Tribunal du travail, 12 juin 2014, Monsieur s. BO. c/ La SAM A

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Abstract🔗

Contrat de travail - Contrat à durée déterminée - Promesse d'embauche - Description des fonctions - Révision annuelle du salaire - Échanges de courriels antérieurs à l'embauche - Rupture du contrat de travail

Résumé🔗

En l'espèce, les parties ont bien été liées par un contrat de travail à durée déterminée et non par un contrat de travail à durée indéterminée. En effet, la promesse d'embauche ne se réfère pas à une durée d'engagement si ce n'est à une période de probation de six mois qui s'apparente davantage à un contrat à durée déterminée qu'à une période d'essai. De plus, la description des fonctions correspond à celles d'un commercial et ne permet pas d'en déduire une volonté de conclure un contrat à durée indéterminée. Par ailleurs, la référence à une révision annuelle du salaire ne suffit pas à caractériser un engagement à durée indéterminée et peut être l'annonce d'une évolution future si un avenir commun devait être envisagé. En outre, les échanges de courriels antérieurs à l'embauche ne sont pas particulièrement intenses, de sorte qu'ils ne peuvent démontrer que la durée convenue était nécessairement indéterminée et le fait que le salarié ait démissionné d'un emploi stable ne peut signifier de manière certaine que les parties s'étaient accordées sur une embauche à durée indéterminée. Enfin, la correspondance mettant fin au contrat se réfère bien au terme du contrat à durée déterminée même si la formule « je n'ai d'autre choix que de mettre fin à votre contrat à durée déterminée » est inexacte.


Motifs🔗

TRIBUNAL DU TRAVAIL

AUDIENCE DU 12 JUIN 2014

  • En la cause de Monsieur s. BO., demeurant : X à SAINT MARTIN DU VAR (06670),

demandeur, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Sarah GHASEM, avocat au barreau de Nice, substituée par Maître Valérie FEVRIER, avocat au barreau de Nice,

d'une part ;

Contre :

  • La SAM A, en abrégé A, dont le siège social se situe : X2 à MONACO (98000),

défenderesse, plaidant par Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et ayant élu domicile en son Étude,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 25 mai 2012, reçue le 29 mai 2012 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 26 juin 2012 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de Monsieur s. BO., en date des 4 octobre 2012 et 6 juin 2013 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la SAM A, en abrégé A, en date des 25 mars 2013 et 3 octobre 2013 ;

Après avoir entendu Maître Valérie FEVRIER, avocat au barreau de Nice, pour Monsieur s. BO., et Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, pour la SAM A, en abrégé A, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

s. BO. a été employé par la SAM A, en abrégé A, à compter du 12 septembre 2011, en qualité de « développement commercial ».

Celui-ci a, ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 25 juin 2012, attrait la SAM A devant le bureau de jugement du Tribunal du Travail à l'effet d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :

  • - 4.057,86 euros à titre d'indemnité de préavis,

  • - 405,79 euros au titre des congés payés afférents,

  • - 12.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

  • - 2.000 euros au titre des frais de procédure.

Après 9 renvois, l'affaire a été contradictoirement débattue lors de l'audience du 20 février 2014 et le jugement mis en délibéré a été prononcé le 12 juin 2014.

Soutenant que son contrat de travail est à durée indéterminée, s. BO. réclame, à titre principal, la somme de 7.692,10 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ainsi que la somme de 769,20 euros au titre des congés payés afférents, et à titre subsidiaire, la somme de 4.057,86 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ainsi que la somme de 405,79 euros au titre des congés payés afférents, tout en maintenant ses autres demandes et en sollicitant les intérêts au taux légal ainsi que le prononcé de l'exécution provisoire de la décision à intervenir. Il fait valoir que :

  • - préalablement à son embauche par la SAM A, il exerçait depuis de nombreuses années au sein de la société française B, située à Sophia Antipolis, en qualité de cadre et pour un salaire brut mensuel moyen de 6.000 euros (plus de 4.600 euros bruts mensuels),

