Tribunal du travail, 13 mars 2014, Mme s. l. BA. c/ M. Y

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Contrat de travail - Clause de non-concurrence - Dispense tardive postérieure à la rupture du contrat de travail - Violation de l'obligation de non-concurrence (non) - Paiement de l'indemnité de non-concurrence - Période d'essai - Délai - Inadaptation de la salariée à l'emploi occupé - Salariée placée dans des conditions normales d'exercice de sa profession

Résumé🔗

La salariée, engagée en qualité de juriste bilingue par un cabinet d'avocats, n'a pas été valablement déliée de la clause de non-concurrence par une lettre expédiée postérieurement à la rupture effective, dans la mesure où la possibilité pour l'employeur de libérer son employé de son obligation de non-concurrence ne peut plus intervenir après la cessation effective des relations contractuelles sauf à laisser perdurer une incertitude inacceptable sur la liberté du travail.

La dispense tardive de non-concurrence ne décharge pas l'employeur de son obligation de paiement de l'intégralité de l'indemnité compensatrice prévue au contrat à moins que ce dernier ne rapporte la preuve de la violation de l'obligation de non-concurrence par le salarié. Et, en l'espèce, la demanderesse est inscrite depuis le mois suivant son licenciement, au barreau d'une zone géographique non visée par la clause et il n'est pas établi qu'elle aurait exercé une autre activité préalablement. Dès lors, elle est fondée à obtenir paiement de la somme brute de 14 400 euros au titre de l'indemnité de non-concurrence, qui ne lui a pas été réglée pendant la période de douze mois où elle a respecté son engagement.

Le délai certes court de l'essai ne suffit pas à caractériser l'abus ou la précipitation. En l'espèce, les erreurs relevées par l'employeur, l'absence de vérification des dispositions légales monégasques et celles relatives aux demandes de précisions quant l'objectif juridique recherché, sont des négligences commises par la demanderesse marquant rapidement une inadaptation à l'emploi occupé à Monaco pour une avocate française disposant de plus de 10 années d'expérience. La nature et le nombre des travaux confiés permettent de considérer qu'elle a bien été placée dans des conditions normales d'exercice de sa profession sur la période litigieuse.


Motifs🔗

TRIBUNAL DU TRAVAIL

AUDIENCE DU 13 MARS 2014

  • En la cause de Madame s. l. BA., demeurant : 24, X à LE CANNET (06110),

demanderesse, bénéficiant de l'assistance judiciaire par décision n° 116/BAJ/12 du bureau d'assistance judiciaire en date du 6 avril 2012, plaidant par Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et ayant élu domicile en son Etude,

d'une part ;

Contre :

  • M. Y, [profession] , demeurant : « X » - 19, Boulevard des Moulins à MONACO (98000),

défendeur, plaidant par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et ayant élu domicile en son Étude,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 14 mai 2012, reçue le 15 mai 2012 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 26 juin 2012 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de Madame s. l. BA., en date des 8 novembre 2012, 11 avril 2013 et 3 octobre 2013 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de M. Y, en date des 7 février 2013, 16 septembre 2013 et 7 novembre 2013 ;

Après avoir entendu Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, pour Madame s. l. BA., et Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, pour M. Y, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

s. l. BA. a été embauchée par M. Y, suivant contrat à durée indéterminée, à compter du 23 janvier 2012, avec une période d'essai de trois mois, en qualité de juriste bilingue.

Par lettre du 7 février 2012 remise en mains propres contre signature, celle-ci a été avisée de la rupture du contrat de travail pendant la période d'essai, le salaire étant maintenu jusqu'à la fin de la semaine en cours avec une dispense de présence.

s. BA. a, ensuite d'un procès-verbal de conciliation partielle en date du 24 juin 2012, attrait M. Y devant le bureau de jugement du Tribunal du Travail à l'effet d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :

  • - 14.400 euros au titre de l'exécution de la clause de non-concurrence,

  • - 4.327,10 euros en réparation de son préjudice matériel subi du fait de la rupture abusive de la période d'essai,

  • - 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral subi du fait de la rupture abusive de la période d'essai.

