Tribunal du travail, 2 juillet 2009, r. VE. c/ la SAM MONACO STORES

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Avertissement - Contestation de son bien-fondé - Licenciement pour perte de confiance - Mésentente non imputable au salarié - Licenciement non fondé

Résumé🔗

La mésentente entre salariés ne constitue un motif valable de rupture que si elle repose sur des faits objectifs imputables au salarié, vérifiables par le Tribunal et de nature à nuire au fonctionnement de l'entreprise.

Un salarié, poseur aluminium depuis le 1er juin 2005 avait attrait son employeur devant le Tribunal du Travail en annulation, avec demande de dommages et intérêts, d'un avertissement qui lui avait été infligé pour une absence avant l'heure de départ de l'entreprise fixée. Puis, ce même salarié avait été licencié, le 26 février 2006, pour perte de confiance, en l'état d'accusations de harcèlement moral qu'il formulait à l'encontre de son supérieur hiérarchique qui estimait ne plus pouvoir lui donner directement des instructions. Il avait alors fait citer l'employeur devant le même Tribunal du Travail en sollicitant des dommages et intérêts notamment parce qu'il avait été accusé de façon répétée de vol. Enfin, il avait formulé une troisième demande, en paiement d'indemnité de licenciement, congés payés et prime de vacances mais s'était ultérieurement désisté de ces deux dernières demandes. Celles qui subsistaient avaient été jointes. L'employeur, de son côté, contestait la pertinence d'attestations versées aux débats, estimaient fondés l'avertissement et le licenciement, « le lien de confiance indispensable pour une relation harmonieuse de travail ayant été rompu ».

Le Tribunal du Travail saisi de la contestation d'une sanction disciplinaire se reconnait d'abord le droit d'en contrôler le bien fondé et de l'annuler si elle est irrégulière en la forme, injustifiée ou disproportionnée par rapport à la faute commise, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. En effet, le salarié ne démontrait pas avoir été autorisé à quitter l'entreprise à l'heure où il l'avait fait. La demande d'annulation de la sanction et de dommages intérêts y afférent est donc rejetée. S'agissant des accusations de vol, le Tribunal du Travail, constatant les accusations répétées et non prouvées de la part notamment du supérieur hiérarchique, retient la responsabilité civile de l'entreprise, en sa qualité de commettant sur le fondement de l'article 1231, alinéa 4 du Code civil et alloue au salarié la somme de 7 500 €. Le licenciement, quant à lui, ne repose pas sur un motif valable, car même si l'existence de plaintes pour harcèlement a créé des tensions, il ne pouvait être reproché au salarié d'avoir formulé des doléances légitimes. Le demandeur a ainsi droit à l'indemnité de licenciement. Aucun abus n'étant retenu, nulle indemnité n'est due à ce titre.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les requêtes introductives d'instance en date des 1er février 2006, 12 juin 2006 et 30 avril 2008 reçues les 2 février 2006, 12 juin 2006 et 5 mai 2008 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date des 21 mars, 11 juillet 2006 et 28 mai 2008 ;

Vu les conclusions déposées à l'audience du 2 novembre 2006 par Monsieur r. VE. ;

Vu les conclusions déposées par Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de Monsieur r. VE., en date des 8 mai 2008, 14 juillet 2008 et 8 janvier 2009 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE MONACO STORES, en date des 7 décembre 2006, 2 octobre 2008 et 5 mars 2009 ;

Après avoir entendu Maître Hervé CAMPANA, avocat-stagiaire, pour Monsieur VE., et Maître Sarah FILIPPI, avocat-stagiaire, pour la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE MONACO STORES, en leurs plaidoiries ;

Lesdits avocats-défenseurs ayant repris et maintenus ce jour leurs conclusions en l'état de la composition différente du Tribunal ;

Vu les pièces du dossier ;

r. VE. a été employé par la société anonyme monégasque dénommée MONACO STORES en qualité de poseur aluminium, suivant contrats à durée déterminée, à compter du 1er juin 2005, puis suivant contrat à durée indéterminée, à compter du 1er octobre 2005.

Ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 20 mars 2006, r. VE. a attrait la SAM MONACO STORES devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail à l'effet d'obtenir :

  • l'annulation de la sanction disciplinaire injustifiée prononcée à son encontre ainsi que la condamnation de la défenderesse à lui payer à ce titre la somme de 6.189,09 euros (3 mois de salaire brut),

  • la condamnation de la défenderesse à lui payer la somme de 33.008,48 euros (16 mois de salaire brut) à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis du fait des graves accusations de vol proférées à son encontre devant témoins et de la nécessité de déposer une plainte, suivant les conseils de l'Inspection du travail, auprès du Parquet Général de Monaco.

À l'audience fixée par les convocations, les parties ont régulièrement comparu.

Puis, après 21 renvois intervenus à leur demande, l'affaire a été contradictoirement débattue lors de l'audience du 14 mai 2009, à l'issue de laquelle le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 2 juillet 2009.

*

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 février 2006, r. VE. s'est vu notifier son licenciement : « pour les propos et les agissements inconcevables envers votre chef hiérarchique Monsieur f. GA., qui rendent incompatible le lien de subordination, et qui entraîne une perte de confiance dans les relations employeur-employé. En effet, vous accusez Monsieur GA. de harcèlement moral depuis plusieurs mois, sans preuves tangibles. En outre, depuis votre retour le 13 février 2006, suite à votre maladie, vous ignorez votre supérieur. Il doit, pour vous donner une directive, s'adresser à votre co-équipier. Vous comprendrez que cette situation, intolérable au sein de la société, nous oblige à prendre cette décision. Conformément à la législation, votre préavis est d'un mois, que nous vous autorisons à ne pas effectuer, il vous sera payé. Vos indemnités de toute nature ainsi que les documents relatifs à votre licenciement vous seront remis le jour de votre départ administratif (fin de préavis) (…) ».

r. VE. a, ensuite d'un procès-verbal de défaut en date du 10 juillet 2006, attrait la SAM MONACO STORES devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail à l'effet d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :

  • 49.512 euros (24 mois de salaire brut) à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis du fait du licenciement dont l'objet et les propos sont abusifs et illégitimes,

  • 6.189 euros (3 mois de salaire brut) à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis (pénalisation au niveau des droits ASSEDIC) du fait de la non déclaration sur ses fiches de salaire des primes versées en espèces par e. LO., administrateur délégué, et c. PE., comptable.

À l'audience fixée par les convocations, les parties ont régulièrement comparu.

Puis, après 18 renvois intervenus à leur demande, l'affaire a été contradictoirement débattue lors de l'audience du 14 mai 2009, à l'issue de laquelle le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 2 juillet 2009.

*

En outre, r. VE. a, ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 26 mai 2008, attrait la SAM MONACO STORES devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail à l'effet d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

  • 825,30 euros à titre d'indemnité de licenciement,

  • 206,32 euros au titre des congés payés sur préavis,

  • 784,03 euros à titre de solde de congés payés,

  • 646,70 euros au titre de la prime de vacances (article 20 de la convention collective du bâtiment),

et ce, avec intérêts de droit à compter de la date du licenciement.

Il sollicite également la délivrance d'une nouvelle attestation ASSEDIC mentionnant la perception de la prime exceptionnelle 2005 et de la prime de vacances.

À l'audience fixée par les convocations, les parties ont régulièrement comparu.

Puis, après 7 renvois intervenus à leur demande, l'affaire a été contradictoirement débattue lors de l'audience du 14 mai 2009, à l'issue de laquelle le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 2 juillet 2009.

