Tribunal du travail, 25 février 2016, Monsieur m. ZO. c/ La société A

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Abstract🔗

Contrat de travail - Restauration - Indemnité de nourriture - Conditions de recevabilité - Conditions d'indemnité

Résumé🔗

L'accord relatif à l'indemnité de nourriture du 15 juillet 2011 conclu entre l'association des industries hôtelières monégasques d'une part et le syndicat des employés des hôtels, cafés et restaurants de Monaco et le syndicat des cuisiniers et pâtissiers de Monaco d'autre part, étendu par arrêté ministériel n° 2011-556 du 10 octobre 2011 et rendu obligatoire pour tous les employeurs et salariés compris dans son champ d'application, ne concerne pas les « établissements de restauration ne disposant pas de délégués syndicaux » (à savoir occupant moins de 40 salariés) et ne peut ainsi concerner la SARL A, étant également relevé que ses dispositions ne visent que la simple possibilité de transiger (« Les salariés engagés avant le 1er juillet 2011, toujours présents ou ayant quitté l'entreprise, pourront bénéficier, dans le cadre des accords individuels et en contrepartie d'une renonciation à toute autre demande sur ce sujet, du paiement d'un rappel transactionnel d'indemnités de nourriture ») et ne peuvent exclure la faculté pour un salarié de saisir le Tribunal du Travail, en l'absence de toute transaction, pour solliciter le rappel d'indemnité de nourriture qu'il estime lui être dû conformément à la convention collective applicable (TT, AK c/ société C, 24 octobre 2013). Aucune transaction n'est intervenue entre les parties en l'espèce, tandis que le rappel transactionnel, tel qu'évoqué par l'accord précité, ne constitue qu'une base de négociation (montant) pour les salariés concernés en vue d'une transaction mais ne s'impose pas à la juridiction sociale en son principe ou son quantum. Le demandeur est dès lors recevable à solliciter un rappel d'indemnité de nourriture, dans les limites de la prescription quinquennale de l'article 2092 bis du Code civil (février à septembre 2009).

La Cour de Révision a précisé, aux termes d'un arrêt du 28 février 2011 rendu dans une affaire Société B, «Attendu qu'ayant constaté, d'une part, qu'il résultait du permis de travail reprenant un document cosigné par les parties que le salarié bénéficiait d'une indemnité de nourriture et d'autre part, que les bulletins de salaire mentionnaient la participation de l'employeur à la nourriture du salarié sous forme d'indemnité de nourriture, c'est à bon droit, sans avoir à effectuer d'autre recherche et sans modifier l'objet du litige, que le tribunal retient qu'il résulte de l'accord des parties que l'employé est fondé à solliciter le paiement d'une indemnité de nourriture pour les jours où il était en repos et en congé.)». En l'espèce, si les bulletins de paie de M. ZO. font état de l'« avantage en nature nourriture » pour les seuls jours travaillés, aucun document (permis de travail, demande d'autorisation d'embauchage cosigné par les intéressés, contrat de travail) ne permet de considérer que les parties avaient convenu que le régime de travail comportait la nourriture au sens de l'article 20 précité de la convention collective des hôtels, restaurants et débits de boissons, si bien que le salarié ne peut prétendre à une indemnité « compensatrice » ou « de nourriture » au cours de ses jours de repos ou congé et n'est pas fondé en ses prétentions de rappel de salaire, de congés payés ou de dommages et intérêts.


Motifs🔗

TRIBUNAL DU TRAVAIL

AUDIENCE DU 25 FÉVRIER 2016

  • En la cause de Monsieur m. ZO., demeurant : X1 à ROQUEBRUNE CAP MARTIN (06190),

demandeur, ayant élu domicile en l'Etude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Danièle RIEU, avocat au barreau de Nice, substituée par Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice,

d'une part ;

Contre :

  • La société à responsabilité limitée dénommée A, dont le siège social se situe : X2 à MONACO (98000),

défenderesse, comparaissant en personne,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 25 février 2014 reçue le 27 février 2014 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 17 juin 2014 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de Monsieur m. ZO., en date des 8 janvier 2015 et 8 octobre 2015 ;

Vu les conclusions déposées par la société à responsabilité limitée dénommée A, en date 2 avril 2015 et 5 novembre 2015 ;

Ouï Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice, pour Monsieur m. ZO., en sa plaidoirie ;

Ouï Monsieur Hervé JA., Directeur, dûment mandaté, pour la société à responsabilité limitée dénommée A, en ses observations et explications ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

m. ZO. a été employé par la société à responsabilité limitée A, du 1er mai 2008 au 30 septembre 2009, en qualité de chef de partie.