À l'audience fixée par les convocations, les parties ont régulièrement comparu.

Puis, après 8 renvois intervenus à leur demande, l'affaire a été contradictoirement débattue lors de l'audience du 21 novembre 2013 et le jugement mis en délibéré a été prononcé le 13 mars 2014.

À l'appui de ses prétentions, s. BA., qui sollicite également le prononcé de l'exécution provisoire de la décision à intervenir, fait valoir que :

  • - M. Y était à la recherche d'une juriste bilingue anglais-français (en droit bancaire et droit financier),

  • - dans le courant du mois d'avril 2011, elle a pris connaissance de l'offre d'emploi et a soumis sa candidature, étant précisé qu'elle résidait à l'époque à Metz,

  • - préalablement à une première rencontre, le défendeur a souhaité qu'elle procède à la rédaction d'une assignation à partir d'éléments qui lui ont été remis à cette fin,

  • - le 8 juillet 2011, elle a fait parvenir divers documents ainsi que l'acte sollicité,

  • - elle a été conviée à un entretien le 5 septembre 2011 et elle a interrogé M. Y le 4 octobre 2011 pour connaître les suites qu'il entendait donner à sa candidature,

  • - le 26 octobre 2011, l'employeur a fait savoir qu'il retenait la candidature si bien qu'elle a accepté l'offre dès le lendemain,

  • - la proposition d'embauche a été formalisée le 6 janvier 2012 (sans date de prise de poste) et précisait que « la conclusion du contrat de travail ne pourra s'envisager qu'à l'achèvement des travaux d'extension du cabinet à l'étage supérieur… »,

  • - le 18 janvier 2012, elle s'est vue confirmer sa prise de fonction à compter du 23 janvier 2012 (suite au licenciement soudain d'une autre salariée qu'elle a remplacée précipitamment) et a signé le même jour un contrat de travail prévoyant une période d'essai de trois mois ainsi qu'une clause de non-concurrence,

  • - elle a parallèlement organisé son installation à Beausoleil en contractant un bail,

Sur la rupture du contrat de travail pendant la période d'essai,

  • - l'exercice du droit discrétionnaire de rupture du contrat de travail pendant la période d'essai ne doit être abusif,

  • - une telle rupture est abusive lorsqu'elle est sans rapport avec l'exécution du travail et l'appréciation des capacités professionnelles du salarié,

  • - la rupture de la période d'essai doit être en rapport direct avec l'objet légalement défini, ce qui signifie que seul le résultat non satisfaisant de la mise à l'épreuve peut valablement motiver la rupture,

  • - le défendeur s'est contenté de dénoncer la convention sans justifier du moindre motif, le défaut de motivation équivalant nécessairement à une rupture sans rapport avec une mise à l'épreuve non satisfaisante,

  • - ses aptitudes n'ont finalement été testées que sur onze jours ouvrables, alors qu'elle avait apporté satisfaction dans le cadre du test professionnel auquel elle avait été soumise préalablement à son recrutement,

  • - cette durée était manifestement insuffisante pour apprécier sa réelle valeur,

  • - le travail, qui lui a été confié, a essentiellement consisté en des recherches (ainsi qu'il résulte du détail par producteur), la rédaction s'étant limitée à un jeu de conclusions récapitulatives sur la base d'écritures antérieures élaborées par un autre collaborateur,

  • - M. Y, qui n'a jamais discuté directement avec elle des travaux exécutés et ne lui a adressé aucune remarque permettant de présager son insatisfaction, a fait preuve de précipitation, étant relevé que le jour de la rupture (intervenue à 18 heures 30), il lui avait été demandé de réaliser des recherches pour un nouveau dossier,

  • - hormis qu'il est discuté qu'elle soit réellement l'auteur de l'assignation (en l'absence d'une quelconque exigence quant à une production surveillée), l'employeur se livre à une analyse des trois actes établis pendant la période d'essai (sur les 11 dossiers traités, soit 8 dossiers sans critique négative) et met en doute son parcours professionnel (elle a quitté la Guadeloupe pour revenir dans sa région d'origine suite à un accident) ainsi que ses diplômes (avocat, admissible au concours de la magistrature mais elle n'a pas participé aux épreuves d'admission pour des raisons familiales, copie sélectionnée pour être publiée dans les annales de l'ENM),