*

Dans ses conclusions ultérieures, r. VE. sollicitera la jonction des trois instances précitées, demandera qu'il lui soit donné acte de ce qu'il se désiste de ses demandes relatives au solde de congés payés (784,03 euros) et à la prime de vacances (646,70 euros), et précisera que sa prétention relative au paiement de dommages et intérêts pour licenciement abusif s'élève à la somme de 55.701 euros.

À l'appui de l'ensemble de ses prétentions, il fait valoir que :

  • l'avertissement écrit notifié le 25 novembre 2005, en raison d'une absence prétendument constatée le même jour à compter de 14 heures, n'apparaît pas justifié, dans la mesure où la défenderesse ne démontre pas qu'elle lui aurait accordé l'autorisation exceptionnelle de quitter l'entreprise à 16 heures et non à 14 heures,

  • il est pour le moins surprenant que cette sanction soit intervenue seulement huit jours après une réclamation écrite de sa part portant sur différents droits dont il se trouvait lésé,

  • l'employeur a d'ailleurs répondu favorablement à toutes ses demandes dans des termes curieusement agréables selon courrier du 21 novembre 2005,

  • en outre, en l'absence de tout élément sur la teneur des conversations téléphoniques entretenues, le seul relevé des communications passées depuis le téléphone de l'entreprise ne permet pas de déterminer que son supérieur hiérarchique, f. GA., se serait inquiété de son absence, et ce d'autant que ce dernier n'a cessé de perpétrer de graves accusations de vol à son encontre et a adopté un comportement de mise à l'écart systématique,

  • les pièces versées aux débats (déclarations non équivoques des salariés BE., BE. et ON.) établissent qu'il a fait l'objet d'un harcèlement moral public de la part de f. GA.,

  • en effet, il a été victime d'un comportement tout à fait déplacé et répété, lequel visait à le faire avouer un acte qu'il n'a pas commis, et ce dans le cadre de l'exécution de son contrat et sur le lieu de travail,

  • la responsabilité de la défenderesse doit dès lors être engagée sur le fondement de l'article 1231 alinéa 4 du Code civil, en l'état de la faute de l'un de ses préposés exerçant les fonctions de responsable travaux,

  • le Tribunal du Travail est compétent pour connaître des litiges qui s'élèvent à l'occasion d'un contrat de louage de services et par là même de la présente action qui a un caractère civil et non pénal,

  • la circonstance qu'il entretiendrait de prétendus liens amicaux avec les témoins précités, au demeurant employés de la SAM MONACO STORES, ne suffit pas à établir que les attestations circonstanciées en cause seraient de pure complaisance,

  • contrairement à ce que soutient l'employeur, la disparition du bien appartenant à a.-f. MO. a été découverte dès le mois d'octobre 2005 suite à la réception du courrier établi par cette dernière, de telle sorte que f. BE., alors présent sur les lieux, a été témoin des accusations infondées de vol proférées à son encontre,

  • par ailleurs, la défenderesse confirme qu'il a été licencié pour avoir eu le courage de contester les allégations mensongères de f. GA., alors que ce motif ne saurait fonder une rupture du contrat de travail,

  • de plus, les prétendues « accusations » et « l'ignorance » dont il aurait fait preuve à l'égard de f. GA. (son premier interlocuteur étant en tout état de cause s. GO.) sont insuffisantes pour justifier le licenciement et ne sont pas établies,

  • l'employeur ne rapporte pas davantage la preuve d'une dégradation de son comportement ou de ses résultats professionnels qui serait la conséquence des relations entretenues avec f. GA., ni d'une quelconque impossibilité de poursuite du contrat de travail,

  • la rupture n'est ainsi nullement fondée sur un motif valable, alors que son caractère abusif résulte du fait qu'aucun entretien n'a été organisé avant le licenciement notamment en présence de f. GA.,

  • en effet, si la loi n'impose pas un tel entretien, les motifs allégués nécessitaient qu'une explication soit donnée au contradictoire des personnes concernées,

  • en l'absence de toute discussion, la défenderesse ne s'est pas tenue suffisamment informée et a manqué considérablement d'objectivité,

  • l'intention de nuire est également caractérisée puisque l'employeur l'a privé de certains droits pécuniaires auxquels il pouvait légitimement prétendre, alors que les primes exceptionnelles étaient versées de manière occulte.

