Tribunal du travail, 24 juillet 2014, Madame I. DE CA. c/ La société anonyme monégasque N
Abstract🔗
Contrat de travail - Licenciement - Comportement d'obstruction de la salariée (non) - Licenciement abusif - Légèreté blâmable de l'employeur - Licenciement vexatoire
Contrat de travail - Harcèlement moral (non) - Mésentente entre la salariée et un représentant de l'employeur
Résumé🔗
Si la salariée, directeur général adjoint, a pu faire preuve de frilosité et de rigidité à fournir des informations à des personnes extérieures à l'entreprise à deux reprises et n'a pas sollicité d'instructions de sa hiérarchie en matière de communication aux partenaires concernant des difficultés financières de l'entreprise, ces comportements ne justifient pas son licenciement au regard de leur caractère insuffisamment répétitif ou significatif et de l'ancienneté importante de la salariée, plus de douze années, sans aucune sanction disciplinaire ou rappel à l'ordre officiel.
L'employeur a fait preuve de légèreté blâmable à l'égard de la salariée en annonçant son départ dans une note diffusée au personnel pouvant laisser croire que le licenciement à effet immédiat était dû à l'existence d'une faute grave. Le préjudice moral subi par la salariée du fait de ce licenciement vexatoire, eu égard à son ancienneté et aux responsabilités exercées, est réparé par l'octroi de la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Il n'y a pas lieu de retenir un harcèlement moral à l'égard de la salariée de la part d'un représentant de l'employeur, les quelques incidents, limités, qu'elle dénonce s'inscrivant dans un climat plus général de mésentente entre eux
Motifs🔗
TRIBUNAL DU TRAVAIL
AUDIENCE DU 24 JUILLET 2014
En la cause de Madame I. DE CA., demeurant : 1X à MANDELIEU (06210),
demanderesse, plaidant par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et ayant élu domicile en son Etude,
d'une part ;
Contre :
La société anonyme monégasque N, dont le siège social se situe : 2X à MONACO (98000),
défenderesse, ayant élu domicile en l'Etude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco substitué par Maître Sarah FILIPPI, avocat à la Cour d'Appel de Monaco,
d'autre part ;
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu la requête introductive d'instance en date du 5 avril 2012, reçue le 6 avril 2012 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 15 mai 2012 ;
Vu les conclusions déposées par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de Madame I. DE CA., en date des 14 juin 2012, 11 avril 2013, 5 décembre 2013 et 28 février 2014 ;
Vu les conclusions déposées par Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, au nom de la société anonyme monégasque N, en date des 8 novembre 2012, 3 octobre 2013, 6 février 2014 et 13 mars 2014 ;
Après avoir entendu Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, pour Madame I. DE CA., et Maître Sarah FILIPPI, avocat à la Cour d'Appel de Monaco, pour la société anonyme monégasque N, en leurs plaidoiries ;
Vu les pièces du dossier ;
* * * *
I. DE CA. a été employée par la société anonyme monégasque N, suivant contrat à durée indéterminée, à compter du 1er janvier 1999, et a exercé en dernier lieu les fonctions de Directeur général adjoint.
Par lettre du 10 novembre 2011, remise en mains propres le même jour, celle-ci s'est vue notifier son licenciement dans les termes suivants :
« Au cours de notre entretien du 4 novembre dernier, je vous avais informée de notre intention de mettre fin à vos fonctions, mais, pour vous permettre de réfléchir et de prendre conseil éventuellement, j'avais tenu à ce que vous disposiez de temps, avec dispense de l'exécution de vos fonctions, jusqu'à un nouvel entretien fixé à ce jour.
« Ce nouvel entretien avait pour objet de vous permettre de vous exprimer et notamment de me préciser vos attentes, dans ce contexte. Il m'a permis également de vous exposer les raisons de notre décision, que je vous rappelle brièvement.
« Dès notre premier entretien, je vous précisais que notre société était confrontée à une contraction de nos marchés, constatée par tous les acteurs du secteur des compléments alimentaires. Dans ce contexte, s'impose une révision de nos stratégies de développement, dont la définition impose une profonde introspection sur nos méthodes et moyens.
« Vous avez été évidemment sollicitée dans ces processus mais force a été de constater que votre attitude n'a pas toujours été celle que l'on pouvait attendre.
« Nombre d'informations, qui devaient être diffusées par vos soins, ne l'ont pas été, ou l'ont été de manière incomplète, alors que, dans l'autre sens, certains paramètres ou certaines réactions des équipes n'étaient pas correctement remontées auprès de l'équipe de direction.
« Dans ce contexte, nombre de questions, pour lesquelles vous étiez sollicitée, n'ont pas reçu une réponse ou celle-ci fut trop tardive. À plusieurs reprises, il a fallu un certain délai pour que les intéressés réalisent que vous n'auriez pas compris ce qui vous était demandé.
« Ces atermoiements, perçus par nombre de membres des équipes, ont été dommageables et ont introduit un doute sur votre degré d'adhésion aux démarches que j'ai engagées pour redynamiser nos entreprises.
« Le temps n'est plus à l'analyse de nos divergences éventuelles dans la conduite de changement dans nos entreprises. Il me faut rétablir, en cette période difficile de restructuration, une confiance dans le management, ce qui impose d'éliminer tous risques de malentendus, qui pourraient naître d'attitudes managériales insuffisamment cohérentes, notamment entre administrateurs et Directeur Général Adjoint.
« Or, je considère que tout ce qui précède a compromis sérieusement ma confiance, et celle de nos équipes, envers vous.
« Le constat de cette situation, exprimé plus ou moins directement par des membres des équipes, m'a amené à la décision de vous évincer de vos fonctions, après que j'aie exposé aux actionnaires certains faits et les préoccupations que cela entraînait.
« En conséquence, par la présente, je vous confirme ma décision, appuyée par les actionnaires, de mettre fin à votre contrat de travail. (…) » et a été dispensée son travail pendant la période de préavis de trois mois.
Soutenant que la rupture de son contrat de travail n'est pas fondée sur un motif valable et revêt un caractère abusif, I. DE CA. a, ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 14 mai 2012, attrait la SAM N devant le bureau de jugement du Tribunal du Travail à l'effet d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :
- 30.000 euros au titre du bonus 2011,
- 3.620,68 euros au titre du prorata du bonus 2012 (du 1er janvier au 13 février 2012),
- 4.271,58 euros à titre de solde d'indemnité de congédiement,
- 28.273,38 euros à titre d'indemnité de licenciement, déduction faite de l'indemnité de congédiement d'un montant total de 41.283,58 euros,
- 325.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
- 108.632,80 euros au titre de l'exécution abusive du contrat de travail,
avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure préalable du 25 janvier 2012.
Elle a également sollicité la délivrance du reçu pour solde de tout compte, de l'attestation Pôle Emploi, du certificat de travail et du dernier bulletin de salaire rectifiés, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ainsi que le prononcé de l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
À l'audience fixée par les convocations, les parties ont régulièrement comparu.
Puis, après 9 renvois intervenus à leur demande, l'affaire a été contradictoirement débattue lors de l'audience du 20 mars 2014 et le jugement mis en délibéré a été prononcé le 24 juillet 2014.
