Tribunal du travail, 9 mars 2017, Monsieur j-p. LA. c/ La SAM A

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Abstract🔗

Contrat de travail - Licenciement abusif (oui) - Légèreté blâmable de l'employeur - Multiplication des griefs - Préjudice moral = 80 000 euros

Résumé🔗

Il doit être alloué au salarié la somme de 80 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son seul préjudice moral subi du fait du licenciement dans la mesure où l'employeur a fait preuve d'une légèreté blâmable dans la mise en œuvre de la procédure de licenciement. En effet, ce dernier a multiplié les griefs et les accusations de corruption à l'encontre du salarié sans éléments suffisants, même si le terme n'est pas employé dans la lettre de licenciement. De plus, d'autres personnes faisant partie du groupe étaient impliquées dans les actes reprochés et retenus à l'encontre du demandeur et l'employeur ne démontre pas avoir sanctionné lesdites personnes, seul le salarié ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire.


Motifs🔗

TRIBUNAL DU TRAVAIL

AUDIENCE DU 9 MARS 2017

  • En la cause de Monsieur j-p. LA., demeurant : X1 à MENTON (06500),

demandeur, plaidant par Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et ayant élu domicile en son Etude,

d'une part ;

Contre :

  • La SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE dénommée A, dont le siège social se situe : X2 à MONACO (98000),

défenderesse, plaidant par Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et ayant élu domicile en son Etude,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 12 mars 2014, reçue le 17 mars 2014 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 24 juin 2014 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de Monsieur j-p. LA., en date des 13 octobre 2014, 31 juillet 2015, 26 avril 2016 et 3 novembre 2016 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE dénommée A, en date des 5 mars 2015, 11 janvier 2016, 29 septembre 2016 et 17 novembre 2016 ;

Après avoir entendu Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, pour Monsieur j-p. LA., et Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, pour la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE dénommée A, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

j-p. LA. a été embauché par la SAM D le 16 juillet 1990

Il a par la suite évolué dans diverses entités du groupe B, société de droit néerlandais.

À compter du 1er décembre 2010, Monsieur LA. a été promu au poste de directeur commercial et membre du conseil d'administration de la société B.

Le même jour, un contrat de travail était signé entre Monsieur LA. et la SAM A (la société E), avec reprise d'ancienneté depuis le 16 juillet 1990, celui-ci étant embauché en qualité de directeur commercial et membre du conseil d'administration de la société B.

À compter du 1er janvier 2012, Monsieur LA. a été promu au poste de directeur de l'exploitation au sein du conseil d'administration de la société B.

Le 18 octobre 2013, Monsieur LA. a été convoqué à un entretien en vue d'une sanction disciplinaire en application de l'article 1.5 du règlement intérieur.

L'entretien a été reporté au 31 octobre 2013 à la demande du salarié qui souhaitait obtenir la communication de toutes les pièces du dossier.

Par lettre remise en main propre le 6 novembre 2013 puis adressée par la voie recommandée avec accusé de réception, Monsieur LA. a été licencié pour faute.

Par requête du 12 mars 2014 reçue le 17 mars 2014, le salarié a saisi le Tribunal du Travail des demandes suivantes :

  • - Reliquat sur indemnité de licenciement :

    • Due : 515.101,61 euros

    • Versée : 433.323,01 euros

    • Solde restant dû : 81.778,60 euros

  • - Reliquat sur indemnité compensatrice de congés payés :

    • Due : 287.357,07 euros

    • Versée : 129.422,36 euros

    • Solde restant dû : 157.934,71 euros

  • - Complément retraite S : 17.736,86 euros

  • - Au titre du régime d'actionnariat des salariés :

    • * Performance share unit 2010, à recevoir en 2013 : 10.000 actions.

    • * Part en actions de la prime incitative à court terme (STI) :

    • * Bonus STI 2011, 20 % action matching à recevoir en 2015 : 1.285 actions,

    • * Bonus STI 2012, payé en 2013 dont 20 % en actions (6.880 déjà reçues) + action matching 2016 : 6.880 actions à recevoir.

    • * Part en actions de la prime incitative à long terme (LTI) :

  • - LTI 2011 à recevoir en 2014 : entre 7.520 et 22.526 actions,

  • - LTI 2012 à recevoir en 2015 : entre 13.698 et 41.094 actions,

  • - LTI 2013 à recevoir en 2016, estimation entre 24.951 et 74.847 actions.

  • Soit au total 156.668 actions à recevoir par transfert sur un compte de titres ou paiement de leur contre-valeur en euros, au cours du jour de la requête (soit à l'ouverture, le mercredi 12 mars 2014 : 11 €/action), soit la somme de 1.723.348 euros.

  • - Dommages et intérêts pour licenciement abusif : 12.000.000 euros

Outre les intérêts au taux légal sur ces sommes à compter de la citation.

  • - Délivrance de l'attestation Assedic rectifiée,

  • - Exécution provisoire.

Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Monsieur LA. a déposé des conclusions le 13 octobre 2014, 31 juillet 2015, 26 avril et 3 novembre 2016 dans lesquelles il soutient pour l'essentiel :

  • - L'exposé des motifs fondant son licenciement aux termes de la lettre de rupture ne permet pas d'en apprécier la réalité et le sérieux,

  • - Il n'y a aucun élément circonstancié,

  • - Les motifs du licenciement n'y sont pas explicités, si ce n'est en des termes généraux et abstraits,

  • - L'employeur ne saurait contourner l'absence de motivation en alléguant que le détail des faits reprochés aurait été exposé lors de l'entretien préalable,

  • - Lors de cet entretien, l'employeur s'est contenté de lire un mémorandum qui se prétend rendre compte de l'enquête réalisée par l'employeur,

  • - Aucun élément ne lui a été communiqué avant l'entretien malgré sa demande,

  • - Le silence du salarié lors de cet entretien préalable a directement et exclusivement résulté du refus de l'employeur de lui permettre de se défendre,

  • - Le mémorandum n'a été produit que le 14 janvier 2016,

  • - Il ne comporte que trois pages et ne comporte aucune signature,

  • - La synthèse s'appuie essentiellement sur des déclarations prêtées au salarié alors qu'il n'est fourni aucune retranscription des interrogatoires,

  • - Le témoignage de Madame RI. est dépourvu de toute objectivité car elle a participé directement à l'enquête comme accusatrice,

  • - Il en résulte qu'il a été interrogé pendant plusieurs heures par des avocats étrangers, sans être assisté, en anglais et sans avoir eu accès aux pièces qui l'accusaient,

  • - Par une lettre du 22 février 2012 signée de Messieurs PR. en qualité de conseil du groupe et BE., directeur des ressources humaines, il a été remercié pour sa coopération, dissimulant ainsi la finalité de l'audit,

  • - Ce mémorandum n'est accompagné d'aucune pièce.

- Sur les motifs allégués :

  • - Il appartient à l'employeur de prouver l'existence d'une corruption pour l'obtention de marchés en Angola et en Guinée équatoriale et en quoi il aurait une part de responsabilité dans celle-ci,

  • - En page 18 de ses conclusions, l'employeur indique qu'il n'a pas été licencié pour corruption mais « pour avoir notamment participé à un ensemble de faits manifestement incompatibles avec les législations nationales précitées en point 2.0 qui se sont avérés particulièrement préjudiciables pour le groupe »,

  • - La société E n'a jamais été en mesure de démontrer l'existence d'un paiement ayant été ordonné ou effectué par le salarié,

  • - Elle ne produit aucun élément concernant les paiements décriés qui permettraient d'identifier leur ordonnateur et le circuit par lequel ils sont intervenus,

  • - Son poste ne recouvrait pas les ventes mais les activités opérationnelles touchant à la flotte de bateaux (FPSO),

  • - La personne alors en charge des ventes et du projet Guinée était m. WI., toujours salarié du groupe,

  • - b. CH. a été directeur des opérations à compter du 1er mai 2011 et directeur général du groupe à compter du 1er janvier 2012, soit sur une période concernée par lesdites pratiques,

  • - Monsieur CH. et Monsieur HE. ont été inquiétés par le ministère public brésilien pour des pratiques identiques au Brésil,

  • - La société E a nié toute implication de ses deux salariés tout en acceptant un règlement amiable afin qu'aucune poursuite n'intervienne à leur encontre,

  • - Les motifs de licenciement ne sont articulés qu'autour de divers courriels dont seule une extrapolation de la teneur se veut permettre de caractériser les fautes du salarié,

  • - Sa boîte mail nominative n'a jamais été fermée malgré ses protestations réitérées. La société E s'en est servie déloyalement pour tenter de se constituer des preuves,

  • - Eu égard à ses fonctions, il recevait une centaine de mails par jour, dont copie à ses secrétaires,

  • - L'employeur explique avoir alerté les autorités hollandaises et américaines dès le mois d'avoir 2012 et a attendu le mois de novembre 2013 pour le licencier, alors que la société E prétend qu'elle aurait pu le licencier pour faute grave,

  • - La société E ne reprend pas à son compte les accusations de p. HA. sous le libellé « TA./MO.». Cela s'explique dans la mesure où la société D a versé environ 12 millions de dollars US à la société F se voulant couvrir « tous les paiements de commissions restant dus » à cet intermédiaire,

  • - Lesdites commissions ont été réglées « en vertu de l'addendum 8 de sa convention de conseils commerciaux », ce qui démontre que la rémunération d'agents commerciaux n'avait rien d'occulte, était habituelle et contractualisée.

