Tribunal du travail, 8 octobre 2009, r. LE. c/ l'Association LES BALLETS DE MONTE-CARLO

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Abstract🔗

Contrats à durée déterminée successifs d'une artiste chorégraphique liée à un corps de ballets - Non renouvellement à l'âge de 40 ans - Requalification en contrat à durée indéterminée - Licenciement non fondé sur un motif valable - Rupture abusive (non)

Résumé🔗

Si la danse professionnelle de très haut niveau ne peut être pratiquée au-delà d'un certain âge sauf pour certains artistes d'exception, seules des considérations objectives techniques ou physiques peuvent déterminer le moment où la carrière d'un danseur peut être valablement interrompue.

Employée en qualité de danseuse pendant plus de 20 années par une succession de contrats à durée déterminée, une artiste dont le dernier contrat n'avait pas été reconduit, avait du quitter la scène pour avoir atteint l'âge de 40 ans. Elle avait attrait l'association qui l'employait devant le Tribunal du Travail, la rupture du contrat dont elle demandait la requalification en contrat à durée indéterminée, n'étant pas fondée sur un motif valable et présentait un caractère abusif. Elle demandait le paiement d'une indemnité de licenciement, d'une prime et de dommages et intérêts. L'association, de son côté, faisait valoir que les contrats des danseurs de corps de ballet ont toujours eu, sans contestation, un caractère saisonnier et que l'âge de 40 ans marquait la fin de la carrière d'un danseur non exceptionnel. L'employeur avait pris en charge des formations afin de permettre sa reconversion et la rupture, d'ailleurs consentie par la danseuse, n'était pas abusive.

Le Tribunal du Travail écarte tout d'abord la demande de prime la preuve d'un usage n'étant pas rapportée. Puis, sur la demande en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il estime que si la législation monégasque ne limite pas le recours au contrat à durée déterminée et n'en règlemente pas les conditions d'utilisation, la permanence de la situation du salarié qui a accompli le même travail au service du même employeur pendant plusieurs années, peut amener le Tribunal à requalifier le contrat. En l'espèce, les contrats conclus n'avaient pas pour objet l'accomplissement d'un ou plusieurs projets précis mais s'inscrivaient dans l'activité normale du corps de ballet. La permanence de la situation de la salariée a bien eu pour effet de modifier la nature juridique des relations unissant les parties. La salariée n'ayant nullement consentie à la rupture, Il s'agissait donc bien d'un licenciement. Or, la salariée n'ayant pas été déclarée inapte, la preuve n'était pas rapportée qu'elle ne pouvait plus exercer son art dans les conditions d'excellence invoquées. Le licenciement non fondé sur un motif valable ouvrait droit à l'indemnité de licenciement. Le caractère abusif de la rupture n'était pas démontré.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 13 février 2007 reçue le 14 février 2007 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 13 mars 2007 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat, au nom de Mademoiselle r. LE., en date des 26 avril 2007, 7 février 2008 et 4 décembre 2008 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Étienne LEANDRI, avocat-défenseur, au nom de l'Association dénommée LES BALLETS DE MONTE-CARLO, en date des 8 novembre 2007, 3 juillet 2008 et 2 avril 2009 ;

Après avoir entendu Maître Arnaud ZABALDANO, avocat à la Cour d'Appel de Monaco, pour Mademoiselle r. LE., et Maître Étienne LEANDRI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, pour l'Association dénommée LES BALLETS DE MONTE-CARLO, en leurs plaidoiries ;

Lesdits avocat et avocat-défenseur ayant repris et maintenu ce jour leurs conclusions en l'état de la composition différente du Tribunal ;

Vu les pièces du dossier ;

*

r. LE. a été employée par l'Association dénommée LES BALLETS DE MONTE-CARLO à compter du 19 juin 1986 suivant divers contrats à durée déterminée.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 27 février 2006, il a été notifié à r. LE. que son contrat de travail se terminerait le 31 août 2006.

Soutenant que ses contrats de travail à durée déterminée doivent être requalifiés en un contrat de travail à durée indéterminée, r. LE. a, ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 12 mars 2007, attrait l'Association dénommée LES BALLETS DE MONTE-CARLO devant le bureau de jugement du Tribunal du Travail à l'effet d'obtenir paiement des sommes suivantes :

  • 2.000 euros au titre de la prime de fin d'année calculée prorata temporis,

  • 247,24 euros à titre de complément d'indemnité de congédiement,

  • 10.381,80 euros à titre d'indemnité de licenciement, déduction faite de l'indemnité de congédiement,

  • 186.870 euros à titre de dommages et intérêts (60 mois de salaire) compte tenu des préjudices subis,

avec intérêts au taux légal à compter de la présentation de la requête.

À l'audience fixée par les convocations, les parties ont régulièrement comparu.

Puis, après 14 renvois intervenus à leur demande, l'affaire a été contradictoirement débattue lors de l'audience du 9 juillet 2009, à l'issue de laquelle le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 8 octobre 2009.