À l'appui de ses prétentions, I. DE CA. fait valoir que :
- dans le cadre de ses fonctions de Directeur général adjoint (occupées depuis le mois août 2000, régularisation par contrat du 1er janvier 2004 ; responsable marketing/export lors de son embauche par la SARL P 21 rachetée le 14 juin 1999 par la SAM N), elle était chargée de multiples missions : finance/compatibilité, logistique et approvisionnement, contrôle de gestion, logistique des ventes, ressources humaines, juridique, informatique, accueil et services généraux,
- si certaines tâches lui ont été confiées en application de plusieurs contrats de prestations de services, elle ne contrôlait pas le marketing, l'export, le scientifique et la stratégie (SAM H),
- s'il a pu être consultée et participer à des réunions dans des domaines spécifiques hors de sa compétence mais interagissant sur son propre scope de responsabilités, elle n'a jamais eu de pouvoir décisionnaire dans de telles circonstances,
- durant 13 années, elle a toujours donné entière satisfaction, en faisant notamment preuve d'un grand investissement et d'une loyauté sans faille,
- elle a été à l'origine de l'appel à l'aide de la maison mère compte tenu de la situation dramatique de la défenderesse, et a parfaitement accepté de collaborer avec e. BE. (dont l'intervention devait initialement être ponctuelle), lequel était prétendument chargé d'auditer la société pour en redresser les comptes dès le mois d'avril 2011 et n'a cessé de la déstabiliser pour prendre sa place (ce qui s'est d'ailleurs réalisé),
- le vendredi 4 novembre 2011, dans l'après-midi, lui a été remis en mains propres un courrier indiquant que l'employeur envisageait de mettre fin à son contrat de travail, en tirant prétexte du « contexte économique » et de « choix nécessaires pour préserver l'avenir et se repositionner pour une reconquête commerciale », qu'elle était convoquée à un nouvel entretien devant se tenir le 10 novembre 2011, dans les salons de l'hôtel N à Nice Arénas Aéroport, et se trouvait dispensée de présence dans l'entreprise à effet immédiat,
- confrontée à la soudaineté de cette décision, elle a précisé, par courriel du dimanche 6 novembre 2011, qu'elle serait néanmoins présente à son poste le lundi matin suivant afin de poursuivre ses missions et rendez-vous de travail déjà planifiés,
- par une correspondance remise en mains propres le lundi 7 novembre 2011, faisant suite à un échange de mails du même jour avec f. GA. (représentant de l'administrateur délégué de la SAM N), elle s'est vue confirmer sa dispense de présence « pour éviter de devoir communiquer avec les équipes la suspension opérationnelle de vos fonctions. Les termes de la lettre qui a vous a été remise étaient mesurés, par égard pour vous, mais les circonstances justifient que vous n'ayez plus aucune intervention, ni en interne, ni vis-à-vis de l'extérieur, jusqu'à nouvel ordre »,
- dans l'incompréhension la plus totale quant aux motivations de son employeur, elle a été contrainte de quitter l'entreprise non sans s'être enquise, avant son départ, de la suite à donner à ses missions urgentes,
- le 10 novembre 2011, elle s'est rendue à l'entretien à Nice au cours duquel la lettre de licenciement lui a été remise en mains propres (doublée d'un envoi en recommandé), les termes employés étant particulièrement vagues et imprécis pour conclure à une perte de confiance,
- elle a été autorisée à retourner le 14 novembre 2011 sur son lieu de travail afin d'y ranger son bureau et d'y récupérer ses effets personnels mais il lui a été interdit de communiquer sur le motif comme les circonstances de son départ, ce qui n'a pas manqué de susciter des rumeurs de faute grave,
- le motif de rupture ne revêt ni un aspect disciplinaire, ni un aspect économique, ce que le courrier du 4 novembre 2011 et surtout l'existence d'un plan de licenciement collectif (alors en préparation et depuis mis en œuvre) pouvaient laisser croire,
- le prétexte de la perte de confiance ne parvient pas à masquer l'absence de motif valable et la décision abusive de rupture (pour se débarrasser d'une salariée trop coûteuse), après qu e. BE. (non salarié, second représentant de l'administrateur, SAM H, depuis le 20 octobre 2011) ait échoué dans sa tentative de déstabilisation,
- une note de service, diffusée le jour même que la notification du licenciement, établi par Monsieur f. GA. (représentant de l'actionnaire majoritaire qui avait pris la Direction Générale quelques mois plus tôt après le départ de Monsieur LA.), mentionne : « Après plus de 10 ans passés au sein de la société, I. DE CA. a quitté ses fonctions. Avec effet immédiat, e. BE. prend en charge son rôle au sein de la compagnie »,
- les accusations scandaleuses voire diffamatoires de la défenderesse, qui ne reposent sur aucun élément sérieux, visent à la faire passer pour une intrigante avide de pouvoir, et ne sauraient effacer 10 années de loyauté et d'investissement sans faille,
- l'employeur n'hésite pas à faire attester e. BE. qui s'est chargé de la harceler pour prendre sa place (se faisait déjà passer avant son départ pour le responsable financier de la société auprès des clients et des fournisseurs),
- le mail interne de Monsieur LE. (resté 8 mois dans l'entreprise) du 4 avril 2008 ne peut avoir une quelconque valeur dans la mesure où celui-ci s'était mis à dos tout le personnel et l'actionnariat (commentaires similaires pour les autres membres du comité de direction qui ont été maintenus dans leurs fonctions ; elle était la seule employée qu'il envisageait de conserver en réorganisant ses responsabilités),
- d'autres courriels de Monsieur LE. démontrent qu'il la félicitait et la consultait régulièrement,
- elle n'a jamais agi dans son intérêt personnel pour prendre le pouvoir au sein de l'entreprise, a recommandé la délégation de y. RO. lors du départ de Monsieur LE. en août 2008, a assuré l'intérim de la Direction générale jusqu'au recrutement de J. LA. (arrivé en mars 2009), ce qui lui a valu un bonus de 45.000 euros et les félicitations de Monsieur f. GA.,
- s'agissant de la prétendue tentative d'obstruction, les pièces invoquées par la SAM N ne révèlent rien de tel : mail ancien du 16 juillet 2009 de f. SA. (qui se plaint d'un manque de communication et exprime son mécontentement suite aux remontrances du Directeur des ressources humaines de la SARL P qu'elle avait alerté concernant le prélèvement effectué à son insu, au profit de la filiale espagnole en difficulté de trésorerie, sur la seule autorisation de Monsieur f. GA., au mépris des règles de double signature et des échéances, lui imposant de ce fait de gérer l'incident de paiement survenu au détriment du fournisseur H), courriel du mois de mars 2010 (un an et demi avant le licenciement ; délais de traitement d'une semaine tout à fait corrects, compte tenu de l'importance de l'opération qui nécessitait de préparer les actes nécessaires en liaison avec le conseil juridique lequel avait fait part de ses inquiétudes ; professionnalisme en demandant la validation par le commissaire aux comptes), mail du 4 novembre 2010 (un an avant la rupture ; paiement vraisemblablement non effectué en raison des difficultés de trésorerie ; en l'absence d'éléments plus précis, difficile de donner plus d'explications ; courriel de Monsieur LA. du 28 septembre 2010 « j'en ai parlé avec François, c'est n'importe quoi » à propos des prélèvements effectués par d'autres sociétés du groupe à son insu), mail de mars 2011 de Monsieur LA. (question de la destruction de produits portant sur un montant de près de 2 millions d'euros, demande de confirmation écrite de sa hiérarchie), courriel de mars 2011 de Monsieur f. GA. (critique injustifiée ; elle devait rendre compte directement à son Directeur général, J. LA., lequel assurait la Transmission de l'information à l'actionnaire majoritaire représenté par Monsieur f. GA. voire à d'autres personnes du groupe comme Monsieur LO. LO. ; elle ne pouvait rendre compte à des personnes extérieures que sur instructions ; elle a entretemps trouvé les solutions financières adéquates), mail de mai 2011 (aucune obstruction ; appui sollicité concomitamment à la demande initiale du Directeur financier), courriel de juin 2011 (intervention d'un salarié de l'actionnaire majoritaire nécessitant une mise au point par écrit indépendamment d'une tentative d'obstruction), courriel d'août 2011 d e. BE. (codes informatiques demandés à son insu à Monsieur AU., salarié du service informatique placé sous sa responsabilité, si bien qu'elle a souhaité en connaître les raisons et les risques), mail du 1er août 2011 (elle a fourni une version actualisée de sa note le lendemain matin au lieu du soir ; simple et unique oubli de mettre Monsieur BE. en copie, tout comme ce dernier qui avait oublié de le faire précédemment), courriel du mois de septembre 2011 (concours bancaire ou factoring obtenu en 11 jours, au lieu des 5 exigés ; félicitations pour son efficacité), mail du 16 septembre 2011 (accusation injustifiée, fichier Excel envoyé et non du « raw data »), courriels des 28 septembre et 3 octobre 2011 (erreur de la banque, elle a procédé aux diligences), mail du 18 octobre 2011 (simple demande d'information ; autorisation sollicitée auprès de Monsieur BE. pour procéder à un paiement),
- concernant la prétendue tentative de « by passing », elle n'a jamais essayé de prescrire ses propres règles ou de s'imposer dans la gestion de dossiers ne la concernant pas, les pièces produites étant vides de sens : courriel de mars 2011 déjà évoqué, mail de Monsieur LA. d'avril 2011 (elle a bien sollicité l'«input» sur les ventes, réponse sèche en rapport avec sa relance urgente pendant qu'il était en séminaire ; échanges suivants cordiaux), courriel de mai 2011 (excuse de Monsieur BE. pour le malentendu ; solution qu'elle a proposée a été retenue), mail de septembre 2011 (instructions de Monsieur BE. comprises par elle et k. MA. de la même façon ; différence de traitement),
- à propos de sa prétendue incompétence dans ses fonctions managériales en situation de crise, il convient de relever qu'elle a trouvé des solutions en dépit des difficultés survenues avec le la société F liées au non-respect des engagements pris par le groupe SARL P totalement indépendant de sa volonté,
- en effet, elle a obtenu une ligne d'escompte d'un million d'euros auprès de la société U (félicitations du Directeur financier du groupe ; sa réactivité relevée par la banque),