En réponse, la SAM MONACO STORES demande au Tribunal d'ordonner la jonction des trois instances, de déclarer irrecevable la demande tendant au paiement de dommages et intérêts formée dans le cadre de la première instance (accusations de vol proférées devant témoins), de rejeter l'ensemble des prétentions du demandeur et de dire que ce dernier a été rempli de ses droits.

Elle soutient pour l'essentiel que :

  • r. VE. avait obtenu l'autorisation de s. GO. (attestation versée aux débats) de quitter le 25 novembre 2005 son travail à 16 heures au lieu de 17 heures (horaire aménagé par rapport aux autres employés qui terminaient le travail à 17 heures 30) mais s'est absenté dès 14 heures sans en avoir référé, de telle sorte qu'il a fait l'objet d'un avertissement parfaitement justifié et proportionné aux faits en cause,

  • il appartient au salarié de démontrer qu'il était autorisé à quitter son travail dès 14 heures, ce qu'il n'est pas en mesure de faire,

  • de plus, le relevé des appels téléphoniques du portable professionnel versé aux débats démontre que f. GA., alerté par s. GO., a contacté le demandeur dès 14 heures 49 pour lui demander de s'expliquer, et l'a informé de la sanction prise à son encontre à 19 heures 14,

  • la prétendue mesure de rétorsion invoquée apparaît incompatible avec la réponse positive fournie sur les trois points évoqués dans la correspondance du 17 novembre 2005, étant relevé que la somme due au titre de l'accident du travail a été réglée dès le mois de novembre 2005,

  • en tout état de cause, r. VE. ne justifie d'aucun préjudice en relation avec la sanction disciplinaire contestée,

  • en outre, le litige portant sur les accusations de vol, qui concerne les seuls rapports personnels entre le demandeur et f. GA., a abouti à une plainte pénale, ce qui s'assimile à une réclamation de partie civile laquelle ne peut s'inscrire dans le cadre d'un procès prud'homal opposant un salarié à son employeur ou ses représentants,

  • si par impossible r. VE. était suivi dans sa plainte pénale, il ne pourrait se faire indemniser pour les mêmes faits devant la juridiction répressive et solliciter une nouvelle réparation de son préjudice devant la juridiction civile,

  • à titre subsidiaire, le demandeur se fonde sur trois témoignages émanant de ses amis proches (sommations interpellatives et attestation), dont les propos ne sont pas cohérents, ni circonstanciés,

  • en effet, il paraît difficile que f. BE. ait pu être le témoin des faits, dans la mesure où il précise que le vol aurait eu lieu début d'octobre 2005 et qu'elle l'aurait découvert à la mi-novembre 2005, soit à une époque où il était en arrêt maladie pour une période de trois mois, étant ici relevé que ses déclarations effectuées après le licenciement apparaissent assimilables à un geste de vengeance,

  • f. BE. a fait preuve de plus de maturité en ne répondant pas à la plupart des questions posées ou par de simples onomatopées « oui », « oui j'étais là »,

  • l'attestation de j. ON. est confuse mais a le mérite de reconnaître que plusieurs personnes et non pas seulement f. GA. auraient accusé r. VE. de vol,

  • par ailleurs, son administrateur délégué a été amené à s'expliquer sur les difficultés rencontrées entre ses deux employés par un courrier du 14 décembre 2005, suite à la saisine de l'Inspection du travail par le salarié pour un prétendu harcèlement moral subi du fait des attaques de f. GA.,

  • ensuite des congés de fin d'année et de maladie (3 janvier au 14 février 2006) de r. VE., la situation s'est dégradée du fait du comportement de ce dernier vis-à-vis de son supérieur hiérarchique,

