaccord de l'employeur. Il s'agit d'une violation caractérisée des obligations contractuelles et de l'obligation générale d'exécution de bonne foi du contrat de travail.


Motifs🔗

TRIBUNAL DU TRAVAIL

AUDIENCE DU 1er JUIN 2017

  • En la cause de Monsieur f. g. a. KA., demeurant : Via X1- à FAGNIGOLA DI AZZANO (33082), ITALIE,

demandeur, ayant élu domicile en l'Etude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, substitué par Maître Arnaud CHEYNUT, avocat près la Cour d'Appel de Monaco,

d'une part ;

Contre :

  • La SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE dénommée A, dont le siège social se situe : X2 à MONACO (98000),

défenderesse, plaidant par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et ayant élu domicile en son Etude,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 15 avril 2014, reçue le 17 avril 2014 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 14 octobre 2014 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de Monsieur f. KA., en date des 8 janvier 2015, 8 octobre 2015, 2 juin 2016 et 1er décembre 2016 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE dénommée A, en date des 2 avril 2015, 4 février 2016, 6 octobre 2016 et 5 janvier 2017 ;

Après avoir entendu Maître Arnaud CHEYNUT, avocat près la Cour d'Appel de Monaco pour Monsieur f. KA., et Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, pour la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE dénommée A, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

f. KA. a été embauché par la SAM A par contrat à durée indéterminée du 26 juillet 2012, avec prise d'effet au 1er janvier 2014 au plus tard, en qualité de Directeur Général, avec une rémunération de 360.000 euros net par an, outre un intéressement à hauteur de 10 % des éventuels bénéfices nets de la société au cours de chaque exercice.

Monsieur KA. a pris ses fonctions le 1er janvier 2013.

Il bénéficiait également d'un appartement à Monaco et d'un véhicule de fonction de marque Y, modèle Z.

Par courrier du 18 juin 2013, l'employeur a adressé une mise en garde à Monsieur KA., déplorant sa « désinvolture » et lui demandant de « s'impliquer personnellement dans l'animation et la gestion de la société ».

Le 19 juin 2013, l'employeur a envoyé un courrier concernant ses dernières notes de frais.

Le 11 juillet 2013, il a été de nouveau reproché à Monsieur KA. un manque d'implication dans l'animation et le développement de la société.

Le salarié a répondu par courriels des 17 et 18 juillet 2013, s'expliquant sur l'ensemble des faits qui lui étaient reprochés.

Après deux courriers de reproches en date des 23 et 26 juillet 2013, l'employeur a notifié à Monsieur KA., par lettre du 2 septembre 2013, une mise à pied à titre conservatoire et sa convocation à un entretien préalable à son licenciement éventuel.

Monsieur KA. a ensuite été licencié le 5 septembre 2013 pour faute grave.

Par requête du 15 avril 2014 reçue le 17 avril 2014, Monsieur KA. a saisi le Tribunal du Travail en conciliation, des demandes suivantes :

  • - Dire et juger que son licenciement pour faute grave, notifié le 5 septembre 2013 par la SAM A, ne repose pas sur un motif valable et qu'il présente en outre un caractère abusif,

  • - En conséquence,

  • - Condamner la SAM A à lui verser les sommes suivantes :

    • * Indemnité compensatrice de préavis (6 mois) : 306.272,58 €,

    • * Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 30.627,26 €,

    • * Indemnité de licenciement : 16.334,54 €,

    • * Rappel d'indemnité compensatrice de congés payés : 14.620,44 €,

    • * Dommages et intérêts pour licenciement abusif : 153.136,29 €,

    • * Dommages et intérêts pour perte de l'avantage retraite garanti par l'employeur : 76.000 €,

    • * Participation en actions (article 6 du contrat de travail) : 450.000 €,

    • * TOTAL : 1.046.991,10 €,

  • - Dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la tentative de conciliation,

  • - Donner acte à Monsieur KA. de ce qu'il se réserve le droit de solliciter à compter du mois de juin 2014 les sommes lui revenant au titre de l'indemnité d'administrateur,

  • - Voir ordonner à la SAM A de régulariser auprès des caisses sociales et de retraite, l'intégralité des sommes par elle versées en exécution du jugement à intervenir et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir,

  • - Voir ordonner à la SAM A de remettre à Monsieur KA. la totalité des bulletins de salaire dûment régularisés et rectifiés, et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir,

  • - Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Aucune conciliation n'étant intervenue, l'affaire a été renvoyée devant le Bureau de Jugement.

Monsieur KA. a déposé des conclusions les 8 janvier et 8 octobre 2015, 2 juin et 1er décembre 2016 dans lesquelles il soutient essentiellement :

  • - La demande reconventionnelle de la SAM A est irrecevable dans la mesure où elle n'a pas fait l'objet du préliminaire de conciliation,

  • - Sur le motif de licenciement :

* Sur le défaut d'implication et l'insuffisance professionnelle :

  • - Les courriers adressés par l'employeur en l'espace d'un mois ne peuvent à eux seuls constituer des preuves,

  • - L'employeur ne démontre pas l'insuffisance professionnelle alléguée,

  • - Il n'entre pas dans la mission d'un Directeur Général de gérer l'absence d'un salarié. Cette responsabilité incombe au supérieur hiérarchique direct de celui-ci ou au Responsable des Ressources Humaines,

  • - Suite au courrier de l'employeur concernant les notes de frais, il a respecté les règles internes en la manière et aucune autre observation ne lui a été faite sur ce point,

  • - Les courriels qu'il a adressés au mois de juillet 2013 à l'employeur pour apporter ses explications sur les fautes qui lui étaient reprochées sont restés sans réponse,

  • - Il lui est reproché une absence le 25 juillet 2013 alors qu'il s'est présenté à son poste ce jour-là, compte tenu d'une réunion planifiée avec Monsieur PA., et alors qu'il était malade. Le rendez-vous n'a pas été honoré par ce dernier,

  • - Son bulletin de salaire du mois de juillet 2013 ne comporte aucun jour d'absence décompté par l'employeur,