- du factoring (afin de mobiliser les créances clients et disposer d'avances de trésorerie) a été mis en place avec GC, et son rôle ne peut être minimisé dès lors qu o. LI. n'est intervenu qu'en appui pour la maison mère après qu'elle ait mené de bout en bout ledit dossier avec le responsable comptable,
- le prêt du groupe SARL P de 2,7 millions d'euros a été obtenu de Monsieur LO. LO., non pas grâce à la mission d'audit d e. BE. mais sur son insistance pour faire face aux exigences de la société F,
- un échéancier a été accordé sans lettre de confort de l'actionnaire majoritaire mais elle s'était contentée de relayer la demande du prestataire, en dépit de l'opposition formelle de Monsieur BE.,
- les autres pièces invoquées ne pourront pas davantage être retenues : mails des 18 avril, 3 mai et 8 juillet 2011 (son courriel alarmiste n'était qu'une ultime tentative pour faire réagir l'actionnaire majoritaire afin qu'il offre a la société F la couverture attendue ; situation inquiétante en l'état des menaces de la société F et elle n'avait plus aucune solution à proposer), mail de juin 2011 (réaction d'humeur de Monsieur BE. suite à un malentendu), courriel du fournisseur SVP du 23 septembre 2011 (retard de paiement qui ne lui était pas imputable mais était lié aux difficultés de trésorerie ; elle n'était plus décisionnaire en l'état des priorités de règlement déterminées par e. BE. ; relations avec les fournisseurs globalement bonnes en dépit de la situation ; attestation partiale d o. LI. ; absence de lisibilité, de directive ou d'information faisait régner un flou à tel point que la question du message à délivrer par les salariés aux fournisseurs impayés a été évoquée lors de la réunion des délégués du personnel du 11 avril 2011), tableau reproduisant la dette échue des fournisseurs (baisse la plus importante de la dette intervenue entre juin et septembre 2011 ; fruits de son travail qui ont permis de résorber une grande partie de cette dette ; il ne peut lui être sérieusement imputé la situation financière de la société SAM N au regard de « sa » gestion, en l'état de la baisse significative du chiffre d'affaires entre 2008 et 2011),
- relativement aux prétendus problèmes de communication et de dénigrement de ses supérieurs, les arguties ne sont pas crédibles : mail de Monsieur LE., attestation de Monsieur BE. (son harceleur direct) établie pour les besoins de la cause, courriel du 10 mai 2011 de Monsieur LA. s. CA., organisateur de la réunion, devait s'assurer de la présence d'un membre de l'administration des ventes et s. FA. désignée à cet effet a pris la liberté de ne pas s'y rendre ; dès qu'elle a été avisée, elle a pris les choses en main), mail du 23 mai 2011 de Monsieur LA. (celui-ci qui était en préavis mettait un point d'honneur à défendre sa stratégie, ce qui explique le ton et les termes employés ; lancement des produits ne faisait pas partie de ses attributions ; elle a simplement donné son avis sur la demande de Monsieur LA. ainsi qu'il résulte du courriel du 20 avril 2011 de 12 heures 18),
- en définitive, le motif du licenciement n'est pas valable et le calcul de l'indemnité de congédiement doit tenir compte du bonus,
- la rupture est fondée sur un faux motif, en ce que l'employeur a souhaité l'exclure du plan de licenciement économique collectif dont les conditions financières lui auraient été plus favorables,
- outre le caractère insolite du lieu d'entretien qui lui a été imposé pour le 10 novembre 2011, les conditions brutales et vexatoires du congédiement résultent du fait qu'il lui a été demandé, par le courrier du 4 novembre 2011, de quitter l'entreprise le jour même, et qu'elle s'est vue interdire de se présenter sur son lieu de travail sans aucune raison en l'absence d'une mise à pied,
- les termes flous et contradictoires de la lettre du 4 novembre 2011 s'analysent en une nouvelle tentative de déstabilisation,
- l'entretien informel, qui a précédé la remise de cette correspondance (et ne constitue pas « l'entretien préalable »), s'est résumé à l'évocation de la situation préoccupante de la société défenderesse ayant amené Monsieur f. GA. à envisager la suppression de son contrat de travail, sans qu'il ait été question d'un quelconque grief personnel, en dépit du doute crée par la dispense de présence,
- sa venue le lundi matin au travail n'avait d'autre but, outre celui que lui dictait sa conscience professionnelle, que de préserver ses droits,
- le nouveau courrier relatif à sa dispense de présence a été rédigé dans des termes particulièrement durs, intimidants et aucun motif ne justifiait les menaces à peine voilées qu'il contenait,
- cette dispense s'apparente à une mise à pied conservatoire, alors qu'aucun fait fautif, a fortiori de nature à rendre impossible le maintien dans l'entreprise, ne pouvait lui être reproché,
- le départ précipité de son poste a alerté les équipes et son absence n'a fait qu'entretenir le doute ainsi que la suspicion de faute, aucune explication n'ayant été fournie par la Direction,
- elle aurait été rassurée de pouvoir assister à un entretien dans les locaux de l'entreprise, le cas échéant avec un délégué du personnel, et non dans un « lieu neutre » qui l'a encore déstabilisée,
- elle ne pouvait assurer sa défense, en l'état des termes particulièrement imprécis de la lettre de licenciement qui lui a simplement été lue,
- à sa demande, elle s'est vue autoriser à retourner sur son lieu de travail le 14 novembre 2011 pour ranger son bureau et récupérer ses effets personnels,
- il lui a été imposé d'être accompagnée du chef du personnel et formellement interdit de sortir de son bureau sans que cette surveillance rapprochée humiliante ne soit fondée (pièces adverses non objectives sur ce point),
- elle a pris le soin de signaler les dossiers en cours, qui nécessitaient un suivi immédiat, et Monsieur BE., pourtant présent dans les locaux, n'a pas cru devoir la rencontrer pour une quelconque passation d'informations ou la saluer,
- il lui a également été imposé de ne pas communiquer sur le motif ou les circonstances de son départ, en dépit de l'usage préexistant, à tout le moins pour dissiper les rumeurs de faute grave particulièrement préjudiciables à son image,
- son accès à la messagerie a été désactivé si bien qu'elle n'a pu adresser un courriel d'au revoir, étant relevé qu'elle n'a détruit aucun document stratégique,
- le 10 février 2012, à l'occasion de la restitution de son matériel professionnel, Monsieur BE., qui devait lui remettre son reçu pour solde de tout compte, n'a pas daigné se présenter et s'est fait substituer,
- licenciée abusivement à l'âge de 50 ans, ses chances de retrouver un emploi équivalent et dans les mêmes conditions salariales à Monaco sont quasi inexistantes,
- en dépit de ses démarches, de son inscription à Pôle Emploi et de la conclusion d'un contrat d'accompagnement avec l'organisme « E », elle n'a pas retrouvé de travail,
- son niveau de rémunération et son âge constituent indiscutablement un obstacle à son recrutement, et elle envisage de créer elle-même son emploi (formations en cours),
- la rupture est intervenue dans un contexte personnel particulièrement difficile puisque suite au décès de sa mère en août 2011, son père est également décédé peu avant Noël après une période d'hospitalisation,
- par ailleurs, la SAM N a méconnu son obligation de bonne foi en tentant de l'amener à quitter l'entreprise pendant plusieurs semaines pour finalement se résoudre à rompre le contrat de travail,
- il résulte des échanges d' e-mails que Monsieur BE. a cherché par tous moyens à la pousser vers la sortie,
- celui-ci, sans aucune légitimité, l'a informée de son rôle de « lead direct » sur les missions relevant de ses fonctions, et n'a pas hésité à répondre à sa place afin de la décrédibiliser auprès d'un important fournisseur,
- pour autant, son rôle n'était pas clair au regard de son intervention permanente, en dépit de l'absence d'un statut officiel ou d'une légitimité juridique,
- e. BE. n'a eu de cesse que de l'isoler et de l'exclure de toute discussion chaque fois qu'elle tentait de mettre en place une concertation,
- dès le mois d'août 2011, le ton s'est durci (reproche agressif du défaut d'exécution de travaux ne pouvant aboutir pour des raisons extérieures à l'entreprise, rappel à l'ordre pour des demandes exécutées, faute invoquée pour une période où elle était en congé, attitude tyrannique et menaçante, propos insultants et dénigrants),
- une pression constante s'était mise en place pour des demandes sans cesse urgentes, des instructions contradictoires étaient données et plus généralement son travail était mis en cause de manière continue,
- les agissements répétés de harcèlement moral commis avec la bénédiction (voire collusion) de l'employeur justifient sa demande en paiement de dommages et intérêts,
- le contrat de travail n'institue aucunement une faculté discrétionnaire quant au versement du bonus, dans la mesure où elle devait percevoir cette gratification en fonction de montants et modalités communiqués chaque année sous forme d'avenant,
- si elle a régulièrement perçu ses bonus, la défenderesse n'a pas fixé ses montants et modalités, ni procédé à son règlement pour l'année 2011 et pour l'année 2012 (au prorata),
- la SAM N ne rapporte pas la preuve de l'usage relatif à l'absence de paiement de cette gratification, même proratisé, lorsque l'employé n'est pas dans l'entreprise au 31 décembre de l'année concerné,
- les critères individuels d'attribution des bonus (PAB) ont été distribués aux employés au mois d'octobre 2011 et les bonus correspondants au mois de février 2012,
- elle n'a aucunement renoncé à la perception de cette gratification, aucun élément probant n'étant versé aux débats en ce sens,
- les engagements pris par Messieurs RO. et TR. ne peuvent que les concerner, alors que Monsieur RO., qui est administrateur, pouvait percevoir son bonus sous la forme d'indemnité d'administrateur, et que Monsieur TR. a quitté l'entreprise avant le 31 décembre 2011,
- l'employeur ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes sur la question, étant souligné qu'elle ne fixait pas elle-même ses propres PAB,
- les délégués du personnel ont dénoncé la communication tardive des PAB et la fixation à 50/50 entre les critères de résultats de la société (jugés inatteignables) et les objectifs individuels,
- suite à cette contestation, la défenderesse a finalement consenti à revenir à la répartition de l'année précédente (30 % résultats de l'entreprise, 70% objectifs individuels).
