Tribunal du travail, 21 avril 2016, Madame c. MA. c/ La SAM B.
Abstract🔗
Tribunal du travail - Preuve - Enregistrement audio à l'insu de l'interlocuteur - Procédé déloyal de recueil d'un élément de preuve (oui) - Licenciement pour motif économique - Motif du licenciement - Caractère fallacieux du licenciement économique - Absence de preuve
Résumé🔗
La circonstance qu'un enregistrement audio ait été effectué sans l'accord de l'intéressé, supérieur hiérarchique, lors d'une conversation en dehors du lieu de travail, constitue un procédé déloyal de recueil d'un élément de preuve, de sorte que le procès-verbal, produit par la salariée, ne peut pas être utilisé dans le cadre de la présente instance judiciaire et doit être écarté des débats.
La salariée ne produit aucune pièce établissant que le motif économique de la rupture de son contrat de travail, dans le cadre d'un licenciement collectif, n'aurait été qu'un prétexte pour se séparer de ses services, dans le contexte de la dénonciation de pratiques de la banque pouvant s'apparenter à des opérations de blanchiment de capitaux.
Motifs🔗
TRIBUNAL DU TRAVAIL
AUDIENCE DU 21 AVRIL 2016
En la cause de Madame c. MA., demeurant : X1 à VINTIMILLE (18039) - ITALIE,
demanderesse, ayant élu domicile en l'Etude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Sophie JONQUET, membre de la SCP F., avocat au barreau de Nice,
d'une part ;
Contre :
La société anonyme monégasque A. devenue la société anonyme monégasque B., société en liquidation, dont le siège social de la liquidation est fixé X2 à Monaco (Cabinet E.), représentée par son liquidateur, Christian PERCIE du SERT, demeurant professionnellement en France, X3 à LYON (69001),
défenderesse, plaidant par Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et ayant élu domicile en son Etude,
d'autre part ;
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu la requête introductive d'instance en date du 4 novembre 2013, reçue le 21 novembre 2013 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 29 mars 2014, en réalité en date du 29 avril 2014, expédiées le même jour ;
Vu les conclusions déposées par Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de Madame c. MA., en date des 10 juillet 2014, 5 mars 2015 et 11 juin 2015 ;
Vu les conclusions déposées par Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de la société anonyme monégasque B., en date des 6 novembre 2014 et 7 mai 2015 ;
Après avoir entendu Maître Sophie JONQUET, avocat au barreau de Nice, pour Madame c. MA., et Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, pour la société anonyme monégasque B., en leurs plaidoiries ;
Vu les pièces du dossier ;
* * * *
c. MA. a été employée, suivant contrat à durée indéterminée, par la société anonyme monégasque A. devenue la société anonyme monégasque B., à compter du 10 mars 2011, en qualité d'assistante de gestion.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 juin 2013, celle-ci s'est vue notifier son licenciement pour suppression de poste.
c. MA. a, ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 28 avril 2014, attrait la SAM A. devant le bureau de jugement du Tribunal du Travail à l'effet d'obtenir paiement des sommes suivantes :
- 90.000 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 50.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral.
