Tribunal du travail, 14 janvier 2010, c. MO. c/ p. PA., SAM des Entreprises J-B PA. et Fils

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Abstract🔗

Licenciement pour faute grave suivant un licenciement avec préavis - Tâches du salarié excédant selon lui l'emploi confié - Refus du salarié d'exécuter des tâches excédant celles prévues par son contrat de travail - Licenciement ne reposant pas sur un motif valable - Licenciement abusif

Résumé🔗

Le salarié qui soutient effectuer des tâches excédant son emploi doit saisir de cette question la commission de classement prévue par l'article 11-1 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 sur le salaire. Le fait, pour lui, de refuser d'accomplir des tâches excédant celles correspondant au poste pour lequel il a été recruté, ne constitue pas un motif valable de licenciement.

Un dessinateur embauché le 2 avril 2001 est licencié avec préavis le 3 juillet 2007 après avoir, la veille, exprimé son refus de continuer à exécuter des tâches excédant l'emploi contractuellement confié. Par lettre du 6 juillet, il est licencié pour faute grave en raison de diverses anomalies découvertes selon les dires de l'employeur. Ce dernier est attrait devant le tribunal du Travail par le salarié qui, estimant le licenciement sans fondement valable et abusif, demande, outre le paiement du préavis, l'indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement abusif. Il demande aussi paiement d'une somme correspondant à la surcharge de travail. L'employeur, justifiant la rupture intervenue, estime, de son côté, que le salarié demandeur n'a supporté aucune surcharge d'activités, des horaires de travail aménagé lui auraient même été accordés pour suivre des cours et passer des examens. Suite à son licenciement, des faits d'une gravité certaine seraient apparus, consistant notamment dans la numérisation de la signature du président délégué de la société.

Le Tribunal du Travail rejette d'abord la demande de paiement d'indemnité pour surcharge de travail car si le salarié soutient que ses tâches auraient justifié l'attribution d'un coefficient hiérarchique supérieur, il lui appartenait de saisir de cette question la commission de classement instituée par l'article 11-1 de la loi n° 739 du 16 mars 1963, ce qu'il n'a pas fait. Sur le licenciement, la Juridiction saisie estime que le fait de refuser d'accomplir des tâches excédant celles du poste pour lequel un salarié a été recruté, ne constitue pas un motif de licenciement. L'employeur ne pouvait, par ailleurs, le licencier à nouveau pour un motif apparu ultérieurement, seule une éventuelle rupture anticipée du préavis étant concevable si des faits constitutifs de faute grave étaient prouvés, ce qui n'est pas le cas. Les indemnités de préavis et licenciement sont accordés ainsi que des dommages et intérêts, pour préjudice moral à hauteur de 18.000 €, pour rupture abusive, car sanctionnant une revendication légitime du salarié.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 2 juin 2008, reçue le 9 juin 2008 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 8 juillet 2008 ;

Vu les conclusions déposées par Monsieur c. MO., en personne, en date des 10 août 2008 et 22 mai 2009 ;

Vu les conclusions déposées par Monsieur p. PA., en personne, en date des 8 janvier 2009 et 2 juillet 2009 ;

Nul n'ayant comparu pour Monsieur c. MO., à l'audience de plaidoiries ;

Ouï Monsieur p. PA., en personne, en ses observations et explications ;

Vu les pièces du dossier ;

*

Le 2 avril 2001, M. c. MO. a été embauché par la société G.I.TEC en qualité de dessinateur ; à compter de janvier 2004, son contrat de travail s'est poursuivi auprès de la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS.

Par lettre du 2 juillet 2007, M. c. MO. a indiqué à son employeur que malgré son investissement professionnel durant six ans il n'avait eu ni évolution de carrière ni augmentation de salaire, et qu'il se bornerait désormais à effectuer son emploi de dessinateur en électricité, à l'exclusion de toutes les tâches ne correspondant pas à cet emploi, notamment celles relevant de la fonction de responsable informatique de la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS, de PA. IMMOBILIER et de la S.A.M. FONCIERE MARITIME qui lui avait été assignée depuis deux ans ; pour le cas contraire, il demandait qu'un nouveau contrat de travail lui soit soumis par écrit.

