Tribunal du travail, 8 mai 2014, Monsieur s. FI. JE. c/ La SARL A devenue la SARL E Monaco

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Abstract🔗

Travail - Licenciement - Indemnités de rupture - Loi italienne - Absence de justification du contenu de la loi italienne

Résumé🔗

Dans la mesure où le salarié, engagé en qualité directeur marketing export, ne justifie pas du contenu de la loi italienne concernant les indemnités de licenciement (« indennità di fine rapporto ») et de fin de contrat (« trattamento fine rapporto ») et notamment les modalités précises de leur calcul, il doit être débouté de ses demandes à ce titre.


Motifs🔗

PRINCIPAUTÉ DE MONACO

TRIBUNAL DU TRAVAIL

AUDIENCE DU 8 MAI 2014

  • En la cause de Monsieur s. FI. JE., demeurant : X - X - Bât. C à ROQUEBRUNE CAP MARTIN (06190),

demandeur, ayant élu domicile en l'Étude de Maître PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Audrey MENANT-SASPORTAS, avocat au barreau de Nice,

d'une part ;

Contre :

  • La SARL A devenue la SARL E MONACO, dont le siège social se situe : X1 - X2 à MONACO (98000),

défenderesse, plaidant par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et ayant élu domicile en son Étude,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu le jugement du Tribunal du Travail en date du 25 avril 2013 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de Monsieur s. FI. JE., en date du 6 juin 2013 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de la SARL A devenue la SARL E MONACO, en date du 7 novembre 2013 ;

Après avoir entendu Maître Audrey MENANT-SASPORTAS, avocat au barreau de Nice, pour Monsieur s. FI. JE., et Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, pour la SARL A devenue la SARL E MONACO, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

s. FI. JE. a été employé par la SARL A devenue la SARL E MONACO, suivant contrat à durée indéterminée, à compter du 3 juillet 2009, en qualité de directeur marketing export.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 24 juin 2011, celui-ci s'est vu notifier son licenciement sur le fondement des dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963.

s. FI. JE. a, ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 23 janvier 2012, attrait la SARL A devant le bureau de jugement du Tribunal du Travail à l'effet d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :

  • - 43.561,92 euros à titre d'indemnité de licenciement (« indennita di fine rapporto ») fixée dans les conditions d'embauche,

  • - 13.268,10 euros au titre de l'indemnité de fin de contrat accumulée (« trattamento fine rapporto ») également fixée dans les conditions d'embauche,

  • - 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant du non-respect des termes des conditions d'embauche,

  • avec intérêts au taux légal à compter de la citation en conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Par jugement du 25 avril 2013, auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, ce Tribunal a :

  • - déclaré irrecevables les demandes tendant au paiement de la somme de 10.129,03 euros à titre d'indemnité de congédiement, de la somme de 8.440,80 euros à titre d'indemnité de licenciement, de la somme de 3.735,27 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de la somme de 373,52 euros au titre des congés payés afférents, formulées pour la première fois devant le bureau de jugement par s. FI. JE.,

  • - débouté la SARL E MONACO du surplus de ses moyens d'irrecevabilité,

  • - avant-dire-droit au fond, ordonné la réouverture des débats afin que :

    • * s. FI. JE. justifie du contenu de la loi italienne concernant les indemnités de licenciement (« indennità di fine rapporto ») et de fin de contrat (« trattamento fine rapporto ») et notamment les modalités précises de leur calcul,

    • * la SARL E MONACO établisse la réalité légale d'un éventuel non-cumul desdites indemnités ainsi que leur nature juridique, au regard du droit italien,

  • - renvoyé la cause et les parties à l'audience du JEUDI 6 JUIN 2013 à 14 heures 30 pour les pièces et conclusions de s. FI. JE.,

  • - sursis à statuer sur le surplus des demandes des parties,

  • - réservé les dépens en fin de cause.

Aux termes de ses ultimes écritures judiciaires, s. FI. JE. fait valoir que :

  • - l'indemnité TFR dite « trattamento fine rapporto » est prévue par la loi italienne n° 297 du 29 mai 1982 qui détaille son mode de calcul et prévoit qu'elle est due dans tous les cas de cessation du rapport de travail,

  • - de plus, l'article 24 de la CCNL des dirigeants entreprises industrielles précise qu'« en cas de résiliation du rapport, le dirigeant percevra, en plus de la somme visée à l'article 23, une indemnité pour TFR à calculer selon les dispositions de l'article 2120 du code civil italien, remplacé par l'article 1 de la loi n° 297 du 29 mai 1982 » (document indemnité compensatrice de préavis « indennità di fine rapporto », tableau des indemnités),

  • - les juridictions italiennes se sont déjà prononcées sur le cumul de ces deux indemnités (Tribunal de SALLUZO du 2 novembre 2011, Tribunal ordinaire de TURIN du 20 mars 2013).

