Tribunal du travail, 24 octobre 2013, Monsieur F.A. c/ SARL G

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Abstract🔗

Contrat de travail - Procédure - Tribunal du travail - Citation - Formalisme pour une personne morale - Exploit d'huissier (non) - Lettre simple - Désignation du représentant légal (non) - Nécessité (non).

Résumé🔗

La « citation » initiale du défendeur devant les bureaux de conciliation et de jugement se fait par une lettre simple (reprise de la requête initiale du demandeur) et par une lettre recommandée avec accusé de réception du secrétaire du Tribunal du Travail (reprise des termes du procès-verbal de défaut ou de non-conciliation) et non par un exploit délivré par un huissier, de telle sorte qu'elle n'est pas soumise aux règles édictées par les articles 136 et suivants du Code de procédure civile. En conséquence, l'exception de nullité tiré du défaut de désignation du représentant légal de la personne morale défenderesse dans l'acte de citation est rejetée.


Motifs🔗

TRIBUNAL DU TRAVAIL

AUDIENCE DU 24 OCTOBRE 2013

  • En la cause de Monsieur F.A. , demeurant : 1X à VINTIMILLE (18039) - Italie,

demandeur, bénéficiant de l'assistance judiciaire par décision n° 59/BAJ/12 du bureau d'assistance judiciaire en date du 28 août 2012, plaidant par Maître Sarah FILIPPI, avocat à la Cour d'Appel de Monaco, et ayant élu domicile en son Étude,

d'une part ;

Contre :

  • La SARL G venant aux droits de M. P. ayant exploité en nom personnel le commerce sous l'enseigne G de peinture, dont le siège social est : 2X à MONACO,

défenderesse, plaidant par Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et ayant élu domicile en son Étude,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 24 janvier 2013, reçue le 25 janvier 2013 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 9 avril 2013 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, au nom de Monsieur F.A. , en date des 6 mai 2013 et 5 août 2013 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur, au nom de la SARL G, en date des 11 juillet 2013 et 3 octobre 2013 ;

Après avoir entendu Maître Sarah FILIPPI, avocat à la Cour d'Appel de Monaco, pour Monsieur F.A. , et Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, pour la SARL G, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

Ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation du 8 avril 2013, la « SARL G, exploitant en nom personnel un commerce sous l'enseigne G de peinture » a été attraite, à la demande de F.A. , devant le bureau de jugement du Tribunal du Travail en vue de sa condamnation au paiement des sommes suivantes :

  • - 2.068,56 euros à titre d'indemnité de licenciement,

  • - 3.042 euros à titre d'indemnité de préavis,

  • - 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et irrégularité des bulletins de salaire,

avec intérêts au taux légal à compter de la requête initiale.

L'intéressé a également sollicité la délivrance des bulletins de salaire et de l'attestation d'un organisme privé chargé de la gestion d'un service public E conformes ainsi que l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

À l'audience fixée par les convocations, les parties ont régulièrement comparu.

Puis, après 2 renvois intervenus à leur demande, l'affaire a été contradictoirement débattue sur l'exception de nullité lors de l'audience du 24 octobre 2013 à l'issue de laquelle le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le même jour.

La SARL G a soulevé la nullité de l'acte de citation du 24 janvier 2013 en faisant valoir que :

  • - l'article 49 de la loi n° 446 du 16 mai 1946 prévoit que les dispositions du livre deuxième, première partie, du Code de procédure civile sont applicables à la juridiction du travail en ce qu'elles n'ont rien de contraire à la présente loi,

  • - les articles 136 et suivants de ce code, qui régissent les règles de validité « des exploits en général », appartiennent précisément au livre deuxième,

  • - le Code de procédure civile, en utilisant le vocable « exploits en général », vise tout acte de procédure par lequel un plaideur saisit valablement une juridiction, c'est-à-dire, tout acte introductif d'instance, quelle que soit sa forme,

  • - en conséquence, l'ensemble des dispositions précitées sont applicables aux demandes de citation présentées par tout justiciable devant le bureau de conciliation ainsi qu'aux actes de renvoi des parties devant le bureau de jugement,

  • - en vertu de l'article 141 du Code de procédure civile, les sociétés de commerce doivent être désignées par leur raison sociale, ou par l'objet de leur entreprise, et représentées conformément aux règles du droit commercial,

  • - outre le non-sens juridique contenu dans la désignation de la partie défenderesse (deux formes d'exploitation d'une activité commerciale, SARL et exploitation en nom personnel) dans l'acte du 24 janvier 2013, le demandeur ne vise, ni ne désigne le représentant légal de la personne morale,

  • - le fait que la SARL « vienne aux droits de Monsieur M. P. exploitant en nom personnel un commerce sous l'enseigne G de peinture » ne signifie pas pour autant que ce dernier soit le représentant légal de la société,

  • - cette irrégularité constitue un manquement aux dispositions de l'article 141 du Code de procédure civile, qui doit entraîner la nullité par application de l'article 155 du Code de procédure civile,

  • - l'article 66 du Code de procédure civile précise qu'aucune des nullités prononcées par ledit code n'est comminatoire, si bien qu'il n'est nullement nécessaire de vérifier l'existence de griefs.

