Tribunal du travail, 28 janvier 2016, Madame a. VE. c/ L'Association O

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Abstract🔗

Contrat de travail - Licenciement pour motif personnel - Inaptitude à tout poste dans l'entreprise - Validité du motif de rupture - Caractère abusif du licenciement - Procès équitable

Résumé🔗

La salariée, employée en qualité de professeur d'espagnol, a été licenciée pour inaptitude à tout poste dans l'entreprise. Le motif de la rupture est valable dès lors que cette dernière est la conséquence de la déclaration définitive d'inaptitude. Le Tribunal rejette ainsi la demande en paiement de l'indemnité de licenciement. L'intéressée est fondée à obtenir la somme complémentaire 15,73 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaire. En s'abstenant de questionner le médecin du travail dont le rapport était insuffisamment précis pour déterminer les éventuelles possibilités de mutation, transformation de postes et d'aménagement du temps de travail, l'employeur a notifié le licenciement en méconnaissance des dispositions légales relatives au reclassement et agi avec légèreté blâmable, ce qui rend déjà la rupture abusive.

Il appartient à la salariée de démontrer que son inaptitude définitive à tout poste dans l'entreprise a été la conséquence du comportement fautif de l'employeur résultant de la différence de traitement dans les conditions de travail par rapport à ses autres collègues quand bien même elle a imputé son état anxiodépressif aux agissements de l'employeur.

À cet égard, le Tribunal estime nécessaire d'ordonner la réouverture des débats afin que l'employeur produise tous justificatifs relatifs aux contrats de travail (durée d'emploi hebdomadaire, salaire) des professeurs de langues (telles que l'italien, l'allemand, le russe ainsi que l'anglais) et aux effectifs de leurs différentes classes au cours des années scolaires 2011-2012, 2012-2013 et 2013-2014 (en différenciant les effectifs « mother tongue » et « language support »). Il lui appartiendra, le cas échéant, de fournir toutes indications et pièces complémentaires permettant de justifier objectivement une éventuelle différence de traitement.

En conséquence, le Tribunal sursoit à statuer sur la demande indemnitaire présentées par la salariée.


Motifs🔗

TRIBUNAL DU TRAVAIL

AUDIENCE DU 28 JANVIER 2016

En la cause de :

  • Madame a. VE., demeurant : X à NICE (06300),

  • DEMANDERESSE, bénéficiaire de l'assistance judiciaire par décision n° 74/BAJ/13 du bureau judiciaire en date du 14 février 2013, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, puis en l'étude de Maître Charles LECUYER, avocat près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat,

d'une part ;

Contre :

  • L'association dénommée L'Association O, dont le siège social se situe : X à MONACO,

  • DÉFENDERESSE, plaidant par Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et ayant élu domicile en son Étude,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 9 juillet 2013, reçue le 15 juillet 2013 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 21 janvier 2014 ;

Vu les conclusions déposées au nom de Madame a. VE., par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, en date des 6 mars 2014 et 2 octobre 2014 et par Maître Charles LECUYER, avocat, en date du 9 janvier 2015 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, au nom de l'association dénommée L'Association O, en date des 4 juillet 2014, 5 décembre 2014 et 10 mars 2015 ;

Après avoir entendu Maître Charles LECUYER, avocat près la Cour d'Appel de Monaco, pour Madame a. VE., et Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, pour L'association dénommée L'Association O, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

a. VE. a été employée par l'association dénommée L'Association O à compter du 8 janvier 2001, d'abord suivant contrats à durée déterminée, puis suivant contrat à durée indéterminée,, ord suivant contrat à durée déterminée puis en qualité de professeur d'espagnol.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 décembre 2012, celle-ci s'est vue notifier son licenciement suite à l'avis d'inaptitude définitive à tout poste dans l'entreprise émis par le médecin du travail le 17 décembre 2012.