  • il convient de préciser que lors de son arrêt de travail, le demandeur a déposé une plainte contre f. GA. pour harcèlement moral, laquelle n'a pas été suivie d'effet sur le plan judiciaire,

  • or, ce seul élément de fait justifiait la rupture du contrat, dans la mesure où les relations ne pouvaient être sereines au sein d'une équipe où un salarié accusait son supérieur hiérarchique de harcèlement moral et l'ignorait dans leurs rapports quotidiens (obligation de communiquer par personne interposée),

  • ce climat délétère créant une très mauvaise ambiance de travail entre les membres du personnel, elle a été contrainte de procéder au licenciement de r. VE.,

  • le lien de confiance indispensable pour une relation harmonieuse de travail a donc été rompu du fait des agissements du demandeur,

  • de plus, la mise à l'écart professionnelle n'est invoquée que par f. BE. lequel tient des propos contradictoires,

  • bien que la loi monégasque n'impose pas d'entretien préalable, une réunion a effectivement eu lieu entre la direction et le salarié, même si elle n'avait pas un caractère officiel,

  • outre que le préjudice allégué n'est pas établi, la demande indemnitaire apparaît fantaisiste au regard de la faible ancienneté de r. VE.,

  • la prime exceptionnelle versée en août 2005 a fait l'objet d'une régularisation sur le bulletin de salaire d'avril 2006 et auprès de la CCSS, alors qu'une nouvelle attestation ASSEDIC a été établie,

  • les congés payés et la prime de vacances ont été réglés par la CCPB, un complément ayant même été versé en juin 2008 suite à son intervention.

SUR QUOI

Dès lors qu'elles dérivent d'un même contrat de travail, il convient d'ordonner, par application de l'article 59 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, la jonction des instances enrôlées sous les numéros 56 de l'année judiciaire 2005-2006, 91 de l'année judiciaire 2005-2006 et 55 de l'année judiciaire 2007-2008.

I) Sur les demandes relatives à l'avertissement du 25 novembre 2005

Si l'employeur tient de son pouvoir de direction dans l'entreprise le droit de sanctionner un salarié pour un comportement fautif, il appartient au Tribunal du Travail, saisi d'une contestation d'une sanction disciplinaire d'en contrôler le bien fondé et de l'annuler si elle apparaît irrégulière en la forme, injustifiée ou disproportionnée par rapport à la faute commise.

En l'espèce, l'avertissement litigieux est rédigé dans les termes suivants : « en date de ce jour, vous avez demandé à votre chef Monsieur s. GO., de faire la journée continue afin d'être exceptionnellement libéré à 16 heures. Nous avons constaté qu'à 14 heures vous étiez déjà parti sans avoir pris la peine de nous prévenir. (…) ».

s. GO. a précisé, aux termes d'une attestation du 3 mars 2009, que « le 25 novembre 2005, au matin, Monsieur r. VE. m'a demandé l'autorisation de faire la journée continue et donc de quitter le chantier à 16h00, ce que j'ai accepté. Je suis retourné sur le chantier à 14h00, et me suis aperçu que Monsieur VE. était déjà parti. J'ai immédiatement informé Monsieur GA., mon responsable, qui m'a dit qu'il allait l'appeler pour avoir une explication ».

Il résulte à cet égard du relevé des communications émises depuis le téléphone portable de l'entreprise que le demandeur a été contacté le 25 novembre 2005 à 14 heures 49.

Dès lors que le salarié ne conteste pas avoir quitté l'entreprise à 14 heures et ne démontre pas qu'il y avait été autorisé, les faits litigieux apparaissent suffisamment établis, alors que l'avertissement prononcé n'est pas disproportionné par rapport à la faute commise.

De plus, la réclamation formulée par r. VE. le 17 novembre 2005 a donné lieu à une réponse positive de l'employeur le 21 novembre 2005, de telle sorte que la sanction disciplinaire en cause ne peut être considérée comme une mesure de rétorsion.