  • - Il était en congé le 19 juillet 2013,

  • - Les déclarations de tiers recueillies par sommation interpellative ne sont pas admissibles en tant que preuves testimoniales. Elles ne sauraient pas plus être recevables comme commencement de preuve par écrit,

  • - Les sommations interpellatives produites par l'employeur ne constituent pas des déclarations spontanées mais des témoignages destinés à éclairer le Tribunal,

  • - Pour autant, ils ne revêtent pas la forme de l'attestation et devront être écartés des débats,

  • - Les attestations produites par l'employeur en pièces n° 9 et 23 doivent être déclarées nulles pour non-respect des prescriptions de l'article 324 du Code de Procédure Civile,

- Sur le fond des attestations :

  • - Les déclarations ont toutes été établies par des salariés ou partenaires du groupe placés sous un lien de subordination ou de dépendance économique voire d'intérêt commercial avec la défenderesse,

  • - Les questions induisent les réponses, lesquelles sont toutes semblables, donnant l'impression qu'elles ont été dictées,

  • - Elles ont été établies sur le lieu de travail (sauf pour Monsieur MU.) ce qui laisse envisager d'éventuelles pressions,

  • - Les déclarants ne font état d'aucun faits précis auxquels ils auraient personnellement assisté,

  • - Il conteste en outre les propos contenus dans ces déclarations,

  • - Au 30 juin 2013, la SAM A était nettement en avance sur la réalisation du budget 2013,

* Sur le détournement de propriété intellectuelle et d'éléments confidentiels au profit de tiers :

  • - L'employeur est totalement défaillant dans l'administration de la preuve sur ce grief,

* Sur les violations des directives données par l'employeur :

  • - L'employeur ne justifie pas du contenu des directives concernées,

  • - Il ne justifie pas plus de l'intérêt personnel qu'il aurait recherché,

* Sur le caractère abusif du licenciement :

  • - En procédant à son licenciement pour faute grave, l'employeur a cherché uniquement à s'exonérer du paiement de la somme de 450.000 euros au titre du rachat des actions qui lui avaient été attribuées à son embauche,

  • - La SAM A a cherché à le piéger sur le projet « W » ainsi qu'il résulte des échanges de courriels avec Monsieur BU. entre le 17 juillet 2013 et le 21 août 2013,

  • - Depuis son licenciement, il n'a pas retrouvé d'emploi et vit grâce à ses économies,

  • - Il a des enfants à charge.

La SAM A a déposé des conclusions les 2 avril 2015, 4 février et 6 octobre 2016, 5 janvier 2017 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et sollicite reconventionnellement la somme de 50.000 euros de dommages et intérêts ainsi que l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Elle fait valoir essentiellement :

  • - Sur le motif du licenciement :

* Sur le défaut d'implication et l'insuffisance professionnelle :

  • - Le premier courrier formel du 18 juin 2013 fait état de griefs très précis relatifs à l'absence longue durée de j. PA. et de la désorganisation qui en a résulté pour la société,

  • - Il ne s'agissait pas de gérer une simple absence ponctuelle mais d'assurer le bon fonctionnement de la société dont Monsieur KA. était le Directeur Général,

  • - Un premier manquement grave avait été constaté au mois de février 2013 lorsque Monsieur KA. avait oublié de traiter le dossier de potentiels clients très importants (les frères BA.) occasionnant un manque à gagner très substantiel,

  • - Le 11 juillet 2013, un nouveau rappel à l'ordre est adressé concernant le potentiel client dénommé m. ZI.,

  • - Monsieur KA. estime qu'il ne lui appartenait pas de s'assurer que les accords ont été mis en place avec chaque partenaire,

  • - Le 23 juillet 2013, il est reproché à Monsieur KA. son défaut d'initiative pour informer les clients de l'absence de la responsable gestion santé depuis le mois de mars 2013,

  • - Les courriels adressés à cette salariée absente n'étaient même pas redirigés vers d'autres collaborateurs et demeuraient sans réponse,

  • - Le 25 juillet 2013, Monsieur KA. n'a pas assisté à la réunion mensuelle de l'ensemble des commerciaux en région PACA,

  • - Les résultats de la société au mois de juin 2013 ne pourraient être attribués au travail de Monsieur KA. arrivé six mois plus tôt,

  • - Les sommations interpellatives produites sont parfaitement recevables,

  • - Elles démontrent la réalité des griefs reprochés à Monsieur KA.,

  • - Il en est de même des attestations versées aux débats par l'employeur,

  • - Monsieur KA. n'a pas changé de comportement malgré les avertissements de sa hiérarchie,

* Sur le détournement de propriété intellectuelle et d'éléments confidentiels au profit de tiers :

  • - Sur le site internet « V » figurent le logo de la société employeur ainsi que la présentation de la SAM A sans que l'employeur n'en ait été informé,

  • - L'implication de Monsieur KA. est démontrée dans les échanges de courriels qu'il a eus avec Monsieur BU., Directeur Commercial,

  • - Le salarié a tout mis en œuvre pour associer la SAM A à cette entité pour le moins douteuse, sans jamais avoir reçu d'instruction en ce sens de son président délégué,

  • - Sur la condamnation de Monsieur KA. à des dommages et intérêts :

- Cette procédure manifestement abusive et dénuée de tout fondement engendre des frais qu'il serait inéquitable de laisser à la charge du défendeur,

- Le comportement de Monsieur KA. a en outre engendré un préjudice de réputation pour la SAM A,

- Contrairement à ce qu'il conclut, Monsieur KA. a retrouvé un emploi dès le mois de septembre 2013 en tant que consultant exerçant en nom propre,

- Depuis le 1er novembre 2015, il occupe le poste de Directeur Général de la société B.

À l'audience, la SAM A a sollicité le rejet des dernières pièces communiquées par le demandeur après la fixation du dossier.

SUR CE :

  • 1 - Sur le rejet des pièces communiquées par Monsieur KA. après la fixation du dossier

Le défendeur soutient que les pièces produites sous les numéros 19 et 20 sont en langue étrangère, sans traduction assermentée et en dehors de tout calendrier procédural.

Le Tribunal relève que lesdites pièces sont accompagnées d'une traduction libre en pièces n° 19bis et 20bis.