Soutenant que la rupture de son contrat de travail ne repose pas sur un motif valable et revêt un caractère abusif, a. VE. a, ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 20 janvier 2014, attrait l'ECOLE INTERNATIONALE DE MONACO devant le bureau de jugement du Tribunal du Travail à l'effet d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :

  • - 17.100 euros à titre d'indemnité de licenciement (2.850 x 6),

  • - 7.600 euros à titre d'indemnités de congédiement,

  • - 5.700 euros à titre d'indemnité de préavis,

  • - 60.000 euros à titre de dommages-intérêts,

  • avec intérêts au taux légal.

Aux termes de ses écritures judiciaires, a. VE. a demandé qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle ne sollicite plus l'octroi d'une indemnité de congédiement et fait valoir pour l'essentiel que :

  • - du 8 janvier 2001 au 31 août 2005, elle été embauchée à temps partiel pour une durée hebdomadaire moyenne de 15 heures, par contrats à durée déterminée successifs, pour une rémunération mensuelle moyenne de 1.570 euros,

  • - pleinement satisfait de son travail, la défenderesse l'a employée, à compter du 1er septembre 2005, pour une durée de 28 heures de travail hebdomadaire, suivant contrat à durée indéterminée, moyennant un salaire mensuel de 1.930 euros,

  • - chaque année, sa rémunération a été revalorisée et à partir du 1er septembre 2007, sa durée de travail est passée à 33 heures par semaine,

  • - il apparaît ainsi que son sérieux et son travail ont été félicités et que l'Association O lui faisait confiance,

  • - elle était le seul professeur d'espagnol pour les élèves de collège et de lycée de l'établissement, malgré la hausse constante des effectifs, et n'a pas ménagé ses efforts pour faire face à cette importante charge de travail,

  • - elle a informé la direction de la nécessité de recruter un professeur d'espagnol supplémentaire mais ses demandes sont restées vaines tandis qu'en 2011, un nouvel enseignant de langue russe a été embauché,

  • - la situation n'a cessé d'empirer pour atteindre son paroxysme à la rentrée scolaire 2012/2013,

  • - elle a en effet découvert le recrutement d'un professeur d'allemand supplémentaire bien que les élèves étudiant cette langue soient 4 à 5 fois moins nombreux que ceux ayant choisi l'espagnol,

  • - elle justifie d'ailleurs de la liste des effectifs pour l'année 2012/2013 concernant les langues secondaires n'appartenant pas au « tronc commun »,

  • - l'employeur tente de démontrer qu'elle travaillait dans les mêmes conditions que ses collègues,

  • - or, la revue des effectifs du professeur d'italien est de 49 contre 90 pour elle,

  • - les pièces relatives à l'enseignement de l'anglais, de l'histoire et des mathématiques, matières obligatoires du « tronc commun » sont sans portée,

  • - il est regrettable que la défenderesse ne produise pas les emplois du temps et les effectifs des professeurs d'allemand et de russe,

  • - elle se félicite toutefois que l'Association O ait versé aux débats l'emploi du temps des deux professeurs d'espagnol embauchés pour la remplacer, preuve qu'il était possible de la conserver en aménageant son temps de travail,

  • - épuisée moralement, elle a été placée en arrêt maladie le 4 septembre 2012, et ce, jusqu'à la déclaration d'inaptitude définitive,

  • - elle souhaitait cependant continuer à enseigner dans cet établissement en envisageant, le cas échéant, une réduction du nombre d'heures,

  • - la seule solution qui lui a été proposée a été d'attendre au moins une année scolaire supplémentaire,

  • - la défenderesse était consciente qu'elle ne pouvait accepter une telle offre et s'est empressée de solliciter la médecine du travail pour un nouvel avis sur son aptitude à exercer,

  • - le 17 décembre 2012, le docteur T, médecin du travail, l'a déclarée inapte à tout poste dans l'entreprise,

  • - le 18 décembre 2012, elle a été licenciée sur la base de cet avis,

  • - la Cour de révision, dans son arrêt du 31 octobre 2013, confirmant une décision de la Cour d'appel du 9 octobre 2012, a estimé qu'indépendamment de la déclaration d'inaptitude définitive, en l'absence du rapport prévu à l'article 2 de la loi n° 1.348 du 25 juin 2008, il incombe à l'employeur de le réclamer auprès du médecin du travail afin de justifier de la tentative de reclassement,

