Tribunal du travail, 3 février 2011, s. SA. veuve MO. c/ la SAM SAMDEP

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Salariée vendeuse caissière soumise sans son accord à une période probatoire pour des fonctions de co-responsable - Résultats estimés non satisfaisants par l'employeur - Licenciement sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 - Réparation du préjudice consécutif à la perspective de nomination repoussée et de l'investissement fourni par la salariée

Résumé🔗

L'existence d'une formation et de processus d'évaluation en vue d'une promotion non accordée peut s'analyser en une modification non acceptée du contrat de travail.

Une salariée embauchée en qualité de vendeuse-caissière soutenait avoir été nommée au poste de co-responsable de magasin puis avoir été rétrogradée avant d'être licenciée le 26 avril 2008 sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 après avoir subi des reproches sur l'absence de progression de son chiffre d'affaire. Elle avait attrait son employeur devant le Tribunal du Travail en demandant un solde de préavis et des dommages et intérêts pour rétrogradation abusive et licenciement vexatoire. Son employeur dénie promotion et rétrogradation, la demanderesse n'apportant selon lui aucune pièce justificative de ses allégations. Envisageant le recrutement interne d'un responsable adjoint, il a simplement proposé à la salariée de suivre une formation d'une année et ce stage n'a pas été jugé satisfaisant alors que les résultats conditionnaient la promotion. La salariée s'était d'ailleurs abstenue de toute revendication jusqu'au jour où elle a été informée qu'elle ne serait pas nommée compte tenu de son insuffisance professionnelle. La demanderesse a été remplie de ses droits.

Le Tribunal du Travail analyse ce qui pourrait être une période probatoire pour l'exercice de nouvelles fonctions en vue d'une promotion mais dont l'accord de la salariée n'est pas prouvé, comme une modification unilatérale non acceptée de son contrat de travail, fautive et dommageable. Il alloue à la salariée, à ce titre, la somme de 2000€. Le licenciement fondé sur l'article 6 de la loi n° 729 n'est pas jugé abusif. La salariée a droit toutefois à un solde d'indemnité de préavis.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 9 mars 2009 reçue le 10 mars 2009 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 10 mai 2009 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de Madame s. SA. veuve MO., en date des 2 juillet 2009, 4 février 2010 et 10 juin 2010 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Jacques SBARRATO, avocat-défenseur, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE dénommée SAMDEP, en date des 5 novembre 2009 et 15 avril 2010;

Après avoir entendu Maître Sarah BRAHIM, avocat au barreau de Nice, pour Madame s. SA. veuve MO., et Maître Jacques SBARRATO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, pour la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE dénommée SAMDEP, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

*

s. SA. veuve MO. a été employée par la société anonyme monégasque dénommée SAMDEP, à compter du 1er avril 2006, suivant contrats à durée déterminée successifs, puis à compter du 1er avril 2007, suivant contrat à durée indéterminée.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 juin 2008, s. SA. veuve MO. s'est vue notifier son licenciement sur le fondement des dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 et a été dispensée d'exécuter son travail pendant le délai de préavis d'une durée de deux mois.

s. SA. veuve MO. a, ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 4 mai 2009, attrait la SAM SAMDEP devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail à l'effet d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :

  • 7.000 euros au titre de sa rétrogradation abusive et informelle de fonction (indemnisation sur presque deux ans de delta, 350 euros x 20, soit d'octobre 2006 à août 2008),

  • 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice psychologique et moral subis du fait de la rétrogradation,

  • 1.609 euros à titre de solde de préavis (209 euros ayant seulement été réglés au cours du second mois de préavis),

  • 9.600 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et vexatoire,

avec intérêts de droit à compter de la citation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Elle sollicite également la délivrance de fiches de paie régularisées ainsi que la mise à jour du permis de travail.

À l'audience fixée par les convocations, les parties ont régulièrement comparu.

Puis, après 9 renvois intervenus à leur demande, l'affaire a été contradictoirement débattue lors de l'audience du 18 novembre 2010, à l'issue de laquelle le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 3 février 2011.