Celui-ci a, ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 16 juin 2014, attrait la SARL A devant le bureau de jugement du Tribunal du Travail à l'effet d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 1.000 euros à titre de complément d'indemnité de nourriture pour la période de février à septembre 2009 ainsi que la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal et sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Aux termes de ses écritures judiciaires, m. ZO. a sollicité la somme brute de 958,30 euros comprenant 871,56 euros à titre de complément de salaire pour avantage en nature nourriture et 87,15 euros au titre des congés payés afférents, ainsi que la somme de 500 euros à titre de dommages intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2014 et sous le bénéfice de l'exécution provisoire. Il fait valoir que :

  • - conformément à l'article 20 de la Convention collective monégasque de l'hôtellerie, les parties ayant convenu qu'il bénéficierait de la nourriture, il était fondé à recevoir cet avantage pendant les repos hebdomadaires et les congés payés,

  • - ses demandes ne pouvaient être formulées pour la période antérieure au mois de février 2009, compte de la prescription quinquennale,

  • - il se prévaut non pas d'un accord transactionnel mais des dispositions conventionnelles qui sont parfaitement applicables en l'espèce.

Pour sa part, la SARL A soutient pour l'essentiel que :

  • - le reçu pour solde de tout compte, signé au moment de son départ par m. ZO., n'a pas été contesté dans le délai légal, étant relevé que le demandeur s'est manifesté pour la première fois le 1er août 2011, à l'aide d'un courrier type,

  • - elle est adhérente à l'Association des Industries Hôtelières Monégasques et a été informée le 2 novembre 2011 de l'accord intervenu le 15 juillet 2011 entre l'A. I. HM et deux syndicats (dont le syndicat des hôtels et restaurants), offrant le bénéfice d'un rappel transactionnel égal à 50% du total de l'indemnité de nourriture due sur les jours de repos sur une période antérieure déterminée,

  • - ledit accord exclut de son champ d'application les établissements de restauration ne disposant pas de délégués syndicaux, à savoir les établissements de 40 salariés, et renvoie à des discussions ultérieures,

  • - aucun accord n'a été conclu concernant cette catégorie d'établissement, l'AIHM ayant invité ses adhérents à négocier un accord individuel avec chaque salarié,

  • - une telle négociation n'a pas eu lieu avec m. ZO., dans la mesure où celui-ci avait quitté l'entreprise le 30 septembre 2009,

  • - il serait inéquitable d'exiger des établissements de moins de 50 salariés une indemnité de nourriture supérieure à celle négociée pour les établissements de plus de 50 salariés calculée sur la base de 50% de l'indemnité journalière due.

SUR QUOI,

Il n'est pas justifié du reçu pour solde de tout compte qui permettrait d'opposer le délai légal de forclusion.

L'accord relatif à l'indemnité de nourriture du 15 juillet 2011 conclu entre l'association des industries hôtelières monégasques d'une part et le syndicat des employés des hôtels, cafés et restaurants de Monaco et le syndicat des cuisiniers et pâtissiers de Monaco d'autre part, étendu par arrêté ministériel n° 2011-556 du 10 octobre 2011 et rendu obligatoire pour tous les employeurs et salariés compris dans son champ d'application, ne concerne pas les « établissements de restauration ne disposant pas de délégués syndicaux » (à savoir occupant moins de 40 salariés) et ne peut ainsi concerner la SARL A, étant également relevé que ses dispositions ne visent que la simple possibilité de transiger (« Les salariés engagés avant le 1er juillet 2011, toujours présents ou ayant quitté l'entreprise, pourront bénéficier, dans le cadre des accords individuels et en contrepartie d'une renonciation à toute autre demande sur ce sujet, du paiement d'un rappel transactionnel d'indemnités de nourriture ») et ne peuvent exclure la faculté pour un salarié de saisir le Tribunal du Travail, en l'absence de toute transaction, pour solliciter le rappel d'indemnité de nourriture qu'il estime lui être dû conformément à la convention collective applicable (TT, AK c/ société C, 24 octobre 2013).