Aux termes de ses écritures judiciaires, c. MA. a sollicité le rejet de la demande de bâtonnement formée par la partie adverse et fait valoir que :
- dès le mois de décembre 2012, elle a, avec deux autres salariés, m. CH. et j-l. RO., vu son attention attirée par de nombreuses opérations paraissant douteuses et qui pourraient s'apparenter à des opérations de blanchiment de capitaux,
- mettant en application la technique d'évaluation des transactions pouvant présenter des risques accrus visée à l'article 13 de l'ordonnance FINMA sur le blanchiment de capitaux, ils ont tous trois été confortés dans leurs soupçons et ont pris attache sans succès avec leur direction,
- ils ont alors été traités comme des « parias » par l'employeur et ont compris qu'ils devaient avoir des preuves de ce qu'ils avançaient, à tout le moins pour se protéger contre toute éviction intempestive,
- sur les conseils de leur avocat, ils ont décidé d'enregistrer le directeur de l'agence, lequel a confirmé tant les dérives de la banque que la volonté de la hiérarchie d'évincer les trois employés concernés,
- cet enregistrement figure en pièce n° 4 retranscrite par un huissier de justice, sa lecture étant éloquente,
- j-l. RO. a fait l'objet d'un harcèlement de la part de sa hiérarchie, qui n'a pas hésité à le convoquer pour lui faire part de problèmes graves puis a refusé toute discussion au motif de son état de santé précaire, ainsi qu'en témoigne un courrier électronique de j. SC. du 3 mai 2013,
- la situation des trois salariés se dégradant, il a été décidé d'évoquer cette situation avec l'actionnaire principal, le groupe G., si bien qu'un entretien a été fixé avec les services juridiques du groupe,
- ch. MA., Président de la BANQUE A., devait se rendre dans les locaux monégasques pour faire le point,
- rassurés par cette démarche, les employés ont remercié m. LU., Président du groupe, de son intervention, même si les bonnes intentions sont demeurées vaines,
- j-l. RO. n'a pas pu obtenir copie du compte rendu du comité complaisance du 17 mai 2013, en sorte qu'une nouvelle correspondance a été adressée à m. LU.,
- le 14 juin 2013, j-l. RO. s'est vu remettre en mains propres un courrier de mise à pied immédiate à titre conservatoire au motif que suite à un contrôle du12 juin 2013, il aurait été constaté qu'il entretenait un site internet qui proposerait des services de gestion de patrimoine, en méconnaissance de son devoir de loyauté, ce qu'il conteste vigoureusement,
- la convocation de j-l. RO. du 25 juin 2013 au Conseil de discipline était accompagnée d'un procès-verbal de constat de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, dont la lecture permet de comprendre que l'huissier a été guidé par Messieurs GI. et VA., lesquels sont au demeurant soupçonnés des opérations litigieuses,
- en effet, il a été vérifié l'existence d'un site « shift-management. com » et sur instructions de Messieurs GI. et VA., l'huissier s'est rendu sur le site « dawhois. com/domain/shift-management. com. html »,
- or, le nom et le numéro de téléphone de j-l. RO. n'apparaissent pas au grand public mais uniquement sur la page réservée au propriétaire du site,
- ce site internet, qui n'a jamais fonctionné, a été créé en 2010, à la demande de la banque, laquelle pouvait d'autant moins ignorer son existence que le coût de l'hébergement était prélevé sur le compte ouvert en ses livres au profit d'un autre compte également ouvert en ses livres,
- depuis le mois de novembre, les frais annuels de fonctionnement étaient débités sur le compte personnel de j-l. RO. au profit du représentant légal de la société fiduciaire, également client de la BANQUE A.,
- il convient de préciser que toute opération entre un employé et un client doit faire l'objet d'une vérification impérative par le contrôleur interne,
- à aucun moment, la défenderesse ne répond aux arguments soulevés devant le Conseil de discipline, alors qu'elle ne démontre pas que j-l. RO. ait exercé une quelconque activité concurrente,
- le 28 juin 2013, elle a été licenciée avec m. CH., dans des termes identiques, pour suppression de poste à la suite de l'arrêt de la production de crédit hypothécaire,