À l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que :

  • si elle a été embauchée en qualité de vendeuse-caissière, elle a ensuite été nommée au poste de coresponsable de magasin,

  • il est faux de prétendre qu'elle n'a pas sollicité l'officialisation de cette promotion, bien qu'elle n'ait pas adressé de lettre recommandée avec accusé de réception par peur de représailles,

  • la signature du formulaire administratif le 6 avril 2007 concernant la conclusion d'un contrat à durée indéterminée pour le poste de vendeuse-caissière est intervenue dans un climat de tension,

  • la défenderesse l'a d'ailleurs renvoyée au message intranet du 24 janvier 2006 (antérieur à son embauche et visant e. LE.) pour affirmer qu'elle avait les mêmes droits et prérogatives que les employées promues avant elle,

  • en qualité de responsable adjoint, elle passait les commandes, suivait le réapprovisionnement et utilisait l'intranet,

  • par la suite, elle a été rétrogradée après une série d'actes d'humiliation (fait de ne pas avoir été payée conformément à sa promotion) ou de vexations vestimentaires (fait de remettre la blouse de vendeuse-caissière) - tout comme d'autres salariés dont un au moins a saisi la justice pour des raisons comparables,

  • le motif avancé était que les fonctions exercées étaient temporaires dans la mesure où elles s'inscrivaient dans le cadre d'un essai de formation,

  • à cet égard, les témoignages versés aux débats par l'employeur sont sujets à caution (notamment celui de c. BI.) puisqu'ils émanent d'employés qui sont dans un état de subordination hiérarchique,

  • il convient également de souligner qu'avant son entrée à la SAMDEP, elle avait exercé une activité de rédacteur de sinistre en assurance, avait été gérante d'un commerce pendant 6 ans, alors qu'elle est titulaire d'une maîtrise en droit,

  • la défenderesse n'avait dès lors pas besoin de seize mois pour apprécier ses qualités, d'autres responsables tels que v. LE. n'ayant d'ailleurs pas eu à subir un palier aussi long,

  • de plus, l'entretien de la fin d'année 2007, qui a permis de faire le tour de l'exercice écoulé, a été terriblement humiliant, P. B., membre de la direction, ayant tenu à critiquer son travail en public et de manière véhémente,

  • en début d'année 2008, la direction lui a fait injonction de faire progresser le chiffre d'affaires dans des proportions significatives sous forme d'une prétendue « offre de dernière chance », et ce, dans un contexte économique difficile, en relevant qu'elle était responsable, tout comme c. AN. et e. LE., du fait que les objectifs 2007 n'avaient pas été atteints,

  • il est notable qu'aucune analyse, même superficielle, n'a précédé ces critiques (pic du prix du pétrole, crise des surprimes, création d'une nouvelle boutique concurrente sise Place du Casino),

  • par ailleurs, dans le cadre de ses fonctions et de l'accès au réseau intranet, elle a eu connaissance de messages d'une violence et d'une crudité inconcevables qu'elle a décidé de dénoncer,

  • ainsi, dans sa lettre du 16 mai 2008, p. BE. lui a reproché (tout comme à e. LE.), en lui notifiant un avertissement, une violation du secret des correspondances et de la vie privée, ce qui constitue une tentative visant à discréditer par avance la production des pièces litigieuses en justice,

  • cette sanction doit être contestée dans la mesure où les échanges de courriers électroniques se faisaient dans le cadre professionnel et par des entrées autorisées, alors que les commentaires, auxquels la hiérarchie participait, relevaient d'un simple climat de fraternisation que l'employeur ne saurait imputer à quiconque, encore moins à deux salariées mises à l'index,

  • après avoir écrit à l'Inspection du travail le 26 avril 2008, elle a saisi, avec sa collègue e. LE., la commission de classement le 3 juin 2008 afin d'être réintégrée dans ses fonctions précédentes et obtenir une reconstitution de salaire, mais a été licenciée le même jour au visa de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963,

  • la rupture apparaît abusive, quand bien même aucun motif n'a été énoncé, dans la mesure où la défenderesse ne l'a pas remplie de la totalité de ses droits (deuxième mois de préavis n'ayant pas été intégralement payé et sans doute retenu délibérément) et a procédé au licenciement dans des circonstances de reproches non fondés concernant l'utilisation d'intranet et la baisse du chiffre d'affaires pour parachever les sanctions abusives de rétrogradation et d'avertissement préalablement infligées,

  • l'abus devant être apprécié par rapport aux causes immédiates, il apparaît que la rupture est une réponse à sa lettre de protestation expédiée le 26 avril 2008 à l'Inspection du travail.