  • - s'agissant des conclusions, le reproche quant au maintien de la demande d'exécution provisoire en cause d'appel participe d'un oubli et non d'une erreur de droit,

  • - la requête en adoption a été rédigée dans un domaine juridique étranger avec lequel il lui appartenait de se familiariser (le droit monégasque n'étant pas le droit français), la construction de l'acte et son contenu n'ayant pas été remis en cause,

  • - le courrier relatif à la matière d'état des personnes, dans le cadre d'une procédure de naturalisation, pouvait valablement être interprété comme valant recours gracieux et se voulait apporter des pièces complémentaires manquantes, la saisine de l'autorité compétente ne s'exposant à aucune critique rédhibitoire,

  • - le travail fourni a été rentabilisé (facturation de 4.375 euros, 4 jours de travail non comptabilisés en l'absence de la supérieure hiérarchique),

  • - le défendeur, qui est un avocat-défenseur, devait logiquement suivre et évaluer le travail réalisé, alors que c'est un collaborateur non avocat qui s'est chargé de l'embauche (et qui a démissionné avant qu'elle n'intègre le cabinet),

  • - M. Y n'a jamais veillé à se faire lui-même une idée de ses aptitudes (attitude désinvolte dans un domaine aussi technique) et s'est fié à la seule appréciation de la supérieure hiérarchique qui n'avait pas participé à son recrutement,

  • - cette juriste en charge de sa formation avait peu de temps pour « s'occuper » d'elle à tel point qu'un autre membre de l'étude lui confiait les dossiers et en débriefait avec elle,

  • - le jour de son éviction, qui tient à une incompatibilité d'humeur de ladite supérieure à son égard (explications de la partie adverse allant dans le même sens), sans aucun lien avec ses compétences, cette dernière était absente et elle ne l'avait pas davantage croisée la veille,

  • - bien que le processus d'embauche ait été long, elle a dû agir dans l'urgence pour prendre ses fonctions et organiser son déménagement (location antérieure de quelques jours à l'embauche, 16 janvier 2012),

  • - elle n'a pu résilier le bail souscrit qu'avec un délai de prévenance (location du 20 janvier au 31 mars 2011, soit 2.748,38 euros, outre les frais d'agence de 1.578,72 euros),

  • - elle a quitté sa région d'origine pour s'installer à proximité de son lieu de travail avec l'espoir d'une progression de carrière en Principauté,

  • - il s'agit typiquement de faux espoirs laissés à un employé sans que lui ait été laissé le temps de faire ses preuves, ce qui caractérise une désinvolture et une légèreté blâmable,

  • - l'attitude de déconsidération a entraîné une perte de confiance,

  • - elle est désormais inscrite au Barreau de Grasse, les circonstances lui ayant imposé cette solution après la désillusion de l'expérience monégasque,

  • - il n'était pas question qu'elle retourne dans sa région d'origine après avoir exposé de nombreux frais pour la quitter, et ce d'autant qu'elle a des amis sur Cannes,

  • - il est inconvenant de lui faire grief de ne pas être venue chercher ses documents sociaux pour obtenir des explications, lesquelles auraient dû lui être données le jour de la rupture,

Sur l'indemnité de non-concurrence,

  • - le contrat de travail s'applique dès sa signature que l'on soit ou non en période d'essai, si bien que toutes ses clauses produisent effet,

  • - la thèse selon laquelle l'employeur l'aurait déliée verbalement de son engagement de non-concurrence sera écartée,

  • - l'intention commune des parties ne peut être présumée et M. Y est dans l'incapacité de démontrer qu'elle aurait agi comme si elle se sentait libérée de la clause de non-concurrence,

  • - elle n'a mené aucune prospection dans le secteur des services juridiques d'entreprise ou en vue d'une collaboration en qualité de juriste et a opté pour une inscription au barreau de Grasse (zone géographique non visée par l'interdiction contractuelle),