  • - par challenge et envie de faire bénéficier son expérience, il a décidé de démarcher d'autres entreprises et a ainsi été en contact pendant plusieurs mois avec la défenderesse au cours de la période comprise entre le 10 mai et le 8 août 2011,

  • - ces échanges ont abouti à l'envoi d'une promesse d'embauche du 16 juin 2011 qu'il a immédiatement acceptée dans une perspective de carrière intéressante et motivante,

  • - il était convenu par les parties qu'il serait embauché suivant contrat à durée indéterminée dès lors qu'il n'aurait jamais accepté de quitter son emploi pour une simple mission temporaire,

  • - le 7 juillet 2011, dans l'attente de son entrée dans l'entreprise, il a signé un accord de confidentialité puis a débuté son activité le 12 septembre 2011 (date de remise de son permis de travail),

  • - sa surprise a été totale lorsqu'il a été informé oralement par son employeur de la rupture de son contrat de travail à la date du 11 mars 2012 en raison de l'arrivée du terme du prétendu contrat à durée déterminée qui aurait été conclu,

  • - la SAM A lui a ainsi remis en mains propres le 19 mars 2012 une lettre de rupture dans laquelle elle justifie sa décision pour des motifs autres que l'arrivée du terme,

  • - le 10 avril 2012, il a été destinataire d'un second courrier lui confirmant que la rupture était intervenue le 11 mars 2012,

  • - l'article 5 de la convention collective SYNTEC (dont il bénéficie par référence à ses bulletins de paie) prévoit qu'un contrat de travail mentionnant notamment sa durée devra être remis au salarié,

  • - en l'absence de contrat de travail écrit stipulant une durée déterminée de travail, la présente juridiction devra considérer que les parties étaient liées par un contrat à durée indéterminée,

  • - en tout état de cause, de nombreux éléments mettent en exergue l'existence d'un engament sans limitation de durée,

  • - il n'aurait jamais envisagé de quitter un poste stable, lui assurant un avenir comme cadre commercial en charge des grands comptes, pour une simple embauche d'une durée de six mois,

  • - sa décision de rejoindre la défenderesse était bien évidemment motivée par la perspective d'une carrière à durée indéterminée,

  • - les échanges de courriels s'étendent sur une période de près de trois mois et ne seraient pas intervenus pour un simple contrat à durée déterminée,

  • - la rédaction de la promesse d'embauche ne laisse aucun doute quant à la volonté de l'employeur de conclure un contrat à durée indéterminée,

  • - la description des fonctions est exclusive d'une mission temporaire (mission générale de commercial, avec réalisation de prospection, développement de chiffre d'affaires et signature de contrats commerciaux),

  • - il est clairement indiqué que le salarie mensuel pourra être révisé à la fin de la première année de service,

  • - la référence à la période probatoire de six mois est également pertinente dans la mesure où la SAM A n'aurait pas proposé une période d'essai de six mois si la durée totale de l'emploi était elle-même de six mois,

  • - lorsqu'il a annoncé à son ancien employeur sa décision de le quitter, celui-ci lui a notifié être prêt à revoir son salaire pour le conserver à son service,

  • - la proposition d'emploi du 8 juillet 2011 est postérieure à la promesse d'embauche du 16 juin 2011,

  • - il a donné sa démission le 9 juillet 2011 et les circonstances suggérées par la partie adverse à cet égard, qui sont hors de propos, ne correspondent pas à la réalité,

  • - par ailleurs, la défenderesse a notifié, de manière particulièrement surprenante, la fin du prétendu contrat à durée déterminée, ce qui ne lui appartenait nullement de faire, et ce, postérieurement à l'arrivée du terme (remise en mains propres le 19 mars 2012),

  • - cette décision démontre qu'il ne connaissait pas la date du terme car son contrat était à durée indéterminée,

  • - l'employeur réitère son attitude étonnante en envoyant un second courrier le 10 avril 2012,

