Tribunal du travail, 24 septembre 2015, Madame e. AL. c/ La Société de droit italien A

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Abstract🔗

Contrat de travail - Licenciement économique - Restructuration de l'entreprise - Menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise (non) - Licenciement abusif - Rupture brutale - Dommages-intérêts

Résumé🔗

Le licenciement pour motif économique de la salariée, engagée par une société de droit italien mais affectée à son bureau de représentation monégasque, dont le poste a été supprimé n'est pas fondé sur un motif valable et est en conséquence abusif. Si aucune nouvelle embauche n'est intervenue au niveau du bureau de représentation, l'employeur ne justifie pas d'une menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise qui n'a pas cessé l'ensemble de ses activités, ni même ses activités à Monaco et concrètement fermé son bureau de représentation.

Toutefois, la rupture a été brutale, la salariée n'ayant pu anticiper une telle décision quand bien même la question d'une modification du temps de travail avait été évoquée une année auparavant. La notification du licenciement est intervenue dès le lendemain de l'entretien organisé sans préavis, après plus de trois ans de services. Le préjudice moral subi est réparé par l'octroi de dommages-intérêts d'un montant de 2 000 euros.


Motifs🔗

TRIBUNAL DU TRAVAIL

AUDIENCE DU 24 SEPTEMBRE 2015

  • En la cause de Madame e. AL., demeurant : « X1» X1 à MENTON (06500),

demanderesse, ayant élu domicile en l'Etude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Nicolas MATTEI, avocat au barreau de Nice,

d'une part ;

Contre :

  • La Société de droit italien A, dont le siège social se situe : X2 à MONACO (98000),

défenderesse, plaidant par Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et ayant élu domicile en son Etude,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 10 décembre 2012, reçue le 14 décembre 2012 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 5 mars 2013 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de Madame e. AL., en date des 6 juin 2013, 5 décembre 2013, 22 septembre 2014 et 17 avril 2015 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, au nom de la Société de droit Italien A, en date des 17 octobre 2013, 8 mai 2014 et 5 février 2015 ;

Après avoir entendu Maître Nicolas MATTEI, avocat au barreau de Nice, pour Madame e. AL., et Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, pour la Société de droit Italien A, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

e. AL. a été employée par la société de droit italien A, prise en son bureau de représentation à Monaco, suivant contrat à durée indéterminée, à compter du 1er novembre 2008, en qualité de « relation publique ».

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 novembre 2011, celle-ci s'est vue notifier son licenciement pour suppression de poste.

Soutenant que la rupture de son contrat de travail n'est pas fondée sur un motif valable et revêt un caractère abusif, e. AL. a, ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 4 mars 2013, attrait la société A devant le bureau de jugement du Tribunal du Travail à l'effet d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :

  • - 1.232,17 euros au titre de l'indemnité légale de congédiement (loi n° 845 du 27 juin 1968 - article 1er - 1/5 de salaire brut par année d'ancienneté)

  • - 1.807,19 euros au titre de l'indemnité de licenciement (loi n° 845 du 27 juin 1968 - article 2 - salaire brut de base / 25 x mois de présence effectifs : 37, sous déduction de l'indemnité de congédiement non cumulable - article 3 ; 3.039,36 - 1.232,17)

  • - 3.349 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (2 mois de salaire moins indemnité déjà reçue de 758,26 euros)

  • - 334,90 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,

  • - 49.286 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif (24 mois de salaire),

avec intérêts au taux légal à compter de la citation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Lors du préliminaire de conciliation, la société A a sollicité, à titre reconventionnel, la somme de 3.000 euros en réparation de demandes injustifiées.