En vertu de l'article 8 de la Constitution, aux termes duquel la langue française est la langue officielle de l'État de Monaco, les débats devant les juridictions monégasques doivent être menés dans cette langue et les pièces produites en langue étrangère dument traduites.

La Cour de Révision dans un Arrêt rendu le 14 octobre 2015 (pourvoi n° 2014-52) exige une traduction certifiée.

Ainsi, toute pièce produite rédigée en langue étrangère doit être accompagnée de sa traduction par un traducteur assermenté, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

Bien plus, la traduction des pièces n° 19 et 20 a été communiquée au défendeur suivant bordereau en date du 16 janvier 2017, l'affaire devant être plaidée le 2 février 2017 ;

Il y a lieu de rappeler qu'une telle communication tardive, en dehors du calendrier procédural fixé à l'audience du 6 octobre 2016, a privé le défendeur de faire valoir pleinement ses droits sur le fond de ces documents ;

Il y a donc lieu de faire droit à la demande et d'écarter des débats les dites pièces ;

  • 2 - Sur la nullité des attestations produites par Monsieur KA. en pièces n° 9 et 23

Au terme de l'article 324 du Code de Procédure Civile, les attestations doivent, à peine de nullité, être écrites, datées et signées de la main de leur auteur, mentionner leur nom, prénom, date et lieu de naissance, demeure et profession, ainsi que l'existence ou l'absence de liens de parenté, alliance, subordination et d'intérêt avec les parties, préciser si l'auteur a un intérêt au litige, indiquer que l'auteur a établi cette attestation pour être produite en justice et qu'une fausse attestation l'expose aux sanctions de l'article 103 du Code Pénal, et être accompagnée d'une copie d'un document officiel comportant sa signature ;

La pièce n° 9 est une attestation rédigée par a. VE. dont une partie est dactylographiée et notamment les mentions concernant l'existence d'un lien de parenté, d'alliance ou d'intérêt et surtout celle relative aux sanctions prévues par les dispositions de l'article 103 du Code Pénal ;

Ce faisant, la nullité de ces attestations doit être prononcée.

La pièce n°2 3 est une attestation rédigée par a. MU. dans les mêmes conditions que la pièce n° 9.

Cependant, l'employeur produit en pièce n° 41 la régularisation des omissions ainsi constatées, Monsieur MU. faisant expressément référence à l'attestation par lui établie le 1er octobre 2014.

Il n'y a pas lieu en conséquence d'annuler ce document.

  • 3 - Sur les sommations interpellatives

Aux termes des dispositions de l'article 323 du Code de Procédure Civile :

« Lorsque la preuve testimoniale est admissible, le tribunal peut recevoir des tiers les déclarations de nature à l'éclairer sur les faits litigieux auxquels ils ont assisté ou qu'ils ont personnellement constatés.

Les déclarations sont faites par attestation ou recueillies par voie d'enquête. ».

L'enquête est prévue par les articles 326 à 343 du Code de Procédure Civile.

Il résulte de ces dispositions que toute sommation qui tendrait à enquête doit être proscrite ; l'Huissier de Justice n'a pas qualité pour interroger d'éventuels témoins, pour leur poser des questions et pour résumer leurs réponses.

Ainsi, les Huissiers de Justice ne peuvent contrevenir aux dispositions visées supra et ne peuvent dès lors recueillir des témoignages qu'aux seules fins d'éclairer leurs constatations matérielles.

Les sommations interpellatives produites par l'employeur et par lesquelles il recueille les témoignages de ses salariés doivent être écartées des débats.

  • 4 - Sur la validité du licenciement

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité et de la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de rupture et notamment de la faute grave alléguée.

La faute grave résulte de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise et exige son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis.

Cette faute n'est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est découlé.

En l'espèce, Monsieur KA. a été licencié par lettre du 5 septembre 2013 ainsi libellée :

« Monsieur le Directeur Général,

Je fais suite à notre entretien du 2 septembre 2013 au cours duquel vous a été remis en main propre un courrier contre décharge vous notifiant une mise à pied conservatoire en l'attente d'un entretien préalable relatif à un projet de licenciement pour faute grave vous concernant.

Cet entretien préalable, tenu le 4 septembre 2013 au cours duquel vous n'avez pu justifier des griefs qui vous étaient reprochés, ne m'a pas permis de modifier ma position quant au projet de licenciement pour faute grave vous concernant.

Je rappellerai qu'à plusieurs reprises, j'ai eu à vous mettre en garde contre votre désinvolture et votre manque d'implication dans la gestion et l'animation de la SAM A.

A mon retour de congés, j'ai appris que vous aviez demandé expressément qu'un des collaborateurs de la SAM A adresse les références complètes de nos 30 à 40 meilleurs clients à une entité, non précisément identifiée, dénommée U ou T.

Or, je vous avais clairement et préalablement indiqué que je ne souhaitais pas avoir de partenariat ou un quelconque lien commercial avec ladite entité.

En dépit de mes directives, vous avez poursuivi des relations, au nom de la SAM A, avec cette entité et souhaité la promouvoir.

Vous n'avez pu nier, lors des entretiens précités que sur le site internet de l'entité T, figurait le logo de la SAM A ainsi que le logo de ses marques « C », D» et « E » ainsi que ses crédits photos.

Aucun accord verbal, ni aucune autorisation écrite de collaboration commerciale n'a jamais été donné ou signé par mes soins.

Figurait également le logo du GROUPE F, qui n'a pas plus donné son accord verbal ou écrit.

Les investigations menées durant votre mise à pied conservatoire ont permis de conforter le fait que vous avez permis, sans la moindre sécurité juridique, que soit utilisé sans accord, ni partenariat commercial notre logo et nos parques ainsi que le logo du GROUPE F.

De plus, vous avez réitéré, à plusieurs reprises, votre demande que soit transmis à l'entité précitée, les noms des 30 à 40 meilleurs clients de la SAM A et ce, contrairement à vos obligations de loyauté et de confidentialité prévues contractuellement.

En conséquence de ce qui précède, je vous notifie par la présente, votre licenciement pour faute grave, à effet immédiat.