  • - en l'espèce, l'Association O n'a à aucun moment tenté de la reclasser en sollicitant au besoin les conclusions et indications figurant dans le rapport du médecin du travail, si bien que le licenciement n'est pas fondé sur un motif valable,

  • - la défenderesse omet de mauvaise foi de mentionner les termes de la contre requête du Ministre d'Etat et de son mémoire en duplique, dans l'affaire du Tribunal Suprême DRAGON D'OR / ETAT DE MONACO (arrêt du 17 mai 2010),

  • - elle n'invoque pour sa part pas la jurisprudence du Tribunal Suprême mais a souhaité rappeler les arguments développés devant cette juridiction pour en informer le Tribunal du Travail,

  • - l'employeur affirme qu'il a pris sa décision de congédier au vu de la fiche d'inaptitude et du rapport du médecin du travail, lequel affirme en un mot qu'elle n'a plus aucune aptitude dans l'entreprise,

  • - sans analyse et sans approfondissement, l'appréciation du médecin du travail reste théorique, celui-ci ne se prononçant qu'en fonction de sa connaissance de l'état de santé de l'intéressée,

  • - de plus, le médecin du travail ne peut prétendre connaître tous les postes de l'entreprise, en sorte qu'une phase préalable de dialogue devait s'imposer avec lui,

  • - sa seule requête était de voir son temps de travail aménagé, le nombre de ses effectifs ayant augmenté d'année en année,

  • - le comportement fautif de la défenderesse, qui a souhaité à tout prix la licencier, a directement conduit à son inaptitude,

  • - la rupture a été mise en œuvre avec légèreté blâmable et de façon vexatoire,

  • - le 26 septembre 2012, le docteur L a constaté son état d'anxiété, de même que le docteur U, psychiatre, le 12 octobre 2012,

  • - elle n'avait jamais posé de problèmes durant 11 ans de services,

  • - elle a ressenti une injustice et n'a pas compris les raisons pour lesquelles l'Association O ne prêtait pas attention à son état de santé déjà fragilisé,

  • - elle est toujours à la recherche d'un emploi, se trouve dans une situation extrêmement précaire (relevés bancaires, aucun patrimoine) et éprouve les pires difficultés à faire face aux charges de la vie quotidienne avec ses indemnités chômage,

  • - elle a subi un important préjudice moral puisque le traitement qui lui a été réservé l'a plongée dans un état d'anxiété aigüe,

  • - elle est encore à ce jour particulièrement affectée et amoindrie.

Pour sa part, l'Association O demande au Tribunal de constater qu'a. VE. a déjà perçu l'indemnité de préavis et sollicite la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive. Elle soutient pour l'essentiel que :

  • - la demanderesse a bénéficié d'arrêts maladie successifs du 4 septembre 2012 au 16 décembre 2012,

  • - la salariée a été convoquée à deux reprises à des visites médicales les 26 octobre 2012 et 16 novembre 2012 mais ne s'y est pas rendue en raison de ses arrêts de travail, lesdites convocations n'ayant pas été adressées à sa requête,

  • - lors de la visite du 17 décembre 2012, le docteur RI. a rendu la décision suivante « Décision d'aptitude : Inapte définitivement à tout poste dans l'entreprise. Aptitude du salarié au sein de l'entreprise : Aucune »,

  • - le 20 décembre 2012, l'Inspection du Travail lui a indiqué qu'il lui appartenait de procéder à la rupture du contrat de travail,

  • - elle n'a donc pas eu d'autre choix que de licencier la demanderesse, par courrier recommandé avec accusé de réception du 18 décembre 2012, le reçu pour solde de tout compte et les documents sociaux ayant été remis le 16 janvier 2013,

  • - le 18 janvier 2013, a. VE. lui a adressé une correspondance pour contester la rupture, en imaginant une collusion avec l'Inspection du Travail,