Par lettre du 3 juillet 2007, la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS, se référant à la lettre ci-dessus, a informé M. c. MO. qu'elle ne pouvait tolérer le comportement d'un salarié faisant preuve de mauvaise volonté, sans esprit d'équipe, et que, faute d'être tous deux parvenus à un accord lors de l'entretien du même jour, elle se trouvait contrainte de mettre fin à son emploi de dessinateur. Par la même lettre, la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS, tout en avisant le salarié de l'existence d'un préavis d'une durée de deux mois, a fixé au 31 juillet 2007 la cessation du contrat de travail et a dispensé M. c. MO. d'effectuer le reste du préavis.

Par lettre du 6 juillet 2007, la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS a indiqué à M. c. MO. que, depuis la lettre l'informant de son licenciement, elle avait constaté certaines fautes graves dans le cadre de son travail ; il aurait installé et configuré le réseau informatique de la société et, par son statut d'administrateur réseau, il aurait réalisé des manœuvres informatiques douteuses : scannage de la signature de M. p. PA., lecture de fichiers confidentiels, etc. La S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS précisait également à M. c. MO. qu'elle confirmait le licenciement pour faute grave à compter du même jour, et déclarait se réserver la possibilité d'intenter une action en justice à son encontre.

Suivant requête reçue au greffe le 9 juin 2008, M. c. MO. a saisi le Tribunal du travail afin d'obtenir le paiement des sommes suivantes :

1)3.842,56 euros au titre du salaire de deux mois de préavis,

2)4.208,64 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

3)50.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Faute de conciliation des parties, et suivant procès-verbal du 7 juillet 2008, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Elle a été évoquée à l'audience de plaidoiries du 26 novembre 2009, puis mise en délibéré jusqu'à ce jour.

*

M. c. MO., par conclusions du 10 août 2008 et du 22 mai 2009, expose qu'il a été embauché en qualité de dessinateur en électricité moyennant une rémunération brute mensuelle de 13.720 francs, ou 2.091,60 euros ; cependant, contrairement aux dispositions de la convention collective, ses qualifications et son coefficient n'auraient pas été mentionnés sur les bulletins de salaire ; de même il n'aurait reçu ni lettre d'embauche ni contrat de travail. Or ses fonctions auraient largement dépassé le cadre de l'emploi de dessinateur ; il aurait notamment représenté l'entreprise lors de réunions sur différents chantiers d'importance, et aurait été détaché auprès d'un groupement d'entreprises durant 6 mois ; enfin, la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS lui aurait confié l'installation, la maintenance et le suivi du parc informatique de la société, comme de la S.A.M. FONCIERE MARITIME et de PA. IMMOBILIER, soit un total de quatre serveurs et une trentaine de postes clients répartis sur trois sites. Suite à sa demande tendant à obtenir une modification de sa qualification, en respectant la convention collective des E.T.A.M. du bâtiment, la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS l'aurait licencié.

M. c. MO. conteste l'existence de fautes graves de sa part, en soutenant qu'il n'a jamais consulté de fichiers confidentiels, qu'il n'a pas créé de « passerelle » entre le serveur de l'entreprise et celui de la comptabilité, qu'il a numérisé la signature de M. p. PA. à la demande de son supérieur hiérarchique, M. a. FA., et que cela ne peut constituer une faute grave. Ces faits auraient donné lieu à un dépôt de plainte par le chef d'entreprise, mais cette plainte aurait été classée sans suite ; dans le cadre de l'enquête de police son ordinateur personnel aurait été examiné sans résultat, et M. p. PA. aurait exercé un chantage en lui indiquant qu'il retirerait sa plainte si le salarié ne contestait pas son licenciement. Face au refus de M. c. MO., le chef d'entreprise aurait refusé de remettre les documents prévus en cas de licenciement, tels que l'attestation destinée à l'ASSEDIC et le certificat de travail.

En réponse aux observations de la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS, M. c. MO. soutient que même si aucune heure supplémentaire n'apparaît sur ses bulletins de salaire, il travaillait souvent au-delà des horaires de travail ainsi que le samedi matin. Il aurait suivi des cours du soir durant un semestre seulement, à l'époque où il était détaché auprès d'un groupement d'entreprises, et alors qu'il quittait le chantier deux fois par semaine après sa fermeture à 17 heures.