... ».

L'employeur soutient ainsi dans ses écritures que le licenciement de Monsieur KA. est fondé sur une insuffisance professionnelle et un défaut d'implication, ainsi qu'une mauvaise volonté délibérée à l'origine de cette insuffisance professionnelle.

Il fait également état d'un détournement d'éléments de propriété intellectuelle et d'éléments confidentiels au profit d'un tiers, dans un intérêt manifestement personnel.

  • 1- Sur l'insuffisance professionnelle et le défaut d'implication

Il n'est pas contesté que l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir patronal et le Juge ne peut prétendre y substituer son appréciation ; néanmoins, il convient pour celui-ci de vérifier que ses exigences étaient justifiées.

Pour constituer une cause de licenciement, l'insuffisance professionnelle doit être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables. Il revient au Juge de vérifier l'incompétence alléguée par l'employeur, laquelle ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de celui-ci mais doit reposer sur des éléments concrets pour constituer un motif valable de licenciement.

Elle se caractérise par l'inaptitude du salarié à exécuter correctement le travail pour lequel il a été embauché et se manifeste dans les répercussions en tant qu'elle perturbe la bonne marche de l'entreprise.

Il incombe en conséquence à l'employeur d'apporter au Juge des éléments objectifs à l'appui des faits qu'il invoque comme propres, selon lui, à caractériser l'insuffisance professionnelle dont il se prévaut.

Monsieur KA. a été embauché pour exercer les fonctions de Directeur Général, statut cadre, à savoir :

« ARTICLE 2 : FONCTIONS

Dans le cadre de l'ensemble de ses fonctions, Monsieur KA. respectera les engagements qui résultent de la politique de la société.

Ainsi de manière générale, il est conféré à Monsieur KA., dans le cadre de la politique de la société, les pouvoirs et les responsabilités lui permettant d'assurer de manière optimum l'ensemble des fonctions et missions de direction générale de la société.

L'ensemble de ces fonctions n'ayant qu'un caractère indicatif, toute modification ultérieure ne pourra en aucun cas être constitutive d'une modification du présent contrat.

Monsieur KA. exercera ses fonctions sous l'autorité et dans le cadre des instructions données par Monsieur j-v. PA., en sa qualité de Président Délégué de la SAM A et/ou, le cas échéant, de toute autre personne exerçant des fonctions de direction au sein de la société que désignera Monsieur j-v. PA. et à qui il devra rendre compte de son activité. ».

Pour justifier les griefs reprochés à Monsieur KA., l'employeur produit les éléments suivants :

  • - Un courrier adressé au salarié le 18 juin 2013 dans lequel Monsieur PA. lui reproche sa désinvolture et son manque d'implication dans la gestion et l'animation de la société.

« Monsieur,

Je vous rappelle les termes de notre entretien téléphonique du 17 juin : en effet, je déplore une nouvelle fois votre désinvolture et votre manque d'implication dans la gestion et l'animation de la société. j. PA., chargé de clientèle Grands Comptes, est accidenté et indisponible depuis maintenant plus de deux semaines, et j'ai le regret de constater que vous n'avez pas su gérer cette absence en proposant un plan de suivi avec les membres de votre équipe. Cette négligence va malheureusement avoir de lourdes conséquences sur la réputation de notre société vis-à-vis des exigences de notre clientèle.

Je constate que ce n'est pas la première fois que votre implication est défaillante. En effet, en février 2013, je vous ai confié la mission de contacter rapidement les frères BA., clients du groupe F, qui nous sollicitaient pour la signature de polices d'assurances aux montants très significatifs essentiels à l'activité de notre société. Après vous avoir relancé quelques temps après ma demande initiale, vous m'avez dit avoir « oublié » de les avoir contactés. En conséquence, nous n'avons pas eu les délais nécessaires pour pouvoir coter les dites polices. Je considère que cet oubli est inacceptable car il a généré un manque à gagner important pour la société et qu'il est, selon moi, constitutif d'une faute professionnelle.

Je vous demande donc avec insistance de vous impliquer personnellement dans l'animation et la gestion de la société et d'assurer votre mandat de Directeur Général avec toutes les diligences requises par votre fonction.

Je vous propose de faire ensemble un point sur l'évolution de votre implication personnelle à l'horizon d'un mois ».

Monsieur KA. soutient avoir répondu à cette lettre par courriel du 17 juillet 2013 (pièce n° 6 en anglais avec sa traduction libre non contestée par l'employeur). Il évoque ainsi « un délai manqué pour un client potentiel » et avoir par la suite travaillé sur cette relation pour la prochaine date de renouvellement.

Il résulte de ce mèl en réponse que Monsieur KA. ne conteste pas avoir « oublié » le client potentiel BA., et ce malgré les relances de l'employeur, ce qui constitue une faute professionnelle incontestable.

Lorsqu'elle est constituée d'une négligence, d'une imprudence ou d'erreurs, la faute professionnelle peut recevoir la qualification de faute grave notamment si elle a entraîné un préjudice important ou était susceptible de présenter des conséquences dommageables pour l'employeur ou un tiers. La faute professionnelle de nature à engager la responsabilité de l'employeur, voire à mettre en cause la réputation de l'entreprise obéit à la même solution.

Bien plus, la qualification et le niveau de responsabilité nuancent également l'appréciation des faits.

En l'espèce, Monsieur KA. occupait le poste de Directeur Général, son seul supérieur hiérarchique étant j-v. PA., Président Délégué de la SAM A auprès de qui il devait rendre compte.

Le demandeur ne conteste d'ailleurs pas l'importance du client concerné et le manque à gagner pour l'entreprise du fait de sa négligence.

Le niveau de responsabilité de Monsieur KA. permet d'appréhender la faute ainsi commise avec une certaine gravité justifiant à elle-seule le licenciement prononcé et ce, d'autant plus que celui-ci était en fonction depuis quelques mois seulement et qu'il avait mis en avant ses compétences, son parcours professionnel et « sa carrière réussie dans des entreprises remarquables ».

  • - Un courrier adressé au salarié le 19 juin 2013 relatif aux notes de restaurant particulièrement élevées.