- DOSSIER « Q » (Angola) :

  • - Dans le pays où se trouve un gisement, ce pays va créer une société concessionnaire qui va le représenter dans l'opération commerciale d'exploitation du gisement,

  • - Pour l'Angola, ce concessionnaire est la société G,

  • - Des sociétés mixtes en partenariat (joint-venture) sont constituées entre les concessionnaires et différents partenaires commerciaux en vue de l'exploitation du gisement,

  • - La société JJ était détenue et opérée par une joint-venture créée avec la société G,

  • - L'implication du salarié se voudrait démontrée par un échange de mails intervenu entre h. TA., un intermédiaire, et Monsieur LA.,

  • - L'employeur allègue une corruption mais n'explique en rien comment elle se serait organisée et quel rôle précis il aurait tenu,

  • - Il aurait seulement reçu un email de f. BL., son supérieur hiérarchique, ce qui démontre qu'il n'était pas décisionnaire,

  • - Monsieur TA. est l'intermédiaire qui négocie l'extension du contrat d'exploitation avec un dirigeant de la joint-venture et qui propose d'en discuter mais pas par téléphone. Il était en outre un ancien directeur des ventes de la société D puis consultant pour elle. Il traitait directement avec Monsieur MA.,

  • - La joint-venture n'est pas une société tierce puisque la société B en détient 50 % des parts, en sorte qu'il n'est rien d'alarmant à envisager que des bonus puissent être versés à certains de ses dirigeants à raison de leur rôle dans le succès de la négociation,

  • - À cette époque, il était en charge des opérations et rapportait à Messieurs MA. et BL.,

  • - En faisant abstraction de ce contexte, la référence à « d'autres avantages » peut prendre de nombreux sens et notamment celui que la société E prétend lui donner,

  • - Sa réponse illustre sa préoccupation quant à l'avancement des négociations dans la mesure où étant en charge des opérations, il lui fallait être informé des chances d'extension du contrat, afin d'anticiper les problèmes en découlant,

  • - La réponse de Monsieur BL. est tout aussi éclairante puisqu'il s'inquiétait des conséquences dans la durée de toute acceptation d'un supplément d'honoraires ou de bonus, au motif qu'il serait difficile de les réduire par la suite,

  • - Le même type de discussion a existé en 2012 et 2013 sous la direction de Messieurs HE. et CH.,

  • - Le témoignage de Monsieur LE. est dénué de toute objectivité,

  • - Les managements fees invoquées par l'employeur et repris par Monsieur LE. pouvaient prendre d'autres noms MO., TM. et ils étaient renégociés ponctuellement, et ce en considération de ce que chaque partenaire pouvait offrir comme service à la joint-venture,

  • - La société G, entreprise publique d'Etat, détachait des fonctionnaires salariés auprès de la joint-venture,

  • - Il ressort des deux projets d'accord que Monsieur LE. transmet lui-même à la société G que les managements fees se veulent intégrer les coûts de personnel et par là même les bonus du personnel détaché, et ce, en toute légalité,

  • - En outre, en quoi le fait qu'il aurait eu connaissance de telles discussions serait constitutif d'une faute, les intéressés étant soit ses supérieurs hiérarchiques, soit des tiers sur lesquels il n'exerçait aucun contrôle,

  • - Enfin, il n'y a pas eu d'extension du contrat de la société JJ, ce qui permet de douter de la réalité des prétendus agissements de corruption active.

- DOSSIER « la société H » (Angola) :

  • - Il s'agissait d'une demande indemnitaire formée conjointement par la société B à l'encontre de la société I relativement à la construction des projets « J » et « K »,

  • - La plupart des mails sont échangés entre h. TA. et f. BL. et Monsieur LA. n'en a qu'une copie, et entre f. BL. et j-p. RO., lui-même n'en recevant qu'une copie,

  • - Les mails des 2 et 3 mars 2010 ne semblent pas évoquer la question indemnitaire directement,

  • - Le mail du 23 septembre 2010 est assez elliptique,

  • - Le mail du 27 septembre 2010 se rapporte aux négociations entre la société G et société D,

  • - Le mail du 4 novembre 2010 que Monsieur BL., son supérieur hiérarchique, lui adresse se rapporte à une difficulté à contacter h. TA. concernant société Demande indemnitaire arbitrée entre la société G et société D,

  • - Le seul mail qu'il adresse est celui en date du 5 novembre 2010 à destination de Monsieur RO. pour lui demander de ne pas diffuser largement les informations concernant le dossier « k. C. », car « il vaut mieux prévenir que guérir »,

  • - Ce courriel démontre la nécessité de recadrer la communication entre partenaires sur un dossier.

- PROJET « L » (Angola) :

  • - Monsieur BL. l'aurait informé de ses discussions avec Monsieur DE BR. relativement à « la rémunération occulte à lui verser pour mener à bien ce projet »,

  • - Monsieur BL. est son supérieur hiérarchique en sorte que la pratique ne peut lui être imputée,

  • - De plus, la pratique dénoncée ne démontre nullement que Monsieur BL. traite d'une soit disant rémunération occulte. Il est fait état de l'avancement de négociations commerciales.

- DOSSIER « M » (Angola) :

  • - Monsieur RO. suggèrerait d'avoir recours à des agents publics de la société G pour emporter un marché,

  • - Il n'est est pas le seul destinataire, Monsieur RO. l'ayant diffusé à plusieurs personnes,

  • - Monsieur RO. expose les données commerciales de la répartition des frais entre les partenaires de la joint-venture N pour soumissionner au marché,

  • - Une discussion est ensuite instaurée entre le salarié et son supérieur quant à d'autres pistes de répartition des frais généraux.

- RESTRUCTURATION DE LA DIRECTION DE LA SOCIÉTÉ G (Angola) :

  • - Monsieur BL. aurait suggéré une répartition de commissions occultes entre m. DE BR. et g. MA.,

  • - Il n'est donc pas le décisionnaire, mais aurait eu le tort de l'approuver,

  • - Le 15 avril 2010, Monsieur RO. informe Messieurs BL., LA., AD. et BOI. de la nouvelle composition de la société G en l'état de l'arrivée d'un nouveau directeur, Monsieur MA.,

  • - Lorsque Monsieur RO. propose que Messieurs DE BR. et MA. soient davantage impliqués, il vise leur implication dans les discussions relative au projet de création d'une joint-venture avec la société G pour développer les activités de travaux en mer ; ce qu'il approuve,

  • - Il était en outre question de répartition du capital de la joint-venture.

- LE PARRAINAGE DE A. CO. (Angola) :

  • - La société B semble avoir découvert qu'en échange des services rendus au groupe par r. CO., dirigeant de la société G, il a pris en charge les études du fils de ce dernier aux États-Unis de janvier 2006 jusqu'en 2009,

  • - Il lui est reproché d'avoir été au courant de ce parrainage,

  • - L'employeur n'indique pas en quoi ces faits seraient constitutifs de corruption,

  • - Le salarié n'est pas le décisionnaire à l'origine de ce parrainage,

  • - L'affectation de fonds à la constitution d'une main d'œuvre angolaise qualifiée ne constitue pas un acte de corruption,

  • - Le profil de a. CO. s'inscrivait dans les projets de l'entreprise,

  • - Il existait le programme dit d' « Angolanisation » mené en vertu de la loi et de l'engagement pris envers la société G,

  • - Le département des ressources humaines/finances veillait même à la réalisation des paiements,

  • - Il n'est ni l'auteur des emails, ni leur destinataire et il n'est entré dans la boucle qu'à partie de janvier 2009.

- PARRAINAGE DE NI. ND. NS. (Guinée Equatoriale) :

  • - Il n'était qu'en copie d'emails échangés au mois de février 2010 entre Messieurs BE., DU. et MO.,

  • - Il lui est en définitive reproché d'avoir fait circuler le CV du fils de Monsieur MO., fonctionnaire senior de l'entreprise publique O.

- SUR LA PRÉTENDUE TENTATIVE DE DESTRUCTION :

  • - En janvier 2012, il prenait un nouveau poste et devait libérer son bureau. A cette fin, il a demandé à sa secrétaire de détruire tout ce qui n'était que des copies d'originaux déjà archivés,

  • - Cette opération a duré plusieurs jours et n'a pas été cachée,

  • - L'employeur produit deux documents compromettants qu'elle dit avoir extrait de sacs alors que rien ne vient le démontrer, lesdits documents pouvant provenir de tout autre part.

- Sur la prise de document durant l'interrogatoire des avocats de « HA. » :

  • - Il a fait l'objet d'un interrogatoire de plus de quatre heures à la société P mené par des avocats américains et Monsieur FI., conseil de la société B,

  • - Des documents lui ont été présentés et il a dû machinalement les emporter à la fin de l'interrogatoire,

  • - Il les a ensuite rapportés sans délai sur injonction de Monsieur FI.,

  • - Au titre de l'année 2012, il a perçu sa prime incitative à court terme dont le calcul repose en partie sur la bonne exécution de ses fonctions, alors que l'employeur disposait de tous les éléments pour établir son implication dans le versement de commissions illicites.

- Sur le licenciement abusif :

  • - Il a fait l'objet d'une enquête dont la finalité et l'implication à son égard lui ont constamment été cachées,

  • - Il ne lui a jamais été donné la possibilité d'être assisté par un délégué du personnel ou un avocat,

  • - Cette investigation ne s'est pas déroulée de manière loyale,

  • - Le refus de l'employeur de lui permettre lors de l'entretien préalable d'apporter une contradiction aux faits reprochés démontre que la décision de le licencier était arrêtée et inéluctable,

  • - Le mémorandum remis par le cabinet p. HA. au mois de septembre 2013 à l'employeur ne lui a jamais été présenté lors de son licenciement et n'a été versé aux débats que le 14 janvier 2016,

  • - Il s'agit d'une atteinte au respect des droits de la défense,

  • - Il a perçu les bonus « BOM » qui sont versés de manière discrétionnaire et qui auraient pu lui être refusés si les faits qui lui sont reprochés étaient réels,

  • - Son poste a été supprimé ce qui a permis à Monsieur CH. d'accroître son pouvoir,

  • - Le recrutement de Monsieur BAR. au poste de COO n'est intervenu qu'après la saisine de la présente juridiction,

  • - Il a été sommé de restituer l'ensemble de ses outils de travail dès la remise en main propre de la lettre de licenciement et invité à quitter immédiatement l'établissement,

  • - La presse a largement commenté son éviction et la société B a choisi de conserver le silence alors qu'il a su défendre Messieurs CH. et HE. à l'occasion du scandale PE. au Brésil,

  • - Le laconisme des rapports d'information destinés aux investisseurs a permis à la société B d'entretenir une suspicion malsaine à son égard,

  • - Le refus des membres du conseil de surveillance d'appuyer ses recherches d'emploi en lui servant de références professionnelles permet de mesurer la force avec laquelle il a été sali,

  • - Quelques mois plus tard, sa compagne a été licenciée sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729,

  • - Le service des ressources humaines a commis plusieurs erreurs qui ont différé d'autant la remise des documents légaux conformes afin de pouvoir l'indemniser,

  • - Il n'a pas retrouvé d'emploi que ce soit en France ou à l'étranger,

  • - Il a créé une structure qui ne lui procure pas les revenus qui étaient les siens auparavant,

  • - Il a été atteint sur un plan psychologique,

  • - Il a été remercié le 22 février 2012 pour sa collaboration dans l'enquête et rien ne laissait présager son licenciement.

Dans le dernier état de ses écritures, Monsieur LA. ne reprend plus sa demande concernant le complément retraite S dans la mesure où il a été rempli de ses droits à ce titre.