M. c. MO. ajoute que, suite à son licenciement, il a dû quitter la région pour retrouver un emploi correspondant à sa qualification. Il sollicite en conséquence, outre l'indemnité de préavis et l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective, la somme de 12.600 euros au titre de la surcharge de travail depuis janvier 2004, la somme de 11.527,68 euros pour licenciement abusif et celle de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts.

La S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS, par conclusions du 8 janvier 2009 et du 2 juillet 2009, répond que si M. c. MO. a effectivement participé à des réunions de chantier, cela n'était pas de nature à remettre en cause ses fonctions de dessinateur ; en effet, aucun chantier n'aurait été placé sous sa responsabilité, et il ne pourrait en aucun cas prétendre à une qualification supérieure à celle de son emploi. En ce qui concerne l'informatique, le système de l'entreprise ne présenterait aucune technicité particulière et toutes les interventions auraient été confiées à un tiers, la société D.E.I. SYSTEM, avec laquelle il n'aurait même pas été nécessaire de passer un contrat d'entretien, sauf pour ce qui concerne la partie comptabilité. La seule tâche incombant à M. c. MO. aurait été de relayer les doléances des salariés auprès de ce prestataire de services informatiques et de programmer les interventions nécessaires ; au demeurant le salarié aurait mal accompli cette mission ainsi que cela aurait été révélé après son départ.

En aucun cas M. c. MO. n'aurait supporté une surcharge d'activité. Au contraire il se serait révélé peu efficace au cours du mois de juin 2007 ; la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS aurait même aménagé les horaires de travail de son salarié afin de lui permettre de suivre des cours du soir, et des journées d'absence lui auraient été accordées pour les besoins de ses examens.

En ce qui concerne le licenciement, la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS expose que deux dessinateurs sont employés au sein de son département électricité ; en juin 2007, l'un d'eux aurait démissionné de son emploi pour des raisons personnelles et M. c. MO., profitant de cette période difficile pour l'entreprise, aurait tenté d'exercer un chantage sur son employeur. Le président délégué de la société aurait organisé un entretien avec le salarié, mais celui-ci se serait contenté de reprendre strictement les propos figurant dans sa lettre recommandée, ce qui aurait entraîné le licenciement.

Suite à celui-ci, certains collègues de travail auraient dénoncé des faits d'une gravité certaine, conduisant la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS à prononcer un licenciement pour faute grave ; en effet M. c. MO. aurait créé une « passerelle » entre le serveur de la comptabilité et son poste de travail, en les reliant par un câble, ce qui lui aurait permis d'accéder aux données comptables et de les retranscrire sur le disque dur de son ordinateur. De plus M. c. MO. ne justifierait pas avoir acquis cet ordinateur portable, lequel aurait été commandé pour le compte de la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS, dans le cadre de l'achat d'autres matériels. Par ailleurs la numérisation de la signature du président délégué de la société constituerait une pratique frauduleuse d'une gravité certaine.

La S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS conteste avoir refusé de remettre à M. c. MO. les documents d'usage en cas de licenciement et affirme qu'elle a au contraire convoqué le salarié à plusieurs reprises pour les lui remettre. Enfin, alors que la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS aurait tenté, dans un esprit d'apaisement, de s'entretenir avec lui par lettres recommandées du 22 novembre 2007 et du 17 décembre 2007, M. c. MO. aurait refusé tout dialogue et se serait inscrit dans une démarche procédurière.

Reconventionnellement, la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS sollicite une somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

SUR QUOI,

La surcharge de travail

M. c. MO. sollicite la somme de 12.600 euros au titre des indemnités dues pour la surcharge de travail effectué depuis le mois de janvier 2004.

Cependant M. c. MO. ne précise pas le fondement de sa demande d'indemnités pour surcharge de travail.

S'il soutient avoir effectué des tâches excédant l'emploi de dessinateur, et qui auraient justifié l'attribution d'un coefficient hiérarchique supérieur, il n'a pas saisi de cette question la commission de classement instituée par l'article 11-1 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 sur le salaire, alors qu'un différend de cette nature doit lui être obligatoirement soumis préalablement à la saisine du Tribunal du travail. Par ailleurs il ne produit aucun élément pour démontrer que le salaire minimum auquel il aurait pu prétendre, s'il avait été classé dans une catégorie supérieure correspondant au poste effectivement occupé, aurait été supérieur au salaire effectivement versé par la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS.