Dans son courriel du 17 juillet 2013, Monsieur KA. ne conteste pas lesdites dépenses et indiquent qu'il fera en sorte que « cela ne se reproduise plus ».

Le Tribunal relève à ce titre que le salarié a par la suite respecté la politique de l'entreprise sur ce point, aucune nouvelle remarque ne lui ayant été faite.

S'agissant d'un incident isolé, il ne sera pas retenu et ce d'autant plus que la SAM A précise dans ses dernières écritures en page 7 que ces griefs ne sont pas à l'origine du licenciement.

  • - Un courrier adressé au salarié le 11 juillet 2013 ainsi libellé :

« Monsieur le directeur général,

Je vous rappelle les termes de notre entretien du 10 juillet 2013 qui m'amènent à déplorer une nouvelle fois, votre désinvolture et votre manque d'implication dans l'animation et le développement de la société. En effet, en février 2013, votre équipe et vous-même aviez la mission de contacter Mr ZI., propriétaire des agences immobilières de prestige, pour négocier un accord de partenariat devant déboucher sur un important développement commercial essentiel à l'activité et à la pérennisation de notre société. Vous avez d'ailleurs rencontré Mr ZI., à plusieurs reprises, en l'invitant plusieurs fois au restaurant, la dernière invitation datant du 31 mai 2013, au Maya Bay.

Je constate aujourd'hui qu'aucun accord écrit, ni même oral, selon ce que vous m'avez rapporté lors de notre dernier entretien, n'a été préparé pour établir cet accord de partenariat, et ce 5 mois après la première prise de contact. Il n'est pas acceptable de ne pas concrétiser rapidement de tels projets stratégiques pour l'entreprise qui, par ailleurs, ont généré de votre part des dépenses de bouches importantes. Je considère que ce manque de résultat génère un manque à gagner conséquent pour la société. De plus, il illustre, à mon sens, un manque d'implication de votre part dans la marche de nos affaires qui place votre contribution bien en deçà des attentes et de la confiance que je vous ai accordées lors de votre recrutement.

À la suite de mes courriers précédents du 18 juin 2013, je réitère avec insistance ma demande de vous impliquer personnellement dans l'animation et le développement de la société et d'assurer votre mandat de Directeur Général avec toutes les diligences requises par votre fonction. ».

Monsieur KA. apportait une réponse le 18 juillet 2013 de la manière suivante :

« Cher Mr PA.,

Suite à mon email d'hier, je tiens à donner des précisions sur la collaboration avec m. ZI. sur laquelle nous avons travaillé avec lui.

Vous me reprochez le fait qu'aucun accord formel n'a été mis en place après la réunion avec M. ZI.. Je ne pense pas que ce soit le rôle du PDG d'une entreprise de s'assurer que les accords ont été mis en place avec chaque partenaire d'affaires, surtout sachant qu'il y a une équipe en place, y compris le directeur de la société, pour s'assurer que l'administration des affaires est pris en charge de façon appropriée. Cela comprend la préparation et la négociation des accords appropriés.

Depuis il est apparu que l'accord n'avait pas été mis en place, j'ai veillé à ce que les mesures appropriées ont été prises. L'accord a été signé en interne - y compris par vous - entre lundi et mardi de cette semaine et il est actuellement chez l'avocat de M. ZI. pour examen.

Je tiens à souligner que nous gérons actuellement cinq transactions provenant du groupe ZI., qui représentent des commissions potentielles d'environ 80.000 €. Ces accords ne seraient pas sur la table aujourd'hui sans ma participation. ».

L'employeur produit en pièce n°8 un contrat d'apporteur d'affaire entre la SAM A et Monsieur ZI. en date du 15 novembre 2012, soit avant la prise de fonction de Monsieur KA..

Il soutient que l'intervention de ce dernier ne peut également être retenue pour les affaires conclues le 16 septembre 2011 et le 18 octobre 2012, de même que pour celles en date des 3 décembre 2013 et 24 avril 2014, Monsieur KA. n'étant pas encore ou plus salarié de la SAM A.

Cependant, le défendeur ne produit pas lesdits contrats permettant de justifier ses allégations.

Le doute devant profiter au salarié, cet élément ne sera dès lors pas retenu.

  • - Un courrier adressé au salarié le 23 juillet 2013 concernant la gestion de l'absence de ba. MI., Responsable Gestion Santé, en congé maladie depuis le 25 mars 2013 et ensuite déclarée inapte à tout poste dans l'entreprise par la médecine du travail.

L'employeur reproche à Monsieur KA. de n'avoir entreprise aucune action « pour que nos clients soient informés de son absence et de l'identité des interlocuteurs reprenant la gestion de ses dossiers. De plus, il n'est pas acceptable de ne pas avoir pris les dispositions nécessaires afin de router les emails de ba. MI. vers les collaborateurs chargés désormais de la gestion de ses dossiers, pour assurer la continuité de l'activité dans les meilleures conditions. ».

Monsieur KA. considère à ce titre (de même que pour l'absence de Monsieur j. PA., chargé de clientèle Grands Comptes dans le courrier que lui a adressé l'employeur le 18 juin 2013) qu'il n'entre pas dans la mission du directeur général de gérer l'absence d'un salarié.

Il estime ainsi que cette responsabilité incombait au supérieur hiérarchique direct de celui-ci ou au responsable des ressources humaines.

Il ajoute enfin que s'agissant de l'absence de Madame MI., son supérieur hiérarchique, Monsieur MA. avait pris toutes les mesures nécessaires.

Ce reproche ne peut être retenu qu'à la condition, pour l'employeur, de rapporter la preuve que Monsieur KA. avait été informé de ses absences de longues durées et qu'il n'a pris aucune mesure pour y pallier.

Cette preuve n'étant pas rapportée, cet élément ne sera pas retenu.

  • - Un courrier adressé au salarié le 26 juillet 2013 lui reprochant son absence à une réunion commerciale mensuelle.

Monsieur KA. ne conteste pas son absence mais soutient que Monsieur PA. l'a autorisé à rentrer chez lui dans la mesure où il était souffrant ; ce qui est contesté par celui-ci.