  • - le seul fait qu'elle ait travaillé onze jours ne peut autoriser à penser que la clause ne présentait pas d'intérêt, la connaissance d'une seule et unique information confidentielle (accès à 11 dossiers), quelle que puisse être son importance, justifiant l'application de la clause, en sorte qu'il appartenait au défendeur de lever toute ambiguïté,

  • - or, aux termes de la correspondance notifiant la rupture de la période d'essai, il n'est nullement précisé que l'employeur renonce au bénéfice de la clause,

  • - le fameux courrier du 15 février 2012 - sans que l'on puisse se réfugier derrière une erreur de la Poste- ayant été retourné, M. Y devait prendre toutes dispositions pour que la correspondance (avec les documents qu'il contenait) soit ré-acheminée,

  • - au contraire, il a fallu attendre la conciliation pour obtenir les documents de fin de contrat et la lettre la déliant de son engagement de non-concurrence,

  • - le défendeur a été avisé dès le 10 février 2012 que le courrier du 7 février 2012 portait une mauvaise adresse,

  • - en tout état de cause, la renonciation au bénéfice de la clause de non-concurrence ne peut pas intervenir après la date de la rupture, la formule contractuelle « à l'occasion de la cessation du contrat de travail » ne pouvait s'entendre qu'au moment du licenciement, c'est-à-dire lors de sa notification (soit le 7 février 2012),

  • - elle n'a ainsi jamais été libérée de la clause de non-concurrence avant qu'elle ne soit caduque.

En réponse, M. Y soutient pour l'essentiel que :

  • - le curriculum vitae de la demanderesse a retenu son attention au regard d'une expérience de 10 années en qualité d'avocat (Metz, Sarreguemines, Nancy et Guadeloupe),

  • - après un premier contact téléphonique et le test professionnel effectué au domicile de s. BA. (assignation dans un délai de 15 jours) dont celle-ci s'est honorablement acquittée, et en l'état de multiples attestations élogieuses d'avocats, experts-comptables et autres professionnels, un entretien est intervenu en l'étude le 12 septembre 2011,

  • - il a par la suite réitéré par mail son offre sous réserve notamment de l'achèvement des travaux en cours dans le cabinet, ce que la salariée a accepté expressément,

  • - par courrier du 6 janvier 2012, la proposition a été confirmée de manière plus formelle avec la précision que les travaux d'extension auxquels l'embauche était subordonnée avaient pris du retard en l'état d'un dégât des eaux,

  • - face à une rupture imprévue du contrat de travail de l'une de ses collaboratrices, la demanderesse a été contactée pour déterminer si elle pouvait prendre ses fonctions au plus tôt,

  • - s. BA. ayant donné son accord en ce sens, il a formalisé l'offre par courrier du 18 janvier 2012 et a procédé aux formalités d'embauchage auprès du service de l'emploi, la prise de fonction ayant été effective le 23 janvier 2012,

Sur la rupture du contrat de travail pendant la période d'essai,

  • - la salariée n'apporte pas le moindre élément de preuve permettant de démontrer la réalité d'un abus, étant précisé qu'il ne lui appartient pas d'invoquer les motifs de sa décision et encore moins de les établir,

  • - les productions de la demanderesse n'ont pu que le convaincre qu'elles n'étaient pas conformes à ses attentes,

  • - la formule « confirmer et si besoin ordonner l'exécution provisoire » intégrée dans un jeu de conclusions récapitulant en cause d'appel des écritures déjà établies par un autre collaborateur n'a aucun sens puisque l'exécution provisoire est attachée de plein droit à une ordonnance de référé et l'arrêt de la Cour d'appel à intervenir est également exécutoire, le pourvoi n'étant pas suspensif en la matière,

  • - la requête en adoption devant le Juge Tutélaire fait état de la notion de puissance paternelle, qui n'existe plus en droit monégasque depuis la loi n° 1.278 du 29 décembre 2003, ni même en droit français,

  • - malgré une remarque faite à cet égard, s. BA. avait maintenu sa position erronée,

  • - un courrier a été adressé à l'attention du Directeur des Services Judiciaires dans un dossier de demande de naturalisation pour solliciter « la réactivation du dossier » (demande non qualifiée juridiquement), alors qu'il convenait de rédiger un recours gracieux,