  • - de plus, la SAM A se justifie sur les motifs autres que l'arrivée du terme dans les deux correspondances en cause, en évoquant la nécessité de restructurer le service commercial,

  • - le permis de travail a été établi de manière unilatérale par la défenderesse qui lui a expliqué que celui-ci est toujours délivré pour une période de six mois à Monaco et soumis à renouvellement,

  • - n'étant pas familier des obligations administratives en vigueur, il a cru de bonne foi son employeur,

  • - la SAM A a méconnu les règles de fond et de forme encadrant la rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée,

  • - la défenderesse n'a pas respecté le formalisme de la convention SYNTEC en s'abstenant de le convoquer à un entretien préalable puis de lui notifier la rupture, par lettres recommandées avec accusé de réception (information orale puis remise officielle de la lettre de rupture le 19 mars 2012),

  • - le licenciement est intervenu de manière brutale et pour de faux motifs (attestation Pôle Emploi : fin de contrat à durée déterminée),

  • - en outre, il aurait dû bénéficier, en application des dispositions conventionnelles, d'un préavis de deux mois,

  • - son préjudice est indéniable puisqu'il s'est retrouvé à l'âge de 44 ans privé du jour au lendemain de son emploi (avec deux enfants à charge) et aura des difficultés à retrouver un poste intéressant,

  • - sa situation est d'autant plus critique qu'il a quitté un poste stable et une rémunération motivante pour intégrer la SAM A,

  • - il avait acheté à crédit sur 31 mois un scooter de 9.000 euros pour assurer ses déplacements, alors qu'il supporte d'autres emprunts,

  • - les sommes sollicitées supposent nécessairement la requalification en contrat à durée indéterminée, en sorte que cette demande est recevable,

  • - l'indemnité de préavis a été recalculée en fonction de la convention collective SYNTEC et cette prétention a bien été soumise à la tentative obligatoire de conciliation.

Aux termes de ses écritures judiciaires, la SAM A sollicite la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et soutient pour l'essentiel que :

  • - les parties ont conclu un contrat à durée déterminée de six mois,

  • - le 12 décembre 2011, soit le dernier jour de la période d'essai contractuelle, le demandeur a adressé une lettre de démission motivée par sa mésentente avec le Directeur commercial mais a finalement renoncé à cette décision et a poursuivi l'exécution du contrat de travail,

  • - lors d'un entretien du 9 mars 2012, son Président délégué a rappelé au salarié le terme du contrat de travail et a expliqué les raisons faisant obstacle à la conclusion d'un nouveau contrat de travail (difficultés à fixer les stratégies commerciales et à réunir les moyens pour les réaliser, qui trouvaient leur origine dans la création récente de l'entreprise et le départ précipité du Directeur commercial),

  • - sensible à la volonté de s. BO. de continuer la collaboration, elle lui a proposé un nouveau poste en lui accordant un temps de réflexion,

  • - le demandeur a finalement refusé cette offre et a saisi la juridiction,

  • - conformément à la jurisprudence constante du Tribunal à cet égard, les demandes adverses tendant à l'augmentation du quantum de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents mais également à la qualification du contrat en contrat à durée indéterminée ou au prononcé de l'exécution provisoire doivent être déclarées irrecevables, faute d'avoir été soumises à la tentative obligatoire de conciliation,

  • - le salarié ne saurait se fonder sur les dispositions de la convention collective française SYNTEC,

  • - nonobstant la référence sur les bulletins de salaire à cet accord collectif étranger, l'article 11 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 n'impose son application en Principauté de Monaco que pour les éléments de salaires, primes et indemnités,

  • - la formation du contrat n'est ainsi nullement soumise à cette convention collective,

  • - en l'absence de contrat écrit, il convient dès lors de rechercher la commune intention des parties,