En réponse, la SAM N soutient pour l'essentiel que :
- ses administrateurs sont Monsieur RO., Madame GU., la SAM H, administrateur délégué, ayant pour représentant physique, e. BE., la société SARL P SA (actionnaire majoritaire), Président administrateur délégué, ayant pour représentant physique, f. GA.,
- f. GA. occupe le poste de « chief executive officer » au sein de la société SARL P SA et a en charge les missions de Directeur général à Monaco depuis le départ de J. LA.,
- au regard de sa situation financière, l'actionnaire principal a envoyé des collaborateurs du groupe sur place pour auditer la société, dresser un bilan et effectuer un compte-rendu mais également pour redresser la société au plus vite en envisageant les mesures permettant sa sauvegarde ainsi que le maintien du maximum d'emplois,
- cet audit a été réalisé par e. BE., compte tenu de ses fonctions au sein du groupe (Directeur corporate development au sein de la société SARL P SA), suite à l'appel lancé par I. DE CA., laquelle avait pour mission principale d'assurer la gestion financière après que les banques aient décidé de stopper leurs engagements,
- l'actionnariat avait perdu confiance en la direction opérationnelle, qui a été clairement informée qu'elle devait collaborer à 100% avec les personnes missionnées et leur communiquer toutes informations nécessaires,
- les tâches confiées à e. BE. étaient la supervision, le contrôle et la gestion des liquidités,
- celui-ci n'avait pas été désigné pour constituer des dossiers à charge contre les dirigeants en place ou évincer la demanderesse mais pour régulariser la situation économique, sa place étant parfaitement légitime,
- en effet, l'actionnaire principal a tout moyen d'agir dans une société filiale qu'il contrôle dans la mesure où il garantit sa survie par l'introduction de fonds,
- c'est ce qui a été le cas en l'espèce, puisque la société SARL P SA, après avoir obtenu une visibilité de la situation financière, a injecté des sommes d'argent en plusieurs échéances au moyen de son compte courant d'associé (premier versement le 13 mai 2011 puis échelonnement sur plusieurs mois, sous le contrôle d e. BE., pour un total sur l'année 2011 de 2,5 millions d'euros),
- l'absence de collaboration correcte et efficace de la salariée (seule réfractaire) avec les personnes envoyées par l'actionnaire principal a entraîné des dysfonctionnements inutiles dans la gestion des problèmes financiers, jusqu'à ce que les relations professionnelles se soient ébranlées et aient entraîné une perte de confiance dans le travail et la fiabilité de l'intéressée, étant relevé que la situation économique est désormais stable,
- si certaines missions ne relevaient pas de la compétence contractuelle d I. DE CA., celle-ci avait institué une politique interne, en décidant d'être présente et au courant de l'ensemble des dossiers, et ce, jusqu'à s'imposer dans toutes les réunions collectives et à communiquer son avis sur tous les sujets,
- lors de l'intervention accrue de l'actionnaire principal en temps de crise, la demanderesse a perdu sa place prépondérante dans les décisions (ce qu'elle a eu du mal à accepter), si bien qu'il s'en est suivi des comportements d'obstruction avérés mettant en péril la communication interne et la gestion des dossiers sensibles,
- après le départ de J. LA., f. GA. a pu constater que la salariée n'apportait pas toute la coopération souhaitée,
- le modèle de gestion nécessitait d'être revu pour tendre vers des décisions et actions plus rapides, de manière énergique et stricte, sur tous les dossiers, et imposait une implication profonde engageant personnellement tous les acteurs,
- cependant, I. DE CA. n'a pas changé d'attitude et ne cachait pas sa distance avec les directives au quotidien,
- suite à l'audit d e. BE., il est apparu nécessaire de renforcer la rigueur dans la gestion financière,
- la demanderesse se devait ainsi d'appliquer, dans les délais impartis, les politiques mises en œuvre par l'actionnaire principal et la Direction générale,
- les interférences alors constatées, la gestion managériale inadaptée, les retards et les obstructions - en dépit des rappels assimilés à du harcèlement - ainsi que le manque de compétence de la salariée à gérer la crise, l'ont conduit à prononcer la rupture,
- la procédure de licenciement a débuté le 4 novembre 2011 par la tenue d'un entretien informel dans les locaux de l'entreprise afin de préciser les points reprochés et recueillir les observations,
- I. DE CA. ne pouvait ignorer les griefs en l'état des multiples rappels à l'ordre laissant entendre que la collaboration ne fonctionnait pas,
- aux termes de cet entretien, f. GA. a précisé par écrit les éléments évoqués et le fait qu'il était envisagé de mettre fin au contrat de travail dès lors que « le contexte économique, et plus particulièrement nos marchés, mettent la société face à des choix nécessaires pour préserver l'avenir et se repositionner pour une reconquête commerciale »,
- cette phrase faisait référence aux obstructions perpétuelles de la demanderesse, qui retardaient systématiquement la mise en place de projets importants et nécessaires à la « reconquête commerciale », ainsi qu'à ses difficultés à prendre des décisions managériales rapides et efficaces pour faire face à la crise, mais ne laissait nullement présager une rupture pour motif économique,
- il était difficile de préserver l'avenir et d'appliquer la politique des managers, en présence de la salariée dont l'action ne pouvait qu'éloigner le moment où la situation deviendrait équilibrée,
- c'est à tort qu I. DE CA. annonce une discussion sur la suppression de son poste,
- le courrier remis en mains propres à la demanderesse, qui n'exposait que de manière très introductive les griefs, l'a convoquée également à un entretien au 10 novembre 2011 (date butoir pour la dispense de présence) et lui a notifié une dispense d'exécution du contrat de travail sans perte de salaire,
- en l'état du manque de confiance et des faits reprochés, elle ne pouvait maintenir la salariée dans l'entreprise dans l'attente d'une décision,
- dans ces conditions, elle pouvait également éviter d'effectuer une communication encore incertaine aux équipes,
- malgré cette dispense de présence claire, I. DE CA. a décidé de se présenter à son poste le lundi 7 novembre 2011, ce comportement loin d'être professionnel visant à déstabiliser la Direction générale en lui objectant un affront,
- f. GA. n'étant pas présent dans les locaux à Monaco, il a dû mandater le responsable des ressources humaines, Monsieur DE RO., pour remettre à la demanderesse un ordre de dispense de présence,
- f. GA. n'a pu que forcer le ton de ses propos en précisant que cette dispense était nécessaire dans la mesure où les circonstances justifiaient que la salariée ne procède plus à aucune intervention en interne et en externe,
- cette décision était une mesure de protection et il était légitime de penser qu'une présence continue d I. DE CA. dans les locaux aurait pu mettre en péril la communication faite aux équipes ou aux partenaires,
- en cas d'entêtement de la demanderesse, il aurait été nécessaire d'aviser les tiers de la suspension afin que chacun soit vigilant quant aux éventuelles actions malveillantes qui auraient pu être tentées (manque de confiance et de loyauté, éviter débordements),
- la salariée avait tout le temps nécessaire (4 jours ouvrés) pour prendre conseil (ainsi qu'elle a dû le faire conformément à son message en ce sens), et s'est présentée dans un lieu neutre pour un nouvel entretien,
- cette précaution visait à préserver les droits d I. DE CA. disposant d'un poste à responsabilités et d'éviter une mesure vexatoire,
- aucune obligation légale n'impose de proposer l'assistance d'un délégué du personnel, qui aurait parfaitement pu intervenir à la demande de la salariée, qui connaissait bien les procédures de licenciement,