  • - si la salariée prétend que cette correspondance pouvait être interprétée comme un recours gracieux (qui n'est pas soumis à un formalisme particulier), il y a lieu de noter qu'elle a été établie non par un profane mais par un avocat, si bien qu'il était légitime d'attendre une argumentation juridique précise et a minima une indication claire de son objet ne nécessitant pas une interprétation générant inutilement un risque de rejet,

  • - en tout état de cause, il n'a pas à produire l'ensemble des travaux réalisés et pouvait se montrer insatisfait du travail ainsi effectué,

  • - en outre, les discussions que la demanderesse a pu avoir avec sa supérieure sur les autres dossiers ont conduit à s'interroger sur les conditions dans lesquelles l'assignation a pu être élaborée,

  • - l'agenda a été rempli par s. BA. elle-même et n'avait que vocation à évaluer le temps passé sur des productions,

  • - la salariée n'avait pas davantage à cesser le travail du fait que la rupture lui a été notifiée en fin de journée,

  • - il a lui-même reçu la demanderesse et l'a payée jusqu'à la fin de la semaine (aucun préavis n'étant légalement prévu),

  • - les erreurs de droit grossières commises constituent des considérations d'ordre professionnel suffisantes permettant de juger des aptitudes de l'employée à exercer ses fonctions,

  • - la période d'essai a précisément pour but de vérifier la capacité à mettre en œuvre les connaissances et compétences acquises (diplôme et expérience),

  • - il ne peut lui être fait reproche de ne pas avoir discuté des travaux exécutés, ni d'avoir adressé de remarques (en déplacement), la supérieure hiérarchique, qui était habilitée à gérer les productions ainsi que les ressources humaines de l'étude, l'ayant fait à sa place,

  • - si s. BA. n'a pas admis l'autorité d'une supérieure hiérarchique, à peine plus âgée qu'elle (simple réponse à l'argumentation adverse), et évoque une incompatibilité d'humeur, force est de constater qu'aucune preuve n'a été fournie sur ce point et que l'intéressée soutient qu'elle aurait été supervisée par une autre personne,

  • - les correspondances échangées démontrent que la date d'embauche était bien subordonnée à la réalisation des travaux au sein de l'étude,

  • - le départ d'une salariée ayant libéré un bureau et même nécessité une embauche urgente, la condition relative aux travaux est tombée d'elle-même,

  • - la lecture du contrat de location (27 décembre 2011) souscrit établit que l'engagement est antérieur de 23 jours à la prise de fonctions, alors que la copie d'une capture d'écran même insérée dans un mail ne saurait faire foi contre le bail signé,

  • - le parcours professionnel de la demanderesse justifie qu'elle avait déjà quitté sa région d'origine depuis plusieurs années,

  • - cette dernière souhaitait manifestement s'installer dans le Sud-Est, est désormais inscrite au barreau de Grasse et reconnaît avoir des amis à Cannes (première adresse au Cannet, urgence à relativiser),

  • - s. BA. n'était nullement tenue d'accepter de prendre le poste à la date proposée et pouvait parfaitement négocier le délai qui lui était nécessaire,

  • - la salariée a postulé et s'attendait à organiser son déménagement,

  • - aucune explication n'a été sollicitée sur la rupture, pas même par courrier,

Sur l'indemnité de non-concurrence,

  • - la demande formée à cet égard ne pourrait porter que sur une somme brute dans la mesure où l'indemnité de non-concurrence est entièrement cotisable,

  • - l'article 6 du contrat de travail prévoit expressément la possibilité pour l'employeur de se dégager du paiement de cette indemnité en libérant l'employée de l'engagement à l'occasion de la cessation du contrat de travail,

  • - le fait que la demanderesse n'ait pas reçu le courrier expédié par la voie recommandée avec accusé de réception ne résulte que d'une erreur de la Poste et ne saurait lui être reproché,

  • - c'est bien la date d'envoi ou d'expédition de la lettre de renonciation qui doit être retenue même si l'employé n'a rien reçu en raison d'une défaillance de la Poste,