Dès lors, le fait d'avoir accompli des travaux excédant les tâches confiées habituellement à un dessinateur, ne suffit pas à fonder sa demande.

Par ailleurs, M. c. MO. soutient également avoir travaillé dans les locaux de son employeur après les heures de travail ainsi que le samedi matin. Toutefois il ne verse aux débats aucun élément de preuve concernant son temps de travail effectif, ni même un décompte des heures supplémentaires qu'il aurait pu effectuer.

Il convient donc de le débouter de sa demande au titre d'un complément de rémunération.

L'indemnité de licenciement

Selon l'article 2 alinéa 1 de la loi n° 845 du 27 juin 1968 sur les indemnités de congédiement et de licenciement en faveur des salariés, dans le cas où le licenciement n'est pas justifié par un motif jugé valable, l'employeur est tenu au paiement d'une indemnité de licenciement égale à autant de journées de salaire que le travailleur compte de mois de service chez ledit employeur ou dans son entreprise.

L'existence d'un motif valable justifiant le licenciement s'apprécie au jour de celui-ci. Dès lors, même si l'employeur n'est pas tenu d'énoncer les raisons du licenciement lorsqu'il notifie sa décision au salarié, il ne peut invoquer au soutien de celle-ci des faits postérieurs à la notification, ou des faits qui, bien qu'antérieurs, ont été portés à sa connaissance seulement postérieurement.

En l'espèce, la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS a licencié M. c. MO. par lettre datée du 3 juillet 2007 en soutenant qu'elle ne pouvait tolérer qu'un salarié fasse preuve de mauvaise volonté, sans esprit d'équipe, et en invoquant l'absence d'accord lors d'un entretien du même jour.

Cependant la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS, sur laquelle repose la charge de la preuve de la réalité des motifs allégués pour justifier le licenciement, ne démontre pas l'existence d'un comportement anormal de M. c. MO. susceptible de caractériser une mauvaise volonté, ou un manque d'esprit d'équipe, dans le cadre de son emploi de dessinateur. Le fait pour un salarié de refuser d'accomplir des tâches excédant celles correspondant au poste pour lequel il a été recruté ne peut constituer un motif de licenciement. La S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS ne pouvait donc tirer prétexte du refus de M. c. MO. d'accomplir d'autres tâches que celles d'un dessinateur en électricité pour le licencier d'un tel poste.

Par ailleurs la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS ne caractérise pas l'existence d'un chantage exercé sur elle par son salarié à une époque de surcharge de travail. D'une part une revendication légitime, consistant pour le salarié à limiter son activité au travail pour lequel il est rémunéré à défaut d'être promu à un emploi d'un rang supérieur, ne peut être assimilée à une tentative d'extorquer un avantage indu ou excessif, et d'autre part, si l'employeur rapporte la preuve du départ d'un autre dessinateur de l'entreprise, M. c. MO. ne refusait en aucun cas d'exécuter les travaux correspondant à un tel emploi.

À la date du licenciement, aucun motif valable ne justifiait donc cette mesure.

En outre, à compter de la date du licenciement, l'employeur ne peut revenir sur sa décision sans l'accord de son salarié ; il ne peut donc le licencier à nouveau pour un motif apparu postérieurement. Dès lors, les griefs apparus après le 3 juillet 2007, notamment ceux mentionnés dans la lettre du 6 juillet 2007 par laquelle la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS déclarait confirmer le licenciement pour faute grave à compter de cette date, sont sans incidence sur le licenciement et les motifs pour lesquels il a été prononcé, et sont seulement susceptibles de justifier une rupture anticipée en cours de préavis.

En conséquence, il convient de constater que le licenciement de M. c. MO. par la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS n'était pas justifié par un motif valable, et d'allouer au salarié l'indemnité légale de licenciement. En l'absence de contestation portant sur le montant de la demande, il y a lieu de condamner la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS à payer à M. c. MO. la somme de 4.208,64 euros qu'il réclame à ce titre.