À l'appui de ses prétentions, r. LE. fait valoir que :

  • si son premier contrat de travail expirait le 18 juin 1987, les relations se sont poursuivies jusqu'au 30 juin 1987, comme en atteste son bulletin de salaire du mois de juin 1987,

  • à compter du 1er juillet 1987, elle a bénéficié de contrats de travail successifs d'une durée d'une année et ce jusqu'au 30 juin 1994, date à laquelle la dernière convention a été prorogée jusqu'au 31 août 1994,

  • de la même façon, à compter du 1er septembre 1994, des contrats de travail d'une durée d'une année se sont succédé jusqu'au 31 août 2006,

  • il apparaît ainsi qu'elle a accompli ses fonctions de manière permanente, sans aucune interruption, depuis la date de son embauche jusqu'au 31 août 2006,

  • sa période continue d'emploi se monte à 20 années et 2 mois, alors que 20 contrats de travail ont été conclus entre les parties,

  • ces conventions présentaient les caractéristiques suivantes : employeur identique, objet identique (répétitions, représentations, animations et toutes les activités chorégraphiques de la compagnie), durée identique, renouvellements multiples, étant relevé que l'employeur reconnaît lui-même qu'elle est restée, durant toute sa carrière, à l'échelon le plus bas du corps de ballet,

  • la défenderesse ne peut soutenir qu'elle aurait bénéficié de contrats saisonniers correspondant à la réalisation de tâches normalement appelées à se répéter chaque année, à dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs,

  • en effet, ce type de convention, qui est conclu pour l'exécution d'un travail précis et temporaire, ne peut pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise,

  • or, elle était employée pour toutes les activités des BALLETS DE MONTE-CARLO et non pour un objet précis (ballets et/ou tournées déterminés),

  • de même, la notion de saison chorégraphique utilisée pour la programmation des spectacles ne permet pas à elle seule de retenir l'existence d'un contrat saisonnier par définition temporaire,

  • en outre, le dernier formulaire administratif invoqué mentionne une date d'embauche au 18 juin 1986 et non la date de son dernier contrat de travail,

  • la permanence indéniable de sa situation professionnelle est également consacrée par l'attribution d'une prime d'ancienneté artistique (21% du salaire au moment de la rupture),

  • en définitive, conformément à la jurisprudence de la Cour de Révision, il apparaît qu'un contrat de travail à durée indéterminée s'est substitué aux contrats à durée déterminée,

  • si la défenderesse se réfère à la nature juridique des conventions usitées dans la profession chorégraphique du pays voisin, elle n'a fourni que des informations incomplètes,

  • en effet, les compagnies relevant du droit public, telles que l'Opéra National de Lyon, l'Opéra National du Rhin, l'Opéra National de Bordeaux ou de Paris, embauchent la plupart du temps en qualité de contractuels des danseurs pour une durée limitée sans que la durée maximale desdits contrats puisse excéder six années,

  • la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire de la fonction publique prévoit la limitation de la durée des contrats de travail à durée déterminée, et au terme de six années, la conclusion obligatoire d'un contrat à durée indéterminée en cas de reconduction,

  • compte tenu de cette intervention légale, la jurisprudence française invoquée, au demeurant non applicable en Principauté de Monaco, n'a pas à être retenue en l'espèce,

  • il convient également de relever que les BALLETS DE MONTE-CARLO devaient avoir « quelques doutes » sur la nature juridique de la convention les ayant liés en lui versant volontairement l'indemnité de congédiement,

  • son montant devait en réalité s'élever à 8.305,44 euros, de telle sorte qu'elle est en droit d'obtenir un solde de 247,24 euros,

  • la rupture de son contrat de travail à durée indéterminée n'était initialement justifiée par aucun motif,

  • le témoignage de j.-c. MA., directeur de la compagnie, lequel a décidé de l'arrêt de sa carrière, est pour le moins partial et met en exergue une appréciation purement subjective, qui n'est étayée par aucun élément concret et objectivement vérifiable,

  • elle était même en parfaite forme physique, ainsi que l'indique le docteur CA., alors qu'elle n'a jamais fait l'objet d'un avis d'inaptitude médicale,

  • la limite d'âge désormais invoquée par l'employeur est totalement discrétionnaire notamment eu égard à l'âge de certains danseurs des BALLETS DE MONTE-CARLO (CO., CA., MO.I, MA., RO.),

  • les témoignages qu'elle verse aux débats démontrent qu'elle n'a jamais fait l'objet de la moindre remarque sur son niveau d'excellence et confirment la réalité de ses qualités professionnelles et techniques,

  • de plus, elle a été amenée à se préoccuper de sa reconversion (actuellement incomplète), contrainte et forcée, à la suite de la réception d'une lettre recommandée avec accusé de réception du 28 février 2005 lui spécifiant que son contrat de travail se terminerait le 31 août 2005 (aucun entretien et notification lors d'un déplacement à l'étranger),

  • elle n'a eu à l'époque d'autre choix que de solliciter en urgence son inscription à une formation dispensée par le Centre National de Danse,

  • elle n'a ainsi jamais validé la rupture, n'a pas émis le moindre accord sur la cessation de son activité et n'a pu que subir l'ultimatum qui lui était imposé,

  • la terminologie de ses correspondances des 23 mai 2005, 17 février 2006 et 1er août 2007, adressées à la Présidente des Amis des BALLETS DE MONTE-CARLO, est révélatrice puisqu'elle évoque « l'obligation de penser à son avenir », le fait qu'elle se « trouve dans la situation de devoir y mettre fin » et que la direction l'a obligée à se reconvertir,