La SAM A a déposé des conclusions le 5 mars 2015, les 11 janvier et 16 novembre 2016 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre.

Elle sollicite encore de voir écarter des débats en raison de leur impartialité et de leur subjectivité les attestations adverses communiquées sous les numéros 42, 46, 47 et 48.

Elle soutient essentiellement :

  • - La société OEDEC est une filiale de la société B,

  • - Elle a pour activité la fourniture de services juridiques exclusivement pour les sociétés du groupe et services informatiques, études, ingénieries et autres services, notamment pour les sociétés du groupe,

  • - La société B fournit des solutions de productions flottantes destinées à l'industrie pétrolière et gazière,

  • - En vue de l'exploitation des gisements pétroliers ou gaziers par des compagnies pétrolières, une licence d'exploitation doit nécessairement être délivrée par une entreprise publique d'Etat, propriétaire des gisements, dont les représentants ont la qualité d'agents publics étrangers,

  • - Après la délivrance de cette autorisation d'exploiter, la société privée bénéficiaire sélectionne le type de plateforme à installer (FPSO). Puis vient la phase de négociation en vue de la livraison par un ou plusieurs sociétés du groupe,

  • - En vue de l'exploitation, des joint-ventures sont créées lesquelles sont composées en partie d'une société du groupe. Des agents publics sont employés ou dirigent la joint-venture sans pour autant participer à la constitution ou aux opérations de celle-ci,

  • - L'enjeu pour la joint-venture est de négocier une extension du contrat de location du FPSO ou négocier sa réaffectation à un autre gisement,

  • - Au cours de l'année 2011, le directoire du groupe a lancé un examen des procédures de conformité de la société portant sur ses directives anti-corruption et leur mise en œuvre,

  • - En début d'année 2012, la société B a eu connaissance par l'intermédiaire d'un tiers de l'existence de certaines pratiques commerciales impliquant des tiers et entachées de soupçons d'irrégularité et notamment le paiement de commissions illicites à des agents publics étrangers,

  • - Dès le 10 avril 2012, elle a annoncé le lancement d'une enquête interne qui a notamment concerné les activités du groupe en Guinée Equatoriale, en Angola et au Brésil,

  • - Les agents commerciaux dénommés « sales agent » ont pour rôle de permettre aux sociétés du groupe d'atteindre et de développer des nouveaux marchés locaux,

  • - Les pièces produites démontrent l'implication directe de Monsieur LA. à des versements de commissions illicites à des agents publics étrangers sur la période d'avril 2006 à novembre 2010, soit antérieurement à la mise en place du comité de validation,

  • - L'enquête a révélé l'existence de certaines preuves que des sommes avaient été payées à titre de commission à des intermédiaires en vue de l'attribution de marchés pétroliers en Guinée Equatoriale et en Angola,

  • - Une transaction a été conclue avec les autorités publiques néerlandaises le 12 novembre 2014 moyennant paiement de la somme de 240.000.000 US$,

  • - Le départment of justice des États-Unis avait informé le groupe qu'il n'envisagerait pas de poursuite à son encontre,

  • - La société B a conclu avec les autorités brésiliennes un accord moyennant le paiement de la somme de 341.000.000 US$.

* Sur le licenciement :

  • - Dès le mois de septembre 2013, le cabinet p. HA. a remis à Monsieur HE. un mémorandum résumant les informations collectées au cours de ses investigations et mettant en cause Monsieur LA.,

  • - Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement ne lient pas l'employeur qui se trouve même en droit d'évoquer tous griefs à l'origine de la rupture,

  • - À la date de la lettre de licenciement, les investigations internes menées par le cabinet p. HA. étaient toujours en cours et aucun élément précis ne pouvait risquer d'être divulgué,

  • - Lors de l'entretien préalable, Monsieur BE. a exposé à Monsieur LA. les divers faits qui lui étaient reprochés en lisant in extenso une traduction du mémorandum de p. HA. afin de pouvoir recueillir ses explications,

  • - Monsieur LA. n'a pas été licencié pour corruption mais pour avoir participé à un ensemble de faits manifestement incompatibles avec les législations nationales (en point 2.0 des écritures) qui se sont avérées particulièrement préjudiciables pour le groupe,

  • - Monsieur LA. n'ignorait pas les griefs formulés à son encontre puisqu'il a été auditionné à plusieurs reprises par le cabinet p. HA.,

  • - La lettre de remerciement daté du 22 février 2012 est une lettre type transmise à tous les salariés ayant été auditionnés,

  • - Contrairement à ce qu'indique le salarié, sa boîte email a été désactivée dès son départ de la société,

  • - La CCIN indique dans une recommandation n°2012-1119 du 16 juillet 2012 que « dans le cadre de l'ouverture d'une procédure judiciaire, toute information nécessaire issue du traitement (messagerie professionnelle) pourra être conservée jusqu'à la fin de la procédure »,

  • - En avril 2012, elle ne disposait pas d'éléments suffisants pour démontrer et justifier la participation et la responsabilité de Monsieur LA. aux pratiques commerciales inappropriées ; lesquels ont été mis en avant par l'enquête interne confiée au cabinet p. HA.,

- Le mémorandum de p. HA. :

  • - Il s'agit d'un résumé des informations obtenues lors des investigations menées au sein du groupe,

  • - Il résume la teneur des nombreuses pièces qu'elle verse aux débats,

  • - Il est à l'en-tête du cabinet p. HA. à l'origine de sa rédaction,

  • - Madame RI., présente à chaque audition de Monsieur LA., témoigne qu'au début de chacune d'elles, ce dernier était informé de ce qu'elle avait été mandatée par la société mère pour mener à bien les investigations,

  • - Les interrogations ont été menées en anglais qui est la langue officielle de la société B pour le compte de qui Monsieur LA. a travaillé pendant près de 20 ans.

- LE DOSSIER « Q » (Angola) :

  • - En décembre 2009, Monsieur LA. occupait le poste de président de la société C gérant la flotte de FPSO du groupe,

  • - Le contrat d'exploitation de la société JJ prévoyait une option d'achat en fin de contrat,

  • - La société G, société d'Etat angolaise propriétaire des exploitations pétrolières et gazières en Angola, dispose d'un pouvoir décisionnaire sur les modalités d'exploitation des gisements, dont les contrats de location de FPSO ou leur prolongation,

  • - C'est dans le cadre de ces négociations que des rémunérations occultes ont été proposées par le biais d'intermédiaire à certains agents publics de la société G,

  • - Un échange de mails du 19 décembre 2009 entre l'intermédiaire h. TA. et Monsieur LA. le démontre,

  • - Dans un échange de mails des 3 et 5 mai 2010, Monsieur RO. suggère à Monsieur LA. d'indemniser RC et MM (r. CO. et m. MA., fonctionnaires de la société G) « pour leur aide respective et très utile dans cette négociation »,

  • - Il s'agit non pas d'indemniser des personnes morales mais bien directement deux personnes physiques, fonctionnaires d'une entreprise publique d'Etat, démontrant un système de flux financiers illicite,

  • - Il n'est aucunement question de négociation sur le versement de managements fees qui ont vocation à être encadrés et déterminés en fonction de paramètres négociés sur la base d'éléments objectifs ou de bonus,

  • - Les managements fees représentent les sommes payées à une société du groupe prestataire en contrepartie de services rendus dans la gestion d'une autre société du groupe, la bénéficiaire de ces services. Il s'agit donc de flux financiers remontant de la joint- venture vers le groupe et pas de paiements du groupe directement aux dirigeants de la joint-venture,

  • - Ces échanges de courriels démontrent que Monsieur LA. a eu connaissance des discussions relatives au versement de rémunérations occultes et a même agi activement en vue de permettre la réalisation de ces opérations,

  • - Au cours des auditions par le cabinet HA., Monsieur LA. a reconnu des offres de paiements occultes en vue du renouvellement du contrat de location du FPSO à des agents publics étrangers.

- LE DOSSIER « H » (Angola) :

  • - Une des sociétés du groupe, via l'un de ces agents commerciaux, a clairement suggéré à des agents publics d'Etat de la société G d'intervenir pour son intérêt à l'encontre de la compagnie pétrolière,

  • - Monsieur LA. a eu connaissance de ces agissements pour avoir été destinataire ou en copie de divers échanges de mails et les a totalement couverts,

  • - Les échanges sont succincts mais les termes employés sont suffisamment explicites puisqu'il est clairement question de faire appel à des fonctionnaires seniors de la société G moyennant rémunération pour trafiquer une lettre indemnitaire et en faire augmenter artificiellement le montant,

  • - Ils démontrent également que Monsieur LA. a pris une part active avec Monsieur TA..

- LE PROJET « L » (Angola) :

  • - En janvier 2010, dans le cadre du projet de la joint-venture L entre la société B et la société G, Monsieur BL. informe Monsieur LA. de ses discussions avec Monsieur DE BR. portant notamment sur le montant de la rémunération occulte à lui verser pour mener à bien ce projet,

  • - Monsieur LA. a couvert et cautionné ces manœuvres.

- DOSSIER « M » (Angola) :

  • - Aux termes d'un échange de mails en octobre et novembre 2009, Messieurs LA. et BL. discutent ensemble le montant et la répartition des commissions occultes destinées à aux agents publics de la société G pour emporter le marché.

- LA RESTRUCTURATION DE LA DIRECTION DE LA SOCIÉTÉ G (Angola) :

  • - En juin 2010, une restructuration au sein de la direction de la société G confère à g. MA. des pouvoirs plus importants que ceux de m. DE BR. contact habituel de la société,

  • - Par mail du 3 juin 2010, Monsieur LA. transmet en l'approuvant à Monsieur BL. la suggestion de Monsieur RO. de partager désormais les commissions occultes entre Monsieur DE BR. et Monsieur MA. devenu plus influent.

- LE PARRAINAGE de a. CO. (Angola) :

  • - En échange des services rendus au groupe par r. CO. dirigeant de la société G, le groupe a pris en charge depuis le 1er janvier 2006 jusqu'en 2009 la totalité des frais afférents aux études de son fils (frais de scolarité, frais d'hébergement, dépenses quotidiennes, billets d'avion pour l'Angola) pour un montant variant entre 35.000 $ et 45.000 $,

  • - Monsieur LA. était parfaitement au courant de ces pratiques puisqu'il figure notamment en copie d'échanges de mails détaillant le coût et les modalités de paiement de ce parrainage,

  • - Par courriel du 3 février 2009, il intervient directement pour donner des instructions sur les paiements à effectuer suite à un incident.