En conséquence, la demande d'annulation de l'avertissement du 25 novembre 2005 doit être rejetée, tout comme celle tendant au paiement de la somme de 6.189,09 euros.

II) Sur la demande en paiement de dommages et intérêts relative aux accusations de vols

Aucun élément ne permet de considérer que l'action publique aurait été mise en œuvre avant ou pendant les instances précitées, et ce d'autant qu'il n'est pas contesté que la plainte formulée le 13 janvier 2006 par r. VE. auprès du Procureur Général contre f. GA. n'a donné lieu à aucune suite judiciaire, de telle sorte que l'initiative prise par le demandeur à cet égard apparaît sans incidence sur la prétention en cause, conformément à l'article 3 alinéa 2 du code de procédure pénale.

L'article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946 donne compétence exclusive au Tribunal du Travail pour connaître des différends qui peuvent s'élever à l'occasion du contrat de travail entre d'une part les employeurs et leurs représentants et d'autre part les salariés qu'ils emploient, mais également des différends nés entre salariés à l'occasion du travail.

En vertu de l'article 1231, alinéa 4 du Code civil, les commettants sont responsables du dommage causé par leurs préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés.

Pour s'exonérer d'une telle responsabilité, le commettant doit établir que son préposé a agi hors de ses fonctions, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions.

La circonstance que f. BE., f. BE. et j. ON., au demeurant employés de la SAM MONACO STORES, entretiendraient des liens d'amitié avec r. VE., ne suffit pas à considérer que leurs déclarations n'auraient pas de valeur probante, et ce d'autant qu'elles ne sont pas contredites par d'autres éléments de preuve versés aux débats, de telle sorte qu'elles doivent être analysées dans le cadre du présent litige.

Ainsi, f. BE. a indiqué le 17 mai 2006 sur sommation interpellative que « la société a mis un mois et demi pour s'apercevoir [du vol du meuble] et a mis la pression sur Mr VE. en l'accusant de ce vol. Ce n'est pas possible car Monsieur VE. n'avait pas de véhicule. Par suite, Monsieur GA. a dit devant tout le monde qu'ils avaient obtenu de la Police une cassette vidéo et qu'ils savaient qui avait volé le meuble. La Police m'a dit qu'il n'y avait jamais eu de cassette. Ils ont tenté de lui donner de l'argent pour qu'il déclare que Monsieur VE. avait pris le meuble ». Il convient de noter que la défenderesse ne démontre pas ce salarié aurait été en arrêt maladie au cours de la période en cause, de telle sorte que la présente juridiction ne peut tirer aucune conséquence de cette allégation.

De plus, f. BE., également interrogé sur sommation interpellative, a précisé le 30 mai 2006 qu'il était présent lorsque son « patron », f. GA., a formulé des accusations de vol à l'encontre de r. VE.

De même, j. ON. a relevé, aux termes d'une attestation en date du 1er juin 2006, qu' « à plusieurs reprises dès le mois de septembre 2005 des accusations de vol ont été perpétrées à l'encontre de r. VE. concernant le meuble d'a.-f. (…) Par la suite, Mr f. GA. est venu me voir et ce, dès le début du mois d'octobre, en me disant que r. VE. devait ramener le meuble car » Annie lui cassait les couilles avec son recommandé « et que si le meuble ne réapparaissait pas, il m'a menacé de me supprimer le véhicule de la société avec lequel je rentrais le soir à mon domicile à Peille. Il m'a dit qu'il suffisait de déposer le meuble dans le garage du fond et que l'affaire serait réglée. Je lui ai alors répondu que ce n'était pas mon problème et qu'il n'avait qu'à voir avec r. directement, ce qu'il a fait.

Plusieurs fois pendant la pose déjeuner à l'atelier, Mr t. BA. s'est permis de faire des réflexions du style » r. il faut que tu ramènes le meuble d'Annie sinon nous n'aurons plus de (illisible).