À l'appui de ses prétentions, e. AL. fait valoir pour l'essentiel que :

  • - ses bulletins de paie ne mentionnaient ni coefficient ni convention collective d'affiliation, tandis que ses salaires lui étaient systématiquement versés en retard, comme toutes les créances des tiers,

  • - le travail de relation publique consiste à recueillir, vérifier, sélectionner des informations pour assurer la promotion de la société auprès des clients, de la presse ou des politiques,

  • - le chargé de relations publiques peut également mener des études d'opinion, de développement, de partenariat, de sponsoring, sa mission principale étant de promouvoir l'image de l'entreprise, ce qui n'a par définition aucun lien avec le métier de commercial qui finalise des contrats commerciaux,

  • - or, contrairement à ce que soutient l'employeur, le bureau administratif exécutait des démarches tant de production que commerciales en Principauté de Monaco notamment par la fixation d'objectifs commerciaux qui lui étaient donnés (tout comme à Mélina M., journaliste) avec une pression régulière imposée pour leur réalisation,

  • - son emploi était dès lors bien de nature commerciale en plus de sa fonction première de relation publique,

  • - l'utilisation commerciale du bureau monégasque était manifestement illégale en raison de l'absence d'autorisation de l'administration en ce sens (démarcher des clients afin de finaliser des ventes par des contrats commerciaux établis et signés à Monaco ou dans les villes de la région),

  • - seule la facturation était émise depuis l'Italie afin d'éluder le paiement de la TVA par l'application de la loi transfrontalière,

  • - c'est la raison pour laquelle la société A s'est résolue à créer une SARL à Monaco le 14 janvier 2014,

  • - cette création montre que la société défenderesse n'avait pas, à l'époque de son embauche, l'autorisation de commercialiser des espaces publicitaires,

  • - l'activité du bureau de représentation n'a toutefois cessé que le 31 janvier 2014,

  • - malgré un travail exemplaire pendant près de trois ans, elle a été congédiée au motif de suppression de poste en l'état de prétendues difficultés économiques,

  • - selon une jurisprudence constante de la Cour de Cassation française, lorsque l'entreprise n'appartient pas à un groupe et comporte différents établissements, ce n'est pas au niveau de chaque magasin qu'il fait apprécier les difficultés économiques mais au niveau de l'entreprise elle-même,

  • - les mauvais résultats d'un établissement sont insuffisants si aucune difficulté économique sérieuse n'existe au niveau de l'entreprise,

  • - aucun signe ne laissait présumer la décision de rupture, alors que l'activité était largement bénéficiaire, que les frais de représentation étaient excessifs et qu'aucun déménagement n'a été envisagé malgré un loyer onéreux,

  • - grâce à la qualité de son travail, l'employeur a obtenu des clients prestigieux tels que l'Hôtel B, le centre commercial C,

  • - la société A, qui a un capital social de plusieurs millions d'euros et dont l'activité en Italie est pérenne, n'a fait face à aucune difficulté économique,

  • - son chiffre d'affaires est passé de 7 millions d'euros en 2011 à 7,5 millions d'euros en 2013, tandis qu'aucun document comptable n'est produit,

  • - la société défenderesse a également acquis en 2011 deux nouveaux supports (X et X), ce qui montre sa puissance économique,

  • - les articles 6 et 7 de la loi n° 629 du 17 juillet 1957 étaient applicables quant à l'ordre des licenciements et à la priorité de réembauchage,

  • - la société A ne lui a proposé aucun reclassement et aucune diminution de la durée de son travail ne lui a été proposée,

  • - elle a appris et fait constater par l'Inspection du Travail qu'une personne l'avait remplacée à son poste, Madame Rita DI. (le bureau monégasque ne pouvant logiquement rester vide), ce qui est parfaitement illégal (procès-verbal en ce sens),

  • - l'employeur avait déjà tenté d'obtenir un permis de travail en 2010 au bénéfice de sa remplaçante et, pour contourner le refus, a opté pour son licenciement sans respecter la priorité de réembauchage dont elle bénéficiait durant six mois,

  • - Rita DI. a déclaré sur les réseaux sociaux qu'elle était responsable commerciale des bureaux en Italie et à Monaco de la société défenderesse et responsable du développement stratégique du bureau de représentation monégasque et de l'organisation des congrès et évènements à Monaco (X), et ce, de juin 2010 à avril 2013 (confirmé par la partie adverse en référence à son curriculum vitae),

  • - Rita DI. n'a jamais été sa responsable mais l'intermédiaire entre elle et sa responsable, Madame CA.,

  • - une autre salariée, Madame FI., s'occupait depuis son départ de la Côte d'Azur,

  • - selon les informations recueillies auprès du concierge de l'immeuble, Debora GI., travaillerait au sein du bureau administratif monégasque de la société A,