Aucune transaction n'est intervenue entre les parties en l'espèce, tandis que le rappel transactionnel, tel qu'évoqué par l'accord précité, ne constitue qu'une base de négociation (montant) pour les salariés concernés en vue d'une transaction mais ne s'impose pas à la juridiction sociale en son principe ou son quantum.

Le demandeur est dès lors recevable à solliciter un rappel d'indemnité de nourriture, dans les limites de la prescription quinquennale de l'article 2092 bis du Code civil (février à septembre 2009).

En vertu de l'article 20 de la Convention Collective des hôtels, restaurants et débits de boissons du 1er juillet 1968, étendue par arrêté ministériel n° 68-367 du 22 novembre 1968, « Les parties décideront, lors de la conclusion des contrats individuels de travail si le régime de travail comporte ou non la nourriture et le logement.

Cette clause pourra être modifiée au cours du contrat d'un commun accord sans que cette modification puisse être considérée comme une clause de rupture abusive du contrat de travail.

Les employeurs assureront à leur personnel une nourriture saine et abondante.

Les employés nourris et qui doivent suivre un régime pourront, après avis du Docteur, bénéficier de ce régime.

Les employés nourris auront la faculté, soit de venir prendre leur repas pendant le repos hebdomadaire et les congés payés, soit de recevoir l'indemnité compensatrice correspondante.

Ils devront choisir l'une ou l'autre option au début du congé ou au début du mois pour le repos hebdomadaire.

Les employés nourris ne pourront, sous aucun prétexte, être dérangés pendant leurs heures de repas.

Les réfectoires doivent être tenus dans le plus grand état de propreté et à l'abri des mauvaises odeurs.

Le personnel nécessaire au service des repas sera appointé dans les établissements qui occupent plus de 50 employés ».

La Cour de Révision a précisé, aux termes d'un arrêt du 28 février 2011 rendu dans une affaire Société B, «Attendu qu'ayant constaté, d'une part, qu'il résultait du permis de travail reprenant un document cosigné par les parties que le salarié bénéficiait d'une indemnité de nourriture et d'autre part, que les bulletins de salaire mentionnaient la participation de l'employeur à la nourriture du salarié sous forme d'indemnité de nourriture, c'est à bon droit, sans avoir à effectuer d'autre recherche et sans modifier l'objet du litige, que le tribunal retient qu'il résulte de l'accord des parties que l'employé est fondé à solliciter le paiement d'une indemnité de nourriture pour les jours où il était en repos et en congé ».

En l'espèce, si les bulletins de paie de m. ZO. font état de l'« avantage en nature nourriture » pour les seuls jours travaillés, aucun document (permis de travail, demande d'autorisation d'embauchage cosigné par les intéressés, contrat de travail) ne permet de considérer que les parties avaient convenu que le régime de travail comportait la nourriture au sens de l'article 20 précité de la convention collective des hôtels, restaurants et débits de boissons, si bien que le salarié ne peut prétendre à une indemnité « compensatrice » ou « de nourriture » au cours de ses jours de repos ou congé et n'est pas fondé en ses prétentions de rappel de salaire, de congés payés ou de dommages et intérêts.

m. ZO., qui succombe, doit supporter les dépens du présent jugement.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, après en avoir délibéré,

Déboute m. ZO. de l'intégralité de ses demandes ;

Condamne m. ZO. aux dépens du présent jugement ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Mademoiselle Magali GHENASSIA, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Monsieur Paul-Marie JACQUES, Madame Corinne BERTANI, membres employeurs, Madame Fatiha ARROUB, Monsieur Philippe LEMONNIER, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le vingt-cinq février deux mille seize, par Mademoiselle Magali GHENASSIA, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Madame Corinne BERTANI et Monsieur Philippe LEMONNIER, Madame Fatiha ARROUB et Monsieur Paul-Marie JACQUES étant empêchés, assistés de Mademoiselle Sylvie DA SILVA ALVES, Secrétaire-Adjoint.

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