  • - le 7 février 2013, la demanderesse a adressé un nouveau courrier afin de réclamer une « lettre de référence » et a indiqué, le 8 février 2013, être dans l'attente d'une déclaration à propos d'un accident du travail qui serait intervenu le 4 septembre 2012 (dont elle n'a jamais été informée),

  • - elle a répondu par une correspondance de son conseil du 13 février 2013, cette lettre étant restée sans réponse de la part de la salariée,

  • - préoccupée par le sort d a. VE., elle a tout mis en œuvre pour trouver une solution amiable (nouveau courrier de son conseil du 23 septembre 2013, demeuré également sans retour),

  • - elle comprend aujourd'hui qu'en réalité, la demanderesse n'avait aucune envie d'être réintégrée dans l'établissement et que de mauvaise foi, son silence lui permet de se plaindre d'une absence de reclassement,

  • - le Ministre d'État a rappelé, dans une affaire ayant donné lieu à une décision de rejet du 17 mai 2010 du Tribunal Suprême (DRAGON D'OR / ETAT DE MONACO), que la loi n° 1.348 du 25 juin 2008 ne laisse à l'employeur aucun choix et institue deux cas distincts d'inaptitude : soit le salarié est inapte à son seul emploi et l'employeur doit procéder à son reclassement, soit le salarié est inapte à tous les emplois de l'entreprise et l'employeur doit le licencier, cette distinction procédant du texte législatif et non d'une interprétation de l'autorité administrative,

  • - contrairement à ce que tente de faire croire a. VE., la protection de la loi n° 1.348 ne s'applique que lorsque la reprise d'activité est possible,

  • - en l'espèce, les conclusions et indications du médecin du travail ne souffrent aucune ambiguïté,

  • - la demanderesse étant professeur d'espagnol, elle n'aurait pu lui proposer qu'un poste de professeur d'espagnol, en sorte que toute proposition de reclassement était impossible,

  • - la salariée s'appuie sur un arrêt de la Cour de révision qui reproche à l'employeur de ne pas avoir sollicité préalablement au licenciement les conclusions et indications du médecin du travail,

  • - cet arrêt n'est pas applicable en l'espèce, dès lors qu'elle a obtenu la fiche d'inaptitude et le rapport du médecin de travail, auquel la lettre de l'Inspection du travail se réfère d'ailleurs,

  • - elle était donc tenue de congédier a. VE., dans le délai d'un mois à compter de la notification d'inaptitude définitive, sous peine de devoir lui verser une indemnité journalière équivalente au salaire perçu avant la suspension du contrat de travail,

  • - elle ne pouvait satisfaire la demanderesse, en la réintégrant, sous peine de méconnaître les dispositions légales,

  • - la salariée, qui avait envisagé de contester la décision du médecin du travail, ne semble pas l'avoir fait en définitive,

  • - pour mettre fin aux débats sur la possibilité de reclassement, elle a adressé un courrier à l'Office de la Médecine du Travail et le médecin du travail lui a répondu « j'ai estimé que l'état de santé de Madame VE. ne permettait plus sa reprise du travail au sein de l'Association O. Je disposais également d'avis médicaux extérieurs au service de l'OMT avec des avis identiques. Afin de préserver l'état de santé de Madame VE., j'ai prononcé son inaptitude définitive à tout poste dans l'entreprise le 17/12/2012. Aucun poste existant à ce moment-là dans l'entreprise ne pouvait être proposé, sur le plan médical, à Madame VE. »,

  • - a. VE. ne souhaitait pas autre chose que retrouver son poste de professeur d'espagnol contre l'avis du médecin du travail et voulait travailler moins en conservant le même salaire,

  • - depuis l'embauche, les parties avaient convenu progressivement d'augmenter le nombre d'heures de travail alors que la rémunération a été régulièrement revalorisée,

  • - la durée de 33 heures est restée inchangée depuis 2007 mais le salaire a évolué,

  • - la demanderesse était rémunérée pour 33 heures de travail hebdomadaires dont 21 heures de cours, la différence étant consacrée à la préparation des cours et à la participation aux réunions, comme pour tous les autres professeurs,