  • contrairement à ce que laisse entendre la défenderesse, elle n'a été que partiellement libérée de ses obligations professionnelles durant la formation qui s'est étendue du 6 juin au 23 septembre 2005, étant précisé qu'elle était en congés payés du 11 juillet au 14 août 2005,

  • dès le mois de septembre 2005, elle a poursuivi son activité de danseuse au sein des BALLETS DE MONTE-CARLO afin de préparer le spectacle de noël 2005 et de janvier 2006 - les 4 tempéraments de Balanchine (répertoire très technique montrant son niveau) - où elle a exercé son art, de telle sorte que l'employeur ne peut soutenir que le renouvellement du dernier contrat lui aurait permis de « suivre en toute quiétude ses cours en vue d'une reconversion »,

  • il est évident que la défenderesse a abusé de son droit de licencier sous couvert d'une multitude de contrats et de motifs fallacieux,

  • elle n'a jamais fait l'objet de la moindre sanction disciplinaire, alors qu'elle était en parfaite possession de ses moyens physiques et aurait pu continuer à travailler pour les BALLETS DE MONTE-CARLO,

  • après 20 années de services, elle s'est retrouvée au chômage et y demeure encore actuellement avec des revenus diminués de moitié,

  • en outre, elle n'était pas en âge de faire valoir ses droits à la retraite en l'absence de tout régime spécifique,

  • la légèreté blâmable voire l'intention de nuire manifestée par l'employeur lui a causé un important préjudice moral,

  • durant l'année 2005, elle a présenté une dépression réactionnelle et a fait appel en avril 2005 à un accompagnement de type coaching afin de pouvoir définir une orientation professionnelle,

  • enfin, il est constant que depuis l'année 1992, elle a perçu une prime de fin d'année (tout comme l'ensemble du personnel) résultant manifestement d'un usage, alors que son bulletin de salaire du mois d'août 2006 ne mentionne pas le règlement de cette gratification, qui devait être calculée prorata temporis, et représente la somme de 3.000 (montant de la prime versée en décembre 2005) x 12 / 8 = 2.000 euros.

L'Association dénommée LES BALLETS DE MONTE-CARLO demande au Tribunal de déclarer nulles et d'écarter des débats les attestations adverses produites sous les numéros 45, 46, 47, 48 et 49 mais également de rejeter l'ensemble des prétentions de r. LE.

Elle soutient pour l'essentiel que :

  • les témoignages litigieux émanent de tiers dont les déclarations ne seraient pas susceptibles d'être recueillies par voie d'enquête (absence de connaissance personnelle des faits litigieux, objectivité sujette à caution),

  • en effet, d. PA., qui est actuellement en litige avec l'Association MONACO DANCE FORUM dont j.-c. MA. est le président, a livré des appréciations subjectives ou ne relevant pas de sa compétence,

  • l'attestation d'a. KI., qui n'est assortie d'aucune pièce justificative d'identité, comporte des appréciations subjectives et en contradiction avec la réalité des faits, alors que les passages principaux ne sont nullement établis de la main de son auteur,

  • les autres témoignages concernent des avis personnels et des périodes largement antérieures à la rupture,

  • la demanderesse a été engagée en qualité de danseuse par la compagnie le 19 juin 1986,

  • pour chaque saison chorégraphique, un contrat spécifique d'engagement a été souscrit par les parties,

  • la salariée s'est trouvée dans l'obligation de quitter la scène et est donc devenue une artiste en cours de reconversion pour avoir atteint l'âge de 40 ans,

  • cette situation concerne tous les danseurs (certains d'entre eux mettant même fin à leur carrière de manière anticipée) et explique qu'une solution ait été mise en place pour faciliter la réorientation professionnelle durant une année de transition correspondant au dernier engagement saisonnier de l'artiste,

  • de règle ancestrale, les contrats des danseurs de corps de ballet ont un caractère saisonnier, c'est-à-dire, sont conclus pour la durée d'une saison en raison de la nature de l'activité en cause, étant relevé que les saisonniers et les intermittents relèvent de régimes différents,

  • lesdites conventions présentent l'avantage pour l'artiste, soit de la renouveler à son échéance, soit de donner sa démission en ne la renouvelant pas la saison suivante et de bénéficier ainsi des indemnités ASSEDIC, ce qui a été le cas pour la demanderesse,

  • les établissements les plus prestigieux dans la profession chorégraphique engagent leurs danseurs par des contrats d'une durée d'une année correspondant à chaque saison artistique (Opéra National de Lyon, du Rhin, de Bordeaux et de Paris),

  • la clause conventionnelle relative au renouvellement du contrat ne crée pas de surcroît une automaticité de réemploi, la Cour de Cassation estimant qu'une telle disposition a « seulement pour effet d'imposer à l'employeur une priorité d'emploi » en faveur du danseur,

  • de plus, les conventions en cause sont précédées d'une demande d'autorisation d'embauchage, ce qui marque bien leur caractère temporaire,

  • une jurisprudence bien établie consacre l'existence et la portée des contrats artistiques saisonniers sans limitation dans le temps, dès lors qu'il a été justifié que les dates du premier et du dernier spectacle varient selon les années (attestation établie par m. GO., comptable),

  • l'engagement à durée déterminée, tel que pratiqué, n'a d'ailleurs jamais été contesté par l'un quelconque des membres des BALLETS DE MONTE-CARLO,

  • les paramètres législatifs invoqués par la partie adverse sont inapplicables en Principauté de Monaco, ce qui ramène à la jurisprudence de la Cour de Cassation,