- la demanderesse a accédé le lundi 14 novembre 2011 (de 10 heures à 22 heures) aux locaux afin de clôturer ses dossiers et récupérer ses affaires personnelles, sans restriction aucune, si ce n'est celle de communiquer sur sa situation (requête légitime afin de ne pas susciter de doute chez les partenaires sur la fiabilité de l'entreprise), et sans contrôle permanent (attestation de Monsieur DE RO., mail de Monsieur f. GA.),
- les pièces adverses n° 76 à 80 établissent que les employés concernés n'évoquent pas les raisons de leur départ,
- elle ne remet nullement en question l'investissement passé et le travail fourni mais estime que l'attitude négative d I. DE CA. a généré des déviances dans son travail et dans l'utilisation de sa position hiérarchique,
- le congédiement précédant le plan social n'avait pas pour objet d'écarter la demanderesse de la mesure collective mais d'éviter une campagne de communication à l'égard des collaborateurs et partenaires (renseignements les plus positifs possibles en période difficile),
- l'implication de la salariée dans la procédure de licenciement collectif n'aurait pu que la déstabiliser du fait du comportement alarmiste, du refus d'obtempérer et des avis négatifs qui auraient pu être diffusés quant à l'action des actionnaires dans la gestion de la société,
- l'ancienneté certaine d I. DE CA. et son investissement passé ne peuvent constituer une excuse s'agissant de fautes démontrant une attitude dangereuse pour l'entreprise,
- la demanderesse ne peut méconnaître la règle selon laquelle les bonus ne sont jamais versés aux employés non présents dans l'entreprise au 31 décembre de l'année concernée,
- en 2012, la salariée était en préavis non effectué et n'a réalisé aucun travail effectif ou contribué à la réalisation d'objectifs personnels, en sorte que la somme réclamée ne pourra lui être octroyée,
- les bonus 2011 ont été annoncés et versés tardivement au regard de la situation économique particulière (PAB reçus tardivement et bonus réglés en février 2012 au lieu de janvier),
- ces gratifications n'ont été calculées que sur les critères personnels, les objectifs « société » n'ayant pas été atteints (question évoquée en réunion des délégués du personnel le 17 janvier 2012),
- I. DE CA. a renoncé à son bonus pour l'année 2011 ainsi que le prouve sa pièce n° 2 (tous les membres du comité de direction y ayant renoncé),
- Messieurs RO. et TR. n'ont pas bénéficié de cette gratification, tout comme la demanderesse,
- en tout état de cause, la somme de 30.000 euros ne peut être exigée dès lors que les montants sont distincts chaque année, sont inscrits sur la feuille de PAB annuelle et dépendent des objectifs réalisés,
- en réalité, en janvier 2011, la salariée n'a obtenu que 16.500 euros sur les 30.000 euros visés dans le PAB,
- le motif de rupture est parfaitement valable et ce d'autant que les pièces établissent la mauvaise gestion de la fonction et l'insubordination, qui compromettaient la relation de confiance à l'égard d'une employée occupant un poste à responsabilité,
- l'e-mail de Monsieur LE., ancien Directeur général, est révélateur du comportement qui sera constaté ultérieurement par les futurs Directeurs, étant précisé que ce dernier n'a formulé que des encouragements et consultait logiquement son Directeur général adjoint,
- s'agissant de la tentative d'obstruction, le Tribunal ne pourra que constater la difficulté d I. DE CA. à se conformer aux instructions et à respecter ses obligations contractuelles dans le cadre du lien de subordination : courriel de juillet 2009 (problème de communication ; virement accompli par Monsieur f. GA. seul en l'état du refus de communiquer depuis des mois), mail de mars 2010 (retard pour la transmission de documents), courriel de novembre 2010 (règlement des frais de gestion non effectué, relance et rappel des urgences ; pièce adverse n° 44 sans valeur probante puisque les sujets en cause avaient été validés), mail de mars 2011 (demande de confirmation supplémentaire en dépit du fait que la question avait été évoquée en réunion et que l'instruction de Monsieur LA. avait été validée y compris par écrit), pièce n° 10 (instructions préalablement reçues en réunion et par courriel ; rappels à l'ordre), pièce n° 13 (la perte de confiance a conduit le Directeur financier du groupe à prendre contact avec f. GA. et e. BE. pour « appuyer l'envoi des fichiers demandés »), pièce n° 17 (nouvelle intervention d e. BE. pour obtenir le respect des procédures et faciliter le travail d o. LI., responsable trésorier du groupe ; l'immixtion de l'actionnaire majoritaire dans la gestion financière est justifiée, les salariés devant s'y conformer ; la pièce adverse n° 84 révèle le manque de communication de la direction locale et fait appel à l'actionnaire principal pour répondre à ses interrogations), pièce n° 20 (ralentissement construit pour repousser l'accès à une base de données informatiques ; point préalablement discuté), pièce n° 21 (retards pour obtenir des informations en vue du futur plan social ; délais fixés depuis longtemps), pièce n° 22 (rappel pour qu e. BE. soit en copie des mails), courriel du 16 septembre 2011 (insistance d e. BE. pour obtenir des renseignements ; retards ; fichier communiqué sous une forme visant à bloquer l'avancée des dossiers ; pièce adverse n° 49 : aucune démonstration qu'il s'agirait d'un fichier EXCEL et le document ne correspondait pas à la demande initiale), pièce n° 27 (quelle que soit l'origine de la faute, f. GA. a été directement informé de la difficulté ; mail placé dans la boîte des courriels indésirables d I. DE CA., en dépit des contacts multiples avec la banque), courriel du 18 octobre 2011 e. BE. exigeait à nouveau des renseignements avant de pouvoir prendre sa décision),
- la demanderesse effectuait également des tentatives de by passing afin d'imposer ses propres règles : pièce n° 10 (rappel en vue de la collaboration avec l'actionnaire principal en dépit de la volonté de la salariée d'imposer ses propres décisions), pièce n° 12 (rappel à l'ordre pour éviter une intervention ou des décisions à la place de J. LA. ; immixtion ; aucun avis sollicité), mail de mai 2011 (volonté d I. DE CA. d'imposer ses choix sur la question du choix des locaux ; pièce adverse n° 53 : expression d'un agacement d e. BE. qui doit à nouveau poser par écrit les points précis attendus pour évaluer une situation), pièce n° 28 (la demanderesse tente d'effectuer des paiements sans l'aval de la hiérarchie ; rappel à l'ordre ; aucune distinction avec Madame MA., pièce adverse n° 55 ; ton employé durci en raison de la perte de temps et de l'agacement grandissant lié à la nécessité de se répéter et recadrer une collaboratrice refusant de se soumettre à la nouvelle organisation),
- en situation de crise, les compétences professionnelles de la salariée étaient limitées,
- I. DE CA. se prévaut de la ligne d'escompte obtenue de la société U (suite au désengagement la société F ; limitée à 1 million d'euros, insuffisante) mais il apparaît que la gestion correcte de la trésorerie n'a été rendue possible que par la réalisation du factoring GC,
- il convient de distinguer le premier factoring pour les clients export (aux alentours de 1,5 million de chiffre d'affaires), impulsé et effectué par la demanderesse, qui a finalement été dénoncé en 2012, faute de souscription des clients exports ou d'une assurance I, et le second factoring signé le 8 septembre 2011 grâce au travail de Monsieur o. LI. (pièces adverses n° 47 ; clients France pour un chiffre d'affaires de 20 millions d'euros),
- le prêt du groupe a été effectué grâce à la mission d'audit d e. BE., alors que l'échéancier a été accepté sans lettre de confort contrairement aux affirmations de la salariée,
- I. DE CA. se mêlait de dossiers sensibles dans lesquels elle n'était pas décisionnaire mais était dans l'incapacité de fournir des propositions ou solutions aux problèmes relevant de ses fonctions,