  • - jusqu'à la rentrée de l'année scolaire 2012/2013, la salariée ne s'est jamais plainte de ses conditions de travail similaires aux autres professeurs,

  • - elle a toujours essayé de la satisfaire, notamment en ne lui mettant pas de cours le vendredi, les cours ne débutant par ailleurs jamais avant 8 heures 30 et ne terminant jamais après 16 heures,

  • - elle ne comprend pas les raisons pour lesquelles a. VE. a décidé subitement de contester ses conditions de travail et a laissé plusieurs classes de collège et de secondaire sans professeur d'espagnol stable pendant 4 mois, contraignant à pourvoir en urgence à son remplacement,

  • - si elle a dû embaucher deux professeurs d'espagnol, c'est simplement parce qu'elle n'a pas pu trouver en urgence un seul professeur à temps complet,

  • - la demanderesse avait une classe dans chacun des niveaux avec des effectifs totalisant 80 élèves pour l'année scolaire 2011/2012 et 88 élèves qui auraient dû lui être attribués pour celle 2012/2013,

  • - les fiches produites par la salariée afin de démontrer qu'elle aurait été plus chargée que ses collègues sont incomplètes car elles ne contiennent pas les effectifs définitifs,

  • - le nombre d'élèves par classe était très loin des effectifs surchargés de certains professeurs en collèges ou lycées,

  • - le nombre d'élèves des classes d a. VE. n'a augmenté que de 8 élèves entre l'année scolaire 2011/2012 et 2012/2013,

  • - eu égard au faible nombre d'élèves, un second professeur d'espagnol n'était pas impératif,

  • - la demanderesse n'avait pas un statut plus défavorable que les autres professeurs,

  • - la salariée ne rapporte pas la preuve qu'elle serait un tant soit peu responsable de son état dépressif et la cause de ses faiblesses psychologiques est toute autre,

  • - elle s'est toujours montrée attentive à la santé d a. VE., ainsi qu'en témoigne le courrier électronique de John PRICE, directeur, du 19 octobre 2012,

  • - en effet, celui-ci a tenté de trouver une solution pour la prochaine année scolaire, tout en expliquant ne pouvoir accéder à la demande de n'enseigner que dans les classes secondaires (ce qui aurait nécessité l'embauche d'un professeur supplémentaire),

  • - la demanderesse est mal fondée à réclamer la somme de 5.700 euros à titre d'indemnité de préavis dès lors qu'elle a perçu la somme de 1.318,15 euros bruts au titre du préavis du mois de décembre 2012 puis la somme de 4.305,97 euros bruts et enfin celle de 72,15 euros par l'intermédiaire de son conseil, soit un total de 5.696,27 euros à ce titre,

  • - elle n'est pas responsable du préjudice subi par la salariée dans la mesure où elle ne pouvait se soustraire à l'obligation de licencier,

  • - s'agissant des charges de la vie quotidienne, les quittances de loyer datent de plus d'un an, les impôts des années 2013 et 2014 sont comptabilisés dans les dépenses mensuelles, tout comme la taxe d'habitation, tandis que le relevé du compte courant fait apparaître plusieurs virements démontrant que la situation n'est pas aussi précaire que ce qu'a. VE. prétend,

  • - la procédure intentée est abusive et elle est fondée à réclamer des dommages-intérêts de ce chef.

SUR QUOI,

La loi n° 1.348 du 25 juin 2008, qui concerne le reclassement du salarié déclaré définitivement inapte à occuper son poste par le médecin du travail, s'applique également à l'inaptitude définitive du salarié à occuper tout poste au sein de l'entreprise (CA, 20 mars 2012, société D contre SC ; TT, 19 mai 2011, même affaire).

La rupture du contrat de travail est fondée sur un motif valable dès lors qu'elle est la conséquence de la déclaration définitive d'inaptitude, si bien que la demande en paiement de l'indemnité de licenciement doit être rejetée.

Il convient de donner acte à a. VE. de ce qu'elle renonce à sa demande en paiement de l'indemnité de congédiement.