  • de plus, Maître Paul-Louis AUREGLIA, notaire, a indiqué, aux termes d'un courrier adressé à l'Association des Amis des BALLETS DE MONTE-CARLO, « il faut également souligner, bien qu'il n'y ait pas d'équivalent à Monaco, que la Cour de Cassation française (Chambre sociale), a reconnu que, dans certains secteurs d'activité définis par un texte ou par une convention collective, certains emplois peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée, lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison du caractère par nature temporaire de ces emplois », ce qui gouverne très exactement la présente situation,

  • en tout état de cause, l'attestation de j.-c. MA. confirme que la salariée n'avait plus « le niveau d'excellence requis pour les danseurs de notre Compagnie d'envergure internationale » et que « la décision prise par la Direction des BALLETS DE MONTE-CARLO après discussion avec les Maîtres de Ballet et le danseur concerné permet de le prévenir une saison à l'avance afin qu'il puisse soit auditionner, soit débuter un programme de reconversion durant la saison où il est encore sous contrat avec les BALLETS DE MONTE-CARLO »,

  • en conséquence, r. LE. était soumise à une règle qu'elle ne pouvait ignorer, alors qu'il a été décidé d'un commun accord de mettre fin à son engagement,

  • en effet, la demanderesse a reconnu qu'elle était arrivée en fin de carrière (courriers des 23 mai 2005 et 17 février 2006), a elle-même sollicité et obtenu sa reconversion qui ne lui a jamais été imposée,

  • r. LE. avait atteint l'âge de 40 ans qui marque la fin de la carrière d'un danseur non exceptionnel,

  • la demanderesse est restée, durant toutes ses années de service, au premier rang de la hiérarchie (laquelle se décompose de la manière suivante : premier rang ; deuxième rang ou demi-soliste ; soliste troisième rang ; soliste deuxième rang ; soliste premier rang ; rang principal et enfin les étoiles du corps de ballet),

  • or, les artistes cités, dont les qualités extraordinaires sont confirmées par les articles parus dans la presse internationale et ont justifié une prolongation de leur carrière, appartiennent aux catégories supérieures (CA., 50 ans, étoile ; MO., 42 ans, principal ; MA., 39 ans, soliste premier rang ; RO., 39 ans, principal ; CO., 38 ans, étoile),

  • à sa demande, la salariée a obtenu un diplôme d'état de professeur de danse auprès du Centre National de Danse de Lyon (cours du 6 juin au 23 septembre 2005), et un second qui a clôturé un stage d'initiation au centre de développement personnel professionnel « Le Dôjô » à Paris (les 11 et 12 mai 2006, 15 et 16 juin 2006, les 6, 7, 8 et 9 juillet 2006), alors qu'elle a été libérée de ses obligations professionnelles pendant les formations correspondantes tout en continuant à percevoir ses salaires,

  • l'ensemble des frais en cause (au total 9.577,50 euros) ont par ailleurs été pris en charge par l'Association des Amis des BALLETS DE MONTE-CARLO,

  • de plus, les cours et séminaires qui se sont étendus sur plusieurs mois ont amené à « gratifier » r. LE. d'un dernier contrat, lequel n'a été suivi d'une prestation d'activités que pour trois spectacles,

  • la présente action et notamment la demande en paiement de dommages et intérêts a ainsi pour le moins surpris ceux qui ont contribué à la reconversion de la demanderesse et ce d'autant que cette dernière a perçu une indemnité de congédiement et « une prime ancienneté artistique »,

  • la prime indûment qualifiée de fin d'année, qui était variable en son montant (compte tenu du résultat de l'entreprise), et a été versée à l'ensemble du personnel quelle que soit sa qualification, n'apparaît pas être due à r. LE., dès lors que le dernier contrat de travail s'inscrit dans le cadre d'une reconversion dont celle-ci a indiscutablement bénéficié,

  • l'indemnité de congédiement ne peut être réclamée sur le fondement de l'article 18 de la convention collective nationale du travail.

SUR QUOI

I) Sur les exceptions de nullité

Les attestations produites sous les numéros 45, 47, 48 et 49 par r. LE. sont conformes aux exigences de forme posées par l'article 324 du Code de procédure civile et apparaissent ainsi parfaitement valables. Le Tribunal étudiera ultérieurement, le cas échéant, leur valeur probante au regard arguments développés par la défenderesse (connaissance personnelle des faits litigieux, procès en cours contre l'Association Monaco Dance Forum, appréciations subjectives…).

Cependant, l'attestation produite par la demanderesse sous le numéro 46 doit être déclarée nulle dans la mesure où :

  • elle n'est accompagnée d'aucun document d'identité,

  • les mentions fondamentales relatives à l'absence ou l'inexistence de liens avec les parties ou à la connaissance des sanctions pénales encourues en cas de fausse déclaration, ne sont ni partiellement (pour la première), ni intégralement (pour la seconde) écrites de la main du témoin.

II) Sur la demande relative à la prime de fin d'année

Un avantage ne peut constituer un usage que s'il présente cumulativement les critères de constance, de fixité et de généralité.

La constance implique que l'usage soit attribué un certain nombre de fois, la fixité que les conditions d'attribution obéissent à des règles prédéfinies et reposant sur des critères objectifs, et la généralité que l'avantage bénéficie à l'ensemble des salariés.