  • - s. BA. ne peut dès lors lui faire grief de ne pas avoir pris les dispositions nécessaires pour réexpédier la correspondance en cause, et ce d'autant qu'une nouvelle adresse a encore été fournie au début de l'instance,

  • - la partie adverse continue à entretenir une confusion entre le premier courrier (remis en mains propres, peu important l'adresse) notifiant la rupture de la période d'essai et le second courrier (envoyé à la bonne adresse à Beausoleil comme l'avait demandé l'intéressée le 10 février 2012) communiquant les documents de fin de contrat ainsi que la renonciation au bénéfice de la clause de non-concurrence (avis de passage non laissé par la Poste), en persistant à prétendre qu'il aurait envoyé ces deux lettres sciemment à de mauvaises adresses dans le but de nuire,

  • - il a été verbalement indiqué à la salariée qu'elle se trouvait déliée de son engagement, au moment de la notification de la rupture de la période d'essai (lettre du 15 février 2012 « confirme » qu'elle est libérée de son obligation),

  • - c'est par précaution et dans la mesure où la demanderesse ne venait pas chercher ses documents de fin de contrat qu'il a pris le soin de rappeler qu'elle se trouvait libre de toute obligation de non-concurrence,

  • - en tout état de cause, il pouvait valablement le faire au moment de l'envoi des documents de fin de contrat dès lors que le contrat prévoit que cette renonciation peut être effectuée à l'occasion de la cessation du contrat de travail (dans un temps très voisin de la fin du contrat) et non au moment même de la rupture (notification), étant relevé qu'il s'est écoulé une semaine entre la rupture et l'envoi de la correspondance du 15 février 2012,

  • - la jurisprudence invoquée n'est pas applicable en l'espèce puisqu'un licenciement se distingue de la rupture de la période d'essai (question de la motivation) et la clause litigieuse permettait à l'employeur de renoncer à la clause de non-concurrence à tout moment au cours de l'exécution de celle-ci,

  • - le fondement de cette décision est que le salarié n'a pas à être laissé constamment dans l'incertitude quant aux éventuelles restrictions apportées à sa liberté de travailler,

  • - les conditions contractuelles ont bien été respectées et il n'est pas responsable de circonstances totalement indépendantes de sa volonté,

  • - en outre, il apparaît que les parties n'ont jamais eu l'intention d'appliquer la clause de non-concurrence à la période d'essai,

  • - le contrat se réfère aux informations dont s. BA. pourra avoir connaissance à l'occasion de ses fonctions, des relations qu'elle aura pu avoir avec la clientèle et des connaissances acquises au service de l'employeur,

  • - la demanderesse n'a pas pu, en l'espace des 11 jours qu'a duré sa période d'essai et même en ayant traité 11 dossiers, obtenir des connaissances susceptibles de contribuer à une action concurrentielle et qui auraient été telles qu'elles puissent justifier une restriction, même limitée et assortie d'une contrepartie, à sa liberté de travail,

  • - la salariée n'a rencontré aucun client (question éludée par la partie adverse mais au cœur de celle de la concurrence),

  • - la nouvelle activité exercée (inscription au barreau de Grasse) correspond bien à l'interdiction contractuelle mais s'inscrit hors du champ d'application géographique de la clause.

SUR QUOI,

  • I) Sur la clause de non-concurrence

Le contrat de travail signé le 18 janvier 2012 prévoit une clause de non-concurrence rédigée dans les termes suivants : « en raison, d'une part, de la nature de ses fonctions, des informations dont elle pourra avoir connaissance à l'occasion desdites fonctions et de leur caractère confidentiel, et d'autre part, des relations qu'elle peut être amenée à avoir avec la clientèle, et des connaissances acquises au service de l'employeur, l'employée sera, à l'issue de son contrat de travail, et quelle qu'en soit la cause, notamment démission, rupture d'un commun accord ou licenciement, soumis à une stricte obligation de non-concurrence dans les conditions ci-après précisées.