- LE PARRAINAGE DE NI. ND. NS. (Guinée Equatoriale) :

  • - Monsieur LA. était en copie de l'échange de mails survenu au mois de février 2010 entre Messieurs BE., DU. et MO. dont l'objet était de trouver « une place de premier plan » au sein du groupe pour le frère du dernier, fonctionnaire pour l'entreprise publique O, dans le but de « retrouver une très grande influence pour les deux gros projets FPSO (bloc « P ») et le potentiel Gas LNG FPSO (bloc « R ») »,

  • - Un échange de mail du 11 mai 2010 démontre l'implication de Monsieur LA..

- SUR LA TENTATIVE DE DESTRUCTION DE PREUVES :

  • - Peu après le début des investigations, le directeur juridique de l'époque Jay PR. et le directeur juridique des ventes marketing de l'époque j. TAY. ont trouvé des sacs poubelles remplis de documents qui étaient sur le point d'être jetés par Monsieur LA.,

  • - Il s'est avéré que ces sacs contenaient environ 33.000 documents intéressant les investigations menées.

- SUR LA PRISE DE POSSESSION DE DOCUMENTS NON AUTORISÉS :

  • - À l'issue du second entretien du 23 octobre 2012 de Monsieur LA. avec des représentants du cabinet HA., celui-là s'est emparé de documents confidentiels qui lui avaient été présentés.

- Sur les circonstances du licenciement :

  • - Elle a scrupuleusement suivi la procédure de licenciement applicable aux termes de l'article 1.5 de son règlement intérieur,

  • - Elle est même allée au-delà :

    • * En lui accordant un délai supplémentaire afin de permettre de préparer l'entretien préalable avec son avocat et en permettant à ce dernier de l'assister à cet entretien,

    • * En précisant sur la convocation les motifs d'un éventuel licenciement envisagé,

    • * En l'invitant à deux reprises à s'expliquer sur les griefs exposés au cours de l'entretien,

    • * En notifiant le licenciement par lettre remise en main propre doublée d'un envoi en recommandé avec accusé de réception à l'issue d'un délai de trois jours ouvrables,

  • - Elle n'était pas tenue de déférer à la demande de communication de son avocat en vue de l'entretien préalable,

  • - Monsieur LA. a gardé le silence pendant l'entretien,

  • - Elle aurait pu retenir une faute grave à l'encontre de Monsieur LA. mais elle a tenu compte de son ancienneté et de ses états de services,

  • - Le bonus BOM était en tout état de cause dû compte tenu de ses conditions d'attribution auxquelles il a satisfait. Il en est de même concernant la prime ICT,

  • - Il a été dispensé d'exécuter son préavis ce qui l'obligeait à restituer ses outils travail,

  • - Monsieur LA. ne démontre pas ses allégations fallacieuses sur la prétendue campagne de dénigrement à son encontre,

  • - La société B a fait preuve, dans un contexte où il avait l'obligation de communiquer, d'une extrême délicatesse à l'égard de Monsieur LA.,

  • - Rien ne permet de faire le lien entre la prescription d'antidépresseurs et anxiolytiques et les circonstances du licenciement,

  • - Monsieur LA. ne justifie aucunement de l'étendue de son préjudice à hauteur de la somme réclamée.

SUR CE :

  • 1 - sur la demande de rejet des attestations produites par Monsieur LA. sous les numéros 42, 46, 47 et 48

Le défendeur en sollicite le rejet des débats en raison de leur impartialité et de leur subjectivité.

Il appartient dans ce cas au Tribunal d'y attacher la valeur probante qu'il estime justifiée compte tenu si elle est avérée de l'absence d'impartialité de son rédacteur.

Il n'y a pas lieu en conséquence de rejeter des débats lesdites attestations.

  • 2 - Sur le motif du licenciement

Il appartient à l'employeur d'établir la réalité et la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de licenciement.

La lettre de licenciement en date du 20 août 2014 est ainsi libellée :

« Nous faisons suite à l'entretien préalable qui s'est déroulé le 31 octobre 2013 à 17 h00 dans les locaux de la société et plus précisément dans le bureau de Monsieur b. CH. (chief executive officer).

Vous vous êtes présenté à cet entretien préalable accompagné de Monsieur c. BL., employé de la société, mais aussi de votre avocat (maître Jean-Pierre Licari). Bien que cette possibilité ne soit pas prévue par le règlement intérieur de la société dans la mesure où cet entretien est normalement purement interne, nous avons néanmoins accédé à votre demande. Par conséquence, nous avons de notre côté demandé à l'avocat de la société, maître olivier Marquet, d'être lui aussi présent à l'entretien, ce que vous avez accepté.

Durant cet entretien, nous vous avons exposé le détail des faits qui vous sont reprochés, à savoir essentiellement :

  • - Vous avez eu connaissance de paiements opérés au bénéfice de contreparties dans le but de permettre à la société ou à des sociétés de la société B et/ou à des sociétés liées à des sociétés de la société B, d'obtenir ou de poursuivre l'exécution de contrats et de ne pas avoir agi afin de mettre un terme immédiat à cette situation ;

  • - Vous avez agi de manière active pour permettre la réalisation de ces opérations ;

  • - Dans le cadre des investigations qui s'en sont suivies, vous avez tenté de détruire de nombreux documents relatifs à ces opérations ;

  • - Dans le cadre des entretiens survenus au cours des investigations rendues nécessaires, vous avez pris sans autorisation de la documentation clef pour les vérifications internes ;

Puis, nous vous avons proposé à deux reprises de fournir vos explications sur chacun des points évoqués. Vous avez souhaité, sur les conseils de votre avocat, ne faire aucun commentaire.

Bien que nous pensions que les faits énoncés ci-dessus plaident en faveur d'un licenciement pour faute grave, après réflexion et réexamen de votre cas et prenant en compte votre ancienneté et votre travail pour la société, nous vous informons de notre décision de procéder finalement à votre licenciement pour faute et non pour faite grave.

Votre contrat de travail prendra donc fin au terme d'un préavis de trois mois qui court à compter de la date de présentation de la présente lettre.

Nous vous dispensons d'effectuer ce préavis, lequel vous sera néanmoins intégralement rémunéré aux échéances habituelles.

... ».

En l'espèce, le Tribunal va analyser les différents griefs précisés par la société E aux termes de ses écritures judiciaires et évoqués par rubrique, quand bien même ils ne sont pas apparus aussi clairement aux termes de la lettre de licenciement.

Sur le premier grief : « avoir eu connaissance de paiements opérés au bénéfice de contreparties dans le but de permettre à la société ou à des sociétés de la société B et/ou à des sociétés liées à des sociétés de la société B, d'obtenir ou de poursuivre l'exécution de contrats et de ne pas avoir agi afin de mettre un terme immédiat à cette situation » et «agi de manière active pour permettre la réalisation de ces opérations »

Dans ses écritures, l'employeur a explicité ce grief en visant les dossiers concernés.

Il convient dès lors de les reprendre et de les analyser au vu des pièces produites par la société E.

Le dossier « Q » (Angola) :

Pour justifier ce grief, l'employeur vise dans ses conclusions les pièces n° 42 et 43 constituées par des échanges de mails :

  • Courriel du 17 décembre 2009 adressé par j-p. RO. à Pieter DE LE., dont copie à Messieurs LA. et NIC. : ce mail ne fait aucunement mention à des paiements en contrepartie d'un avantage pour le groupe. Il y est seulement fait mention des négociations concernant l'extension d'un an des deux contrats BA. et OP. sur KU..

  • Courriel du 19 décembre 2009 de Monsieur TA. à Monsieur LA., dont copie à Monsieur BL. : « JPL, j'ai finalement réussi à contacter MB ce matin. Il a répondu deux fois mercredi dernier, mais il ne pouvait pas parler. Je lui ai dit que nous pourrions négocier certains avantages, mais pas par téléphone. Il m'a donné son adresse e-mail personnelle pour que je lui envoie notre proposition qui devra être discutée, en indiquant que ce que l'on demande pour Ku. était déjà trop ? Nous pourrions discuter avec FB lundi du type d'avantages que nous devrions proposer. h.

Monsieur LA. répondait à Monsieur TA. le même jour en ces termes : « Je propose de nous rencontrer tous les 3 demain lundi à mon bureau. Je suis en possession d'un visa ainsi que d'une réservation pour lundi soir, avec un retour prévu pour mercredi soir. ».

Il est clairement fait mention d'avantages pouvant être accordés à MB sans autre précision.

La pièce 43 comporte un courriel en date du 23 février 2010 de Monsieur RO. à j. WIS. où il est fait état dans le paragraphe « Demandes relatives à l'entreposage » d'avantages en ces termes :

« En plus des aspects contractuels dont il est question dans le courrier ci-joint, il est important de souligner le fait qu'étant donné qu'il s'agit d'un contrat à frais remboursables, les avantages correspondent à la seule source de revenus d'la société EE et en créant une situation d'entreposage la société EE est donc automatiquement pénalisé par une réduction ou même par une sanction sur l'encouragement à la production... Cette réduction/perte/sanction sur l'encouragement à la production incentive est tout ce que la société EE doit accepter pour être responsable de ce type de contrat d'exploitation. Pour compenser les risques d'entreposage, les avantages/profits d'la société EE devraient être augmentés. ».

Il apparaît ainsi que la notion d'avantage n'est pas automatiquement liée à une tentative de corruption.

Le doute devant profiter au salarié, le courriel du 17 décembre 2009 ne permet pas de retenir une faute de Monsieur LA..

Le courriel en date du 24 février 2010 de Monsieur WIS. à Monsieur RO. ne comporte aucun élément permettant d'incriminer Monsieur LA..

Il en est de même concernant les mails :

  • - en date du 24 février 2010 de Monsieur RO. à Monsieur WIS.,

  • - en date du 25 février 2010 de Monsieur WIS. à Monsieur RO..

L'employeur fait état dans ses écritures d'un échange de courriels des 3 et 5 mars 2010 :

  • - Mail du 3 mars 2010 de Monsieur RO. à Monsieur LA. :

    «JPL, si l'on se base sur le tableau que vous avez reçu la semaine dernière, j'espère vraiment que nous allons pouvoir indemniser RC et MM pour leur aide respective et très utile dans cette négociation .. et nous devrions aussi profiter de cette occasion pour intégrer au tableau un système qui les encouragerait à prolonger l'extension de 4 à 5 ans. ».

  • - Mail du 3 mars 2010 de Monsieur LA. à Monsieur BL. :

    « f., je pense que JPR a raison et que nous devrions réfléchir à quelque chose d'un montant x/ mois pour toute extension en continue, équivalent à environ 15 millions de USD/an pour bareboat ?