Par ailleurs, le droit au paiement prorata temporis d'une gratification à un salarié quittant l'entreprise avant la date de son versement ne peut résulter que d'une convention ou d'un usage dont il appartient à ce dernier de rapporter la preuve.

En l'espèce, force est de constater que si la défenderesse ne conteste pas que la « prime exceptionnelle » versée à r. LE. au mois de décembre des années 1992 à 2005 a également été réglée aux autres membres du personnel de l'Association des BALLETS DE MONTE-CARLO, le critère relatif à la fixité de cet avantage n'apparaît pas rempli dans la mesure où son montant n'a pas varié en fonction de règles claires et n'a pas été en constante augmentation (5.000 francs en décembre 1996, 10.000 francs en décembre 1997 et 1998, 5.000 francs en décembre 1999, 10.000 francs en décembre 2000).

En tout état de cause, il n'est nullement démontré que cette prime devait être accordée prorata temporis en cas de non renouvellement du dernier contrat de travail.

La demande formée de ce chef doit, en conséquence, être rejetée.

III) Sur la demande tendant à la requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée

Indépendamment des énonciations des contrats conclus et des formulaires purement administratifs relatifs à l'embauche, le Tribunal du Travail doit rechercher la commune intention des parties et peut par suite qualifier ou requalifier les conventions intervenues entre elles.

Si la législation monégasque ne limite pas le recours au contrat à durée déterminée et n'en réglemente pas les conditions d'utilisation, il n'en demeure pas moins que la requalification d'une succession de contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée peut être judiciairement ordonnée lorsqu'il est établi la permanence de la situation du salarié, dont le contrat de travail conclu pour une durée déterminée a été renouvelé à diverses reprises, et qui a ainsi accompli pendant plusieurs années, sans solution de continuité, le même travail au service du même employeur.

Il convient de relever à cet égard que les dispositions légales françaises (loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005) ou les décisions de la Cour de Cassation française n'ont pas vocation à s'appliquer en Principauté de Monaco.

En outre, contrairement à ce que laisse entendre la défenderesse, la possibilité donnée à l'employeur par le Code du travail français (lesdites dispositions légales n'ayant pas d'équivalent à Monaco) de conclure sans limitation des contrats successifs à durée déterminée avec le même salarié dans les secteurs d'activité comme celui du spectacle, dans lesquels il est d'usage de recourir à de tels contrats, n'est nullement exclusive d'une requalification desdits contrats en un contrat à durée indéterminée conformément à certains principes énoncés par la jurisprudence française.

En l'espèce, r. LE. a bénéficié de divers contrats de travail écrits à durée déterminée conclus avec la Compagnie des BALLETS DE MONTE-CARLO pour les périodes et dans les conditions suivantes :

  • du 19 juin 1986 au 18 juin 1987 en qualité de danseuse corps de ballet,

  • du 1er juillet 1987 au 30 juin 1988 en qualité de sujet corps de ballet (contrat renouvelable tacitement sauf intention de ne pas le renouveler manifestée par l'une des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, au plus tard 3 mois avant le terme du contrat),

  • du 1er juillet 1988 au 30 juin 1989 en qualité d'artiste chorégraphique sujet de corps de ballet (intention de ne pas renouveler le contrat devant être manifestée par l'une des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, au plus tard 6 mois avant le terme du contrat, soit avant le 31 décembre 1988),

  • du 1er juillet 1989 au 30 juin 1990 en qualité de sujet corps de ballet (contrat renouvelable par tacite reconduction sauf intention de ne pas le renouveler manifestée par l'une des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, au plus tard 6 mois avant le terme du contrat),

  • du 1er juillet 1990 au 30 juin 1991 en qualité de corps de ballet (contrat renouvelable par tacite reconduction sauf intention de ne pas le renouveler manifestée par l'une des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, au plus tard 6 mois avant le terme du contrat),

  • du 1er juillet 1991 au 30 juin 1992 en qualité de corps de ballet (contrat renouvelable par tacite reconduction sauf intention de ne pas le renouveler manifestée par l'une des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, au plus tard 6 mois avant le terme du contrat),

  • du 1er juillet 1992 au 30 juin 1993 en qualité de corps de ballet (intention de ne pas renouveler le contrat devant être manifestée par l'une des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, au plus tard 3 mois avant le terme du contrat, soit avant le 31 mars 1993),

  • du 1er juillet 1993 au 30 juin 1994 en qualité de corps de ballet (intention de ne pas renouveler le contrat devant être manifestée par l'une des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, au plus tard 3 mois avant le terme du contrat, soit avant le 31 mars 1994), le dit contrat ayant été prorogé aux mêmes conditions jusqu'au 31 août 1994 inclus,

  • du 1er septembre 1994 au 31 août 1995 en qualité de danseuse 2e rang (contrat renouvelable par tacite reconduction sauf intention de ne pas le renouveler manifestée par l'une des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, au plus tard 3 mois avant le terme du contrat, soit le 31 mai 1995),

  • du 1er septembre 1995 au 31 août 1996 en qualité d'artiste chorégraphique (contrat renouvelable par tacite reconduction sauf intention de ne pas le renouveler manifestée par l'une des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, au plus tard 4 mois avant le terme du contrat, soit le 30 avril 1996),