J'affirme aussi avoir été convoqué à la Sûreté Publique (…) au début de l'année 2006. J'ai alors fait une déposition en indiquant en autre de Mr f. GA. accusait de vol Mr r. VE. car il avait dit à plusieurs reprises de ramener le meuble. Il a même dit un samedi matin (alors que seules ses personnes de confiance avaient eu le droit de venir travailler) qu'il avait une cassette où l'on voyait r. voler le meuble. Mr f. BE. et Mr p. DI CA. sont venus dès le lundi matin me dire que r. avait volé le meuble cassette à l'appui et qu'il fallait qu'il le ramène et surtout de ne plus trop lui parler car cela pouvait devenir dangereux pour moi car r. allait avoir des ennuis avec la police.

En ma présence en fin de journée avant de rentrer dans le camion, j'ai entendu Mr GA. qui s'adressait à Mr VE. lui disant qu'il avait volé le meuble et qu'il fallait qu'il le ramène absolument. Mr VE. a alors répondu qu'il ne l'avait pas pris et qu'il arrête de le faire passer pour un voleur.

Un midi alors que Mr VE. était sur un chantier Mr GA. a dit à tout le personnel présent que r. « l'emmerdait » d'avoir volé ce meuble car cela lui posait des ennuis avec a.-f., et qu'il allait s'arranger avec Mr VE. pour qu'il quitte la société «.

Le fait que divers employés aient également affirmé que le demandeur serait l'auteur du vol apparaît sans incidence sur la réalité de la faute reprochée à f. GA..

Il résulte des éléments concordants qui précèdent que f. GA. (préposé), responsable des travaux au sein de la SAM MONACO STORES (commettant), a accusé de manière répétée, sur le lieu de travail et manifestement pendant les heures de travail, notamment en présence d'autres employés, r. VE. d'avoir commis le vol d'un meuble de bureau appartenant à a.-f. MO., autre salariée, bien que le Tribunal ignore les circonstances de cette soustraction, et ce, alors que la preuve n'a jamais été rapportée que le demandeur, qui n'a pas été déclaré coupable de ladite infraction pénale, en serait l'auteur.

Il s'ensuit que f. GA. apparaît avoir commis une faute dans le cadre de ses fonctions et à l'occasion de son travail, quand bien même aucune suite pénale n'a été donnée à la plainte du salarié du 13 janvier 2006. Le moyen d'irrecevabilité soulevé doit dès lors être rejeté, la responsabilité de la société défenderesse étant engagée, en sa qualité d'employeur, pour les dommages ainsi causés à r. VE.

Le préjudice subi par le demandeur doit être évalué à la somme de 7.500 euros, dans la mesure où les accusations publiques de vol injustifiées et répétées formulées par son supérieur hiérarchique l'ont manifestement décrédibilisé auprès de ses collègues et l'ont placé dans une situation particulièrement délicate dans le cadre de ses relations de travail.

Il convient, en conséquence, de condamner la SAM MONACO STORES à payer à r. VE. la somme de 7.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des dommages causés par f. GA. à l'occasion de son travail.

III) Sur le licenciement

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité et de la validité du motif invoqué à l'appui du licenciement notifié par courrier du 28 février 2006 (remis en main propre au salarié le 13 mars 2006).

En dépit de la référence dans la lettre de rupture à une perte de confiance, il apparaît que le licenciement trouve sa cause dans le comportement de r. VE. qui serait à l'origine de ses mauvaises relations avec f. GA.

La mésentente entre salariés ne constitue un motif valable de rupture du contrat de travail que si elle repose sur des faits objectifs imputables à l'employé concerné, susceptibles de vérification par le Tribunal, et qui ont été de nature à nuire au fonctionnement normal de l'entreprise.

