Tribunal du travail, 5 décembre 2013, Madame A. GI. épouse GL. c/ Monsieur M. M. NA.
Abstract🔗
Contrat de travail - Résiliation judiciaire du contrat de travail - Méconnaissance par l'employeur de ses obligations essentielles - Dommages et intérêts - Paiement du salaire - Période non travaillée - Salarié à la disposition de l'employeur.
Résumé🔗
La salariée n'a plus perçu ses salaires et ne s'est pas vue notifier son licenciement, alors qu'en dépit des promesses de l'employeur, aucune régularisation n'est intervenue. En l'état de la méconnaissance par l'employeur de ses obligations essentielles, il convient de prononcer, à la date du présent jugement, la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur. Les fautes commises par l'employeur justifient l'allocation de dommages et intérêts.
Le salarié, qui se tient à la disposition de son employeur, a droit au paiement des salaires, primes et congés payés afférents, peu important que ce dernier ne lui fournisse pas de travail.
Motifs🔗
TRIBUNAL DU TRAVAIL
AUDIENCE DU 5 DÉCEMBRE 2013
En la cause de Madame A. GI. épouse GL., demeurant : de droit X à NICE (06000), mais résident actuellement : X à ROQUEBILLIERE (06450),
demanderesse, bénéficiant de l'assistance judiciaire par décision n° 64/BAJ/13 du bureau d'assistance judiciaire en date du 24 janvier 2013, plaidant par Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et ayant élu domicile en son Etude,
d'une part ;
Contre :
Monsieur M. M. NA., propriétaire exploitant du P. sis : X à MONACO, et domicilié : X à MONACO,
défendeur, non comparant, ni représenté,
d'autre part ;
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu la requête introductive d'instance en date du 31 mai 2013 reçue le même jour ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 18 juin 2013 ;
Vu les conclusions déposées par Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de Madame A. GI. épouse GL., en date du 11 juillet 2013 ;
Ouï Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, pour Madame A. GI. épouse GL., en sa plaidoirie ;
Nul n'ayant comparu pour Monsieur M. M. NA. ;
Vu les pièces du dossier ;
A. GI. épouse GL. a été employée par M. M. NA. suivant contrat à durée indéterminée, à compter du 3 novembre 2008, en qualité de secrétaire réceptionniste.
Celle-ci a, ensuite d'un procès-verbal de défaut en date du 17 juin 2013, attrait M. M. NA. devant le bureau de jugement du Tribunal du Travail à l'effet de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat à la date du jugement à intervenir aux torts exclusifs de l'employeur et d'obtenir paiement :
- de la somme de 7.743,21 euros à titre de rappel de salaires bruts pour l'année 2012 (trois mois),
- de la somme de 200 euros à titre de complément de rémunération (tickets restaurants septembre 2012),
- des salaires brus restant dus pour l'année 2013 et ce jusqu'à la date du jugement prononçant la résiliation judiciaire (10.324,28 euros à parfaire),
- de l'indemnité de congés payés restant due jusqu'à la date du jugement prononçant la résiliation judiciaire (7.743,21 euros à parfaire),
- la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts,
avec intérêts de droit à compter de la date de convocation devant le bureau de conciliation.
Elle a également sollicité la délivrance des bulletins de salaires depuis le mois de septembre 2012 jusqu'à la date du jugement prononçant la résiliation judiciaire, le certificat de travail et l'attestation Pôle Emploi sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement.
M. M. NA. a signé l'accusé de réception de la lettre recommandée prévue par l'article 39 de la loi n° 446 du 16 mai 1946 mais n'a nullement comparu.
L'affaire a été plaidée en l'absence du défendeur lors de l'audience du 24 octobre 2013 et le jugement mis en délibéré a été prononcé le 5 décembre 2013.
Aux termes de ses écritures judiciaires, A. GI. épouse GL. a également sollicité l'exécution provisoire de la décision à intervenir et a précisé qu'elle a été contrainte de travailler en intérim du 21 janvier au 31 mars 2013 (3.306,06 euros nets) après que l'employeur ait demandé à ses salariés de ne plus se présenter sur le lieu de travail à compter du 15 octobre 2012 et se soit fait expulser des locaux le 23 janvier 2013.
SUR QUOI,
M. M. NA. n'a pas comparu dans le cadre de la présente instance, alors qu'il a été destinataire de la lettre recommandée, l'informant du renvoi de l'affaire devant le bureau de jugement, dont il a signé l'accusé de réception, de telle sorte qu'il sera statué par jugement réputé contradictoire à son encontre.
Conformément aux articles 1er et 2 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, le contrat de travail, qui constitue la convention par laquelle une personne s'engage temporairement à exécuter un travail sous l'autorité et au profit d'une autre personne contre paiement d'un salaire déterminé, est soumis aux dispositions de droit commun.
Dès lors qu'il comporte à la charge des parties contractantes des obligations réciproques, le contrat de travail est un contrat synallagmatique.
La condition résolutoire étant, aux termes de l'article 1039 du Code civil, toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des deux parties ne satisferait pas à son engagement, la partie envers laquelle l'obligation convenue n'a pas été exécutée a la faculté, en l'absence de dispositions contraires de la loi n° 729 du 16 mars 1963, concurremment avec l'exercice de son droit unilatéral de rupture (licenciement ou démission), de solliciter auprès du Tribunal du Travail la résiliation judiciaire du contrat de travail (contrat à exécution successive) ainsi que des dommages et intérêts.
En l'espèce, A. GI. épouse GL. n'a plus perçu ses salaires depuis le mois d'octobre 2012 et ne s'est pas vue notifier son licenciement, alors qu'en dépit des promesses de M. M. NA., aucune régularisation n'est intervenue.