- ils ont été dispensés d'effectuer le délai congé de trois mois, malgré leur rémunération conséquente et les résultats déficitaires de la banque,
- m. CH., embauché le 4 mars 2011, devait occuper un emploi de gestionnaire de clientèle et non de responsable de crédits hypothécaires,
- également recrutée le 4 mars 2011, elle devait occuper un poste d'assistante de gestion et non d'assistante de crédits hypothécaires,
- ils ont dès lors été congédiés pour la suppression d'un emploi qui n'était pas le leur,
- il ressort des déclarations de j. SC. que l'idée de faire sortir les trois salariés des effectifs remontait à mars 2013,
- la direction de la banque avait parfaitement conscience qu'une grande partie du chiffre d'affaires de l'agence monégasque reposait sur la clientèle de m. CH. puisqu'en avril 2012, lors de la mise en vente du groupe A., ce dernier s'est vu proposer un plan de fidélisation afin qu'il reste en poste et demeure efficace malgré la cession envisagée,
- afin de se protéger, les trois lanceurs d'alerte ont dénoncé les faits au Parquet Général par courrier du 4 juillet 2013,
- le Procureur Général les a informés le 5 septembre 2013 que la Direction de la Sûreté Publique avait été saisie pour enquête, m. LU. avisé de cette démarche n'ayant pas réagi,
- le 11 juillet 2013, s'est tenue une parodie de Conseil de discipline pour j-l. RO., expédié en 15 minutes, aboutissant à son éviction pour faute grave à l'unanimité,
- par lettre du 11 juillet 2013, le Parquet Général a été avisé de la violation manifeste par la banque de la loi sur les élections professionnelles,
- la Commission paritaire de l'AMAF a considéré à l'unanimité que la mesure de licenciement de j-l. RO. n'était pas justifiée sur le fond,
- un ultime appel a été fait à l'actionnaire de la banque pour tenter de trouver une issue amiable,
- courant octobre 2013, les trois lanceurs d'alerte ont été entendus par la Sûreté Publique qui leur a annoncé que cette affaire de grande ampleur nécessitait des investigations à l'étranger (ampleur confirmée par trois articles du célèbre site d'investigation Médiapart),
- le 11 novembre 2013, une information judiciaire a été ouverte, tandis que le 12 mai 2015, deux inculpations ont été notifiées,
- la défenderesse tente de les salir en les faisant passer pour des maîtres-chanteurs et en prétendant que la rupture était justifiée en l'absence de toute mesure de rétorsion,
- la juridiction, quand bien même elle n'a pas à se prononcer sur cette question, prendra connaissance des faits dénoncés par les employés évincés, concernant les remises d'espèces, les transferts ainsi que la politique d'ouverture de comptes,
- il ressort d'un article du journal Libération du 2 mars 2015 que l'attitude des banques vis-à-vis des lanceurs d'alerte est toujours la même, dans la droite ligne scélérate de la banque A. devant le Tribunal du Travail,
- la justice pénale est en la matière particulièrement longue, et l'argument selon lequel l'absence de condamnation pénale démontrerait la candeur de l'employeur est une tartufferie,
- le Parquet national financier français a été saisi de faits de démarchages illicites et de blanchiment de fraude fiscale, l'enquête étant en cours,
- la défenderesse ne s'est pas prévalue de diffamation mais d'une prétendue présomption d'innocence pour éviter que les lanceurs d'alerte ne se prévalent de l'exceptio veritatis,
- il est sollicité le bâtonnement des termes « tartufferie » (qui manifeste des intentions perfides) et « attitude scélérate » (agir en fourbe),
- elle s'en remet sur ce point à la sagesse de la présente juridiction tant la gravité de la situation dépasse les mots,
- il y a lieu de relever que le Président Directeur général du groupe F., interrogé, a répondu que les lanceurs d'alerte étaient des « racketteurs », terme diffamatoire pénalement condamnable, en sorte qu'une procédure a été diligentée devant le Tribunal correctionnel de Nice,
- un certain nombre d'articles particulièrement bien renseignés sur les faits, excluant qu'ils soient l'œuvre d'inconnus, ont expliqué que « la banque A. avait été innocentée par le Tribunal du Travail » ou que « la banque A. gagne son procès contre d'anciens salariés »,