Pour sa part, la SARL E MONACO soutient en dernier lieu que :

  • - le demandeur verse aux débats un certain nombre de documents établis par l'association syndicale italienne dénommée FEDERMANAGER, dont il est manifestement l'un des membres,

  • - parmi lesdites pièces, figurent notamment des articles de la convention collective italienne dénommée « Contratto Collettivo Nazionale per Dirigenti di Aziende Industriali » (contrat collectif national dirigeants entreprises industrielles ou « CCN ») dont l'association H est vraisemblablement l'un des signataires,

  • - or, les dispositions de cette convention collective ne sont pas applicables en l'espèce, dans la mesure où elles n'ont d'effet qu'à l'égard des membres des organisations patronales et salariales italiennes signataires, l'employeur est une société monégasque, n'est membre d'aucune organisation patronale italienne et n'a jamais entendu se soumettre à cet accord collectif,

  • - de plus, l'article 2121 du Code civil italien mentionne que « l'indemnité visée à l'article 2118 doit être évaluée en calculant les commissions, les primes de production, les participations aux bénéfices et aux produits ainsi que toute autre rétribution à caractère continu, exception faite pour les sommes versées à titre de défraiement. Si le travailleur est rétribué totalement ou en partie par des commissions, des primes de production ou des participations, l'indemnité susvisée est déterminée d'après la moyenne des émoluments des trois dernières années de service ou de la période inférieure de service fourni »,

  • - l'article 2118 du Code civil italien - dont il n'a au demeurant pas été justifié par la partie adverse - précise quant à lui que « toute partie à un contrat à durée indéterminée peut résilier ledit contrat moyennant un préavis donné conformément aux usages et à l'équité. En l'absence de préavis, la partie qui met fin au contrat est tenue envers l'autre à une indemnité équivalente au montant de la rétribution due pour la période de préavis. La même indemnité est due par l'employeur en cas de résiliation du rapport pour décès de l'employé »,

  • - cependant, s. FI. JE. ne rapporte pas la preuve de ce que les usages ou l'équité prévoient en telle matière,

  • - il se réfère à cet égard à nouveau à la convention collective CCN qui est inapplicable pour les motifs précités,

  • - en outre, le salarié entretient une confusion et invoque les dispositions relatives à l'indemnité TFR au sujet de l'indemnité compensatrice de préavis,

  • - il n'est pas davantage établi les modalités de calcul desdites indemnités ou le principe de leur cumul (aucune disposition légale en ce sens),

  • - les décisions versées aux débats sont des décisions d'espèces, qui se livrent à une analyse ponctuelle des faits (circonstances différentes) sans comporter de dispositif général.

SUR QUOI,

Aux termes d'un acte sous seing privé du 4 mai 2009 ou encore d'un document du 4 juillet 2009 relatif aux conditions d'embauche de s. FI. JE., des « conditions particulières » ont été rédigées comme suit :

  • - « Indemnité de fin de contrat avec plan d'accumulation [TFR (trattamento fine rapporto)], comme il est pratiqué dans la loi italienne, équivalant à une mensualité (y compris la moyenne des commissions et des primes) tous les 12 mois »,

  • - « Indemnité de licenciement [« indennità di fine rapporto »], comme il est pratiqué dans la loi italienne, dans le cas où l'entreprise déciderait de résilier le contrat, il sera dû une indemnité allant de 8 à 12 mois de salaire net y compris la moyenne des commissions et des primes »,

  • étant relevé que la modification des conditions de rémunération réalisée en décembre 2010 n'affectait pas lesdites dispositions.

Il résulte du document intitulé - L'indemnité pour TFR « TRATTAMENTO FINE RAPPORTO » - produit par le demandeur que cette indemnité résulte de la loi n° 297 du 29 mai 1982 qui prévoit notamment : « Dans tous les cas de cessation du rapport de travail salarié, le travailleur a droit à une indemnité pour TFR. Ladite indemnité se calcule en additionnant pour chaque année de service un quota égal et en tous cas non supérieur au montant de la rétribution due pour l'année, divisée par 13,5. Le quota est proportionnellement réduit par fractions d'années, calculant comme mois entier les fractions de mois égales ou supérieures à quinze jours » et à propos de sa revalorisation : « elle augmente, sur base composée, au 31 décembre de chaque année, par l'application d'un taux constitué de 1,5 pour cent en mesure fixe et 75 pour cent de l'augmentation de l'indice des prix à la consommation pour les familles d'ouvriers et d'employés, établie par l'ISTAT, par rapport au mois de décembre de l'année précédente ».