Force est de constater qu'aucune des deux parties ne rapporte la preuve de ses allégations.

Les seuls éléments incontestables sont l'absence de Monsieur KA. à la réunion litigieuse, l'importance de cette dernière et de la présence du Directeur Général.

Dès lors, l'absence de Monsieur KA. doit être considérée comme fautive.

  • - Une attestation de Monsieur a. MU., Responsable Placement Aviation au sein de la SAM A, ainsi libellée :

« Suite à ses premières réunions à Londres et au vu de l'expérience de M KA. dans le secteur de l'assurance aviation, nous espérions qu'il devienne un atout pour l'équipe de la société G. Cependant, nous n'avons noté aucune contribution efficace de sa part au quotidien. Du temps où il travaillait chez à la SAM A, je n'ai eu que peu de contacts directs avec M KA. : ils se sont limités à des vidéos conférences sur Skype une fois par mois et à une rencontre lors des 3 jours de conférence H.

La conférence H s'est tenue du 21 au 23 mai 2013. Sur ces 3 jours, M KA. n'a assisté qu'à deux jours de conférence et était absent le troisième jour. Lors des deux premiers jours, j'ai assisté à des réunions et à des présentations avec des clients, aussi je n'ai eu que peu de contact avec lui. Toutefois, nous nous sommes rencontrés lors du déjeuner que j'ai organisé avec le propriétaire d'une société I autrichienne en courtage d'assurance dans le domaine de l'aviation. L'objectif de ce rendez-vous était d'étudier la possibilité d'une acquisition de son entreprise. Un déjeuner d'affaires a été organisé par M KA.. Les échanges se sont conclus de manière positive et pour faire avancer le projet, il était entendu que M KA. organiserait une nouvelle rencontre, en invitant le propriétaire à Monaco afin qu'il rencontre la haute direction.

À ma connaissance, il n'y a eu aucune autre réunion planifiée ni aucune autre évolution concernant ce client ou le projet. ».

Il s'agit d'un épisode ponctuel sur l'implication de Monsieur KA. dans l'animation et la gestion de la société. Il résulte ainsi de ce témoignage que Monsieur MU. a organisé dans un premier temps un déjeuner avec un client potentiel, puis Monsieur KA. a organisé un second déjeuner avec ce même client.

Enfin, Monsieur MU. met en avant la carence de Monsieur KA. dans le suivi de ce dossier.

Il résulte des éléments ci-dessus développés que Monsieur KA. a commis des fautes professionnelles consistant en des négligences, des manquements et une exécution défectueuse du travail eu égard à ses fonctions de Directeur Général.

En effet, la direction générale définit et pilote la stratégie de l'entreprise : elle définit la stratégie globale de l'entreprise et supervise son exécution.

L'argumentation de Monsieur KA. démontre qu'il n'a pas totalement appréhendé ces fonctions : en effet, il estime que le PDG d'une entreprise n'a pas à s'assurer que les accords ont été mis en place avec chaque partenaire (pièce n° 6) ; alors qu'il doit superviser l'exécution de la stratégie mise en place.

Il estime ne pas avoir à gérer les absences de tel ou tel salarié alors que le Directeur Général doit « Établir les besoins en personnel de l'organisme dans la perspective d'assurer la gestion et la prestation de ses programmes » ; ce qui justifie son implication dans la gestion de ce personnel en cas d'absence de longue durée.

Ainsi, le Directeur Général a pour mandat d'assurer la direction et la gestion de l'organisme à la lumière des orientations stratégiques établies par l'employeur.

Ce faisant, il apparaît que Monsieur KA. n'a pas respecté l'ensemble de ces obligations, malgré plusieurs rappels à l'ordre de l'employeur.

Le Tribunal en déduit une volonté délibérée du salarié rendant impossible son maintien dans l'entreprise et justifiant une rupture immédiate du contrat de travail.

  • 2- Sur le détournement d'éléments de propriété intellectuelle et d'éléments confidentiels au profit d'un tiers, dans un intérêt manifestement personnel

Pour justifier ce grief, l'employeur produit les pièces suivantes :

  • - Une lettre adressée au salarié le 2 septembre 2013 ainsi libellée :

« Monsieur le Directeur Général,

J'avais eu, à plusieurs reprises, à vous mettre en garde contre votre désinvolture et votre manque d'implication dans la gestion et l'animation de la SAM A.

Or, à mon retour de congés, j'ai appris que vous aviez demandé expressément qu'un des collaborateurs de la SAM A adresse les références complètes de nos 30 à 40 meilleurs clients à une entité, non précisément identifiée, dénommée T.

Or, je vous avais clairement indiqué, avant mon départ en congés, que je ne souhaitais pas avoir de partenariat ou un quelconque lien commercial avec ladite entité.

En dépit, de mes directives, vous avez poursuivi des relations, au nom de la SAM A, avec cette entité et souhaité la promouvoir.

C'est avec consternation que j'ai pu constater que sur le site internet, V, figuraient votre logo ainsi que la présentation de la SAM A sans en avoir été informé préalablement.

De même figurait le logo d'une société tierce, celui du groupe F.

Je vous rappellerai que les informations concernant la SAM A et son fichier clients sont confidentielles et que vous êtes tenu à une obligation de loyauté et de confidentialité.

Vous vous êtes permis de formuler les demandes précitées, en faveur d'une entité, non précisément identifiée, d'utiliser notre logo, notre crédit photos ainsi que de faire références à nos activités et ce contrairement à mes directives et à vos obligations contractuelles ».

Le Tribunal relève que l'employeur ne démontre pas les directives qu'il invoque dans ce courrier, autrement que par l'attestation de Monsieur BU. (pièce n° 33).

  • - L'attestation de Monsieur BU., Directeur Commercial au sein de la SAM A, dans laquelle celui-ci donne des précisions sur l'affaire du site internet V et précise que ses doutes sur la fiabilité de ce projet l'ont conduit à en parler à Monsieur PA. à la mi-août : « M PA. a été très clairement précis : il en avait entendu parler, et avait décidé fermement de ne pas avoir de partenariat avec eux. Il l'a alors également indiqué à M KA. de ne pas perdre de temps avec ce projet et de passer à autre chose. ».