- afin que la présente juridiction retienne comme preuve la pièce n° 4, à savoir le procès-verbal de constat du 15 novembre 2013, il conviendra de faire application de la notion de « procès équitable »,
- j-l. RO. n'a jamais contesté avoir enregistré à son insu le Directeur de la banque, bien qu'il apparaisse nécessaire de prendre en compte la particularité du dossier où l'employé est contraint de faire la preuve d'éléments que l'employeur souhaite garder secret,
- face aux inégalités entre employeurs et salariés, certains pays, dont la France et l'Espagne, ont atténué le principe de l'application du principe de la loyauté des preuves, la question étant débattue en doctrine,
- le code monégasque n'établit pas de régime spécifique relatif à la preuve,
- le contexte particulier des relations de travail pousse une partie de la jurisprudence française, mais également plus largement européenne, à l'instar de la jurisprudence espagnole, à admettre une différence de traitement entre l'employé et l'employeur afin de permettre à la partie faible de prouver ses prétentions,
- la preuve illicite ne doit pas être écartée d'office, tandis que rejeter cette preuve mettrait dans l'impossibilité de se défendre ou de revendiquer un droit,
- faisant application de la notion de « procès équitable », le juge doit pouvoir accepter les preuves illicites et rétablir l'égalité des armes,
- si par extraordinaire, cette pièce devait être écartée, la preuve des éléments dénoncés peut maintenant s'établir par les inculpations prononcées le 12 mai 2015 dans le volet pénal,
- bien que les deux cadres concernés soient présumés innocents, leur inculpation implique nécessairement l'existence d'indices graves et concordants d'avoir commis l'infraction de défaut de déclaration de soupçon,
- son licenciement est totalement injustifié et ne repose sur aucune cause réelle ou sérieuse, la banque entendant se débarrasser à moindre coût d'un salarié gênant,
- le prétexte invoqué visait à le sanctionner pour la dénonciation des opérations pouvant s'apparenter à du blanchiment de capitaux.
En réponse, la SAM B., actuellement en liquidation, anciennement dénommée BANQUE A., soutient pour l'essentiel que :
- la machination ourdie par j-l. RO., m. CH., c. MA. et k. LA. doit être vigoureusement dénoncée,
- ces quatre anciens salariés de la banque A. se sont crus bien inspirés de saisir la présente juridiction aux fins d'obtenir de leur ancien employeur une sorte de « prime au chantage », alors que toutes les obligations légales ont été remplies à leur égard,
- il est question en réalité de quatre états de fait différents, dont le seul point commun consiste en la volonté de chercher à monnayer au mieux un départ de l'entreprise,
- un simple examen chronologique démontre que ces quatre licenciements ne sont en aucun cas liés et encore moins coordonnés à des fins malveillantes,
- m. CH. et c. MA. ont été congédiés le 28 juin 2013 à la suite de la décision de la SAM BANQUE A. d'arrêter toute activité de crédit hypothécaire et de supprimer les postes de ce département,
- j-l. RO. a été licencié le 17 juillet 2013 pour faute grave, ensuite de la découverte d'un site internet, qu'il avait créé afin de concurrencer la banque A., ce qui constituait à l'évidence une violation gravissime de ses obligations de loyauté et de non-concurrence,
- k. LA. a été congédiée le 21 février 2014 alors que le fonds de commerce de la banque A. avait été cédé à la banque C., à travers la cession du capital de la société, et que le nouveau propriétaire procédait à d'importantes restructurations aux fins de rentabiliser son investissement,
- le conseil des quatre demandeurs invente de toute pièce une théorie selon laquelle ses clients seraient en réalité des « whistleblowers » licenciés par un employeur pris en flagrant délit de blanchiment,
- pour accréditer cette thèse, les intéressés n'hésitent pas à produire un enregistrement illicite effectué par j-l. RO. le 14 mars 2013, à l'insu (c'est-à-dire frauduleusement) de son directeur, Monsieur j. SC., lors d'une conversation, qui s'est tenue dans un débit de boissons,