- la demanderesse avait pris l'habitude d'évoquer par mail parfois de manière alarmante les problèmes de gestion qu'elle rencontrait et attendait qu'on lui donne les solutions (pièces n° 6, n° 11, n° 18, n° 19),
- dans le cadre d'un dossier de retard de paiement d'un fournisseur ayant conduit aux menaces d'un partenaire (SVP services collectifs), la salariée n'a fait preuve d'aucune anticipation,
- les fournisseurs se plaignaient de n'avoir aucune nouvelle ou réponse à leurs demandes de la part d I. DE CA. pendant des semaines, de telle sorte qu'un temps a été nécessaire pour rétablir la situation,
- la demanderesse ne peut valablement se justifier en précisant qu'elle ne traitait directement qu'avec un nombre réduit d'entre eux,
- o. LI. s'est rendu auprès des fournisseurs pour rétablir la communication ainsi que les échéanciers et atteste des difficultés rencontrées par la salariée (pièce n° 34), alors que toutes les questions relevaient du département de l'intéressée,
- e. BE. n'a été missionné en avril 2011 que pour réaliser un diagnostic financier global, si bien qu'il ne pouvait à cette époque donner des directives ou informations aux collaborateurs sur le choix des règlements,
- après le départ d I. DE CA., la régularisation des dossiers s'est effectuée rapidement,
- si au lieu de contrer le travail permanent de la Direction générale, la demanderesse avait accepté de collaborer, la réduction des dettes aurait été plus simple ou plus rapide,
- la salariée rejetait toute autorité, souhaitait maintenir sa place prépondérante dans la gestion de l'entreprise, refusait de modifier son modèle de gestion et faisait obstruction aux changements,
- l'attitude d'affront à l'égard de toutes les directions est indéniable (Monsieur LE., attestation BE. à propos de f. GA., e. BE. harceleur, J. LA. : pièce n° 16)
- les mails versés aux débats établissent l'agacement général et les demandes répétées, pas seulement de Monsieur BE.,
- au mois de mai 2011, I. DE CA. a tenté de ne pas laisser l'équipe d'administration des ventes participer à des réunions au sein desquelles sa place était pourtant plus que nécessaire (courriel de J. LA.) et se défausse une fois encore sur Monsieur m. TR.,
- le comportement de la demanderesse était devenu préjudiciable à l'entreprise laquelle ne pouvait plus perdre de temps face à ses problèmes de trésorerie,
- le départ de la salariée est dès lors intervenu dans un but de sauvegarde et ce d'autant qu'aucun contrôle sur la communication qu I. DE CA. aurait pu faire à propos du plan social n'était possible,
- la gestion des fonctions de la demanderesse a été provisoirement effectuée par e. BE. et s'est poursuivie jusqu'à apurement des dettes /remise à niveau des comptes,
- le motif de rupture est parfaitement valable et aucun abus ne peut lui être reproché (absence de brutalité et annonce respectueuse du congédiement, équilibre entre le respect de la personne de la salariée et la préservation des intérêts de l'entreprise),
- s'agissant de la prétendue exécution abusive du contrat de travail, les demandes d e. BE. sont devenues aussi hâtives et pressantes que les urgences pour la sauvegarde de l'équilibre économique de la société,
- une recherche de collaboration et non une volonté de déstabilisation doit être relevée, tandis qu I. DE CA., dont la démission n'a jamais été évoquée, n'a pas été écartée,
- les faits dont e. BE. est accusé relèvent du simple recadrage et de l'attente de réponse face à des demandes répétées ou du respect des délais (qui n'étaient pas restreints),
- Monsieur BE. a fini par perdre patience, tout comme d'autres dirigeants (pièces n° 4, 5, 6, 9, 20, 23, 29, demande de confirmation sur des sujets validés),
- le volume de mails s'explique par le fonctionnement de la demanderesse qui rédige tout par écrit, demande des multitudes de validations et précisions, en sorte qu'elle ne peut se prévaloir d'un phénomène qu'elle a elle-même engrangé.
SUR QUOI,
I) Sur les bonus
Le « contrat de travail » signé par les parties le 1er janvier 2004 (contrat de travail antérieur poursuivi conformément aux dispositions de l'article 15 de la loi n° 729 du 16 mars 1963) précise que la demanderesse « bénéficiera également d'un bonus de fin d'année dont les montants et modalités seront définis par la Direction Générale de l'entreprise et communiqués chaque début d'année à Mademoiselle I. DE CA. sous forme d'avenant à l'annexe du présent contrat (…) ».
Aucun élément probant ne permet de considérer que la salariée aurait renoncé à son droit au bonus, la circonstance que Messieurs TR. (dont le Tribunal ignore la date de départ de l'entreprise) et RO. aient, le cas échéant, renoncé à une telle gratification (conditions contractuelles ignorées pour leur part) ne pouvant être opposée à la demanderesse, quand bien même ils faisaient tous partie du comité de direction.
De plus, il apparaît qu I. DE CA. n'a pas reçu notification (y compris tardivement comme les autres employés) pour l'année 2011 du document intitulé PAB (fixant les critères de versement et le montant à régler en fonction de la réalisation d'objectifs), contrairement aux années précédentes et en violation des dispositions contractuelles précitées, peu important que l'intéressée soit habituellement à l'origine de l'établissement dudit document pour les autres salariés. En conséquence, elle est fondée à réclamer le même bonus que celui versé pour l'année 2010 (absence de démonstration de la réalisation d'objectifs supérieurs sur la base de ceux fixés en 2010), soit la somme brute de 16.500 euros (bulletin de salaire du mois de janvier 2011, objectifs partiellement atteints) - bien qu'elle aurait pu obtenir un montant maximum de 30.000 euros (ainsi qu'il résulte du document PAB pour l'année 2010) - et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2012 (date de la réception de la requête initiale par le secrétariat du Tribunal du Travail, la lettre du 25 janvier 2012 ne valant pas mise en demeure du paiement des bonus) et sous le bénéfice de l'exécution provisoire (salaires).
Toutefois, le « contrat de travail » précité ne prévoit aucunement le paiement prorata temporis du bonus dans l'hypothèse où I. DE CA. quitterait l'entreprise avant la date de son versement (indépendamment de la question de la présence dans l'entreprise à une date donnée), alors que la demanderesse ne rapporte pas davantage la preuve, qui lui incombe à cet égard, de l'existence d'un usage en ce sens, de telle sorte que la demande formée au titre du bonus de l'année 2012 n'a pas lieu de prospérer.
II) Sur la validité du motif du licenciement
Il appartient à l'employeur d'établir la réalité et la validité des motifs qui ont été à l'origine de la décision de rupture.
En l'espèce, le Tribunal va analyser les différents griefs précisés par la SAM N aux termes de ses écritures judiciaires et évoqués par rubrique, quand bien même ils ne sont pas apparus aussi clairement aux termes de la lettre de licenciement.
Sur la tentative d'obstruction
S'il est exact que les mails des 16 et 17 juillet 2009 (pièces n° 5 et 6 de la défenderesse) sont révélateurs d'une difficulté de communication et d'une certaine obstruction de la salariée concernant la gestion centralisée de la trésorerie, ils ne peuvent, au regard de leur ancienneté et de l'absence de sanction disciplinaire prise sur ce point, que venir conforter l'existence de faits plus récents, directement à l'origine de la décision de rupture.
S'agissant des courriels des 29 et 30 mars 2010 (pièces n° 7 de l'employeur), I. DE CA. s'est expliquée sur le délai court octroyé pour la communication des documents demandés, tout en mettant en exergue l'importance de l'opération et l'avis sollicité auprès de Monsieur P., en sorte que la présente juridiction ne peut pas en tirer de conséquence particulière en l'absences d'éléments plus précis.