Monsieur BU. ajoute que malgré ce, Monsieur KA. lui a demandé dès le lendemain de préparer une liste de clients pour la transmettre à Monsieur DE. (site internet V).

Il résulte de ce témoignage que les directives dont il est fait état ont été données oralement par Monsieur PA. et que Monsieur KA. a continué ses démarches pour un éventuel partenariat avec Monsieur DE..

  • - Des échanges de courriels entre Messieurs KA., DE., BU., MO., VI. et GO..

Dès le 17 juillet 2013, Monsieur DE. adressait à Messieurs KA. et MO. un projet de communiqué à adresser aux clients.

Le 31 juillet 2013, Monsieur KA. écrivait à Messieurs BU. et MO. pour « parler » de la suite à donner.

Ce même jour, Monsieur DE. écrivait uniquement à Monsieur KA. en lui adressant un projet de newsletter à envoyer aux clients de la SAM A (ce dernier en accusait réception le 1er août 2013 en proposant un déjeuner pour en discuter avec messieurs BU. et MO.).

Le 5 août 2013, Monsieur DE. relançait Monsieur KA..

Le 16 août 2013, Monsieur BU. interrogeait Monsieur KA. sur le nombre de clients qu'il souhaitait faire apparaître sur la liste litigieuse.

Le demandeur répondait le même jour : « Salut r., je dirais 30 ou 40 environ au total. Ceci dit, la qualité prévaut sur la quantité. ».

Le 19 août 2013, Monsieur BU. a envoyé un mèl à Monsieur GO., Directeur Financier et des Ressources Humaines, ainsi libellé :

« Christophe,

Juste pour confirmer les éléments majeurs de notre conversation je ne suis pas de tout à l'aise avec ce demande (mes commerciaux non plus) parce que ce nous apportera à ce moment aucun retour commerciale et probablement des soucis derrière si nos clients n'aiment pas le proposition. Je suis pas confortable avec la qualité du projet, la site internet et l'autre matériel marketing (le peu que j'ai vu) n'est pas d'un bon niveau et je suis convaincu que le but de ce liaison avec vous est de faire venir des investisseurs à lui.

J'ai refusé déjà la demande d'envoyer une newsletter à nos clients et également l'inclusion dans la prochaine épreuve de la société J mais je suis maintenant demandé de fournir une liste de 30 à 40 clients cette semaine que le site intervet V peut inviter à une soirée de présentation du projet, afin de les encourager de participer.

J'ai discuté avec Linda, Alex et Karim qui sont comme moi tous les trois contre l'initiative et suite à la réception de ces avis j'ai parlé avec Monsieur PA. qui est lui-même clair qu'on ne fera rien avec le site internet V.

Je ne comprends pas l'urgence ou le volonté de faire un partenariat avec f. quand ça nous apporte rien à nous ».

Des courriels du 21 août 2013 démontrent encore que le projet était en cours d'élaboration.

Ces pièces démontrent sans contestation possible que Monsieur KA. était en pourparlers avancés avec Monsieur DE. (le site internet V) pour un partenariat et la transmission à ce dernier d'une liste de clients de la SAM A.

Le demandeur soutient que l'employeur ne prouve pas la transmission de la liste de clients à Monsieur DE..

Le Tribunal relève à ce titre que si la transmission n'a pas eu lieu, Monsieur KA. a donné des instructions pour son établissement en vue d'une communication à Monsieur DE..

Le contrat de travail liant les parties prévoit en son article 12 - obligation de fidélité et secret professionnel, paragraphe 5 que :

« « Information confidentielle », ou « secrets commerciaux » désigne toutes les données ou informations sous quelque forme qu'elles se présentent, tangibles ou intangibles, qui ne sont pas connues du public et qui ont trait aux affaires, aux pratiques, produits, marketing, ventes, services, finances ou les affaires légales de la société ou ses filiales ou d'un tiers faisant des affaires ou qui fournit des informations à la société ou ses filiales comprenant sans limitation : des informations sur les clients d'aujourd'hui ou à venir, les partenaires dans les affaires, les affaires, ventes, marketing ainsi que les plans financiers, légaux et les propositions et projections, les concepts, techniques, processus, méthodes, systèmes, programmes, codes, formules, recherches, le travail expérimental et les travaux en progrès.

Si Monsieur KA. a des questions en ce qui concerne la nature confidentielle d'une information ou sur les personnes à qui ces informations peuvent être divulguées, il sera tenu de consulter le dirigeant. ».

Cette obligation s'inscrit dans l'obligation de loyauté du salarié à l'égard de son employeur, laquelle est comprise dans la notion de la bonne foi dans l'exécution du contrat de travail.

En application de l'article 989 du Code civil, cette notion qui présente les caractères de la réciprocité implique que les parties soient tenues de s'informer mutuellement et loyalement, sans réticence et sans réserve, des modalités de l'exécution du contrat de travail, et doivent également sauvegarder les intérêts légitimes du cocontractant sans pouvoir aggraver les conditions d'exécution sauf clause dérogatoire d'interprétation restrictive.

La notion du devoir de loyauté du salarié est comprise actuellement comme étant une obligation contractuelle insérée dans la notion plus moderne et plus vaste de la bonne foi dans l'exécution du contrat de travail.

Si la loi et la jurisprudence française n'ont pas dessiné les contours de cette obligation avec d'autres précisions, toutefois d'autres pays fournissent des indications qui peuvent compléter ces caractères : ainsi le Code Suisse des obligations fait référence dans son article 321a au fait que le travailleur exécute avec soin le travail qui lui est confié et sauvegarde fidèlement les intérêts légitimes de l'employeur.