- cette pièce devra incontestablement être écartée des débats, alors qu'en tout état de cause, il est impossible de tirer un élément univoque du contenu confus et contradictoire de cet enregistrement qui n'accrédite en rien la thèse du complot,
- la demanderesse n'explique ni le fondement, ni le calcul auquel elle a procédé pour solliciter l'indemnité de licenciement, si bien que sa demande doit être déclarée irrecevable, alors qu'en tout état de cause, elle a bien perçu la somme de 8.708,70 euros (bulletin de paie d'octobre 2013) à cet égard,
- il est étonnant que c. MA. n'évoque plus sa carrière ni les faits la concernant mais se focalise sur ceux intéressant j-l. RO.,
- j-l. RO., c. MA. et m. CH. k. LA. sera surajoutée ensuite) auraient eu leur attention attirée par de nombreuses opérations qui leur auraient paru douteuses et qui pourraient s'apparenter à des opérations de blanchiment de capitaux,
- ils auraient ainsi décidé, sur les conseils de leur avocat, d'enregistrer le directeur d'agence à son insu et donc frauduleusement,
- en réalité, la conversation n'a eu lieu qu'avec j-l. RO. et n'a été enregistrée que par lui,
- la prétendue action concertée n'est pas établie et ne constitue qu'une construction a posteriori, les intéressés ayant le même conseil,
- cette façon de recueillir la preuve est frauduleuse et déloyale et le constat d'huissier du 15 novembre 2013 (pièce n° 4 de la salariée) qui est censé retranscrire l'enregistrement sera rejeté des débats,
- j. SC. est tombé dans un guet-apens, j-l. RO. l'ayant invité dans un débit de boissons pour le faire parler,
- même si la conversation est loin d'avoir le sens que tente de lui donner j-l. RO. et « par emprunt » ses collègues, une telle pratique est illicite et constitue un procédé déloyal qui n'est pas admissible dans un procès,
- les employés, en enregistrant et en diffusant des faits à caractère professionnel, violent le secret professionnel, tandis que l'usage en justice des éléments recueillis est tout aussi frauduleux,
- la conversation date, selon le conseil et les salariés, du 14 mars 2013,
- or, dès le mois de mai 2013, le conseil des demandeurs s'en sert, en s'y référant implicitement dans ses courriers (notamment celui du 13 mai 2013 sans référence aux clients représentés), afin de faire pression sur le PDG de la banque D., groupe auquel appartient la banque A.,
- ce n'est qu'après que j-l. RO. a été mis en accusation pour faute grave et que m. CH. et c. MA. ont été licenciés pour suppression de poste, que la SCP F. va indiquer, pour la première fois, agir aux noms de ces employés et dénoncer de prétendus faits de blanchiment de capitaux à Monsieur le Procureur Général, dans des termes mensongers (les trois salariés n'ayant pas fait l'objet de procédures disciplinaires ; seul j-l. RO. en ayant subi une),
- la tentative de pression n'ayant pas eu l'effet escompté, le conseil a saisi le Procureur Général, une information judiciaire a été ouverte, et ni la personne morale ni aucun des dirigeants n'ont été inculpés ni convoqués par le juge d'instruction,
- en réalité, les employés (autres que j-l. RO.), conscients qu'ils allaient être congédiés pour suppression de poste, compte tenu de la cession à un nouvel actionnaire, ont tenté de monnayer au mieux leur départ,
- dans une conférence de presse du 9 avril 2014, Maître JONQUET explique clairement que l'enregistrement et le constat d'huissier servent à alimenter son dossier devant le Tribunal du travail,
- or, les quatre demandeurs n'ont aucune preuve de ce qu'ils avancent et même le constat ne peut accréditer leurs soupçons,
- aucun élément n'est apporté pour conforter l'allégation selon laquelle l'attention de j-l. RO., c. MA. et m. CH. a été attirée par de nombreuses opérations qui leur paraissaient douteuses et qui pourraient s'apparenter à des opérations de blanchiment,
- il n'existe pas davantage de preuve d'une prise d'attache avec la direction pour clarifier la situation, pas plus que de leur « mise au placard »,
- le licenciement de c. MA. et m. CH. n'a strictement aucun lien avec la situation de j-l. RO.,