    Qu'en pensez-vous ? ».

  • - Mail du 3 mars 2010 de Monsieur BL. à Monsieur LA. :

    « OK j-p., mais uniquement si ces extensions calculées mois par mois nous permettent au final d'avoir une extension additionnelle de 12 mois, lorsque nous nous serons enfin mis d'accord sur la durée d'extension. Je ne veux pas qu'on nous l'achète le mois suivant, sans qu'on s'y attende.

    Je propose 5/m pour MM et 10 pour RC. Remarquez, si on se met d'accord sur des chiffres aussi bas, il faudra négocier plus pour les 12 derniers mois. ».

  • - Mail du 5 mars 2010 de Monsieur LA. à Monsieur BL. :

    « Ce n'est pas une proposition très généreuse. ».

  • - Mail du 5 mars 2010 de Monsieur BL. à Monsieur LA. :

    « Veuillez noter qu'une fois que vous commencerez à payer, il sera difficile d'arrêter. ».

Monsieur LA. indique que l'indemnisation dont s'agit est constituée par des bonus ou des management fees.

Il considère encore que ce type de discussion a également existé en 2012 et 2013 sous la direction de Messieurs HE. et CH. (pièces n°82 et 83).

La pièce n° 82 (courriel de Monsieur LA. à Jay PR. et b. CH.) fait état notamment des frais de gestion de XI.

Dans la pièce n° 83 (courriels entre Messieurs LE., BE. (la société G), LA. et FI.), il est question notamment de T. d'un montant de 1.200.000 USD par année civile.

Ces courriels visent des flux financiers entre sociétés et non entre une société et une personne physique.

Les Echos définissent les management fees comme « étant payés à la société mère (holding ou groupe industriel) en contrepartie de services administratifs rendus et d'une implication dans la gestion et / ou la définition de la stratégie. Dans certains cas, il peut s'agir de dividendes déguisés, ce qui constitue alors un abus de bien social ».

Wikipédia indique que les management fees sont « des transactions payés à la holding par la filiale, en contrepartie de services administratifs rendus et d'une implication dans la gestion et / ou la définition de la stratégie. Dans une certaine mesure, il peut s'agir de dividendes déguisés, ce qui constitue alors un abus de bien social. Ces arrangements sont motivés par des considérations opérationnelles, fiscales, sociales ou patrimoniales. En fait, ils permettent à la holding de se rémunérer en prenant une marge proportionnelle aux services facturés aux filiales ».

L'attestation de Monsieur LE., directeur financier de la SAM R produite par l'employeur en pièce n° 74 conteste les affirmations de Monsieur LA. à ce titre :

« En ma qualité de directeur financier de la SAM R, filiale de la société B, je peux indiquer que les management fees se définissent de la manière suivante : il s'agit de la rémunération de frais de gestion correspondant à des prestations de services rendues par les actionnaires tels que la société B ou la société G auprès de leurs filiales communes n'ayant pas de ressources propres. Ces prestations de services couvrent la mise à disposition de technologies, la fourniture de services informatiques et de logiciels spécifiques, l'administration comptable et des services de support logistique.

Or, les flux financiers dont il est question à de nombreuses reprises dans les échanges de mails (notamment pièces n°42, n°43) sont directement destinés à rémunérer des personnes physiques, agents publics de l'État d'Angola, ce qui ne peut être apparenté ni à des management fees ni même à d'eventuels bonus. ».

Ainsi, contrairement à ce que soutient Monsieur LA., les management fees sont réglés par la filiale à la société mère et non l'inverse, de sorte que les sommes dont il est question dans les mails des 3 et 5 mars 2010 ne peuvent être analysées comme constituant des management fees.

Monsieur LA. évoque encore le paiement de personnels de la société G détachés auprès de la joint-venture et se fonde sur des projets d'accord (pièces n° 83-1 et 83-2) ne figurant pas dans son dossier ni visées dans son bordereau de pièces.

Son argumentation à ce titre ne pourra dès lors être retenue.

Monsieur LA. vise également les négociations menées par Monsieur LE. dans le projet de contrat la société G/la société D (pièce n° 105-1) pour soutenir : « il apparaît distinctement les « director's fee » (jetons de présence) à verser aux directeurs de la joint-venture, donc aux personnes nommées par la société G pour diriger la joint-venture ».

Ainsi, selon l'argumentation de Monsieur LA., la société mère procèderait à la prise en charge du coût du personnel détaché par la société G auprès de la joint-venture par le biais des management fees.

Or, cette affirmation est en contradiction avec la définition visée supra des management fees qui constituent des flux financiers de la filiale vers la société mère et non l'inverse.

Il en résulte que l'indemnité devant être accordée à Messieurs MA. et CO., agents publics étrangers appartenant à la société G est suspecte.

Le dossier « H » (Angola)

Pour justifier le grief lié à ce dossier, l'employeur produit les pièces suivantes :

  • - Pièce n° 44 : échanges de mails des 2 et 3 mars 2010 :

    • De Monsieur TA. à Monsieur LA. et Monsieur BL. :

      • « J'en ai parlé à r..

      • Ki.

      • BL. c. (la sœur de Be.) ne veut pas s'impliquer et Ch. est de retour. r. parlait du montant convenu avec MdB.

      • OLL pour CLOV.

      • Ils ont l'air d'être d'accord pour diviser le contrat et de donner le OLL à la société B, mais il reste une différence de 15 millions de $ uniquement pour l'approvisionnement qui doit être réduit. Il faut voir avec la société AA qui prendra en charge à la fois Surf1 et 2. ».

    • De Monsieur BL. à Monsieur TA. et Monsieur LA. :

      • « h.,

      • Quelle est l'action de la société G sur Ki. C et qui le prend en charge ?

      • (quel est le rôle de RC, Xi. et de MdB). ».

    • Rien dans ces courriels ne permet de conclure de manière incontestable qu'il est question de rémunérer des fonctionnaires de la société G pour en tirer un avantage.

  • - Pièce n° 45 : échange de mails entre Monsieur TA. et Monsieur BL., dont copie à Monsieur LA. :

    • De Monsieur TA. à Monsieur BL. :

      • « f.,

      • Je vais rencontrer r. demain après-midi à Paris. Etant donné que nous n'avons rien décidé encore pour Ki. C, dois-je lui suggérer que nous supposons qu'il est de la partie ? ».

    • Réponse de Monsieur BL. :

      • « h.,

      • Pas besoin de parler argent avec r.. j. BE. a toujours dit qu'il s'en occupait, vrai ou faux. Nous avons besoin d'avoir des réponses concernant les points suivants :

      • Existe-t-il une lettre Ki. C écrite par la société G à Angola et est-il possible d'en avoir une copie (signée ou non)

      • Où se trouve cette lettre actuellement ?

      • Qui est autorisé à débloquer la signature de jo. BE., si c'est elle qui possède la lettre. ».

    • Ces courriels ne comportent aucun termes compromettants pour Monsieur LA. :

  • - Pièce n° 46 : courriers électroniques entre Monsieur RO., Monsieur TA. et Monsieur BL., dont copie à Monsieur LA. :

    • Le 25 septembre 2010, Monsieur TA. évoque la lettre dont il est question ci-dessus.

    • Le même jour, Monsieur BL. écrit à Monsieur RO. pour lui demander des précisions sur le montant devant figurer sur cette lettre qui devait être de 89,5 millions USD en lieu et place de 80 milliards USD.

    • Le 27 septembre 2010, Monsieur RO. répond à Monsieur BL. pour lui confirmer que le chiffre de 89,5 millions USD a bien été porté sur la lettre par RC (r. CO.) et qu'un nouveau projet avait été remis au président de Block.

    • L'employeur en conclut qu'il a été fait appel à des fonctionnaires de la société G (r. CO.) moyennant rémunération pour trafiquer une lettre indemnitaire et en faire augmenter artificiellement le montant.

    • Une lecture de ces documents ne permet en aucune manière de conclure de la sorte.

    • Il est en effet prévu une intervention de Monsieur CO. pour modifier un montant dans une lettre mais sans aucune mention d'un quelconque paiement de celui-ci en contrepartie ; cette modification pouvant intervenir dans le cadre des négociations entre les différentes parties.

  • - Pièce n° 47 : courriers électroniques entre Monsieur TA., Monsieur BL. et Monsieur LA. :

    • Cet échange concerne encore la lettre et la somme devant y figurer sans pour autant conclure à une quelconque manœuvre illicite impliquant les auteurs.

    • L'employeur se livre à une interprétation qui ne saurait être suivie par le tribunal.

  • - Pièce n° 48 : courrier électroniques entre Monsieur RO. et Monsieur LA., dont copie à Monsieur BL. et Madame SA. OU. :

    • Le 5 novembre 2010, Monsieur LA. écrit à Monsieur RO., copie à Madame SA. OU. :

JPR,

Au fait,

Un commentaire/une demande émise par FG était de n'impliquer personne d'autre que moi-même et FB.

Je vous tiendrai au courant mais, s'il vous plaît, ne mettez personne en copie et n'envoyez rien à personne, au sujet de la demande de k. C.

Il vaut mieux prévenir que guérir. ».

Le 11 novembre 2010, Monsieur LA. écrit à Monsieur BL., copie à madame SA. OU. : « fyi »

L'employeur considère que la volonté de Monsieur LA. de ne mettre personne au courant est un aveu de son implication.

Cette interprétation est totalement subjective et ne peut être retenue par le tribunal en l'absence d'éléments concrets et objectifs.

De plus, il a été indiqué ci-dessus que les courriels échangés ne permettaient pas de conclure à une rémunération d'un agent public étranger pour « trafiquer » une lettre.

Il en résulte qu'aucune manœuvre ou agissements fautifs de Monsieur LA. n'est démontré par l'employeur sur le dossier « H ».

  • Le projet « L » (Angola) :

L'employeur produit un échange de mails entre Messieurs BL. et LA. pour démontrer l'implication de ce dernier dans l'attribution de rémunérations occultes à verser à Monsieur DE BR. (agent public étranger de la société G).

Le 7 janvier 2010, Monsieur BL. écrit à Monsieur LA., copie à Monsieur TA. :

« j-p.,

Je vous envoie ci-joint le compte rendu de ce qui a été discuté en détails avec MdeB, insistant particulièrement sur la colonne « plus ».

h. reste son point de contact. MdeB a déjà appelé HT hier, après avoir vu ENI. Comme je l'ai expliqué au téléphone, il a une préférence pour Falcon et nous devons nous assurer qu'il ne s'agisse que d'une option pour la deuxième unité du 15/6. MdeB pourrait finir par voir Equity à la fois sur Xi. et Fa. si le chef en décide ainsi : j'ai proposé à HT d'organiser une rencontre avec TP pour officialiser notre extra partenariat (on ne peut pas le faire sans son accord).