Le mail du 4 novembre 2010 de d. LO. (pièce n° 8 de la défenderesse) rappelle à la demanderesse que la société SARL P SA est en attente d'un règlement des frais de gestion, nécessaire pour le paiement des salaires, sans qu'une faute puisse être clairement imputée à la salariée, étant relevé que le commentaire de J. LA. du 28 septembre 2010 (courriel de 12 heures 27) est équivoque quant à la position de la SAM N à l'égard des demandes de d. LO..
Le fait que la demanderesse ait sollicité une confirmation écrite pour la destruction de produits d'un montant de deux millions d'euros (pièce n° 9 de l'employeur) ne peut lui être reproché compte tenu de l'importance de l'enjeu et ce d'autant que si cette question a été discutée oralement, la salariée n'a manifestement pas été destinataire du courriel de validation adressé à J. LA..
Si I. DE CA. évoque, dans un mail du 7 mars 2011 (pièce n° 10 de la défenderesse), être dans l'attente d'une confirmation finale pour aviser le Directeur financier du groupe d'un accord pris avec la société F, les arguments développés par la demanderesse aux termes de ses écritures judiciaires (quant à la transmission d'informations à des personnes extérieures à l'entreprise) viennent témoigner d'une certaine frilosité à communiquer (ainsi que f. GA. en fait grief dans son courriel antérieur du même jour) avec des personnes parfaitement légitimes au sein du groupe et pour l'actionnaire majoritaire, qui est également le Président administrateur délégué de la SAM N (sans qu'il puisse être question d'une quelconque immixtion).
Les courriels du 9 mai 2011 de D. L. et e. BE. (pièce n° 13 de l'employeur) ne permettent pas d'établir une crainte d'obstruction à l'égard de la salariée et peuvent parfaitement s'expliquer par la volonté de trouver des solutions efficaces pour améliorer la collaboration.
Bien que le mail « bombe » d e. BE. du 16 juin 2011 (pièce n° 17 de la défenderesse) clarifie, dans le cadre d'une « guerre ouverte » avec I. DE CA., le rôle de l'intervenant o. LI. (en dehors d'une quelconque méconnaissance avérée des règles monégasques relatives à la déclaration d'une activité salariée), il ne suffit pas à considérer que la demanderesse aurait adopté un comportement professionnel réfractaire (indépendamment de la demande de clarification écrite visant à se protéger d'éventuelles difficultés juridiques qui relèveraient en réalité de la seule responsabilité de l'actionnaire majoritaire), alors qu'il est l'expression d'une mésentente entre les intéressés.
L'échange de courriels entre I. DE CA. et e. BE. entre le 29 juillet et le 1er août 2011 (pièce n° 20 de l'employeur) révèle que la salariée n'a pas apprécié que ce dernier puisse la court-circuiter et solliciter directement des renseignements auprès d'un des employés placés sous sa responsabilité, étant toutefois souligné que la requête en cause (informations d'identification pour accéder au réseau SAM H) n'avait pas de caractère exceptionnel et que la question de la sécurité est exagérée notamment à l'égard d'un auditeur envoyé par le groupe ou l'actionnaire principal. Le Tribunal estime sur ce point que la demanderesse a fait preuve d'une certaine rigidité en n'acceptant pas rapidement de faire droit à la communication sollicitée.
Cependant, le retard minime (pièces n° 21 de la SAM N et 47 de la salariée) pour la mise à jour d'une note et l'oubli isolé pour la mise en copie de Monsieur BE. (pièce n° 22 de la défenderesse) ne constituent pas la preuve d'une incompétence ou d'une volonté de mise à l'écart. La présente juridiction n'est pas davantage en mesure d'apprécier la durée normale pour l'obtention d'un factoring. Il n'est pas clairement démontré qu I. DE CA. n'aurait pas envoyé le fichier réclamé par e. BE. (pièces n° 24 de l'employeur et 49 de la demanderesse). La pièce n° 27 produite par la SAM N ne permet pas de considérer que la salariée aurait commis une faute (question non clarifiée de l'origine du problème ; difficulté technique sur l'absence de réception du mail de la banque par I. DE CA.). Le mail du 18 octobre 2011 (pièce n° 29 de la défenderesse) n'est pas symptomatique d'une quelconque rétention d'informations et ce que d'autant qu e. BE. n'aurait pas manqué de le souligner.
Sur la tentative de « by passing »
La pièce versée aux débats par l'employeur sous le numéro 12 n'établit aucune volonté de la demanderesse d'imposer ses choix, celle-ci ayant sollicité l'« input » de son supérieur et se contentant d'expliquer la méthode utilisée avec laquelle J. LA. n'était pas d'accord.
L'évocation d'un malentendu (mail d e. BE. du 20 mai 2011, pièce n° 15 de la défenderesse) n'apparaît pas ironique et l'échange entre les intéressés démontre une incompréhension, tout comme la pièce n° 28 produite par la SAM N.
Sur l'incompétence dans les fonctions managériales en temps de crise
Les mails « alarmistes » dont se prévaut l'employeur (ses pièces n° 11, 19) ont été établis dans le contexte particulier où la société F souhaitait certaines régularisations pour maintenir son soutien financier, alors qu'il n'est pas invoqué le type de solutions que la salariée aurait pu concrètement proposer en cette période difficile (pièce n° 18 d I. DE CA.).
L'attestation d o. LI. évoque les plaintes des fournisseurs quant à des problèmes de communication (absence de réponse aux mails envoyés, réponses floues et peu crédibles sur les raisons des retards de paiement et les potentielles dates des règlements futurs) et la pièce n° 25 (fournisseur SVP) produite par la défenderesse vient la conforter. Même si l'entreprise était à cette époque confrontée à des difficultés financières réelles, il appartenait à la demanderesse de solliciter des instructions de la part de sa hiérarchie afin de déterminer la nature et le contenu des réponses qui devaient être faites aux partenaires, ce que les employés ont d'ailleurs sollicité en vain lors d'une réunion du 11 avril 2011 (sans rapport avec l'intervention d e. BE. arrivé en avril 2011), indépendamment de la question de l'ordre des fournisseurs.
Le tableau de l'évolution des dettes échues fournisseurs n'a pas lieu d'être examinée avec plus de précisions, dès lors qu'il n'est pas démontré que la situation en cause serait la conséquence directe des agissements ou abstentions de la salariée.
Problème de communication et dénigrement des supérieurs, communication préjudiciable à la société
L'attestation d e. BE. ne peut être examinée dans la mesure où celui-ci est le représentant d'une personne morale, administrateur délégué de la SAM N.
La question de l'absence de représentation de l'administration des ventes lors d'une réunion (pièce n° 14 de l'employeur) est un évènement isolé et la difficulté a été réglée par I. DE CA. lorsqu'elle en a été avisée.
La pièce versée aux débats sous le numéro 16 par la SAM N ne révèle pas un quelconque refus catégorique à une demande d'informations, la demanderesse s'étant contentée de répondre à son supérieur sur l'avis sollicité.
Le courriel du F. LE.. du 4 avril 2008 n'apparaît pas pertinent en raison de son ancienneté et des critiques qui concernent l'ensemble des membres de la Direction.
En définitive, le Tribunal estime que les seuls éléments probants susévoqués (frilosité et rigidité à fournir des informations à des personnes extérieures à l'entreprise en mars 2011 et août 2011, absence de sollicitation d'instructions de la part de sa hiérarchie en matière de communication aux partenaires relativement aux difficultés de paiement) ne justifient pas le licenciement, au regard de leur caractère insuffisamment répétitif ou significatif et de l'ancienneté importante de la salariée qui n'a jamais fait l'objet de la moindre sanction disciplinaire ou d'un rappel à l'ordre officiel.
Le motif de rupture ne peut dès lors être considéré comme valable.
En conséquence, I. DE CA. est fondée à obtenir paiement de :
- la somme de 12.454,11 (salaire de référence calculé sur 12 mois incluant le bonus de 16.500 euros et l'avantage plan retraite) x 1/5 x (13 +1/12) + 12.454,11 x 2/15 x (3 +1/12) - 37.012 = 37.708,27 - 37.012 = 696,27 euros, à titre de complément d'indemnité de congédiement, avec intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2012,
- la somme de 11.075,95 x 6 = 66.455,70 euros à titre d'indemnité de licenciement (limitée à six mois de salaire), de laquelle il convient de déduire l'indemnité de congédiement non cumulable (37.708,27 euros), soit un solde de 28.747,43 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement.
III) Sur le caractère abusif de la rupture
Il appartient à la salariée de rapporter la preuve de l'abus commis par l'employeur dans l'exercice de son droit unilatéral de rupture.