En réponse, la SAM SAMDEP soutient pour l'essentiel que :

  • la demanderesse n'apporte aucune pièce permettant de justifier qu'elle aurait été nommée en qualité de responsable adjoint, s'abstient de préciser une quelconque date à cet égard et ne développe aucune argumentation probante pour accréditer sa thèse de la promotion suivie d'une rétrogradation,

  • les bulletins de salaire de s. MO. se référent toujours à la fonction de vendeuse-caissière, alors que cette dernière n'a même pas sollicité la modification de son contrat dans le sens qu'elle soutient aujourd'hui, n'établit pas les représailles qu'elle invoque et a, au contraire, signé le 6 avril 2007 un formulaire administratif pour confirmer la transformation de son contrat initial en contrat à durée indéterminée, avec maintien de la qualification de vendeuse-caissière,

  • en réalité, en prévision de la création d'un poste supplémentaire de responsable adjoint, elle a opté pour un recrutement interne en proposant notamment à la salariée de suivre une formation sous la direction de m. GA., titulaire du poste de responsable adjoint, en charge de la boutique dite Louis II,

  • les conditions exposées et acceptées de ce stage de formation étaient les suivantes: durée d'un an pour suivre un cycle complet d'activité, pas de modification du salaire horaire et maintien de la prime d'assiduité spécifique au poste de vendeuse-caissière, horaire mensuel modifié, début du stage en janvier 2007,

  • cette formation s'est déroulée avec m. GA. jusqu'au mois d'août 2007 puis avec m. IE., responsable de plusieurs boutiques (Grimaldi Forum, Louis II, Portier),

  • en fin d'année 2007, une évaluation du travail de la demanderesse a été effectuée par ses supérieurs hiérarchiques, lesquels ont estimé que le stage ne pouvait pas être jugé satisfaisant au regard de la persistance de trop nombreux dysfonctionnements et lacunes,

  • cette conclusion a été portée à la connaissance de s. MO. au début du mois de janvier 2008 mais a néanmoins été assortie d'une possibilité de rattrapage jusqu'à fin mars 2008, ce qui correspondait au délai qu'elle avait prévu pour recueillir des candidatures extérieures puisque la recherche interne avait jusqu'alors été vouée à l'échec,

  • cette ultime tentative de mise à niveau s'est malheureusement avérée infructueuse, de telle sorte que le poste de responsable adjoint a été pourvu au moyen d'un recrutement externe,

  • la réalité de cette situation est d'ailleurs établie par les attestations de p. BE., de m. IE., de f. TH. et de p. MA., lesquels confirment que la procédure a été régulièrement et équitablement engagée mais que les résultats n'ont pas été concluants,

  • la loi ne comporte aucune exclusion pour les témoignages de salariés, alors que P. B., qui ne travaille plus pour son compte, a établi une nouvelle attestation conforme à ses précédentes déclarations,

  • les simples affirmations de s. MO. ne suffisent pas à établir sa prétendue nomination au poste de responsable adjoint, alors que les éléments de la cause prouvent l'existence d'un accord pour le suivi d'une formation dont les résultats conditionnaient la promotion,

  • si les diverses tâches accomplies par l'intéressée au cours dudit stage reflètent tous les aspects de la fonction d'un responsable adjoint, il est inconcevable qu'une nomination ait pu intervenir avant même d'avoir pu apprécier les qualités de la demanderesse,

  • si la promotion avait été décidée, elle aurait été officiellement déclarée au Service de l'Emploi et aurait été mentionnée sur les bulletins de salaire,

  • or, la salariée s'est abstenue de toute revendication jusqu'au jour où elle a été informée qu'elle ne serait pas nommée compte tenu de ses insuffisances professionnelles,

  • la note intranet du 24 janvier 2006 est totalement étrangère à s. MO. puisqu'elle ne porte pas son nom et est antérieure à son embauche,

  • le parcours professionnel antérieur de la demanderesse est sans incidence sur le présent procès,