De plus, l'indemnité compensatrice de préavis correspond à deux mois de salaire (ancienneté supérieure à deux années), soit la somme brute de 2.856 x 2 = 5.712 euros. Il résulte du bulletin de salaire du mois de décembre 2012, du reçu pour solde de tout compte (absence d'explications complémentaires fournies par la demanderesse) et du chèque adressé par le conseil de l'Association O (dont l'encaissement n'a été contesté) que la salariée a perçu à ce titre la somme de 1.318,15 + 4.305,97 + 72,15 = 5.696,27 euros, de telle sorte qu'elle est fondée à solliciter paiement de la somme complémentaire brute de 15,73 euros, les intérêts au taux légal courant à compter de la réception de la requête initiale par le secrétariat du Tribunal du Travail, soit le 15 juillet 2013.

L'avis d'inaptitude du médecin du travail déclarant le salarié définitivement inapte à tout emploi dans l'entreprise ne saurait le dispenser de procéder à la recherche des postes de reclassement (CA 9 octobre 2012, société M c/ LB).

Si l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur est une obligation de moyen, il reste que pour pouvoir procéder régulièrement au licenciement, il lui appartient au préalable de rapporter la preuve de l'impossibilité où il se trouve de reclasser le salarié, et ce, nécessairement, après avoir étudié les possibilités existantes ou pouvant exister au sein de l'entreprise en fonction des préconisations de la médecine du travail (CA, 9 octobre 2012, même affaire), « en établissant avoir recherché les éventuelles mutations, transformations de postes, formations adaptées ou aménagements du temps de travail, en fonction des conclusions et indications figurant dans le rapport que le médecin dresse indépendamment de sa déclaration définitive d'inaptitude à l'emploi » (Cour de Révision, 31 octobre 2013, même affaire).

Sans le rapport prévu à l'article 2 alinéa 2 de la loi n° 1.348 du 25 juin 2008 ou faute d'observations suffisamment précises contenues dans ledit rapport, l'employeur n'est pas à même de procéder à une recherche de poste sérieuse et adaptée aux contraintes imposées par l'état de santé du salarié, en sorte qu'il lui incombe de le solliciter ou d'obtenir des informations complémentaires auprès du médecin du travail.

En l'espèce, la fiche établie par le médecin du travail le 17 décembre 2012 mentionne « inaptitude définitive à tout poste dans l'entreprise ». Le rapport joint précise quant à lui « Décision d'aptitude : Inapte définitivement à tout poste dans l'entreprise. Aptitude du salarié au sein de l'entreprise : Aucune ».

La formulation en cause n'était pas suffisamment précise pour déterminer les éventuelles possibilités de mutation, transformation de postes (postes existant ou pouvant exister) mais également d'aménagement du temps de travail, si bien qu'il appartenait à l'Association O, avant de notifier la rupture (courrier adressé le 10 février 2015 au docteur T pour obtenir des explications complémentaires), de solliciter le médecin de travail (« médiation » du 20 novembre 2012 avec l'Inspection du travail sans incidence), afin que celui-ci apporte des indications plus exhaustives, peu important que la salariée dispose de la faculté légale de contester l'avis d'inaptitude devant une commission médicale ou que l'Inspection du travail ait mentionné le 20 décembre 2012 (au demeurant postérieurement à la notification du congédiement) qu'il appartenait à l'employeur de procéder à la rupture du contrat de travail et de payer les indemnités légales.

En s'abstenant d'avoir procédé de la sorte et de justifier avoir recherché de manière effective toute possibilité de reclassement, la défenderesse a notifié le licenciement en méconnaissance des dispositions légales relatives au reclassement et agi avec légèreté blâmable, ce qui confère d'ores et déjà sur ce point à la rupture un caractère abusif.

Par ailleurs, il appartient à a. VE. de rapporter la preuve que l'inaptitude définitive à tout poste dans l'entreprise a été la conséquence du comportement fautif de l'Association O (différence de traitement dans les conditions de travail par rapport à ses autres collègues), quand bien même elle a imputé son état de santé (état d'anxiété aigüe/état anxio-dépressif ; certificats des 26 septembre et 12 octobre 2012) aux agissements de l'employeur (certificat du 26 septembre 2012).