L'indemnité de préavis

Conformément à l'article 11 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 concernant le contrat de travail, toute rupture de contrat à durée indéterminée sans préavis, ou sans que le délai-congé ait été intégralement observé, emporte obligation pour la partie responsable de verser à l'autre une indemnité dont le montant correspond à la rémunération et aux avantages de toute nature dont aurait bénéficié le travailleur durant le délai de préavis prévu à l'article 7, alinéa premier, qui n'aura pas été effectivement respecté. Cependant la rupture du contrat peut intervenir sans préavis si elle résulte de l'accord des parties, d'une faute grave ou d'un cas de force majeure.

La S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS a licencié M. c. MO. le 3 juillet 2007, et tout en lui précisant que le délai-congé était de deux mois, a ajouté que son contrat de travail prendrait fin dès le 31 juillet. Par lettre du 6 juillet 2007, elle a déclaré confirmer le licenciement tout en invoquant une faute grave privative du droit au préavis

La S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS peut prétendre être exonérée de l'obligation de respecter un préavis de deux mois uniquement à compter de la notification de la lettre avisant M. c. MO. des fautes graves relevées à son encontre, et à concurrence de la période de préavis restant à courir.

En outre, dans la mesure où, conformément à l'article 1162 alinéa 2 du Code civil, il incombe à celui qui se prétend libéré de justifier du fait qui a produit l'extinction de son obligation, il appartient là encore à la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS de rapporter la preuve de l'existence d'une faute grave commise par le salarié.

Elle invoque à ce titre des manœuvres informatiques douteuses réalisées par M. c. MO. « de par son statut d'administrateur réseau », notamment le « scannage de la signature de Monsieur p. PA. » et la « lecture de fichiers confidentiels », mais également le fait d'avoir relié par un câble informatique le poste de la comptabilité et le poste de travail du salarié. Or elle ne rapporte la preuve d'aucune opération ayant nuit à l'entreprise, et l'enquête de police diligentée à sa demande n'a pas permis d'établir l'existence de manœuvres frauduleuses commises par le salarié au détriment de l'employeur. Dès lors, le comportement invoqué par la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS ne peut recevoir la qualification de faute grave.

De plus, alors qu'elle reconnaissait, par sa lettre du 6 juillet, avoir confié à son salarié les fonctions d'administrateur réseau qu'elle lui déniait jusqu'alors, elle ne démontre pas que cette mission, qui excédait le poste défini par le contrat de travail, interdisait au salarié les pratiques qu'elle a dénoncées postérieurement au licenciement. En particulier rien ne permet d'affirmer que M. c. MO. a pris connaissance, ou tenté de prendre connaissance, de fichiers informatiques auxquels il lui était interdit d'avoir accès, ou que l'employeur avait interdit toute connexion entre l'ordinateur de la comptabilité et le poste de l'administrateur réseau.

S'agissant de la numérisation de la signature du dirigeant de l'entreprise, M. c. MO. affirme que cette opération a été faite à la demande de M. a. FA., son supérieur hiérarchique, et pour les besoins du fonctionnement de la société. Or l'attestation de M. a. FA., produite aux débats par la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS, ne dément pas l'affirmation de M. c. MO. Au contraire M. a. FA. indique : « il n'est pas utile que je revienne sur la numérisation de la signature de Mr PA. que j'aurais » commanditée « puisque, comme j'ai eu l'occasion de le déclarer lorsque j'ai été convoqué dans les locaux de la Sûreté Publique de la Principauté, le fait de détenir cette signature ne confère à son détenteur aucun privilège ni avantage, encore moins la possibilité d'accomplir des paiements ou détournements frauduleux ». Il ressort donc de cette attestation que, même si son auteur fait précéder le verbe « commanditer » d'un conditionnel, il ne conteste pas formellement être à l'origine de la numérisation de la signature du dirigeant de la société, et souligne au contraire l'impossibilité de conséquences préjudiciables pour l'entreprise. Les faits commis par M. c. MO. ne peuvent donc constituer une faute grave.

Il est dès lors démontré que M. c. MO. n'a commis aucun acte préjudiciable à son employeur, ni même tenté d'en commettre. La S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS, qui ne rapporte pas la preuve d'une faute grave, sera en conséquence condamnée à payer à son salarié l'indemnité compensatrice de préavis correspondant à la totalité de la période de deux mois prévue par la loi.