  • en l'absence de toute nomination en qualité de responsable adjoint, il ne peut dès lors y avoir eu une quelconque rétrogradation, le maintien de la salariée au poste de vendeuse-caissière devant être considéré comme la simple exécution de son contrat de travail,

  • les attestations versées aux débats par son adversaire (c. AN. et v. LE.) sont nulles faute d'être intégralement écrites de la main de leur auteur, de comporter l'autorisation de production en justice et la mention relative à la connaissance des sanctions pénales encourues,

  • le témoignage attribué à v. LE. comporte en outre une signature apparemment différente de celle figurant sur la photocopie du passeport annexée,

  • la nouvelle attestation de c. AN. n'en demeure pas moins inopérante puisque l'impartialité de ce témoin, dont les déclarations s'apparentent à un règlement de comptes avec ses supérieurs hiérarchiques, est douteuse,

  • en tout état de cause, il convient de relever que c. AN. n'a pas engagé de procès car il a raisonnablement estimé que les faits ne lui conféraient aucun droit à un poste auquel il n'a jamais été nommé,

  • à titre subsidiaire, il y a lieu de constater que la demanderesse n'explique pas le calcul des sommes qu'elle réclame, ni l'importance des préjudices qu'elle prétend avoir subi,

  • en outre, la présente juridiction a compétence pour statuer sur la contestation d'une sanction disciplinaire à supposer qu'elle soit saisie d'une telle demande, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, de telle sorte que l'avertissement du 16 mai 2008 ne peut être remis en question,

  • en tout état de cause, il apparaît que l'usage de son pouvoir disciplinaire était justifié et proportionné à la faute,

  • en effet, par lettre conjointe du 26 avril 2008, s. MO. (tout comme e. LE.) a mis en cause la moralité de certains membres du personnel d'encadrement et a joint à sa correspondance un tirage de courriels échangés par des collègues de travail à partir du système informatique de l'entreprise,

  • elle a ainsi justement considéré que cette intrusion dans la boîte aux lettres personnelle des employés considérés constituait une violation du secret de la correspondance commise avec l'outil de travail,

  • de plus, ces courriels ont été émis au mois d'octobre 2007, soit à une période où la salariée n'avait aucune raison d'en vouloir au personnel concerné, qui ne s'était pas encore prononcé sur le résultat final du stage de formation, ce qui démontre une préméditation quant à une utilisation future,

  • la demande concernant l'avertissement apparaît irrecevable faute d'avoir été soumise au préliminaire de conciliation,

  • par ailleurs, le licenciement sans motif constitue un droit autonome et unilatéral de l'employeur qui le dispense de se référer à un motif inhérent à la personne du salarié, de telle sorte qu'il n'est pas possible d'affirmer, sans contradiction, que cette rupture s'apparenterait à une sanction en corrélation avec un motif personnel,

  • l'entretien que deux des collègues de s. MO. auraient eu avec la direction ne la concerne pas et, de surcroît, les considérations d'ordre économique invoquées sont étrangères à la décision de rupture,

  • il convient de constater que la demanderesse ne formule aucun reproche quant aux circonstances immédiates qui ont entouré le licenciement,

  • de plus, la salariée a bénéficié du préavis légal durant lequel elle a été dispensée d'effectuer sa prestation de travail afin de lui permettre de consacrer tout son temps à la recherche d'un autre emploi,

  • elle a ainsi été remplie de ses droits, conformément à l'article 7 de la loi n° 729, en percevant une indemnité de 1.864,35 euros correspondant à un mois de salaire et à l'indemnité spéciale d'un montant de 219,06 euros, dont le calcul est précisé par l'arrêté ministériel n° 68-256 du 23 juillet 1968,

  • le licenciement intervenu le jour de la saisine de la commission de classement n'a aucun rapport avec cette démarche.

SUR QUOI

I) Sur la nullité des attestations

L'attestation établie par c. AN. le 24 novembre 2009 est intégralement écrite de la main de son auteur et comporte les mentions prévues par l'article 324-5° du Code de procédure civile, de telle sorte que l'exception de nullité ne peut être accueillie.