À cet égard, la demanderesse verse aux débats les listes des élèves par niveau (classe 7, 8 et 9) suivant les cours d'espagnol, de russe, d'italien et d'allemand - avec les mentions « mother tongue » et « language support » - au cours de l'année scolaire 2012-2013, lesquelles démontrent que les élèves étudiant l'espagnol sont les plus nombreux. Si l'employeur estime que ces documents sont incomplets, il lui incombe d'en fournir les versions définitives.

L'Association O produit pour sa part les listes des effectifs de classes pour certains enseignants (espagnol, italien, anglais, histoire-géographie mathématiques) au cours de l'année 2012-2013. Ainsi que le relève justement la salariée, ces pièces ne concernent pas les professeurs de russe et d'allemand (qui ont fait l'objet des critiques spécifiques d a. VE.), alors que la présente juridiction ignore la durée du travail hebdomadaire des professeurs concernés et le montant de leur rémunération. Il y a lieu de noter également que l'enseignement des langues ne peut être comparé à celui des mathématiques ou de l'histoire-géographie.

Dès lors que les parties doivent concourir de manière loyale à la manifestation de la vérité, dans le cadre du procès équitable, le Tribunal estime nécessaire, dans ces conditions, d'ordonner la réouverture des débats afin que la défenderesse (seule en possession de tels éléments de preuve) produise tous justificatifs relatifs aux contrats de travail (durée d'emploi hebdomadaire, salaire) des professeurs de langues (telles que l'italien, l'allemand, le russe ainsi que l'anglais) et aux effectifs de leurs différentes classes au cours des années scolaires 2011-2012, 2012-2013 et 2013-2014 (en différenciant les effectifs « mother tongue » et « language support »), étant souligné qu'il appartiendra, le cas échéant, à l'Association O de fournir toutes indications et pièces complémentaires permettant de justifier objectivement une éventuelle différence de traitement.

Il convient, en conséquence, de sursoir à statuer sur la demande en paiement de dommages et intérêts formée par a. VE..

L'abus du droit de licencier étant déjà caractérisé, la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive doit être rejetée.

Il y a lieu toutefois de réserver les dépens en fin de cause.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré,

Donne acte à a. VE. de ce qu'elle renonce à sa demande en paiement de l'indemnité de congédiement ;

Condamne l'Association O à payer à a. VE. la somme brute de 15,73 euros (quinze euros et soixante-treize centimes) à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2013 ;

Dit que le licenciement d a. VE. par l'Association O est fondé sur un motif valable mais revêt un caractère abusif ;

Avant-dire droit sur le montant des dommages et intérêts devant être alloués à a. VE., ordonne la réouverture des débats afin que l'Association O produise tous éléments justificatifs relatifs aux contrats de travail (durée d'emploi hebdomadaire, salaire) des professeurs de langues (telles que l'italien, l'allemand, le russe ainsi que l'anglais) et aux effectifs de leurs différentes classes au cours des années scolaires 2011-2012, 2012-2013 et 2013-2014 (en différenciant les effectifs « mother tongue » et « language support ») ;

Dit qu'il appartiendra, le cas échéant, à l'Association O de fournir toutes indications et pièces complémentaires permettant de justifier objectivement une éventuelle différence de traitement ;

Déboute a. VE. de sa demande en paiement de l'indemnité de licenciement et l'Association O de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Sursoit à statuer sur la demande en paiement de dommages et intérêts formée par a. VE. ;

Renvoie la cause et les parties à l'audience du JEUDI 3 MARS 2016 à 14 heures 30 pour les pièces et conclusions de l'Association O ;

Réserve les dépens en fin de cause ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Mademoiselle Magali GHENASSIA, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs C, A, membres employeurs, Messieurs B, V, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le vingt-huit janvier deux mille seize, par Mademoiselle Magali GHENASSIA, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs C, A et V, Monsieur B étant empêché, assistés de Mademoiselle Q Secrétaire-Adjoint.

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