Le tableau versé aux débats relatif au calcul de l'indemnité TFR ne permet toutefois pas à la présente juridiction de déterminer que les dispositions légales italiennes en cause ont été correctement appliquées et notamment que le quota a été proportionnellement réduit par fractions d'années, calculant comme mois entier les fractions de mois égales ou supérieures à quinze jours, ou que la revalorisation a été mise en œuvre, faute d'explications plus précises à propos des calculs auxquels il a été procédé.

En conséquence, la demande formée de ce chef doit être rejetée.

Par ailleurs, la pièce dénommée - Indemnité compensatrice de préavis « Indennità di fine rapporto » - se réfère :

  • - d'une part, à l'article 2121 du Code civil italien qui est rédigé comme suit : « L'indemnité visée à l'article 2118 doit être évaluée en calculant les commissions, les primes de production, les participations aux bénéfices et aux produits ainsi que toute autre rétribution à caractère continu, exception faite pour les sommes versées à titre de défraiement.

  • Si le travailleur est rétribué totalement ou en partie par des commissions, des primes de production ou des participations, l'indemnité susvisée est déterminée d'après la moyenne des émoluments des trois dernières années de service ou de la période inférieure de service fourni »,

  • - d'autre part, aux dispositions de l'article 23 de la convention collective CCNL Dirigeants Entreprises Industrielles qui prévoit que le préavis de licenciement du dirigeant est compris entre 8 et 12 mois.

Si le demandeur n'a pas justifié du contenu de l'article 2118 du Code civil italien, la défenderesse en a produit une reproduction dont la traduction libre est la suivante « Toute partie à un contrat à durée indéterminée peut résilier ledit contrat moyennant un préavis donné conformément aux usages et à l'équité. En l'absence de préavis, la partie qui met fin au contrat est tenue envers l'autre à une indemnité équivalente au montant de la rétribution due pour la période de préavis. La même indemnité est due par l'employeur en cas de résiliation du rapport pour décès de l'employé ».

Il s'ensuit que la loi italienne se réfère aux usages et à l'équité pour la détermination de la durée du préavis, bien que s. FI. JE. n'apporte aucun élément de preuve à cet égard.

De plus, il convient de relever que l'accord conclu entre les parties se réfère à la loi italienne et non à une convention collective déterminée (à laquelle la défenderesse se serait volontairement soumise) pour l'« indennità di fine rapporto », alors qu'il n'est pas justifié que la convention collective invoquée - CCNL Dirigeants Entreprises Industrielles - n'engagerait pas que ses signataires et aurait été étendue au niveau national par l'État italien à toutes les entreprises et à la catégorie de salariés entrant dans son champ d'application (en lui donnant la force d'une loi ou d'un texte réglementaire, système similaire ou équivalant à celui de l'arrêté ministériel d'extension de droit monégasque), de telle sorte que cet accord collectif ne peut être appliqué en l'espèce en l'état des seuls éléments versés aux débats.

En outre, l'absence de justification précise de la loi italienne concernant l'« indennità di fine rapporto » (les calculs opérés ne correspondant pas exactement à l'article 2121 du Code civil italien, faute de démonstration complémentaire relative aux usages ou jurisprudences applicables en telle matière, notamment quid du 13ème mois) et les indications insuffisamment claires contenues dans l'avenant conclu entre les parties (modalités de calcul du salaire mensuel net, nature des primes à inclure), doivent conduire la présente juridiction à rejeter la demande formée à cet égard.

Le salarié doit également être débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts, qui découle de ses précédentes prétentions, ainsi que de la demande relative aux tracasseries judiciaires à hauteur de 3.500 euros ou encore de celle relative à la délivrance de documents sociaux rectifiés sous astreinte qui est sans objet.

s. FI. JE., qui succombe, doit supporter les dépens du présent jugement ainsi que ceux réservés par la décision du 25 avril 2013.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré,

Déboute s. FI. JE. de l'intégralité de ses demandes déclarées recevables ;

Condamne s. FI. JE. aux dépens du présent jugement ainsi qu'à ceux réservés par la décision du 25 avril 2013 ;

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le huit mai deux mille quatorze, par Mademoiselle Magali GHENASSIA, Juge de Paix, Président du Bureau du Tribunal du Travail, Messieurs Guy-Philippe FERREYROLLES, Didier MARTINI, membres employeurs, Messieurs Bernard ASSO, Bruno AUGE, membres salariés, assistés de Madame Catherine CATANESE, Secrétaire en Chef.

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