L'attestation établie par v. LE., bien qu'elle ait été régulièrement communiquée par la demanderesse, n'a pas été produite aux débats, de telle sorte que la présente juridiction n'est pas en mesure d'apprécier sa validité et ne pourra pas davantage l'examiner sur le fond.

II) Sur la responsabilité de l'employeur en cours d'exécution du contrat de travail

Il n'est pas contesté que depuis la fin de l'année 2006, s. MO. exerçait, dans le cadre de son activité salariée, les tâches dévolues à un responsable adjoint.

La société défenderesse soutient pour sa part que les attributions ainsi confiées ne l'avaient été que dans le cadre d'un stage de formation, lequel s'est avéré insuffisamment satisfaisant pour que la demanderesse obtienne la promotion envisagée et soit nommée responsable adjoint.

Les parties peuvent convenir, en cours d'exécution du contrat de travail, d'une période probatoire pour l'exercice de nouvelles fonctions ou en vue d'une promotion, à l'issue ou au cours de laquelle, si elle n'est pas concluante ou satisfaisante, le salarié est replacé dans ses fonctions antérieures.

La période probatoire ne se présumant pas, elle doit faire l'objet d'un accord dans son principe, sa durée et éventuellement son renouvellement.

Il appartient à la partie qui l'invoque d'en rapporter la preuve.

Le contrat de travail demeurant civil à l'égard du salarié, l'employeur qui se prévaut de l'existence d'un « essai de formation » doit rapporter la preuve de l'accord relatif à la période probatoire conformément aux règles édictées par les articles 1188 et suivants du Code civil.

En l'espèce, l'objet de la demande étant supérieur à 1.140 euros et l'objet de l'accord en cause ayant une valeur indéterminée, la preuve testimoniale ne peut être reçue qu'en présence d'un commencement de preuve par écrit.

Or, force est de constater que la SAM SAMDEP n'a pas été en mesure de fournir un tel commencement de preuve par écrit, de telle sorte que les seules attestations de ses salariés (anciens ou actuels) ne peuvent être admises pour faire la preuve de l'accord intervenu entre s. MO. et son employeur sur le principe, la durée et le renouvellement de la période probatoire invoquée.

Cependant, les faits relatés par les différents témoins concernant la formation de la salariée à compter du mois de novembre 2006 ainsi que les délais successifs destinés à évaluer ses capacités à occuper le poste de responsable adjoint (plus d'un an puis trois mois) démontrent que l'employeur a en réalité modifié, sans son accord, le contrat de travail de s. MO., en lui imposant une période probatoire dans l'exercice de ses nouvelles fonctions pour une durée non convenue puis un retour à ses fonctions antérieures à compter du mois d'avril 2008, et a ainsi commis une faute engageant sa responsabilité.

Si la demanderesse n'a pas suffisamment expliqué sa prétention concernant l'indemnisation réclamée pour la période d'octobre 2006 à août 2008, laquelle ne peut dès lors être accueillie, il apparaît que le préjudice moral subi par s. MO., compte tenu de la perspective de nomination officielle repoussée sans véritable prévisibilité et de l'investissement fourni pendant près d'une année et demi, justifie l'allocation à son profit de la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement.

III) Sur le licenciement

En application de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, l'employeur dispose d'un droit unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci, et doit supporter les conséquences de sa décision de ne pas énoncer le motif de la rupture, en versant le montant de l'indemnité de licenciement prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968.

Cependant, l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 n'instaurant pas, au profit de l'employeur, un droit discrétionnaire et absolu, il appartient au Tribunal du Travail de vérifier le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié d'une part, et les circonstances ayant entouré la résiliation, qui doivent être exemptes de tout abus d'autre part.

Dès lors que l'article 7 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 prévoit que « (….) les travailleurs ont droit, sauf en cas de faute grave : (…) b) si l'ancienneté au service d'un même employeur est supérieure à deux années ininterrompues, au choix de l'employeur :

  • soit à un délai-congé d'une durée de deux mois,

  • soit à un délai-congé d'une durée d'un mois et à une indemnité spéciale dont le montant minimum et les modalités de calcul seront déterminés par arrêté ministériel ; (… )»,

il apparaît que l'option laissée à l'employeur dans cette hypothèse (plus de deux années d'ancienneté) a une incidence sur la durée de préavis et par là même sur la date de fin de contrat, indépendamment de la question de la dispense d'exécution.