  • du 1er septembre 1996 au 31 août 1997 (contrat non contesté bien que non versé aux débats et renouvelable par tacite reconduction sauf intention de ne pas le renouveler manifestée par l'une des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, au plus tard 5 mois avant le terme du contrat, soit le 31 mars 1997),

  • du 1er septembre 1997 au 31 août 1998 en qualité d'artiste chorégraphique (contrat renouvelable par tacite reconduction sauf intention de ne pas le renouveler manifestée par l'une des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, au plus tard 6 mois avant le terme du contrat, soit le 28 février 1998),

  • du 1er septembre 1998 au 31 août 1999 en qualité d'artiste chorégraphique (contrat renouvelable par tacite reconduction sauf intention de ne pas le renouveler manifestée par l'une des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, au plus tard 6 mois avant le terme du contrat, soit le 28 février 1999),

  • du 1er septembre 1999 au 31 août 2000 en qualité d'artiste chorégraphique (contrat renouvelable par tacite reconduction sauf intention de ne pas le renouveler manifestée par l'une des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, au plus tard 6 mois avant le terme du contrat, soit le 28 février 2000),

  • du 1er septembre 2000 au 31 août 2001 en qualité d'artiste chorégraphique (contrat renouvelable par tacite reconduction sauf intention de ne pas le renouveler manifestée par l'une des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, au plus tard 6 mois avant le terme du contrat, soit le 28 février 2001),

  • du 1er septembre 2001 au 31 août 2002 en qualité d'artiste chorégraphique (contrat renouvelable par tacite reconduction sauf intention de ne pas le renouveler manifestée par l'une des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, au plus tard 6 mois avant le terme du contrat, soit le 28 février 2002),

  • du 1er septembre 2002 au 31 août 2003 en qualité d'artiste chorégraphique (contrat renouvelable par tacite reconduction sauf intention de ne pas le renouveler manifestée par l'une des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, au plus tard 6 mois avant le terme du contrat, soit le 28 février 2003),

  • du 1er septembre 2003 au 31 août 2004 en qualité d'artiste chorégraphique (contrat renouvelable par tacite reconduction sauf intention de ne pas le renouveler manifestée par l'une des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, au plus tard 6 mois avant le terme du contrat, soit le 28 février 2004),

  • du 1er septembre 2004 au 31 août 2005 en qualité d'artiste chorégraphique (contrat renouvelable par tacite reconduction sauf intention de ne pas le renouveler manifestée par l'une des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, au plus tard 6 mois avant le terme du contrat, soit le 28 février 2005),

  • du 1er septembre 2005 au 31 août 2006 en qualité d'artiste chorégraphique (contrat renouvelable par tacite reconduction sauf intention de ne pas le renouveler manifestée par l'une des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, au plus tard 6 mois avant le terme du contrat, soit le 28 février 2006).

De plus, il résulte du bulletin de salaire du mois de juin 1987 que la demanderesse a travaillé du 1er au 30 juin 1987 à hauteur de 184 heures, alors que le certificat de travail établi par la défenderesse mentionne que la salariée a été employée du 18 juin 1986 au 31 août 2006.

En outre, si la qualité de r. LE. (sujet corps de ballet, corps de ballet, danseuse 2e rang, artiste chorégraphique) a évolué au fil du temps, l'employeur reconnaît lui-même que la demanderesse a toujours assuré des fonctions de danseuse et est restée, durant toutes ses années de service, au premier rang de la hiérarchie de la compagnie.

Il apparaît ainsi que la salariée a exercé de manière continue pendant plus de 20 années les mêmes fonctions pour le compte du même employeur, alors que ses contrats de travail successifs d'une durée d'une année ont été renouvelés à 19 reprises.

Si la défenderesse estime que les conventions ainsi conclues avaient un caractère saisonnier, la preuve des dates du premier et du dernier spectacle des différentes saisons chorégraphiques est insuffisante pour considérer que l'emploi de r. LE., chaque année pendant toute la durée de fonctionnement de la compagnie, était temporaire, et ce d'autant que lesdits contrats, au demeurant assortis d'une clause de reconduction et non de priorité d'emploi, n'avaient pas pour objet l'accomplissement d'un ou plusieurs projets précis mais s'inscrivaient dans l'activité normale des BALLETS DE MONTE-CARLO :

  • jusqu'en 1994, les conditions générales de travail visaient l'interprétation des rôles attribués dans les ballets ou prestations artistiques où la demanderesse était distribuée, la participation aux répétitions et aux cours d'entraînement, selon les indications contractuelles ou instructions affichées au tableau de service,

  • à compter de 1994, l'artiste était engagée selon la formule générale suivante « pour toutes les répétitions, les représentations, les animations et toutes les activités chorégraphiques de la Compagnie des BALLETS DE MONTE-CARLO ».

En définitive, la permanence indéniable de la situation de la salariée a eu pour effet de modifier la nature des rapports juridiques unissant les parties, lesquelles étaient ainsi liées par un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 19 juin 1986.

Il convient, en conséquence, de faire droit à la demande de requalification.

IV) Sur la rupture des relations contractuelles

Si l'Association des BALLETS DE MONTE-CARLO soutient que les parties auraient décidé de mettre fin au contrat de travail d'un commun accord, il lui appartient d'en rapporter la preuve.