  • - les termes de l'offre d'emploi mais également de la demande d'autorisation d'embauchage cosignée par les parties ou encore du permis de travail permettent d'établir que s. BO. avait parfaitement conscience de contracter à durée déterminée,

  • - en outre, il ne ressort d'aucun échange intervenu entre les parties antérieurement à la conclusion du contrat que celui-ci devait être à durée indéterminée,

  • - la démission du demandeur de son précédent emploi trouve son origine dans les problèmes relationnels qu'il rencontrait, alors que celui-ci était désireux de quitter son poste pour intégrer une nouvelle entreprise,

  • - il est troublant de constater que le dépôt de candidature du salarié ait immédiatement suivi le rachat par la société B de l'intégralité du capital de la société UDCAST, les nouvelles conditions de travail ne devant manifestement pas convenir à l'intéressé,

  • - les courriels versés aux débats ne démontrent pas que la société B souhaitait revoir le salaire de s. BO. pour le garder à son service dès lors que la réévaluation proposée vise une hausse de certains postes et une baisse d'autres,

  • - il est plus probable que le demandeur ait démissionné faute d'avoir obtenu la modification de rémunération souhaitée,

  • - rien ne laissait entrevoir, à la lecture de la lettre d'embauche du 16 juin 2011, des perspectives d'avenir à long terme et surtout des conditions de rémunération plus avantageuses (salaire mensuel de 3.500 euros au lieu des 6.000 euros ramenés en dernier lieu à 4.600 euros perçus chez l'ancien employeur),

  • - en motivant sa demande de candidature par le goût du challenge, le salarié avait pris toute la mesure de l'impossibilité pour une jeune société dans un secteur innovant de proposer un contrat à durée indéterminée,

  • - s. BO. ne peut se contenter de s'appuyer sur l'objet du contrat pour en déduire l'existence d'une durée indéterminée d'engagement,

  • - dès l'origine, elle manquait de visibilité quant à ses stratégies et moyens commerciaux mais le demandeur était prêt à relever ce défi,

  • - le délai écoulé entre le 14 mai et le 8 août 2011 correspond au temps qui a été nécessaire, pour l'obtention, en période estivale, des documents du Service de l'emploi,

  • - aucune phase de pourparlers intensive ou de négociations longuement discutées n'a précédé l'embauche,

  • - la référence à la révision du salaire à la fin de la première année de service constitue une mention motivante insérée dans tous les contrats de travail qu'elle a proposés et qui aurait pu se concrétiser,

  • - l'affirmation concernant « l'établissement » du permis de travail est particulièrement choquante et ne trompera pas le Tribunal,

  • - le fait qu'elle ait eu la courtoisie de rappeler le terme du contrat en expliquant les raisons justifiant son non-renouvellement et en proposant un nouveau poste ne saurait être analysé comme un indice de requalification du contrat,

  • - la lettre du 9 mars 2012 fait expressément référence au terme du contrat et même à la discussion antérieure qui aurait permis à s. BO. de collaborer au sein de l'entreprise au-delà de la fin du contrat, ce qui n'a d'ailleurs jamais été contesté,

  • - en tout état de cause, aucune faute ne peut lui être reprochée,

  • - le formalisme de la convention collective SYNTEC ne s'impose pas à Monaco,

  • - le faux motif ne peut nullement se déduire de la mention portée sur l'attestation Pôle Emploi,

  • - le terme du contrat devant intervenir un dimanche, les parties se sont entretenues le 9 mars 2012 sur le terme du contrat et les possibilités professionnelles limitées qu'elle pouvait offrir,

  • - la lettre préparée le 9 mars 2012 comportant une proposition de poste n'a été remise que le 19 mars 2012 en l'état du délai de réflexion sollicité par le demandeur,

  • - à l'issue du dernier entretien avec le salarié, elle a cru déceler une intention chez l'intéressé de se prévaloir du dépassement du terme pour tenter de trouver prétexte à la transformation en contrat à durée indéterminée, de telle sorte qu'elle a décidé d'apporter des précisions par son courrier du 10 avril 2012,