En réponse, F.A. soutient que :

  • - par acte du 24 janvier 2013, il a fait en ces termes « la SARL G immatriculée au registre du commerce sous le numéro X venant aux droits de Monsieur M. P. exploitant en nom personnel un commerce sous l'enseigne « G de peinture » dont le siège social se situe X à Monaco »,

  • - il a été embauché par Monsieur M. P. lorsqu'il exerçait le commerce en nom personnel, alors que depuis lors, il a été procédé à la radiation définitive de cette structure pour la remplacer par une SARL, en sorte qu'il a légitimement attrait la personne morale venant aux droits de Monsieur M. P.,

  • - suite à une erreur matérielle, la citation a été retranscrite de manière erronée sur le procès-verbal de préliminaire de conciliation et sur la convocation devant le bureau de jugement,

  • - il n'existe donc aucune nullité au regard des articles 141 et 155 du Code de procédure civile, à les supposer applicables,

  • - aucun formalisme n'est requis par l'article 37 de la loi n° 446 (lettre simple émanant du secrétariat) concernant le défendeur, et ce, contrairement à un acte d'assignation,

  • - la rigueur imposée par le Code de procédure civile ne concerne que les actes introductifs d'instance qui ne pourraient être constitués en l'espèce que par la citation et non pas les procès-verbaux établis postérieurement par le secrétariat du Tribunal du Travail,

  • - il convient en outre de constater l'absence de grief puisque Monsieur M. P. s'est régulièrement présenté lors de l'audience de conciliation ainsi qu'au premier renvoi de l'affaire devant le bureau de jugement,

  • - la seule erreur matérielle commise devra être rectifiée.

SUR QUOI,

En vertu de l'article 49 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, les dispositions du livre deuxième, première partie, du Code de procédure civile sont applicables à la juridiction du travail en ce qu'elles n'ont rien de contraire à la présente loi.

Or, les articles 37 et suivants de cette même loi prévoient que :

« Art. 37.- Le défenseur est appelé devant le bureau conciliation par une simple lettre du secrétaire. La lettre doit contenir les jours, mois et an, les nom, profession et domicile du demandeur, l'indication de l'objet de la demande, le jour et l'heure de la comparution. Elle est remise à la poste par les soins du secrétaire ou portée par le demandeur, au choix de ce dernier.

Art. 38.- Si, au jour fixé par la lettre du secrétaire, le demandeur ne comparaît pas, la cause est rayée du rôle et ne peut être reprise qu'après un délai de huit jours.

Art. 39.- Si le défendeur s'abstient de comparaître ou de se faire représenter, ou si la conciliation n'a pu avoir lieu, l'affaire est renvoyée à la prochaine audience du bureau de jugement.

Le secrétaire convoque les parties par lettre recommandée, avec demande d'un accusé de réception.

À défaut de retour de l'accusé de réception, le défendeur est cité par huissier ; la citation contiendra les énonciations prescrites pour la lettre visée à l'article 37. »

Il apparaît ainsi que la « citation » initiale du défendeur devant les bureaux de conciliation et de jugement se fait par une lettre simple (reprise de la requête initiale du demandeur) et par une lettre recommandée avec accusé de réception du secrétaire du Tribunal du Travail (reprise des termes du procès-verbal de défaut ou de non-conciliation) et non par un exploit délivré par un huissier, de telle sorte qu'elle n'est pas soumise aux règles édictées par les articles 136 et suivants du Code de procédure civile.

En effet, ces dispositions contenues dans la section I dénommée « Des exploits en général » du titre premier, livre deuxième, première partie du Code de procédure civile, ne peuvent concerner que les exploits d'huissier, dans la mesure où le législateur mentionne notamment, à l'article 136, que tout exploit contiendra « 4° le nom, la demeure et la signature de l'huissier », ou à l'article 144, que « l'huissier mentionnera le coût de l'exploit à la fin de l'original et de la copie », tout en utilisant les termes « signifié » ou « signification » propres à la notification des actes par un huissier.

En conséquence, l'exception de nullité (outre qu'elle ne pouvait pas directement concerner la requête du 24 janvier 2013) soulevée par la défenderesse sur le fondement des articles 141 et 155 du Code de procédure civile ne peut être accueillie :

  • - puisqu'il n'apparaît nullement nécessaire de désigner le représentant légal d'une société commerciale, le nom de la partie défenderesse et son adresse devant simplement être communiqués au secrétariat du Tribunal du Travail en vue de sa convocation,

  • - étant précisé que la SARL G n'avait pas lieu d'être « citée par huissier », compte du retour de l'accusé de réception de la lettre recommandée qui lui avait été adressée.

En outre, la simple erreur matérielle commise par le secrétariat du Tribunal du Travail dans les convocations devant le bureau de conciliation et de jugement quant à la retranscription de la requête initiale apparaît sans incidence, dans la mesure où la SARL G , qui était suffisamment désignée, a bien comparu.

Il convient simplement de constater que c'est bien la SARL G venant aux droits de M. P. ayant exploité le commerce sous l'enseigne G de peinture qui a été attraite devant le Tribunal du Travail.

La SARL G , qui succombe, doit supporter les dépens du présent jugement.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

statuant publiquement, contradictoirement, par jugement avant-dire-droit au fond,

Rejette l'exception de nullité soulevée par la SARL G  ;

Renvoie la cause et les parties à l'audience du JEUDI 5 DÉCEMBRE 2013 à 14 heures 30 pour les conclusions au fond de la SARL G  ;

Condamne la SARL G aux dépens du présent jugement ;

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le vingt quatre octobre deux mille treize, par Mademoiselle Magali GHENASSIA, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Jean DESIDERI, Daniel CAVASSINO, membres employeurs, Messieurs Bruno AUGE, Lionel RAUT, membres salariés, assistés de Madame Catherine CATANESE, Secrétaire en Chef.

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