Or, force est de constater qu'aucun écrit formalisant une rupture « négociée » n'est versé aux débats, alors que les correspondances invoquées ne démontrent pas l'existence d'une proposition claire faite à cet égard par l'employeur, ni d'une acceptation subséquente de la salariée.

En effet, le courrier du 28 février 2005, aux termes duquel la défenderesse a indiqué à r. LE. « suite à l'entretien avec Monsieur j.-c. MA., Chorégraphe, Directeur de la Compagnie des Ballets de Monte Carlo, et selon les termes définis à l'article 3 (DURÉE RENOUVELLEMENT RUPTURE) de votre contrat d'engagement, nous vous confirmons que celui-ci ne sera pas reconduit pour la saison à venir. En conséquence votre contrat d'engagement se terminera le 31 août 2005. Nous restons à votre disposition pour tout entretien concernant la mise en place d'un éventuel projet de reconversion professionnelle », ne peut être assimilé à une proposition de rupture amiable adressée à la demanderesse et marque au contraire la volonté unilatérale de l'employeur de mettre un terme au contrat de travail conformément aux stipulations conventionnelles (respect d'un délai de 6 mois).

De plus, le fait que les parties aient finalement convenu de poursuivre les relations contractuelles pour une nouvelle année à compter du 1er septembre 2005 :

  • ne suffit pas à considérer qu'elles se seraient initialement entendues pour rompre le contrat de travail, et ce d'autant que la défenderesse a adressé le 27 février 2006 une nouvelle correspondance matérialisant sa décision définitive de rupture sans se référer à un quelconque accord intervenu entres les intéressées,

  • peut parfaitement s'expliquer par la volonté de l'employeur (nécessairement acceptée par la salariée) de retarder la fin d'une longue collaboration par l'octroi d'une ultime convention (courrier du 4 janvier 2007 adressé à p. MA.) afin de ne pas pénaliser brusquement la demanderesse (maintien d'emploi) et de faciliter sa reconversion (dispense de travail pendant les périodes de formation).

De même, les démarches accomplies par r. LE. auprès de l'Association des Amis des BALLETS DE MONTE-CARLO, postérieurement à la correspondance précitée du 28 février 2005, en vue de sa reconversion professionnelle (demandes de prise en charge financière des formations), n'apparaissent pas s'inscrire dans le cadre d'un accord de rupture, en l'état des énonciations des lettres de la salariée du 23 mai 2005 et du 17 février 2006 qui ne comportent aucune indication sur une éventuelle intervention de la défenderesse en sa faveur à cet égard.

En outre, r. LE. a sollicité, dans une correspondance du 4 mars 2006, la possibilité d'obtenir un entretien avec j.-c. MA. pour évoquer sa « situation présente et actuelle » ainsi que « son devenir », cette circonstance se révélant peu compatible avec une rupture précédemment négociée.

En définitive, si la salariée a été contrainte d'accepter la décision initialement imposée par son employeur et d'en tirer les conséquences, bien que leurs rapports se soient poursuivis dans les conditions relativement favorables sus évoquées, il n'est nullement démontré qu'elle aurait consenti à l'interruption de son contrat de travail.

Il s'ensuit que l'Association des BALLETS DE MONTE-CARLO a pris l'initiative de la rupture et a ainsi procédé au licenciement de la demanderesse, lequel a été définitivement notifié le 27 février 2006 pour prendre effet le 31 août 2006, étant relevé que la défenderesse a réglé l'indemnité de congédiement qui concerne les seules situations de licenciement (article 1er de la loi n° 845 du 27 juin 1968).

À cet égard, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'avenant n° 18 du 13 mai 1981 à la Convention Collective Nationale du Travail, qui ont été rendues obligatoires pour tous les employeurs et salariés de la catégorie professionnelle « associations de quelque nature que ce soit » suivant l'arrêté ministériel n° 81-554 du 26 octobre 1981, r. LE., licenciée pour un motif autre qu'une faute grave, qui disposait à la date d'effet de son licenciement d'une ancienneté de 20 ans et 2 mois, pouvait valablement prétendre à une indemnité calculée comme suit :

  • 1/10e de mois par année d'ancienneté jusqu'à 10 ans d'ancienneté,

  • 1/10e de mois par année plus 1/15er de mois par année au-delà de 10 ans,

en fonction d'un salaire correspondant, selon la formule la plus avantageuse, au 12e de la rémunération des douze derniers mois précédant le congédiement ou le tiers des trois derniers mois comme si le salarié avait travaillé normalement.

Selon la méthode de calcul du salaire moyen des douze derniers mois (incluant les indemnités de 5%), qui est la plus favorable en l'espèce, la demanderesse était en droit d'obtenir, au titre de l'indemnité de congédiement, la somme de 8.305,44 euros se décomposant comme suit :

  1. 114,54 euros pour les dix première années d'ancienneté,

  1. 114,54 euros et (3.114,54 x 10) / 15, soit 2.076,36 euros pour les dix dernières années.

L'Association des BALLETS DE MONTE-CARLO doit dès lors être condamnée à payer à r. LE. un solde de 8.305,44 – 8.058,20 (indemnité perçue) = 247,24 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la convocation en conciliation, soit le 15 février 2007.

Par ailleurs, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité et de la validité des motifs invoqués à l'appui de la rupture.

La défenderesse relève sur ce point que la demanderesse, qui avait atteint l'âge de 40 ans et était arrivée en fin de carrière, n'avait plus « le niveau d'excellence requis » des danseurs des BALLETS DE MONTE-CARLO.