Il était prévu qu'il rencontre E. Angola aujourd'hui et qu'il appelle HT pour savoir ce qu'il en était de la somme demandée.

Pour la nouvelle société de services, je pense relancer la société E (Angola) et confier cette action à GON.

Cette question relève d'un sujet d'intérêt majeur et ne doit pas être retardée.

En fait, je pense que le premier projet de l'entreprise devrait être l'approvisionnement et l'installation CLOV OOL.

Nous devrions discuter de la manière dont nous allons commencer et de quelle manière nous allons en parler avec nos associés. ».

Le même jour, Monsieur LA. répond : « je suis revenu au bureau. Je suis disponible si besoin. FA. est pour le numéro CC très clairement même dans l'esprit d'ENI. »

Le 9 janvier 2010, Monsieur LA. écrit : « parfait et merci. (tu aurais dû prendre les ventes ...) »

L'employeur considère que « la somme demandée » conditionnait l'attribution d'un marché.

Il s'agit là-encore d'une interprétation subjective en dehors de tout élément concret et objectif sur la nature de la somme dont il est question.

L'employeur ne démontre ni des malversations dans l'attribution d'un marché, ni des agissements frauduleux de la part de Monsieur LA..

  • Le dossier « M » (Angola) :

L'employeur fonde ses accusations sur sa pièce n° 50 constituée par des échanges de mails entre Messieurs RO., BL., BA. (la société HH) et LA..

Le 30 octobre 2009, Monsieur BA. écrit à Monsieur RO. concernant le projet de développement en Angola et plus précisément la fabrication de cadres en bois.

Le 31 octobre 2010, Monsieur RO. écrit à Messieurs BE. (la société G), BL., LA., ET., D. S. MA., AD. et LO. pour leur faire part de la réception d'un appel d'offre de la société HH.

Le même jour, Monsieur RO. écrit à Monsieur BL. dont copie à Monsieur LA. :

« f., si l'on veut confirmer/garantir ce job pour PA. et toute extension éventuelle au champ de travail initial, il est évident que nous allons devoir parler de manière ouverte avec r. et f.co.

Il est important que nous en parlions afin de trouver un accord aussi vite que possible sur le marché à suivre. ».

Le 31 octobre 2009, Monsieur RO. écrit à Monsieur BL. dont copie à Monsieur LA. :

« f.,

Nous devrions très prochainement mettre en place des frais d'agence, mais comme nous en avons déjà parlé, je ne me sens pas très à l'aise d'appliquer les 3% mentionnés de manière officielle dans notre PA. (cet élément a déjà fait l'objet d'un débat par notre adjoint à 20 reprises !). De cette manière, on finirait certainement par créer une suspicion inutile/non nécessaire entre les associés ...

Ce que je propose à la place, c'est que l'on supprime les 3% de frais d'agence de PA. et que l'on tente de convaincre notre associé de partager les 8% de frais généraux sur tous les projets nouvellement acquis de la manière suivante :

  • 6% pour la société B - une partie servant à payer le soutien de la société B lors de la phase de préparation des appels d'offres et nous pourrions aussi utiliser librement une autre partie comme frais d'agence.

  • 2% pour la société G - celai serait une bonne façon de compenser nos associés pour leur soutien en matière de vente et de marketing. Et ils pourront en faire ce qu'ils veulent ...

Cette solution/ce partage ayant déjà été approuvée par le développement yard, je ne vois pas pourquoi notre associé refuserait une telle offre. En fait, je suis sûr qu'ils vont adorer les 2% de contribution marketing par projet pour la société G. ».

Le 2 novembre 2009, Monsieur BL. répond de la manière suivante, dont copie à Monsieur LA. :

« JPhR

Nos frais généraux pour Pa. ne servent pas à payer les frais d'agence.

Les frais d'agence doivent partagés 50/50 et nous devrons en discuter avec nos associés : un sujet difficile mais que l'on ne peut éviter. ».

Le 3 novembre 2009, Monsieur LA. écrit à Monsieur BL., dont copie à Madame LAB. pour lui proposer des pistes de réflexion sur les frais généraux et les frais d'agence.

Le 15 novembre 2009, Monsieur BL. demande à Monsieur LA. de réfléchir sur la répartition des « 3+6+2% ».

Ainsi, le défendeur estime que les agents publics étrangers r. et f.co vont être mis à contribution pour emporter le marché et que la solution proposée par Monsieur LA. « permettrait de diluer le montant des rémunérations occultes dans les coûts de fonctionnement (OPEX) de la joint-venture répartis entre société D et la société G ».

L'employeur considère qu'il s'agit d'un « montage financier complexe permettant de masquer le paiement des commissions d'agents commerciaux permettant in fine le versement de rémunérations occultes à des agents publics, savoir des responsables de la société G ».

Le Tribunal constate que les termes employés dans les courriels en cause ne permettent en aucune manière de conclure à l'existence d'un montage financier illicite, et ce en l'absence de documents explicatifs sur ce point.

Les auteurs de ces courriels font en effet état de frais (d'agence et généraux) à hauteur d'un certain pourcentage, à partager entre différentes sociétés, sans que les termes employés permettent de relever des actes de corruption.

La restructuration de la direction de la société G (Angola) :

L'employeur indique que la pièce n°51 par lui produite démontre l'intervention de Monsieur LA. dans le partage des commissions occultes entre Monsieur DE BR. et Monsieur MA. devenu plus influent.

Il s'agit d'échange de mails entre Messieurs RO., LA., BL. et TA. :

Le 15 avril 2010, Monsieur RO. informe notamment Messieurs LA. et BL. de la réorganisation du conseil de la société G avec la nomination de Baptista SU. et g. MA..

Le 2 juin 2010, il transmet le partage des fonctions entre les 6 administrateurs de la société G.

Le 3 juin 2010, Monsieur RO. écrit à Monsieur LA. en ces termes :

« JPL,

En fonction d'où nous en sommes par rapport à la création de la nouvelle entité, je pense qu'il serait bien si l'on pouvait arriver à les impliquer tous les deux (MdB et GM).

m. bénéficie toujours d'une position très stratégique, mais GM mène à présent la course du côté du concessionnaire (en amont). J'ai un très bon contact avec g. comme vous le savez et encore une fois, si nous sommes dans une position où nous pouvons lui offrir un petit % du nouveau JV, je suis sûr que nous serions disposés à y participer. D'un autre côté, le fait de la arranger tous les deux permettra de prouver notre fidélité envers MdB ... qui a encore un fort potentiel pour être l'homme numéro 1 un jour, et d'un autre côté, SNL II est de toute évidence l'entreprise qui présente le meilleur potentiel en matière d'activités de services de la société B. ».

Le même jour, Monsieur LA. adresse un courriel à Monsieur BL., dont copie à Madame SA. OU., dans lequel il donne raison à Monsieur RO..

Le même jour, Monsieur BL. répond à Monsieur LA. en proposant « 10 % à chacun, aussi bien à GM et à MdeB ».

Encore le même jour, Monsieur LA. propose à Monsieur BL. de faire intervenir Monsieur TA. pour contacter Monsieur DE BR..

Les courriels suivants ont trait à cette tentative de contact entre Monsieur TA. et Monsieur DE BR..

Monsieur LA. indique que la proposition de 10% consistait en « la répartition du capital de la joint-venture projeté, lequel capital aurait majoritairement été détenu par société D et à raison de 10% pour la société G et 10% pour une autre entité de la société G (il semble que cette société n'a finalement pas été créée) ».

Cette analyse ne peut retenir l'attention du tribunal.

En effet, le 3 juin 2010, Monsieur RO. parle d'offrir à Monsieur MA. et non à la société G « un petit pourcentage du nouveau joint-venture ».

Les termes de ce courriel sont parfaitement clairs et dénués d'ambiguïté puisqu' il apparaît que, dans la mesure où Monsieur MA. « mène à présent la course du côté du concessionnaire (en amont) », il convient de le récompenser sans pour autant oublier Monsieur DE BR. qui a vocation à devenir numéro 1.

Cette pratique s'apparente à de la corruption telle qu'elle est définie par la Convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales.

Celle-ci prévoit en son article 1 « L'infraction de corruption d'agents publics étrangers », paragraphe 1 :

« Chaque partie prend les mesures nécessaires pour que constitue une infraction pénale en vertu de sa loi le fait intentionnel, pour toute personne, d'offrir, de promettre ou d'octroyer un avantage indu pécuniaire ou autre, directement ou par des intermédiaires, à un agent public étranger, à son profit ou au profit d'un tiers, pour que cet agent agisse ou s'abstienne d'agir dans l'exécution de fonctions officielles, en vue d'obtenir ou conserver un marché ou un autre avantage indu dans le commerce international. ».

Le paragraphe 2 de cet article 1 ajoute :

« Chaque partie prend les mesures nécessaires pour que constitue une infraction pénale le fait de se rendre complice d'un acte de corruption d'un agent public étranger, y compris par instigation, assistance ou autorisation. La tentative et le complot en vue de corrompre un agent public étranger devront constituer une infraction pénale dans la mesure où la tentative et le complot en vue de corrompre un agent public de cette partie constituent une telle infraction. ».

Il résulte en effet clairement de ces échanges de courriels que l'attribution gracieusement d'une partie du capital de la future joint-venture est destinée à obtenir des avantages de la part de Monsieur MA. de par ses nouvelles fonctions.

À ce titre, Monsieur LA. était parfaitement informé de cette proposition et l'a même approuvée.

Ce seul fait fautif justifie à lui seul le licenciement pour faute de Monsieur LA..

Le parrainage de a. CO. (Angola) :

Monsieur LA. ne conteste pas la prise en charge par la société B depuis le 1er janvier 2006 jusqu'en 2009 de la totalité des frais afférents aux études poursuivies par le fils de r. CO..

Il soutient qu'il n'en est pas le décisionnaire et que ces faits ne sont pas constitutifs d'une corruption.

Il n'est pas contestable que la mise en place de ce parrainage ne résulte pas d'une décision de Monsieur LA..

Il n'est pas plus contestable qu'il a été rendu destinataire (en copie) de courriels dès 2006 concernant la prise en charge des frais d'études litigieux.

Cependant, l'objet de ces mails concerne le « stagiaire la société EE - parrainage de a. CO. ».