(…) L'employée s'interdit, en cas de cessation de son contrat de travail avec l'employeur, d'exercer des fonctions de même nature que les fonctions exercées chez l'employeur, que ce soit dans le cadre d'un contrat de travail, d'une pratique libérale ou à caractère indépendant ou de toute autre forme de relation avec une entreprise, en situation de concurrence avec l'employeur, pendant une période de un an commençant à courir au jour de la cessation effective du présent contrat de travail, et ce sur le territoire de la Principauté de Monaco, et celui des villes françaises de Cap d'Ail, La Turbie, Beausoleil et Roquebrune.

(…) En contrepartie de cette obligation de non-concurrence, l'employée percevra, après la cessation effective de son contrat et pendant toute la durée de la clause de non-concurrence (soit 12 mois), une indemnité spéciale forfaitaire mensuelle égale à 1.200 euros.

(…) L'employeur pourra cependant libérer l'employée de l'interdiction de concurrence, et par là même, se dégager du paiement de l'indemnité prévue en contrepartie, soit à tout moment au cours de l'exécution du contrat, soit à l'occasion de sa cessation. (…) ».

Si les parties n'ont pas expressément prévu la question de l'application de la clause de non-concurrence en cas de rupture du contrat de travail pendant la période d'essai, il apparaît qu'elles n'ont pas davantage entendu l'exclure en visant des formules générales telles que « à l'issue du contrat, et qu'elle qu'en soit la cause, notamment (…) », « après la cessation effective du contrat de travail », si bien qu'il convient de rechercher leur commune intention sans que la durée effective de l'essai (11 jours ouvrables) ou les conditions concrètes de l'exercice de ses fonctions par s. BA. (nature des tâches accomplies, absence de contacts avec la clientèle) puissent avoir une quelconque incidence.

La référence contractuelle à la nature des fonctions, aux informations confidentielles auxquelles la salariée pourrait avoir connaissance, aux relations entretenues avec la clientèle et aux connaissances acquises, permet de considérer que les parties ont entendu appliquer l'engagement de non-concurrence dans l'hypothèse de la rupture du contrat de travail pendant la période d'essai dans la mesure où :

  • - le travail accompli au service d'un avocat, même sur une courte durée de trois mois, peut amener l'employée à disposer de renseignements variés importants ou à nouer des contacts privilégiés avec la clientèle,

  • - dans le domaine de l'exercice de la profession d'avocat ou plus généralement du conseil juridique, en Principauté de Monaco et dans les communes limitrophes françaises, il pourrait être préjudiciable à l'employeur qu'une ancienne salariée, dont l'essai aurait été rompu (à l'initiative de l'une ou l'autre des parties), bénéficie, dans le cadre d'une activité concurrente propre, ou fasse bénéficier à un tiers concurrent, indépendamment du respect de l'obligation de confidentialité, des connaissances diverses acquises (relations professionnelles, informations) à son service,

Étant en tout état de cause relevé que le défendeur a bien estimé que la clause de non-concurrence devait trouver à s'appliquer puisqu'il a cherché à aviser la demanderesse qu'il renonçait en s'en prévaloir.

Si M. Y pouvait parfaitement délier la salariée de l'engagement de non-concurrence sans obtenir son accord, en l'état des dispositions contractuelles en ce sens, il apparaît que cette faculté n'a pas été utilisée au moment de la notification de la rupture (absence de démonstration d'une renonciation explicite et non équivoque, l'emploi du terme « confirme » dans le courrier du 15 février 2012 étant insuffisant), ni même « à l'occasion de sa cessation » (à supposer que cette terminologie concerne la prise d'effet de la rupture), mais postérieurement à la rupture effective du contrat qui avait été reportée au 11 février 2012 (paiement du salaire jusqu'au vendredi 10 février 2012), au moyen d'une correspondance du 15 février 2012 adressée le 16 février 2012. En tout état de cause, la possibilité pour l'employeur de libérer son employé de son obligation de non-concurrence ne peut plus intervenir après la cessation effective des relations contractuelles sauf à laisser perdurer une incertitude inacceptable sur la liberté du travail.

Il s'ensuit qu'indépendamment de la question de l'adresse d'envoi, s. BA. n'a pas été valablement déliée de la clause de non-concurrence par la lettre expédiée le 16 février 2012.