  • - elle a elle-même remplacé avec un statut différent Madame SP. qui avait été licenciée pour suppression de poste (en réalité non-respect des objectifs commerciaux),

  • - les droits de la loi n° 870 du 17 juillet 1969 relative au travail des femmes salariées en cas de grossesse ou de maternité auraient dû s'appliquer puisqu'au moment de la rupture, elle était enceinte de quelques semaines,

  • - profane en matière sociale, elle n'avait pas déclaré officiellement cet état de grossesse qui était pourtant connu de la défenderesse avisée verbalement à plusieurs reprises,

  • - le motif économique a été utilisé comme un prétexte en prévision de son congé maternité durant lequel le bureau ne pouvait rester vide,

  • - aucun entretien officiel n'a eu lieu sauf celui du 28 novembre 2011 sans convocation, sa seule mention dans le courrier de licenciement étant de circonstance,

  • - la décision a suscité son incompréhension du fait de ses qualités professionnelles avérées et de l'absence de tout avertissement ou rappel de l'employeur,

  • - elle n'a jamais eu d'absences et n'a pas hésité à travailler durant ses jours de repos ou à faire des tâches non prévues au contrat,

  • - elle a acquis un bien immobilier le 27 juillet 2009 avec un important prêt bancaire après son embauche (intervenue ensuite de son départ de la société D), alors que la défenderesse n'a pas tenu ses promesses d'évolution de carrière,

  • - elle est une jeune mère au chômage, ses revenus n'étant constitués que des aides de Pôle Emploi et des minima sociaux,

  • - elle est dans l'impossibilité de retrouver un poste similaire et a été obligée de rechercher du travail dans d'autres domaines d'activité que les relations publiques,

  • - elle a simplement réussi à obtenir un emploi saisonnier précaire et se trouve à 33 ans sans situation professionnelle stable, tandis qu'elle aurait certainement pu poursuivre sa carrière au sein de la société D,

  • - depuis le 1er novembre 2014, il lui a été proposé un contrat à durée déterminée de 6 mois, renouvelable, en qualité de chargé de clientèle au sein de la Société E,

  • - elle réside à MENTON et ne peut s'inscrire au service de la Main d'œuvre de Monaco.

  • En réponse, la société A maintient sa demande en paiement de dommages et intérêts pour action injustifiée et accusatoire, en soutenant pour l'essentiel que :

  • - ses démarches et productions étant effectuées en Italie (aucune exploitation à Monaco ni collecte de TVA et donc aucune mesure de résultat ou fiscal), elle n'a pas initialement souhaité créer une personne morale à Monaco,

  • - le bureau monégasque ne constituait qu'un lieu de représentation à partir duquel la personne chargée des relations publiques avait pour mission d'établir des contacts et assurer une interface locale entre prospects, clients et les services en Italie,

  • - aucun acte de commerce n'était réalisé et son autorisation était sans équivoque (la faire connaître auprès de clients potentiels dans la région PACA et à Monaco faisant partie des activités de développement et de représentation clairement autorisées),

  • - le bureau n'ayant aucune autonomie financière, son coût était couvert par sa dotation (aucun revenu perçu et facturé),

  • - elle a constaté que le nombre de prospects demeurait limité, ce qui a remis en cause l'existence du bureau de représentation à Monaco et ses perspectives de développement, eu égard à son coût, si bien que la décision de le fermer a été prise (décision de gestion, évoquée au cours d'un entretien avec la demanderesse le 28 novembre 2011),

  • - la salariée a été licenciée, dans le cadre de la fermeture définitive du bureau, pour suppression de son unique poste, par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 novembre 2011,

  • - le préavis étant de deux mois (sans avoir été écourté), il a été effectué du 2 décembre 2011 au 10 février 2012, compte tenu de deux périodes de 5 jours de congés payés déjà fixées avant la rupture,

  • - les bulletins de salaires et le solde de tout compte attestent de son effectivité et de son paiement,

  • - il n'existe pas de convention collective des employés de bureau administratif, tandis que la demanderesse n'avait pas de rôle commercial,

  • - e. AL. n'avait que des objectifs relationnels et le business plan concernait des objectifs de résultat qui devaient résulter des actions de relation publique et d'apports d'information sur des opportunités, pour les services commerciaux,