  • - en définitive, s. BO. a bénéficié de plusieurs entretiens, d'une proposition de nouveau contrat et de deux courriers explicatifs,

  • - elle a lui également versé une prime exceptionnelle de 1.100 euros pour son départ sans qu'aucune disposition légale ou contractuelle ne l'impose,

  • - le préjudice invoqué n'est pas davantage susceptible d'être indemnisé, alors que l'âge de 44 ans n'est nullement rédhibitoire pour retrouver un emploi et qu'il n'est démontré un quelconque refus d'embauche,

  • - l'énumération des prêts ne peut apporter la preuve d'un dommage et l'entretien des enfants n'est pas assumé par le seul demandeur qui est marié,

  • - aucun élément n'est fourni quant à la situation professionnelle,

  • - le salarié doit assumer le coût des frais de procédure qu'il a décidé seul d'engager sans détenir le moindre élément de preuve,

  • - l'action téméraire menée justifie l'allocation des dommages et intérêts.

SUR QUOI,

En application de l'article 1er de la loi n°446 du 16 mai 1946, modifiée, le bureau de jugement du Tribunal du Travail ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum.

En conséquence, les demandes additionnelles relatives à l'indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés afférents doivent être déclarées irrecevables dès lors que les demandes initiales formulées devant le bureau de conciliation ont été majorées devant le bureau de jugement.

Cependant, la « prétention » (qui est davantage un moyen) tendant à « voir dire et juger que Monsieur s. BO. a été embauché dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée », qui constitue le nécessaire préalable aux demandes chiffrées soumises au préliminaire de conciliation, doit être déclarée recevable.

De même, la demande tendant à voir prononcer l'exécution provisoire, qui concerne les modalités d'exécution de la décision judiciaire à intervenir et découle de la naissance du procès devant le Tribunal du travail après l'échec de la tentative de conciliation, est recevable en tout état de la cause.

Il convient de préciser que la seule référence à la convention collective française SYNTEC ne suffit pas à considérer que la défenderesse se serait volontairement soumise à cet accord collectif étranger, indépendamment de l'application de l'article 11 de la loi n° 739 du 16 mars 1963, en sorte que le salarié ne peut se prévaloir de ses dispositions dans le cadre du présent litige concernant le formalisme applicable aussi bien au moment de la formation que de la rupture du contrat de travail.

En l'absence de contrat de travail écrit, il appartient au Tribunal d'analyser les éléments de preuve soumis par les parties afin de déterminer leur commune intention.

Il est constant tout d'abord que les parties ont toutes deux signé le 16 août 2011 la demande d'autorisation d'embauchage et de permis de travail qui mentionne une date d'entrée au 12 septembre 2011 et une fin de contrat au 11 mars 2012, ainsi qu'une période d'essai de trois mois, étant relevé que s. BO. ne peut se prévaloir de la méconnaissance du droit monégasque pour affirmer qu'il n'aurait pas saisi la portée de ce document.

En outre, la promesse d'embauche, au demeurant antérieure, du 16 juin 2011 est rédigée de la manière suivante :

« J'ai le plaisir de vous annoncer que vous avez été retenu pour occuper le poste de commercial dans notre entreprise.

Sous l'autorité du directeur commercial, vous aurez les responsabilités suivantes :

  • - Réaliser la prospection pour le développement d'une base de données de clients potentiels pour la SAM A ;

  • - Participer au développement du chiffre d'affaires de la la SAM A par la négociation et la signature de contrats commerciaux.

Votre salaire mensuel sera de 3.500,00 (…) euros nets. Ce montant pourra être révisé à la fin de la première année de service.

La date de votre entrée en fonction est prévue au plus tard à compter du 20 septembre 2011. Au-delà de ce délai la présente promesse d'embauche ne sera plus valide. Lors de votre intégration dans l'entreprise vous serez en période de probation pour une période de six mois.