En l'état de la méconnaissance par l'employeur de ses obligations essentielles, il convient de prononcer, à la date du présent jugement, la résiliation judiciaire du contrat de travail de la demanderesse aux torts exclusifs du défendeur.
De plus, le salarié, qui se tient à la disposition de son employeur, a droit au paiement des salaires, primes et congés payés afférents, peu important que ce dernier ne lui fournisse pas de travail, si bien que M. M. NA. est redevable de la somme brute totale de 31.794,61 euros à titre de rappel de salaire se décomposant comme suit :
Salaires dus du 1er octobre 2012 au 4 décembre 2013 : 2.581,07 x 14 + 2.581,07 /31 x 4 = 36.134,98 + 333,04 = 36.468,02 euros
sous déduction des heures au cours desquelles A GI épouse GL n'a pas été à la disposition de l'employeur en raison de l'accomplissement de missions d'intérim 2.581,07 /169 x (70 + 156 + 80) = 4.673,41 euros
ainsi que la somme brute totale de 9.247,72 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés se décomposant comme suit :
Pour la période de référence 2010/2011 : 2.581,07 (règle du maintien du salaire faute de justifier des bulletins de paie afférents à la période) /26 (nombre de jours ouvrables au cours du mois de novembre 2013) x 7 (nombre de jours non pris) = 694,90 euros
Pour la période de référence 2011/2012 :
2.581,07 (règle du maintien du salaire faute de justifier de l'ensemble des bulletins de paie afférents à la période) /26 (nombre de jours ouvrables au cours du mois de novembre 2013) x 30 (nombre de jours non pris) = 2.978,16 euros
Pour la période de référence 2012/2013 :
(2.581,07 x 12 + 2.978,16) /10 = 3.395,10 euros pour 30 jours de congés acquis et non pris
Pour la période comprise entre le 1er mai 2013 et le 4 décembre 2013 :
1/10ème de la rémunération : (2.581,07 x 7 + 2.581,07 x 4/31 + 3.395,10) /10= 2.179,56 euros pour les 18 jours de congés acquis et non pris,
le tout avec intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2013, date de la convocation en conciliation, sur la somme de 2.581,07 x 8 + 2.581,07 x 3/30 - 4.673,41 + 694,90 + 2.978,16 + 3.395,10 = 23.301,42 euros et à compter du jugement pour le surplus, et ce, sous le bénéfice de l'exécution provisoire (salaires et accessoires).
Les éléments versés aux débats ne permettent cependant pas de considérer que le montant des tickets restaurants non remis aurait été prélevé sur le salaire du mois de septembre 2012, en sorte que la demande formée de ce chef ne peut prospérer.
Les fautes commises par le défendeur justifient l'allocation au profit d'A. GI. épouse GL. de la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts, dans la mesure où la demanderesse a subi :
- un préjudice financier lié à l'absence de tout salaire pendant de nombreux mois, alors qu'elle n'a pu percevoir ses indemnités chômage et a été confrontée à des difficultés particulières avec un jeune enfant à charge,
- un préjudice moral indéniable lié à la nécessité d'introduire la présente instance pour faire valoir ses légitimes prétentions, aux tracas engendrés par la présente procédure, à l'incertitude quant au recouvrement de sommes indubitablement dues et au manque de considération de la part du défendeur pour le compte duquel il a travaillé pendant plus de cinq années,
étant relevé qu'il n'est pas justifié sur ce point des conditions nécessaires au prononcé de l'exécution provisoire.
Il convient également d'ordonner, dans le délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision, la délivrance par M. M. NA. à A. GI. épouse GL. des bulletins de salaire pour la période s'étendant du 1er septembre 2012 au 4 décembre 2013, le certificat de travail et l'attestation Pôle Emploi conformes, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour retard et sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
Le défendeur, qui succombe, doit supporter les dépens du présent jugement.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Statuant publiquement, en premier ressort et par jugement réputé contradictoire,
Prononce, à la date du présent jugement, la résiliation judiciaire du contrat de travail conclu entre A. GI. épouse GL. et M. M. NA. aux torts exclusifs de ce dernier ;
Condamne M. M. NA. à payer à A. GI. épouse GL. la somme brute de 31.794,61 euros (trente et un mille sept cent quatre vingt quatorze euros et soixante et un centimes) à titre de rappel de salaire pour la période s'étendant du 1er octobre 2012 au 4 décembre 2013 ainsi que la somme brute de 9.247,72 euros (neuf mille deux cent quarante sept euros et soixante douze centimes) à titre d'indemnité compensatrice de congés, avec intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2013 sur la somme de 23.301,42 euros et à compter du jugement pour le surplus, et ce, sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;
Condamne M. M. NA. à payer à A. GI. épouse GL. la somme de 30.000 euros (trente mille euros) à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
Ordonne la délivrance par M. M. NA. à A. GI. épouse GL. des bulletins de salaire pour la période s'étendant du 1er septembre 2012 au 4 décembre 2013, du certificat de travail et de l'attestation Pôle Emploi conformes, dans le délai de quinze jours à compter de la signification du présent jugement, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;
Déboute A. GI. épouse GL. du surplus de ses demandes ;
Condamne M. M. NA. aux dépens du présent jugement qui seront recouvrés conformément aux dispositions applicables en matière d'assistance judiciaire ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Mademoiselle Magali GHENASSIA, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Daniel CAVASSINO, Jean DESIDERI, membres employeurs, Messieurs Bruno AUGE, Lionel RAUT, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le cinq décembre deux mille treize, par Mademoiselle Magali GHENASSIA, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Bruno AUGE et Daniel CAVASSINO, Messieurs Jean DESIDERI et Lionel RAUT étant empêchés, assistés de Madame Catherine CATANESE, Secrétaire en Chef.