  • - la demanderesse persiste à lui reprocher de l'avoir congédiée alors qu'elle était enceinte de quelques semaines, tout en reconnaissant qu'elle n'avait pas déclaré son état de grossesse,

  • - si la salariée en avait elle-même eu connaissance, elle se serait empressée d'en justifier pour solliciter l'annulation du licenciement dans les quinze jours suivant la notification,

  • - le premier examen prénatal daté du 16 janvier 2012 établi par une sage-femme indique une date présumée de début de grossesse au 3 novembre 2011,

  • - il est donc vraisemblable que. AL. ignorait son état le jour de l'entretien du 28 novembre 2011 ou dans les 15 jours suivants,

  • - le courrier électronique de la demanderesse du 5 décembre 2011 n'y fait pas référence, en sorte que ce reproche est abusif,

  • - elle ne conteste pas les qualités professionnelles la salariée, le licenciement n'étant pas inhérent à sa personne,

  • - e. AL. se réfère à un droit positif qui n'est pas celui de la Principauté de Monaco,

  • - l'article 6 de la loi n° 729 qui n'a pas d'équivalent en France affirme sans équivoque le droit unilatéral reconnu à chaque partie de rompre le contrat de travail sans avoir à en justifier,

  • - quand il fonde sa décision sur une cause inhérente au salarié, l'employeur se dispense du débat sur le motif en payant d'office une indemnité qui est à la discrétion du juge s'il ne retenait pas un motif valable,

  • - ce dispositif ne peut se transposer en cas de licenciement trouvant son origine dans la disparition de la cause et/ou la nécessité d'un poste,

  • - la perte de justification économique ou structurelle d'un emploi est un motif valable de rupture,

  • - l'article 1er de la loi n° 729 donne une parfaite définition du contrat de travail dans sa formation et sa continuation en le conditionnant à la notion de subordination aux directives de l'employeur et à l'existence d'un travail à son profit,

  • - dès lors que le poste ne correspond plus à un travail au profit de l'employeur, c'est à dire qu'il coûte à ce dernier mais ne se justifie pas par une prestation utile, le licenciement est conforme à la lettre et à l'esprit de la loi monégasque,

  • - en outre, la décision de fermer son bureau administratif (qui a cessé toute activité) n'a pas besoin d'une justification d'un quelconque motif, dès lors qu'elle pouvait mettre fin en toute légitimité à ce centre de coût (en l'absence d'une quelconque activité commerciale à Monaco ; outil et non pas une ressource),

  • - elle a bien demandé la révocation de son autorisation et la radiation de son bureau administratif,

  • - la demanderesse croît pouvoir ouvrir une discussion sur la notion de groupe que la législation monégasque ne connaît pas,

  • - e. AL. était la seule employée du bureau en sorte que la discussion sur l'ordre des licenciements est sans portée,

  • - la salariée n'a jamais évoqué de demande de reclassement en Italie (le droit monégasque n'imposant aucune obligation de reclassement à l'étranger en cas de suppression de poste) et n'a jamais été remplacée,

  • - la demanderesse a saisi l'Inspection du Travail qui, le jour de son contrôle du 8 mars 2012, a vu une de ses salariées en Italie, Rita DI. (qui s'est rendue à Monaco à 3 reprises en tout), venir relever le courrier,

  • - aucune demande d'embauche ou permis de travail de l'intéressée n'a pu être obtenue sur compulsoire,

  • - s'agissant du procès-verbal de l'Inspecteur du travail du 9 mars 2012 (procès-verbal de constatation d'huissier non versé aux débats), Rita DI. a justifié de sa présence légitime à Monaco le 8 mars 2012 et a notamment envoyé un courrier électronique le 14 mars 2012 à son supérieur hiérarchique, Diego RU., afin de l'informer de ses dates de passage en Principauté, tandis que cette dernière n'avait aucun lien de subordination avec le bureau de représentation,

  • - elle n'a pas contesté la taxation d'office des Caisses Sociales eu égard à la modicité de la somme et le contrôle de l'Inspection du Travail n'a pas donné lieu à poursuite judiciaire,