Par des Arrêts des 18 avril 2006 L. / Centre S, 14 mai 2007 Concentrés Scientifiques Belisle, et 13 novembre 2007 Comité paritaire sur l'industrie des services des cantons de l'Est / la société K, la Cour d'appel du Québec a précisé :

« On pourrait résumer comme suit les grandes lignes de ce devoir de loyauté : puisqu'il ne travaille pas à son compte mais pour celui de l'employeur, qui seul dispose des fruits du travail, le salarié ne doit pas nuire à l'entreprise à laquelle il participe ou l'entraver ; il doit faire primer (dans le cadre du travail) les intérêts de l'employeur sur les siens propres ; il ne doit pas se placer en situation de conflit d'intérêts (ce qui pourrait l'amener à privilégier l'intérêt de tiers ou le sien propre plutôt que celui de l'employeur) ; il doit se conduire à tout moment avec la plus grande honnêteté envers l'employeur, ne peut s'approprier les biens matériels ou intellectuels de celui-ci ou les utiliser indûment à son avantage. Il ne peut évidemment pas détourner à son profit ou à celui de tiers la clientèle de l'employeur ni usurper les occasions d'affaires qui se présentent à ce dernier, etc. ».

Il se déduit donc de l'ensemble de ces considérations qu'il existe, implicitement, une obligation générale à la charge de tout salarié de prendre soin et de sauvegarder les biens de son cocontractant sans que cette règle ait besoin d'être rappelée explicitement.

Les pièces produites par l'employeur telles que reprises supra démontrent que Monsieur KA. a demandé à ses subordonnés d'établir une liste de clients pour ensuite la transmettre à un tiers, et ce malgré le désaccord de l'employeur.

Il s'agit d'une violation caractérisée de ses obligations contractuelles et de l'obligation générale d'exécution de bonne foi du contrat de travail, constituant une faute grave.

L'ensemble des explications développées ci-dessus justifie dans ces circonstances le licenciement pour faute grave de Monsieur KA..

Il sera également débouté de ses demandes financières subséquentes et notamment celle concernant le rachat des actions qui lui ont été attribuées à son embauche, et ce, aux termes de l'article 6 du contrat qui exclut tout rachat dans le cadre d'un licenciement pour faute grave.

  • 3 - Sur le caractère abusif du licenciement

Tout licenciement fondé sur un motif valable peut néanmoins présenter un caractère abusif si le salarié, auquel incombe la charge de cette preuve, démontre que l'employeur a méconnu certaines dispositions légales lors de la mise en œuvre de la rupture ou si les conditions matérielles ou morales de sa notification présentent un caractère fautif ou révèlent une intention de nuire ou la légèreté blâmable de l'employeur.

Un licenciement peut être considéré comme abusif (qu'il ait été reconnu valable ou non) si l'employeur a avancé pour le justifier un faux motif, c'est-à-dire un motif qui n'était pas le motif réel qui l'a conduit à prendre cette décision et qui voulait «tromper», ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

L'analyse qui précède a permis de constater que le grief énoncé dans la lettre de licenciement s'est avéré fondé.

Pour autant le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.

Le Tribunal relève à ce titre que Monsieur KA. est défaillant dans l'administration de la preuve. Il ne démontre pas avoir été licencié pour une autre cause que celle énoncée dans la lettre de licenciement.

Il ne démontre pas plus une légèreté blâmable de l'employeur dans la mise en œuvre du licenciement.

En effet, la SAM A a convoqué le salarié à un entretien préalable par courrier du 2 septembre 2013 remis en main propre pour le 4 septembre 2013. Par ce même courrier, Monsieur KA. faisait l'objet d'une mise à pied conservatoire.

À l'issue de l'entretien, l'employeur a remis au salarié la lettre de licenciement en main propre le 5 septembre 2013.

Le déroulement de la procédure de rupture ne révèle en aucune manière une quelconque légèreté blâmable de l'employeur, ni aucune précipitation fautive.

Monsieur KA. sera dans ces circonstances débouté de sa demande de dommages et intérêts.

  • 4 - Sur la demande reconventionnelle de la SAM A

Monsieur KA. soulève l'irrecevabilité de cette demande reconventionnelle au motif qu'elle n'a pas fait l'objet du préliminaire de conciliation conformément à l'article 42 de la loi n° 446 du 16 mai 1946.

L'article 42 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifiée, prévoit que « lors de la comparution devant le bureau de conciliation, le demandeur pourra expliquer, et même modifier ses demandes, et le défendeur former celles qu'il jugera convenables ».

En application de l'article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifiée, le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum.

En l'espèce, la SAM A forme une demande reconventionnelle liée aux frais qu'elle a dû engager pour faire assurer sa défense dans la présente instance et à un préjudice en terme de réputation.

La SAM A était défaillante à l'audience de conciliation et n'a de ce fait présenté aucune demande, de sorte ses prétentions au titre des préjudices financiers et de réputation qu'elle estime avoir subi doivent être déclarées irrecevables.

Le Tribunal rappelle que la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive est parfaitement recevable puisqu'elle découle du procès devant le Tribunal du Travail et non du contrat de travail lui-même.

Cependant, la défenderesse forme une demande globale et il n'appartient pas au Tribunal de déterminer la part pouvant être attribuée à ce titre en l'absence de précision.

Enfin, Monsieur KA. sollicite qu'il lui soit donné acte de ce qu'il se réserve le droit de solliciter à compter du mois de juin 2014 les sommes lui revenant au titre de l'indemnité d'administrateur, ce qui ne constitue pas une demande pouvant avoir un quelconque effet juridique.

Succombant dans ses prétentions, Monsieur KA. sera condamné aux dépens.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré ;

Prononce la nullité de l'attestation produite par la SAM A en pièce n° 9 ;

Écarte des débats les sommations interpellatives produites par la SAM A en pièces n° 16 à 22,

Écarte des débats les pièces n° 19, 19bis, 20 et 20bis produites par f. KA.,

Dit que le licenciement de f. KA. par la SAM A repose sur un motif valable et ne revêt pas un caractère abusif ;

Déboute f. KA. de toutes ses demandes ;

Déboute la SAM A de sa demande reconventionnelle ;

Laisse les dépens à la charge de f. KA. ;

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le premier juin deux mille dix-sept, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Jacques ORECCHIA, Jean-François RIEHL, membres employeurs, Messieurs Rino ALZETTA, Philippe LEMONNIER, membres salariés, assistés de Madame Catherine CATANESE, Secrétaire en Chef.

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