La correspondance du 4 novembre 2011 permet d'entrevoir une connotation personnelle malgré la référence superfétatoire au contexte économique et ce d'autant qu'un entretien exposant les raisons du projet de licenciement a bien eu lieu de manière informelle. La dispense de présence (qui ne relève d'aucune intention de nuire) peut également s'expliquer par la crainte de la défenderesse des conséquences de l'annonce des griefs personnels en cause.
Le courriel par lequel I. DE CA. annonce qu'elle reviendra à son poste le lundi 7 novembre 2011 ainsi que sa présence sur le lieu de travail à cette date constituent indéniablement une atteinte au pouvoir de direction de la SAM N, qui pouvait parfaitement dispenser la demanderesse de venir travailler jusqu'à un prochain entretien, tout en lui maintenant sa rémunération. En conséquence, la lettre du 7 novembre 2011, même si elle est plus ferme que le précédent courrier tout en demeurant mesurée, se contente de réaffirmer la décision de dispense de présence au regard de la résistance dont la salariée a fait preuve et vient confirmer le caractère personnel de la rupture envisagée.
De plus, si le lieu d'organisation de l'entretien du 10 novembre 2011 peut apparaître insolite et sans rapport avec les pratiques habituelles en la matière, aucun élément ne permet de considérer que cette circonstance aurait porté atteinte aux droits de la salariée, laquelle a disposé du temps nécessaire pour prendre conseil et aurait pu être assistée si elle le souhaitait.
Ainsi, aucun abus ne peut être relevé sur ces points, alors que les éléments de preuve ne suffisent pas à conclure que le motif de la rupture serait en réalité d'ordre purement économique (prétexte de fautes) et que la difficulté de la demanderesse à accepter l'intervention de l'actionnaire majoritaire (collaborateurs extérieurs, informations) résulte bien des pièces versées aux débats.
En outre, les circonstances de la rupture ne révèlent pas de brutalité et ce d'autant qu I. DE CA., qui rencontrait des difficultés récurrentes avec e. BE., ne pouvait ignorer qu'elles étaient susceptibles d'avoir une incidence sur sa carrière, au regard de la nature des reproches régulièrement formulés par ce dernier et du soutien dont il bénéficiait de la part de la hiérarchie.
Par ailleurs, il n'est pas établi que la demanderesse aurait subi une surveillance accrue ou des humiliations lors de son retour sur le lieu de travail le 14 novembre 2011, le témoignage de Monsieur DE RO. ou le courriel de f. GA. du 11 novembre 2011 évoquant au contraire la souplesse voulue et octroyée. Le fait qu e. BE. n'ait pas souhaité rencontrer la salariée à cette occasion ou lors de la remise du reçu pour solde de tout compte ne peut en aucun cas être critiqué, étant relevé que ce dernier se privait lui-même d'informations pertinentes pour la poursuite de son travail.
Cependant, le Tribunal estime que la communication menée par la défenderesse (qui était seule à pouvoir la réaliser, en l'état de la restriction, non critiquable en elle-même, imposée à la demanderesse quant à l'évocation des raisons de son départ), dans le contexte susévoqué, n'était pas satisfaisante et pouvait laisser penser au personnel que la salariée avait commis une faute grave. La note du 10 novembre 2011 de f. GA. mentionne en effet « Chers tous, après plus de 10 ans passés au sein de la société, I. DE CA. a quitté ses fonctions. Avec effet immédiat, e. BE. prend en charge son rôle au sein de la compagnie. Eric assurera la continuité dans la gestion des missions administratives et financières. Il gèrera également les nouveaux défis dans ces domaines d'activité. Je vous associe à mes remerciements envers Isabelle pour le dévouement dont elle a fait preuve depuis le lancement de la SAM N. Je vous remercie aussi pour le support que vous donnerez à Eric dans ses nouvelles fonctions. (…) ». L'employeur a dès lors fait preuve de légèreté blâmable.
En conséquence, le préjudice moral subi par la demanderesse à cet égard (vexation liée aux informations insuffisantes données lors de l'annonce du départ, en dépit de l'ancienneté et de la nature des responsabilités exercées) doit être réparé par la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement.
IV) Sur l'exécution fautive du contrat de travail
Il incombe à la salariée de rapporter la preuve des agissements qu'elle dénonce au titre du harcèlement moral ou de l'obligation de bonne foi.
Si e. BE. ne disposait pas d'un statut officiel au sein de la SAM N jusqu'au départ d I. DE CA., il n'apparaît pas qu'il y aurait exercé une quelconque fonction salariée sous la subordination de la défenderesse. De plus, la demanderesse devait se soumettre aux instructions de l'actionnaire majoritaire, Président administrateur délégué, quant aux missions (même permanentes) octroyées à e. BE., sauf à soulever d'éventuels problèmes juridiques liés aux interventions de ce dernier (en termes de pouvoir ou d'engagement de l'entreprise), ce qu'elle n'a pas fait.
Les pièces versées aux débats ne permettent pas de considérer que l'objectif d e. BE. était de déstabiliser la salariée afin de la voir quitter l'entreprise et prendre sa place (pièces n° 26, 27, 28 d I. DE CA.), ce dernier exerçant une autorité conformément aux tâches confiées par l'employeur (pièces n° 30, 31, 32, 34, 53 et 61 de la demanderesse) sans qu'il soit démontré un quelconque abus à cet égard.
Il est indéniable que les intéressés ne s'entendaient pas et qu e. BE. a parfois utilisé un ton ferme voire excessif dans des contextes plus (pièce n° 29 de la salariée) ou moins (pièces n° 33, 55 d I. DE CA.) justifiés.
Toutefois, les incidents limités en cause, qui s'inscrivent dans un climat plus général de mésentente, ne peuvent être assimilés à du harcèlement moral relevant de la responsabilité de l'employeur.
En outre, la collusion invoquée par la demanderesse constitue en réalité la transmission par e. BE. à f. GA. (représentant physique du Président administrateur délégué) des informations relatives aux difficultés rencontrées avec la salariée. Il ne peut être retenu un manquement à l'obligation de bonne foi puisque la situation en cause résultait au moins partiellement de certaines fautes commises par I. DE CA..
En conséquence, la demande en paiement de dommages et intérêts formée de ce chef n'a pas lieu de prospérer.
V) Sur les autres demandes
Il convient d'ordonner la délivrance d'un reçu pour solde de tout compte, d'une attestation Pôle Emploi et du dernier bulletin de salaire rectifiés (à l'effet de tenir compte du bonus susévoqué, la modification du certificat de travail n'étant pas nécessaire à cet égard), et ce, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, sans qu'il apparaisse utile de prévoir une astreinte.
Il n'est pas justifié pour le surplus des conditions nécessaires au prononcé de l'exécution provisoire.
La SAM N, qui succombe, doit supporter les dépens du présent jugement.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, après en avoir délibéré,
Condamne la société anonyme monégasque N à payer à I. DE CA. la somme brute de 16.500 euros (seize mille cinq cents euros) au titre du bonus de l'année 2011, avec intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2012, et sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;
Condamne la société anonyme monégasque N à payer à I. DE CA. la somme de 696,27 euros (six cent quatre vingt seize euros et vingt sept centimes) à titre de complément d'indemnité de congédiement, avec intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2012 ;
Dit que le licenciement d I. DE CA. par la société anonyme monégasque N n'est pas fondé sur un motif valable et revêt un caractère abusif ;
Condamne la société anonyme monégasque N à payer à I. DE CA. la somme de 28.747,43 euros (vingt huit mille sept cent quarante sept euros et quarante trois centimes) à titre d'indemnité de licenciement, déduction faite de l'indemnité de congédiement, ainsi que la somme de 25.000 euros (vingt cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts, le tout avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
Ordonne la délivrance à I. DE CA. par la société anonyme monégasque N d'un reçu pour solde de tout compte, d'une attestation Pôle Emploi et du dernier bulletin de salaire rectifiés, et ce, dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement et sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;
Déboute I. DE CA. du surplus de ses demandes ;
Condamne la société anonyme monégasque N aux dépens du présent jugement ;
Composition🔗
Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le vingt quatre juillet deux mille quatorze, par Mademoiselle Magali GHENASSIA, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Madame Carol MILLO, Monsieur Daniel CAVASSINO, membres employeurs, Messieurs Philippe LEMONNIER, Pierre AMERIGO, membres salariés, assistés de Mademoiselle Sylvie DA SILVA ALVES, Secrétaire-Adjoint.