- la banque, qui a réduit son activité, a décidé de l'arrêt de celle relative au crédit hypothécaire, cette décision ayant été prise lors de la réunion du Conseil d'administration du 27 juin 2013,
- la contestation de m. CH. et c. MA. est quelque peu puérile, et ce d'autant que ces derniers oublient que leurs contrats d'engagement mentionnent, après la désignation de leurs fonctions, « sous réserve de toute affection ultérieurement décidée par la Direction Générale de la Banque »,
- l'Inspection du travail a été saisie et n'a rien trouvé à redire à ces congédiements,
- préalablement les délégués du personnel ont reçu une note détaillée sur les suppressions de postes, tandis que les intéressés n'ont pas eux-mêmes contesté le motif de licenciement (qui n'est pas intervenu à moindre coût en l'état du règlement de la somme de 14.999,22 euros au titre des salaires et indemnités),
- la rupture est intervenue pour un motif valable et sans brutalité,
- la salariée a bénéficié d'un préavis de trois mois qu'elle n'a pas effectué et a été remplie de ses droits,
- en application des dispositions de l'article 23 de la loi n°1.047 du 28 juillet 1982, il y a lieu d'ordonner le bâtonnement, en page 9, dernier paragraphe et page 10, 2ème paragraphe, des conclusions adverses, des termes « attitude scélérate » et « tartufferie »,
- la demanderesse ne s'oppose pas clairement au rejet de la pièce 4 et n'a pas répondu sur le fond en dehors de quelques insultes.
SUR QUOI,
Aux termes de l'article 23 de la loi n° 1.047 du 28 juillet 1968, « Les avocats-défenseurs et avocats ne peuvent avancer aucun fait grave contre l'honneur ou la réputation des parties à moins que la cause ne l'exige et qu'ils n'aient reçu mandat exprès et par écrit de leurs clients. La juridiction saisie de la cause peut ordonner la suppression des écrits injurieux ou diffamatoires ».
La formule « attitude scélérate », insérée dans les écritures judiciaires de c. MA., en ce qu'elle constitue un propos injurieux, doit être supprimée, tandis que l'expression « tartuferie », qui n'entre pas dans le cadre de l'interdiction légale, ne peut donner lieu à bâtonnement.
Si le calcul de l'indemnité de licenciement n'a pas été précisé, cette circonstance n'est pas de nature à rendre la demande formée à cet égard irrecevable.
Dès lors qu'il n'est pas soutenu que l'indemnité conventionnelle de « licenciement » réglée en octobre 2013 ne correspondrait pas à la somme en réalité due à cet égard, ni que le montant de l'indemnité légale de licenciement, due en l'absence de motif valable (qui n'a donné lieu à aucun débat entre les parties), serait supérieur (article 3 de la loi n° 845 du 27 juin 1968), aucune somme complémentaire ne peut être octroyée. La demande en paiement de l'indemnité de licenciement ne peut en conséquence prospérer.
Il appartient au salarié de démontrer l'abus commis par l'employeur dans l'exercice de son droit unilatéral de rupture.
Le procès-verbal de constat établi le 15 novembre 2013 par Bernard LILAMAND, huissier de justice, constitue la retranscription d'un enregistrement audio réalisé par j-l. RO., à l'insu de son interlocuteur et supérieur hiérarchique au sein de la BANQUE A., j. SC., lors d'une conversation en dehors du lieu de travail le 14 mars 2013.
La circonstance que cet enregistrement ait été effectué sans l'accord de l'intéressé constitue un procédé déloyal de recueil d'un élément de preuve, en sorte que le procès-verbal dont s'agit, produit par la demanderesse sous le numéro 4, ne peut pas être utilisé dans le cadre de la présente instance judiciaire et doit être écarté des débats.
Si les juridictions sociales monégasques doivent assurer l'application des règles édictées par la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits l'Homme et des Libertés Fondamentales, l'admission, comme moyen de preuve, d'un tel enregistrement ne répond pas à l'exigence d'un « procès équitable » ou à la nécessité de rétablir « l'égalité des armes », et ce d'autant que la salariée n'a pas été placée dans l'obligation d'utiliser un tel document pour assurer la défense de ses intérêts dans le cadre du présent procès, ni même dans l'impossibilité de fournir des éléments de preuve obtenus par des moyens licites.