  • - la pièce adverse n° 13 permet de démontrer que Rita DI. n'occupait aucun poste de chargée de relations publiques à Monaco, a bien été sa salariée en Italie de 2010 à 2013 ainsi que la supérieure hiérarchique d e. AL. en sa qualité de responsable du développement stratégique du bureau de représentation de Monaco et de l'organisation de congrès et évènements,

  • - la question de son permis de travail s'est posée en 2010 au regard de ses quelques périodes de présence à Monaco dans le cadre de ses fonctions de supervision,

  • - Madame SP. était employée en qualité de secrétaire sans que la demanderesse l'ait remplacée,

  • - en définitive, aucune personne n'a pris la place d e. AL., le bureau administratif étant resté vide de février 2012 à janvier 2014 (local conservé compte tenu de la rareté des locaux pouvant servir de siège à une société commerciale),

  • - en 2013, elle a entamé des démarches pour la création d'une société commerciale à Monaco avec un objet nettement différent, laquelle a été immatriculée le 14 janvier 2014,

  • - la rupture n'a rien de brutale, la salariée ayant été avertie de la situation et reçue en entretien (reconnu par la partie adverse ; circonstances du licenciement expliquées), alors qu'aucune procédure préalable au licenciement n'est imposée en droit monégasque,

  • - dans son courrier électronique du 5 décembre 2011, e. AL. précise que l'année précédente, le bureau connaissait déjà des difficultés et qu'une réduction de son temps de travail avait été évoquée,

  • - la demanderesse réclame une indemnité légale de congédiement qu'elle fixe à 1.232,17 euros alors qu'elle a perçu la somme de 1.351,98 euros à cet égard,

  • - sur l'indemnité légale de licenciement, à supposer que le Tribunal estime non valable le motif de licenciement, la somme de 1.351,98 euros devra être déduite et non celle de 1.232,17 euros,

  • - toutes les demandes d e. AL. étant infondées (persistance à demander des sommes déjà réglées) et sans base (volontairement fallacieuses ou reposant sur des accusations mensongères), la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts devra être accueillie.

SUR QUOI,

Il résulte à suffisance des bulletins de salaire qu e. AL. a exécuté son préavis de deux mois, lequel a expiré le 10 février 2012 compte tenu de la prise de congés aux mois de décembre 2011 et janvier 2012, et a obtenu la rémunération correspondante, en sorte que la demande en paiement d'un complément d'indemnité de préavis et des congés payés afférents n'a pas lieu de prospérer.

De même, les pièces versées aux débats établissent que la salariée a perçu la somme de 1.351,98 euros à titre d'indemnité de congédiement, si bien que sa demande formée à cet égard ne peut être accueillie.

e. AL. a bien été juridiquement employée par la société A, tandis que son contrat de travail, qui a été exécuté au sein de son bureau de représentation monégasque (qui n'a aucune personnalité morale), est effectivement soumis au droit monégasque.

Si la cessation prouvée d'activités d'une entreprise constitue un motif valable de licenciement, force est de constater en l'espèce que la société défenderesse n'a aucunement cessé l'ensemble de ses activités, ni même établi qu'elle elle aurait cessé ses activités à Monaco et concrètement fermé son bureau de représentation, au regard du courrier du Directeur de l'expansion économique du 4 février 2014 notant la cessation des activités du bureau administratif à compter du 31 janvier 2014 (la seule volonté de conserver un local en Principauté n'étant pas suffisante sur ce point).

En conséquence, la suppression de poste litigieuse ne s'inscrit pas dans le cadre d'une cessation d'activités mais dans le cadre d'une restructuration de la société A.

Si la présente juridiction n'a nullement à se prononcer sur les choix de gestion opérés par la défenderesse dans le cadre d'une telle réorganisation, il n'en demeure pas moins que l'employeur, qui a la charge de la preuve de la réalité et de la validité du motif de licenciement, doit démontrer la nécessité économique de la restructuration de l'entreprise - difficultés économiques ou sauvegarde de la compétitivité - ainsi que l'effectivité de la suppression du poste.

Si le registre d'entrées et de sorties du personnel confirme qu'aucune nouvelle embauche n'est intervenue au niveau du bureau de représentation après le départ d e. AL., aucun élément comptable ou financier n'a été versé aux débats pour caractériser à tout le moins une menace pesant sur la compétitivité de la société A.