Il apparaît encore que lesdits frais ont été pris en charge dans un premier temps par la société DD, puis par la société EE (qui est une joint-venture de société D - la société G) et non par société D depuis 2006 ; l'employeur ne démontrant pas le contraire.

Le 23 janvier 2009, Monsieur RO. demande à Monsieur IZ.(la société EE) les raisons du transfert de cet étudiant de la société EE à la société C (copie de ce mail à Monsieur LA.).

Les courriels en pièces n°54 font état de difficultés dans la prise en charge des frais suite au transfert de Monsieur CO. de la société EE à la société C.

Le 3 février 2009, Monsieur LA. écrit à Messieurs RO. et IZ.(la société EE) dont copie à Messieurs BOI., BL. et KO. :

« Cher tous,

Dans le cas où un paiement doit être effectué en urgence, pouvez-vous alors effectuer ce paiement car la situation de a. ne devrait pas se faire en fonction de cette discussion en interne ou d'la société EE ou de la société B.

Comme prévu, je vais faire le point sur la situation avec Antonio et Jean-Claude. Nous imputerons ensuite les frais encourus à la société B ou la société EE, selon ce que nous aurons décidé ensemble.

JPR,

Pouvez-vous s'il vous plait me confirmer à combien s'élève le montant qui doit être payé en urgence avant la semaine prochaine ? ».

Il en résulte que Monsieur LA. demande à deux agents publics étrangers d'une joint-venture angolaise de procéder au paiement de frais d'études d'un étudiant angolais et qu'il sera décidé ultérieurement si lesdits frais doivent être imputés à la société EE ou la société D.

L'employeur qui a la charge de la preuve ne démontre pas qu'il a dû régler les sommes correspondantes.

Cependant, la Convention anti-corruption de l'OCDE visée supra en annexe II « Guide de bonnes pratiques pour les contrôles internes, la déontologie et la conformité » vise les domaines suivants : cadeaux, frais d'hébergement, de divertissement et autres dépenses, voyages des clients, contributions politiques, dons à des organismes caritatifs et parrainages, paiements de facilitation et sollicitations et extorsions. Lesdits domaines pouvant bénéficier à un agent public étranger, à son profit ou au profit d'un tiers.

En l'espèce, a. CO. est le fils de r. CO., agent public étranger de la société G et il appartenait à Monsieur LA., eu égard à ses fonctions, de vérifier la légalité de cette prise en charge qui ne se limitait pas aux seuls frais de scolarité.

La pièce n° 92 visée par Monsieur LA., à savoir « recrutement, formation et développement de compétences de ressortissants angolais » n'est pas applicable à a. CO..

En effet, les études visées dans ce document ne concernent pas celles suivies par Monsieur CO. aux États-Unis, pays qui ne figure pas dans ceux susceptibles de dispenser les formations prévues.

Ainsi et même si l'employeur ne rapporte pas la preuve d'un quelconque paiement à ce titre, il apparaît que Monsieur LA. a fait preuve de négligence et d'un manque de prudence certain dans le traitement de ce dossier et ce, vu les dispositions du paragraphe 2 de l'article 1 de la Convention de l'OCDE repris supra.

Le parrainage de NI. ND. NS. (Guinée Equatoriale)

L'employeur produit les pièces n° 40 et 41 pour démontrer la faute de Monsieur LA. dans ce dossier.

Pièce n° 40 constituée de deux courriels :

  • Du 4 février 2010, de Bonifacio MO. à j-l. BE. :

    « sujet : le CV de mon frère

    Cher j-l.,

    Comme nous en avons déjà parlé, je vous envoie ci-joint le CV de mon frère NI. ND. NS.. N'hésitez pas à me contacter pour toute question.

    Je vous remercie par avance pour votre aide. ».

  • Du 22 février 2010, de Monsieur BE. à j. DU., dont copie à Monsieur LA. et i. LAZ. :

    • « Cher ami,

    • On continue en français ou en anglais !

    • Cher j.,

    • Veuillez trouver ci-joint le CV du frère d'un de mes proches contacts en GE que j'ai fiabilisé en 95 !

    • La personne qui nous demande d'aider son frère à trouver un emploi et à intégrer des études est un proche du ministre et un très grand décideur, nous a dit M. B.

    • Si vous pouviez envisager de donner à cet homme une place de premier plan, je pourrais moi aussi retrouver une très grande influence pour les deux gros projets FPSO (bloc « P ») et le potentiel FF (bloc « R »).

    • Tenez moi informé de la suite et bien cordialement. ».

Pièce n° 41 constituée d'un échange de mails concernant ce dossier :

  • Le 11 mai 2010 à 14h40, de Monsieur BE. à Monsieur LA. :

    • « Voilà le CV.

    • Il a été transmis à d WAT. il y a deux semaines par j. Cordialement, j-l. ».

  • Le 11 mai 2010 à 15h48 de Monsieur LA. à Messieurs WAT. et MON. et copie à Monsieur NIC. :

    • « Messieurs,

    • Veuillez s'il vous plait accorder une attention toute particulière à ce candidat.

    • Merci de me dire à quel poste vous le voyez.

    • Il s'agit là d'une opportunité également pour le PC d'établir une relation.

    • Je vous remercie par avance de me tenir au courant. ».

  • Le 11 mai 2010 à 16h16 de Monsieur WAT. à Monsieur LA. et copie à Messieurs MON. et NIC.

    • « En ce qui me concerne, nulle part ! Est-on en train d'enfreindre le FCPA avec cette histoire ? Et puis, à quelle place JLB voit-il cet homme ? Au sein d'une organisation EE locale de notre pays ? A un poste de production tech offshore ? A un poste d'administration base terrestre ? Ou quoi ? ».

  • Le 11 mai 2010 à 17h27 de Monsieur LA. à Monsieur WAT. et copie Messieurs MON. et NIC. :

    • « Messieurs, veuillez s'il vous plait trouver une solution. Et s'il vous plait abstenez-vous. ».

Le Tribunal ne peut que reprendre l'argumentation développée pour a. CO. sur les avantages pouvant être accordés à un agent public ou à un tiers.

Bien plus, l'attention de Monsieur LA. avait été attirée sur la légalité de cette demande, en vain.

Il apparaît clairement que Monsieur LA. a participé activement pour octroyer un avantage indu à un tiers proche d'un agent public étranger en vue d'obtenir ou conserver un marché (« projets FPSO (bloc « P ») et le potentiel FF (bloc « R ») et « établir une relation pour le PC ».

Ce grief sera dès lors retenu.

  • Sur le deuxième grief : la tentative de destruction de preuves

Monsieur LA. ne conteste pas avoir, dans le cadre de son changement de bureau, procédé à un tri de documents pour jeter ceux qui étaient en copie et dont les originaux étaient archivés.

L'employeur soutient que les 33.000 documents voués à la destruction intéressaient « au premier chef les investigations du projet FRED ».

Or, il ne produit aucun élément permettant de démontrer cette allégation.

Les deux documents qu'il produit pour se justifier en pièces 37 et 38 sont des factures d'intervention de Monsieur TA., lesquels ne sont d'ailleurs pas utilisés dans le cadre de ce litige.

Bien plus, rien ne démontre que ces documents ont été jetés par Monsieur LA..

Ce grief ne sera dès lors pas retenu.

  • Sur le troisième grief : la prise de possession de documents non autorisés

Monsieur LA. ne conteste pas avoir « pris » par erreur des documents qui lui avaient été présentés par le cabinet HA. lors de son interrogatoire à la société P.

Il n'est pas plus contestable que ces documents ont été restitués à l'employeur.

Aucune faute ne saurait être retenue à l'encontre de Monsieur LA. à ce titre.

Il résulte ainsi des explications ci-dessus développées que le licenciement de Monsieur LA. repose sur un motif valable et sans qu'il y ait lieu de statuer sur une éventuelle validité du memorandum produit par l'employeur.

  • 3 - sur le caractère abusif du licenciement

Tout licenciement fondé sur un motif valable peut néanmoins présenter un caractère abusif si le salarié, auquel incombe la charge de cette preuve, démontre que l'employeur a méconnu certaines dispositions légales lors de la mise en œuvre de la rupture ou si les conditions matérielles ou morales de sa notification présentent un caractère fautif ou révèlent une intention de nuire ou la légèreté blâmable de l'employeur.

Un licenciement peut être considéré comme abusif (qu'il ait été reconnu valable ou non) si l'employeur a avancé pour le justifier un faux motif, c'est-à-dire un motif qui n'était pas le motif réel qui l'a conduit à prendre cette décision et qui voulait «tromper».

L'analyse qui précède a permis de constater que certains griefs énoncés dans la lettre de licenciement se sont avérés infondés.

Pour autant le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque, ce qui n'est pas caractérisé en l'espèce.

Monsieur LA. ne démontre pas avoir été licencié pour une autre cause que celles contenues dans la lettre de licenciement.

Dès lors, aucune faute de l'employeur ne pouvait ouvrir droit à l'indemnisation d'un préjudice matériel et financier résultant du licenciement.

L'employeur a néanmoins fait preuve d'une légèreté blâmable dans la mise en œuvre et la procédure de licenciement.

Il a ainsi multiplié les griefs et les accusations de corruption à l'encontre de Monsieur LA. (même si le terme n'est pas employé dans la lettre de licenciement), sans éléments suffisants, démontrant ainsi une légèreté blâmable.

Monsieur LA. a été soumis à une véritable enquête, l'employeur l'ayant même remercié pour sa participation dans les investigations menées.

Ce n'est que plusieurs mois après lesdites investigations qu'il a été convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement.

Il convient à ce titre de tenir compte de l'ancienneté importante de Monsieur LA. au sein de la société B et des nombreuses mutations/promotions qui ont jalonné sa carrière.

Il démontre par ailleurs par des certificats médicaux et des attestations de ses proches la grande anxiété consécutive à la rupture.

Par ailleurs, il résulte des développements concernant les griefs reprochés à Monsieur LA. :

  • - que d'autres personnes faisant partie de la société B étaient impliquées dans les actes reprochés et retenus à l'encontre du demandeur,

  • - que l'employeur ne démontre pas avoir sanctionné lesdites personnes et notamment Monsieur BL.,

  • - que dès lors seul, Monsieur LA. a fait l'objet d'une sanction disciplinaire.

Ce qui démontre d'autant plus la légèreté blâmable de l'employeur.

Il y a lieu en conséquence de condamner l'employeur à lui payer la somme de 80.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son seul préjudice moral subi du fait du licenciement.