Par ailleurs, force est de constater que c. MA. ne produit aucune pièce établissant que le motif économique de la rupture de son contrat de travail, dans le cadre d'un licenciement collectif, n'aurait été qu'un prétexte pour se séparer de ses services, dans le contexte de la dénonciation de pratiques de la banque pouvant s'apparenter à des opérations de blanchiment de capitaux.
En effet, si j-l. RO. est intervenu auprès de sa hiérarchie pour évoquer certaines difficultés sur ce point, aucun élément ne permet de considérer que la Direction de la BANQUE A. ou les plus hautes autorités du groupe auraient été avisées que c. MA., tout comme m. CH., soutenaient d'une manière ou d'une autre, les initiatives et démarches réalisées par leur collègue, étant relevé que Maître JONQUET, qui a adressé plusieurs correspondances à m. LU., Président Directeur général de la Banque D., dès le mois de mai 2013, n'a pour la première fois fait directement allusion à ces deux employés qu'après la notification de leur congédiement, en saisissant le Parquet Général, alors qu'aucune connexion ne peut être réalisée antérieurement entre lesdits salariés et leur conseil.
Bien qu'aucun débat ne se soit instauré entre les parties sur la question de la réalité et la validité du motif de rupture, il apparaît que la note d'information adressée aux délégués du personnel, conformément aux dispositions de l'avenant n° 12 du 20 mars 1970 à la convention collective nationale du travail sur la sécurité de l'emploi, rendue obligatoire par l'arrêté d'extension du 28 juillet 1970, pour tous les employeurs des entreprises industrielles et commerciales appartenant aux secteurs professionnels compris dans son champ d'application, comprend des indications chiffrées sur les difficultés rencontrées ainsi que des explications sur le choix d'arrêter la production de crédit hypothécaire, peu important en réalité que m. CH. et c. MA. n'aient pas été exclusivement affectés à la réalisation de crédits hypothécaires, le Tribunal du Travail n'ayant pas le pouvoir de contrôler le choix effectué par l'employeur entre les différentes solutions de gestion possibles. Cette circonstance ne peut en tout état de cause pas caractériser à elle seule le caractère fallacieux du licenciement économique, alors même que la mise en œuvre du plan collectif a débuté quelques semaines après la procédure disciplinaire engagée contre j-l. RO..
De plus, il n'est pas soutenu que la SAM A. aurait méconnu les dispositions légales de la loi n° 629 du 17 juillet 1957 sur l'ordre des licenciements ou les dispositions conventionnelles étendues susévoquées.
En conséquence, la demande en paiement de dommages et intérêts ne peut être accueillie.
c. MA., qui succombe, doit supporter les dépens du présent jugement.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, après en avoir délibéré,
Ordonne la suppression de la formule « attitude scélérate » insérée dans les écritures judiciaires déposées par c. MA. et rejette le surplus de la demande de bâtonnement ;
Déclare recevable la demande en paiement de l'indemnité de licenciement ;
Écarte des débats la pièce produite sous le numéro 4 par c. MA. ;
Déboute c. MA. de ses demandes ;
Condamne c. MA. aux dépens du présent jugement ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Mademoiselle Magali GHENASSIA, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Didier MARTINI, Daniel BERTI, membres employeurs, Messieurs Bernard ASSO, Jean-Marie PASTOR, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le vingt et un avril deux mille seize, par Mademoiselle Magali GHENASSIA, Vice-Président du Tribunal de Première Instance chargé des fonctions de Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Daniel BERTI et Jean-Marie PASTOR, Messieurs Didier MARTINI et Bernard ASSO étant empêchés, assistés de Mademoiselle Sylvie DA SILVA ALVES, Secrétaire-Adjoint.