Le licenciement n'étant dès lors pas fondé sur un motif valable, la demanderesse peut prétendre à la somme de 2.053,63 x 39 (mois complets de travail incluant le préavis) /25 = 3.203, 66 euros à titre d'indemnité de licenciement, de laquelle il convient de déduire le montant non cumulable de l'indemnité de congédiement versée à hauteur de 1.351,98 euros, soit un solde de 1.851,68 euros. La demande limitée à la somme de 1.807,19 euros doit ainsi être accueillie, les intérêts au taux légal courant à compter du présent jugement.

Il appartient à la salariée de rapporter la preuve de l'abus commis par l'employeur dans l'exercice de son droit unilatéral de rupture.

e. AL. n'établit nullement que la société A aurait eu connaissance, de quelque manière que ce soit, de son état de grossesse et n'a pas justifié de cet état dans le délai de 15 jours suivant la notification de son licenciement, en sorte qu'elle ne peut pas se contenter d'affirmer que la cause du congédiement serait illégale et le motif fallacieux. Elle ne démontre pas davantage que l'absence d'une quelconque offre en vue de la réduction de son temps de travail relèverait d'une intention de nuire.

La question de l'ordre des licenciements prévu par l'article 6 de la loi n° 629 du 17 juillet 1957 ne vise que les salariés de la société défenderesse occupés à Monaco et au sein du bureau de représentation, indépendamment du cadre d'appréciation du motif économique. Or, il n'est pas contesté que la demanderesse était la seule employée au sein du bureau monégasque de la société A au moment de la notification de la rupture, si bien qu'aucun grief ne peut être formulé à cet égard.

L'obligation de rechercher des possibilités de reclassement ne concerne pas le licenciement économique individuel.

En outre, l'employeur relève justement que le procès-verbal de constatations d'huissier établi ensuite de l'ordonnance du Président du Tribunal de première instance du 12 avril 2013 n'a pas été versé aux débats, si bien que le Tribunal ignore les conséquences du procès-verbal de l'Inspecteur du travail du 9 mars 2012 (constatant une infraction pénale) qui n'a manifestement donné lieu à aucune décision judiciaire pénale. En tout état de cause, ce seul élément mentionnant que Laura DO., agent responsable de la société A, occupait une salariée, Rita DI., le jeudi 8 mars 2012 au sein du bureau administratif, ne suffit pas à estimer que cette dernière y aurait remplacé la demanderesse, y compris à temps partiel. Les indications portées sur son réseau social ne sont pas davantage probantes. Aucun élément n'est fourni s'agissant d'autres employées simplement citées dans les conclusions d e. AL..

Toutefois, la présente juridiction estime que la rupture est brutale dans la mesure où la demanderesse ne pouvait anticiper une telle décision, quand bien même la question de la modification du temps de travail avait été évoquée une année auparavant, tandis que la notification est intervenue dès le lendemain de l'entretien organisé sans préavis, après plus de trois années de services.

En conséquence, il convient d'allouer la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ainsi subi, et ce, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement.

Il n'est pas justifié des conditions nécessaires au prononcé de l'exécution provisoire.

Les prétentions étant partiellement fondées, la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive n'a pas lieu de prospérer.

La société A, qui succombe, doit supporter les dépens du présent jugement.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré,

Dit que le licenciement d e. AL. par la société A n'est pas fondé sur un motif valable et revêt un caractère abusif ;

Condamne la société A à payer à e. AL. la somme de 1.807,19 euros (mille huit cent sept euros et dix neuf centimes) à titre d'indemnité de licenciement, déduction faite de l'indemnité de congédiement perçue, ainsi que la somme de 2.000 euros (deux mille euros) à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la société A aux dépens du présent jugement ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Mademoiselle Magali GHENASSIA, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Alain GALLO, Philippe FERREYROLLES, membres employeurs, Madame Agnès ORECCHIA, Monsieur Jean-Marc JOURDIN, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le vingt-quatre septembre deux mille quinze, par Mademoiselle Magali GHENASSIA, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Monsieur Alain GALLO et Madame Agnès ORECCHIA, Messieurs Philippe FERREYROLLES et Jean-Marc JOURDIN étant empêchés, assistés de Madame Catherine CATANESE, Secrétaire en Chef.

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