La dispense tardive de non-concurrence ne décharge pas l'employeur de son obligation de paiement de l'intégralité de l'indemnité compensatrice prévue au contrat à moins que ce dernier ne rapporte pas la preuve de la violation de l'obligation de non-concurrence par le salarié (CA, 7 janvier 2014, société S c/V).

Il est constant en l'espèce que la demanderesse est inscrite au barreau de Grasse depuis le 13 avril 2012 (zone géographique non visée par la clause) alors qu'il n'est pas établi qu'elle aurait exercé une autre activité préalablement.

s. BA. est dès lors fondée à obtenir paiement de la somme brute de 14.400 euros au titre de l'indemnité de non-concurrence, qui ne lui a pas été réglée pendant la période de douze mois où elle a respecté son engagement.

Il n'est cependant pas justifié des conditions nécessaires au prononcé de l'exécution provisoire.

  • II) Sur la rupture du contrat de travail pendant la période d'essai

Aux termes de l'article 4 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, pendant la période d'essai qui précède l'embauche définitive, les parties sont libres, sans avoir à en justifier, de résilier unilatéralement le contrat de travail, sans indemnité, ni préavis.

Ce droit discrétionnaire peut toutefois être exercé de manière abusive et donner lieu à l'allocation de dommages et intérêts, notamment lorsque la rupture est sans rapport avec l'exécution du travail et l'appréciation des capacités professionnelles du salarié (auquel incombe la charge de la preuve de l'abus).

Il ne peut être reproché à M. Y de ne pas avoir motivé la lettre portant notification de la rupture du contrat de travail pendant la période d'essai puisqu'il n'a pas à se justifier sur les raisons l'ayant conduit à une telle décision.

Aucun élément versé aux débats ne démontre que la rupture serait intervenue pour des considérations liées à une incompatibilité d'humeur avec la supérieure hiérarchique de la demanderesse, alors que l'employeur, dont il ne peut être exigé qu'il apprécie personnellement l'inaptitude d'un employé à occuper son emploi, a parfaitement pu se fonder sur les constatations opérées par ses collaborateurs habilités à cet égard.

La question de la rédaction d'une assignation préalablement à l'embauche n'apparaît pas pertinente dès lors que ce test n'était qu'une précaution supplémentaire non impérative qui a pu s'avérer insuffisante.

Il n'est pas davantage établi que le défendeur aurait alimenté de faux espoirs, la seule circonstance que la salariée ait travaillé jusqu'à la notification de la rupture n'étant pas suffisante à cet égard.

La nature et le nombre des travaux confiés permettent de considérer que s. BA. a bien été placée dans des conditions normales d'exercice de sa profession sur la période litigieuse.

Le délai certes court de l'essai ne suffit pas à caractériser l'abus ou la précipitation et ce d'autant que les erreurs relevées par l'employeur dénotent d'une absence de vérification des dispositions légales monégasques (autorité parentale, pourvoi non suspensif en matière de référé) ou de demande de précisions quant l'objectif juridique recherché (recours gracieux), ces négligences commises par la demanderesse marquant rapidement une inadaptation à l'emploi occupé à Monaco pour une avocate française disposant de plus de 10 années d'expérience.

En conséquence, la demande en paiement de dommages et intérêts (réparation du préjudice financier et moral) ne peut prospérer.

Les parties, qui succombent chacune respectivement, doivent supporter par moitié les dépens du présent jugement.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré,

Condamne M. Y à payer à s. l. BA. la somme brute de 14.400 euros (quatorze mille quatre cents euros) à titre d'indemnité de non-concurrence ;

Déboute s. l. BA. de ses autres prétentions ;

Fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés par moitié par s. l. BA. et M. Y, recouvrés conformément aux dispositions applicables en matière d'assistance judiciaire ;

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le treize mars deux mille quatorze, par Mademoiselle Magali GHENASSIA, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Eugenio TULLIER, Manolo VELADINI, membres employeurs, Messieurs Philippe LEMONNIER, Jean-Pierre PIZZOLATO, membres salariés, assistés de Mademoiselle Sylvie DA SILVA ALVES, Secrétaire-Adjoint.

  • Consulter le PDF