Nous espérons que cette nomination comble vos attentes et vous souhaitons beaucoup de succès dans l'exécution de vos nouvelles fonctions (…)».

Force est de constater que cette promesse ne se réfère pas à une durée d'engagement si ce n'est à une période de probation de six mois qui s'apparente davantage à un contrat à durée déterminée qu'à une période d'essai, et ce d'autant que le demandeur avait parfaitement conscience de l'existence d'une période d'essai de trois mois, ainsi qu'il résulte de la demande d'autorisation d'embauchage précitée signée par ses soins et de sa lettre de démission du 12 décembre 2011.

La description des fonctions correspond à celles d'un commercial et ne permet pas d'en déduire une volonté de conclure un contrat à durée indéterminée.

La référence à une révision annuelle du salaire ne suffit pas à caractériser un engagement à durée indéterminée et peut être l'annonce d'une évolution future si un avenir commun devait être envisagé.

De plus, les échanges de courriels antérieurs à l'embauche ne sont pas particulièrement intenses, en sorte qu'ils ne peuvent démontrer que la durée convenue était nécessairement indéterminée.

Par ailleurs, le fait que s. BO. ait démissionné d'un emploi stable ne peut signifier de manière certaine que les parties s'étaient accordées sur une embauche à durée indéterminée, dans la mesure où le Tribunal ignore les raisons concrètes de cette décision et ne peut pas apprécier si le demandeur a cherché ou non à quitter son poste chez la société B à n'importe quel prix et ce d'autant qu'il y percevait une rémunération manifestement très supérieure à celle convenue avec la SAM A (la seule compensation d'un engagement à durée indéterminée pouvant apparaître insuffisante si l'emploi occupé convenait).

Enfin, la correspondance du 9 mars 2012 se réfère bien au terme du contrat à durée déterminée (le 11 mars 2012 tombant un dimanche), même si la formule « je n'ai d'autre choix que de mettre fin à votre contrat à durée déterminée » est inexacte. Les explications quant au non-renouvellement du contrat en cause peuvent parfaitement se justifier par l'évocation qui avait pu être faite de conclure un contrat à durée indéterminée à l'issue du contrat à durée déterminée (sans preuve d'une quelconque engagement à cet égard) mais surtout par la proposition de conclure un nouveau contrat à durée déterminée pour un autre poste (chargé des relations commerciales) et une rémunération inférieure (2.500 euros bruts ; prime de 600 euros bruts dans l'attente de la fixation des modalités de calcul d'une rémunération variable), étant précisé qu'il n'est pas contesté que cette lettre a été évoquée dès le 9 mars 2012 même si elle a été remise ultérieurement. Le courrier du 10 avril 2012 ne vient que prendre acte du refus du salarié quant à la nouvelle offre d'emploi et confirmer que le contrat a pris fin le 11 mars 2012.

En définitive, il apparaît que les parties ont bien été liées par un contrat de travail à durée déterminée, en sorte que l'ensemble des demandes formées par s. BO. doivent être rejetées.

Le demandeur a pu se méprendre sur la portée de ses droits, si bien que la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ne saurait prospérer.

Le salarié, qui succombe, doit supporter les dépens du présent jugement.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré,

Déclare irrecevables les demandes additionnelles relatives à l'indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés afférents formées directement devant le bureau de jugement ;

Déboute la SAM A du surplus de ses moyens d'irrecevabilité ;

Dit que le contrat de travail ayant lié s. BO. à la SAM A était un contrat à durée déterminée ;

Déboute les parties de l'ensemble de leurs demandes ;

Condamne s. BO. aux dépens du présent jugement ;

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le douze juin deux mille quatorze, par Mademoiselle Magali GHENASSIA, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Régis MEURILLION, Manolo VELADINI, membres employeurs, Madame Agnès ORECCHIA, Monsieur Lionel RAUT, membres salariés, assistés de Mademoiselle Sylvie DA SILVA ALVES, Secrétaire-Adjoint.

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