La somme de 3.842,56 euros réclamée à ce titre par M. c. MO. n'étant elle-même pas contestée, il convient de faire droit à la totalité de la demande.

L'abus dans le licenciement

Selon l'article 13 alinéa 1 de la loi n° 729, toute rupture abusive d'un contrat de travail peut donner lieu à des dommages-intérêts qui seront fixés par le juge à défaut d'accord des parties.

Il résulte de la lettre adressée le 6 juillet 2007 par la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS à M. c. MO., que celui-ci assumait les fonctions d'administrateur réseau de l'entreprise, lesquelles excèdent les tâches habituelles d'un dessinateur, même si celles-ci impliquent de maîtriser l'outil informatique pour la réalisation des dessins confiés au salarié.

Or la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS ne pouvait imposer unilatéralement à M. c. MO. d'accomplir des tâches excédant l'emploi prévu par le contrat de travail. De ce fait, celui-ci était bien fondé à solliciter une modification de son contrat de travail afin d'inclure dans la définition de son poste l'ensemble des tâches accomplies pour l'employeur et de fixer le salaire correspondant, et, à défaut d'accord de l'employeur, à refuser d'effectuer celles excédant les limites de son emploi.

En licenciant M. c. MO. dans le seul but de sanctionner une telle revendication légitime, la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS a abusé de son droit de rompre le contrat de travail.

De plus, le licenciement a été prononcé avec une soudaineté et une brutalité particulière, le jour même de l'entretien sollicité par le salarié et sans respecter le délai légal de préavis, alors même que l'employeur n'invoquait aucune faute grave à cette date.

La S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS s'est également abstenue volontairement de payer au salarié les indemnités prévues par la loi n° 845, même l'indemnité de congédiement due sauf le cas de faute grave. Afin de s'exonérer de toute obligation à l'égard de M. c. MO., par une lettre postérieure de trois jours à la notification du licenciement, elle a invoqué fallacieusement l'existence de fautes graves.

De surcroît elle a provoqué une enquête de police à l'encontre M. c. MO., sans justifier d'aucun soupçon sérieux. Un tel comportement ne peut s'expliquer autrement que par la volonté d'exercer des pressions sur le salarié afin de le dissuader de réclamer les sommes qui lui étaient dues.

L'abus commis par la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS est donc également caractérisé par les circonstances dans lesquelles le licenciement est intervenu.

M. c. MO. ne verse aux débats aucun document permettant d'évaluer le préjudice matériel et financier qu'il a subi du fait du licenciement. En particulier, alors qu'il résulte des explications du demandeur qu'il a quitté la région pour retrouver un emploi, le Tribunal du travail n'est pas en mesure d'évaluer les frais ainsi occasionnés, ni l'importance d'une éventuelle perte de revenus.

En revanche M. c. MO. est bien fondé à invoquer l'existence d'un préjudice moral résultant de l'abus commis par la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS, tant en ce qui concerne la décision de rompre le contrat de travail que les circonstances du licenciement. Il convient de lui allouer une somme de 18.000 euros à ce titre.

L'abus de procédure

L'action de M. c. MO. à l'encontre de la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS était pour l'essentiel bien fondée. En outre la défenderesse ne caractérise aucun abus commis par le demandeur dans l'exercice du droit d'agir en justice.

La S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Les dépens

La S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS qui succombe à titre principal sera condamnée aux dépens.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré,

Déboute M. c. MO. de sa demande au titre de la surcharge de travail,

Condamne la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS à payer à M. c. MO. les sommes suivantes :

1) 4.208,64 euros, (quatre mille deux cent huit euros et soixante quatre centimes), au titre de l'indemnité de licenciement,

2) 3.842,56 euros, (trois mille huit cent quarante deux euros et cinquante six centimes), au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

Dit que le licenciement de M. c. MO. par la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS est abusif,

Condamne la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS à payer à M. c. MO. la somme de 18.000 euros, (dix huit mille euros), à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé par le licenciement abusif,

Déboute M. c. MO. du surplus de ses demandes de dommages et intérêts,

Déboute la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne la S.A.M. des Entreprises J.B. PA. & FILS aux dépens.

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