Ainsi, l'employeur, qui décide de régler l'indemnité spéciale, choisit nécessairement un délai-congé limité à un mois et libère le salarié plus rapidement de ses obligations contractuelles, quand bien même il le dispense d'exécuter son travail pendant le délai de préavis.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 3 juin 2008 mentionne clairement que « votre préavis de deux mois court à compter de ce jour et vous êtes dispensée de l'effectuer». L'attestation ASSEDIC, tout comme le certificat de travail, se réfèrent à un préavis d'une durée de deux mois et une fin de contrat au 3 août 2008.

La société défenderesse, en optant pour un délai-congé de deux mois, même avec dispense d'exécution, devait dès lors régler l'indemnité de préavis correspondant au salaire pour l'intégralité de cette période. Seul le choix d'un délai de préavis d'un mois lui aurait permis de réaliser les versements qu'elle a en réalité effectués (un mois de salaire et indemnité spéciale).

s. MO. est ainsi en droit d'obtenir paiement de la somme de : (1.864,35 x 2) – (1.864,35 + 219,06) = 1.645,29 euros. La demanderesse ayant cependant limité sa prétention à la somme de 1.609 euros, il convient de condamner, sous le bénéfice de l'exécution provisoire (application aux instances en cours des dispositions nouvelles de la loi n° 1.375 du 16 décembre 2010), la SAM SAMDEP au paiement de cette somme brute avec intérêts au taux légal à compter du 10 mars 2009, date de la convocation en conciliation.

S'il s'évince de ce qui précède que la salariée n'a pas été intégralement remplie de ses droits, force est de constater qu'elle n'invoque, ni ne justifie d'aucun préjudice distinct de celui réparé par les intérêts de retard.

Par ailleurs, s. MO., à laquelle incombe la charge de la preuve de l'abus commis par l'employeur, ne démontre pas que la rupture serait la nécessaire conséquence de la lettre de protestation adressée à la SAMDEP et à l'Inspection du Travail le 26 avril 2008 et ce d'autant qu'e. LE., co-auteur de cette correspondance, n'a pour sa part pas été licenciée. Au contraire, c. AN., qui n'avait pas reçu d'avertissement le 16 mai 2008, a quant à lui été congédié sur le même fondement (article 6).

Le licenciement a été notifié le jour de la saisine de la commission de classement, de telle sorte qu'il ne peut être en lien avec cette démarche, alors que la demanderesse n'a jamais contesté l'avertissement sus-évoqué (étant relevé que la présente juridiction n'est pas concrètement saisie d'une demande d'annulation à cet égard).

Il n'est pas davantage justifié d'une quelconque intention de nuire.

La demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement abusif doit en conséquence être rejetée.

IV) Sur les autres demandes

Faute pour s. MO. de préciser les éléments qui devraient être rectifiés sur ses fiches de paie ou son permis de travail, les prétentions formées de ce chef ne peuvent être accueillies.

Il n'est pas justifié pour le surplus des conditions nécessaires au prononcé de l'exécution provisoire.

La SAM SAMDEP, qui succombe, doit supporter les dépens du présent jugement.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, en premier ressort, par jugement contradictoire, après en avoir délibéré,

Déclare valable l'attestation de c. AN. en date du 24 novembre 2009 versée aux débats par s. SA. veuve MO. ;

Constate que l'attestation de v. LE. en date du 3 juillet 2008 n'a pas été produite aux débats par s. SA. veuve MO. ;

Condamne la société anonyme monégasque dénommée SAMDEP à payer à s. SA. veuve MO. la somme de 2.000 euros, (deux mille euros), à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de la modification imposée de son contrat de travail, et ce, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

Condamne la société anonyme monégasque dénommée SAMDEP à payer à s. SA. veuve MO. la somme de 1.609 euros, (mille six cent neuf euros), à titre d'indemnité de préavis, avec intérêts au taux légal à compter du 10 mars 2009, et ce, sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;

Déboute s. SA. veuve MO. du surplus de ses demandes ;

Condamne la société anonyme monégasque dénommée SAMDEP aux dépens du présent jugement.

  • Consulter le PDF