Bien que l'âge d'un salarié ne constitue pas à lui seul un motif valable de rupture, l'insuffisance professionnelle, qui traduit l'inaptitude de l'employé à exercer sa prestation de travail dans les conditions que l'employeur peut légitimement attendre en application du contrat, peut justifier le licenciement lorsqu'elle repose sur des éléments matériels précis et objectifs.

S'il n'est pas contestable que la danse professionnelle de très haut niveau ne peut être pratiquée, compte tenu des contraintes importantes inhérentes à cette discipline, au-delà d'un certain âge sauf pour certains artistes d'exception, il n'en demeure pas moins que seules des considérations objectives, techniques ou physiques, doivent présider à la détermination du moment exact où la carrière d'un danseur peut être valablement interrompue.

En l'espèce, outre que r. LE. n'a pas été déclarée inapte, sur le plan physique, à l'activité professionnelle de la danse, l'attestation de j.-c. MA., Directeur des BALLETS DE MONTE-CARLO, au demeurant insuffisamment précise, ne permet pas à elle seule de démontrer que la salariée n'était plus capable d'exercer son art dans les conditions d'excellence invoquées.

De plus, les termes des courriers des 23 mai 2005 et 17 février 2006 ne sont pas de nature à établir que la demanderesse a reconnu qu'elle était arrivée en fin de carrière, bien qu'elle ait cherché à préparer sa reconversion et à organiser son avenir compte tenu de la décision de son employeur.

Le licenciement n'étant ainsi nullement fondé sur un motif valable, la salariée est en droit de prétendre à l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968 à concurrence de la somme de 3.114,54 x 6 = 18.687,24 euros, de laquelle il convient de déduire le montant de l'indemnité de congédiement sus évoquée, ces deux indemnités n'étant pas cumulables par application de l'article 3 de la loi précitée, soit un solde de 10.381,80 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement.

Enfin, il appartient à r. LE. de rapporter la preuve, au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts, de l'abus commis par l'employeur dans l'exercice de son droit unilatéral de rupture.

Il n'est pas démontré, tout d'abord, que le motif du licenciement invoqué par la défenderesse dans le cadre de la présente instance serait fallacieux, et ce d'autant que :

  • la salariée n'a assuré que trois spectacles au cours de la saison 2005/2006, alors que la haute technicité supposée de ces représentations n'est pas nécessairement incompatible avec une baisse générale de l'aptitude professionnelle de l'intéressée,

  • les témoignages versés aux débats par la demanderesse concernent des constatations (été 2002, décembre 2003) antérieures à la décision de rupture,

  • l'attestation de d. PA., laquelle a été directrice de la communication des BALLETS DE MONTE-CARLO au cours des années 1993 à 2000, ne permet pas de déterminer, quelles qu'aient été les qualités de la demanderesse, que son niveau technique et artistique n'aurait pas évolué au cours de ses deux dernières années de service, alors que le témoin livre une appréciation personnelle, non étayée par d'autres éléments de preuve, en relevant qu'il lui « semblait fortement improbable que les raisons du licenciement (…) soient strictement d'ordre professionnel » compte tenu notamment de la longévité de la carrière de cette danseuse.

L'Association des BALLETS DE MONTE-CARLO n'apparaît pas davantage avoir fait preuve de légèreté blâmable, brutalité ou intention de nuire dans la mesure où :

  • elle a prévenu six mois à l'avance r. LE. de sa volonté de mettre un terme définitif au contrat de travail,

  • elle a décidé de ne pas donner suite à sa première décision de rupture pour poursuivre les relations contractuelles pendant une année supplémentaire,

  • elle a libéré la demanderesse de ses obligations professionnelles pendant les périodes de formation tout en maintenant son salaire.

Il convient, en conséquence, de débouter la salariée de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement abusif, étant relevé qu'il n'est pas invoqué ou justifié d'un préjudice spécifique en rapport avec la mise en place du système précité de contrats à durée déterminée successifs.

L'Association des BALLETS DE MONTE-CARLO, qui succombe, doit supporter les dépens.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré,

Déclare nulle l'attestation produite sous le numéro 46 par r. LE. ;

Requalifie les contrats de travail à durée déterminée ayant lié r. LE. à l'Association dénommée LES BALLETS DE MONTE-CARLO, sur la période du 19 juin 1986 au 31 août 2006, en un contrat à durée indéterminée ;

Dit que la rupture du contrat de travail à durée indéterminée ayant lié r. LE. à l'Association dénommée LES BALLETS DE MONTE-CARLO s'analyse en un licenciement ;

Dit que cette mesure n'est pas fondée sur un motif valable mais ne revêt aucun caractère abusif ;

Condamne l'Association dénommée LES BALLETS DE MONTE-CARLO à payer à r. LE. :

  • la somme de 247,24 euros, (deux cent quarante sept euros et vingt quatre centimes), à titre de complément d'indemnité de congédiement, avec intérêts au taux légal à compter du 15 février 2007,

  • la somme de 10.381,80 euros, (dix mille trois cent quatre vingt un euros et quatre vingt centimes), à titre d'indemnité de licenciement, déduction faite de l'indemnité de congédiement non cumulable, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne l'Association dénommée LES BALLETS DE MONTE-CARLO aux dépens.

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