  • 4 - Sur les autres demandes financières de Monsieur LA.

  • Sur le reliquat d'indemnité de licenciement

Monsieur LA. sollicité une somme de 81.778,60 euros à ce titre.

Le licenciement reposant sur une cause valable, Monsieur LA. ne peut prétendre à l'indemnité de licenciement prévue à l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968.

Il ne peut prétendre qu'à l'indemnité de congédiement qui lui a été réglée et pour laquelle il ne formule aucune prétention.

  • Sur le reliquat d'indemnité compensatrice de congés payés

Monsieur LA. sollicite une somme de 157.934,71 euros à ce titre.

Il considère que le salaire mensuel à retenir s'élève à 78.882,33 euros et non 35.515 euros.

Il intègre ainsi dans ce montant le bonus STI 2013 de 461.700 euros, la somme de 16.560 euros « allocation voiture » et la prime de vacances 2013 de 6.628 euros.

Selon l'article 16 de la loi n° 619 du 26 juillet 1956 fixant le régime des congés payés annuels, lorsque le contrat de travail est résilié avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il doit recevoir une indemnité de congé payé.

Il résulte des articles 10 et 11 de la loi n° 619 précitée que l'indemnité afférente au congé, qui est égale à 1/10ème de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence, ne pourra être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.

L'article 15 ajoute que « pour la détermination de l'indemnité, il doit être tenu compte des avantages accessoires et des prestations en nature dont le salarié ne continuerait pas à jouir pendant la durée de son congé. La valeur forfaitaire minimale de ces avantages en nature est fixée par arrêté ministériel. ».

La prime annuelle de 13ème mois ne doit pas être prise en compte dans le calcul y afférent, s'agissant d'une prime non affectée dans son montant par la prime de congés.

Il en est de même concernant la prime de vacances.

L'allocation voiture figure sur le bulletin de salaire en tant qu' « allocation spéciale » pour un montant de 1.380 euros.

Celle-ci est prévue par la pièce n°64 produite par l'employeur.

Les cadres supérieurs de la société bénéficient ainsi d'un véhicule pris en charge par la société, y compris ses coûts de fonctionnement.

Il est également prévu que « aux fins de déclaration auprès des autorités fiscales françaises, la société déclarera les avantages liés à cette mise à disposition sous forme d'avantages en nature. ».

De ce fait, il convient d'appliquer les dispositions de l'article 15 visées ci-dessus.

Il résulte des conclusions de Monsieur LA. que ce dernier a conservé l'usage de ce véhicule pendant la durée de son congé et postérieurement au licenciement puisqu'il « était à son nom ».

Dans ces circonstances, et tenant les dispositions de l'article 15 de la loi n° 619, les prestations en nature dont le salarié a continué à jouir pendant la durée de son congé doivent être exclus pour le calcul de l'indemnité correspondante.

Le bonus STI 2013 :

Les primes d'objectifs lorsqu'elles sont attribuées en fonction des résultats personnels du salarié doivent être prises en compte pour le calcul de l'indemnité (compensatrice) de congés payés.

La prime STI est définie de la manière suivante (pièce n°65 du défendeur) :

« Élément de la rémunération : incitation à court terme (ICT - STI en anglais)

Description :

  • - partie variable de la rémunération annuelle payée 80% en espèces et 20% en actions (actions gratuites) dont la vente est bloquée sur une période de 3 ans

  • - À l'issue de la période de blocage de 3 ans, et sous réserve de la permanence de la relation de travail, la société attribue des actions supplémentaires (abondées) pour chaque action gratuite détenue (rapport de 1 :1)

Objectif :

  • - Primer la performance de la société au cours de l'exercice précédent et la performance individuelle

  • - Promouvoir la permanence de la relation de travail

  • - Actionnariat

...

L'ICT est conçue pour premier la performance de la société sur l'exercice précédent ainsi que les performances individuelles des membres du comité de direction. Les seuils, objectifs et ICT maximum potentiel (le différentiel entre le seuil et l'objectif et entre l'objectif et le maximum étant linéaire) fixés pour le comité de direction en pourcentage du salaire de base s'établissent comme suit :

...

70% de la prime potentielle est fonction de la performance de la société et 30% est fonction d'objectifs de performance individuelle.

...

Éléments déterminant la performance individuelle :

Au début de chaque exercice, le conseil de surveillance, sur avis du comité D&R, fixe des objectifs de performance individuelle pour chacun des membres du comité de direction. Ces éléments sont propres aux domaines de responsabilité individuels et peuvent être de nature financière et non financière (par ex : stratégiques ; opérationnels, comportementaux). ».

Il en résulte que la quotité calculée sur la performance individuelle doit être intégrée dans le calcul de l'indemnité de congés payés, soit 30% de la prime totale annuelle, soit :

  • 461.700 (prime STI 2013) x 30% = 138.510 euros

  • 138.510 + 461.700 (salaire de base) = 600.210 euros

  • 600.210 / 12 = 50.017,50 euros de salaire de base mensuel

  • 600.210/224 (nb de jours ouvrés par an) = 2.679,50 euros

  • 2.679,50 x 68 (jours de congés non pris) = 182.206 euros

  • À déduire, l'indemnité versée de 129.422,36 euros

  • Soit un solde de 52.783,64 euros avec intérêts au taux légal à compter de la saisine de la présente juridiction et sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Au titre du plan d'actionnariat

Monsieur LA. soutient qu'il bénéficiait de revenus professionnels supplémentaires dans le cadre du régime d'actionnariat des salariés.

  • * Performance share unit 2010 :

    • Monsieur LA. prétend recevoir à ce titre 10.000 actions.

    • Il se fonde sur sa pièce n°61 en langue anglaise non traduite.

    • Il sera dans ces circonstances débouté de ce chef de demande.

  • * Part en actions de la prime incitative à court terme (STI) :

Monsieur LA. considère qu'il doit recevoir les actions suivantes :

  • - Bonus STI 2011, 20% action matching, à recevoir en 2015 : 1.285 actions,

  • - Bonus STI 2012, payé en 2013 dont 20% en actions (6.680 déjà reçues) + action matching 2016 : 6.880 actions à recevoir.

Il fonde son action sur ses pièces n° 62, 63, 64-1 et 64-2.

La pièce n° 62 est en langue anglaise non traduite et ne sera pas retenue.

La pièce n° 63 est en langue anglaise non traduite et ne sera pas retenue.

La pièce n° 64-1 est un courrier en date du 15 mars 2013 de Monsieur CH. à Monsieur LA. ainsi libellé :

« Cher Monsieur LA.,

Comme vous le savez, la STI (prime incitative à court terme) est calculée en appliquant les principes de la politique de rémunération de 2011, sous sa forme modifiée, qui a été approuvée par l'assemblée extraordinaire des actionnaires le 27 juin 2012. Elle vise à récompenser les performances de la société au titre de l'exercice antérieur ainsi que la performance individuelle des administrateurs.

Le seuil, l'objectif et vos opportunités de perception d'un montant maximum de STI au titre de votre fonction de directeur de l'exploitation en 2012, sous la forme d'un pourcentage de votre salaire de base, sont les suivants :

  • Membre du conseil de gestion : COO

  • Seuil STI : 40%

  • Objectif STI : 100%

  • Maximum STI : 150%

Conformément à la modification susmentionnée, jusqu'à deux tiers de ce montant possible de STI repose sur la performance individuelle et au moins un tiers sur la performance de la société (bénéfice économique).

Sur la base de ce qui précède, nous sommes ravis de vous confirmer les éléments suivants en ce qui concerne votre montant de STI 2012 :

Aucun versement n'est effectué au titre de la performance de la société. Néanmoins, s'agissant de vos objectifs de performance individuels, et sur la base du taux de réalisation de 127% (évalué conformément au calcul ci-joint),nous avons le plaisir de vous informer que vous avez droit à un montant de 364.067 euros payable pour 80% en numéraire et 20% en actions. ».

La pièce n° 65 est en langue anglaise non traduite et ne sera pas retenue.

Il apparaît que les actions à recevoir sont à n+3 (action matching).

Or, il résulte de la police de rémunération de la société D figurant en pièce 65 de l'employeur que ces actions supplémentaires accordées après la période de blocage de trois ans des actions gratuites ne sont dues que sous réserve de la permanence de la relation de travail entre l'intéressé et la société.

Monsieur LA. ayant été licencié le 6 novembre 2013 ne peut prétendre à des actions matching « libérables » en 2015 et 2016.

  • * Part en actions de la prime incitative à long terme (LTI) :

Monsieur LA. se fonde sur les mêmes pièces que celles invoquées pour la prime STI.

La pièce n° 62 est en langue anglaise non traduite et ne sera pas retenue.

La pièce n° 63 est en langue anglaise non traduite et ne sera pas retenue.

La pièce n° 64-1 est un courrier en date du 15 mars 2013 de Monsieur CH. à Monsieur LA. qui ne vise que la prime STI.

La pièce n° 65 est en langue anglaise non traduite et ne sera pas retenue.

Monsieur LA. sera dans ces circonstances débouté de sa demande à ce titre.

Il sera fait droit aux demandes de rectification faites par Monsieur LA. relativement à l'attestation ASSEDIC dans les conditions fixées ci-après.

Il n'est pas justifié pour le surplus des conditions nécessaires au prononcé de l'exécution provisoire.

Chaque partie succombant partiellement en ses demandes, chacune d'elle conservera à sa charge ses propres dépens.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, après en avoir délibéré,

Dit que le licenciement de j-p. LA. par la SAM A repose sur une cause valable MAIS revêt un caractère abusif,

Condamne la SAM A à payer à j-p. LA. la somme de 80.000 euros (quatre-vingt mille euros) de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé par la rupture,

Condamne la SAM A à payer à j-p. LA. la somme de 52.783,64 euros (cinquante-deux mille sept cent quatre-vingt-trois euros et soixante-quatre centimes) à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine de la présente juridiction et sous le bénéfice de l'exécution provisoire,

Enjoint à la SAM A de fournir à j-p. LA. une attestation ASSEDIC mentionnant la somme de 182.206 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

Déboute j-p. LA. du surplus de ses demandes,

Dit que chacune des parties conservera à sa charge ses propres dépens,

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le neuf mars deux mille dix-sept, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau du Tribunal du Travail, Messieurs Anthony GUICHARD, p.-Marie JACQUES, membres employeurs, Messieurs b. AUGE, Jean-Pierre PIZZOLATO, membres salariés, assistés de Mademoiselle Sylvie DA SILVA ALVES, Secrétaire-Adjoint.

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