En l'espèce, force est de constater que la défenderesse ne fournit aucun élément permettant de déterminer que l'attitude du demandeur à l'égard de son supérieur hiérarchique se serait dégradée à compter du 13 février 2006 et que des agissements précis et imputables à r. VE. auraient entraîné les difficultés de communication invoquées.

Si l'existence de plaintes pour harcèlement moral (Inspection du Travail et Procureur Général) a nécessairement crée des tensions et était susceptible de porter atteinte à la bonne marche de l'entreprise, il ne pouvait être reproché au salarié d'avoir formulé des doléances, lesquelles se sont en définitive avérées justifiées pour les accusations de vol (portées à la connaissance de l'employeur au plus tard à la suite de sa convocation en conciliation en date du 2 février 2006).

Le licenciement n'apparaît ainsi nullement justifié par un motif valable, de telle sorte que le demandeur doit obtenir paiement de l'indemnité de licenciement prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968, à hauteur de la somme de 743,03 euros se décomposant comme suit 2.063,98 (dernier salaire de base) / 25 x 9 (nombre de mois d'ancienneté).

Par ailleurs, le salarié doit établir, au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts, l'abus commis par l'employeur dans l'exercice de son droit unilatéral de rupture.

Il convient de relever que le Tribunal ne peut statuer que sur la prétention soumise sur ce point à la tentative obligatoire de conciliation à hauteur de la somme de 49.512 euros.

Il résulte des éléments de la cause que l'administrateur délégué de la SAM MONACO STORES a été convoqué par l'Inspection du travail pour s'entretenir le 14 décembre 2005 sur la situation professionnelle de r. VE. (lequel avait adressé le 5 décembre 2005 une plainte pour les réflexions et sous-entendus formulés par f. GA./harcèlement moral) et a rédigé un courrier explicatif le même jour indiquant que » Monsieur VE. reproche à Monsieur GA., responsable des travaux, de lui faire des réflexions concernant son travail. En sa qualité de supérieur hiérarchique et responsable de la qualité du travail effectué par les poseurs, Monsieur GA. se doit de faire des remarques et donner des conseils afin que tout soit effectué dans les règles de l'art. Renseignements pris auprès des poseurs, personne ne se plaint de la manière de travailler de Monsieur GA., si ce n'est Monsieur VE. À la vue de ces éléments, vous comprendrez que nous ne pouvons accepter que Monsieur VE. accuse sa hiérarchie d'harcèlement moral, ainsi que de mauvaises conditions de travail au sein de notre société «.

L'enquête ainsi diligentée par l'employeur n'ayant pas corroboré les allégations de harcèlement moral du demandeur, il ne peut être reproché à la défenderesse de ne pas avoir effectué d'investigations complémentaires ou de ne pas s'être suffisamment renseignée, dans la mesure où il n'est pas démontré qu'elle :

  • aurait été informée que certains salariés pouvaient confirmer la réalité des accusations de vol proférées par f. GA., dont elle a été avisée au plus tard à la suite de sa convocation en conciliation adressée le 2 février 2006,

  • aurait notamment eu connaissance de la lettre communiquée par r. VE. le 30 décembre 2005 à l'Inspection du Travail mentionnant le nom des personnes susceptibles de témoigner, étant relevé qu'un entretien préalable, qui n'est pas obligatoire en Principauté de Monaco, risquait d'aggraver une situation délicate sans apporter des réponses claires.

Il s'ensuit que la SAM MONACO STORES a manifestement cherché à sauvegarder les intérêts de son entreprise en mettant fin à un conflit (postérieur à la conclusion du contrat à durée indéterminée) existant entre deux de ses salariés depuis plusieurs mois, alors que les éléments en sa possession ne lui permettaient pas de considérer que le demandeur était en mesure de démontrer la réalité de ses » accusations « (» sans preuves tangibles "), de telle sorte qu'elle n'apparaît pas avoir fait preuve de légèreté blâmable.

Aucune intention de nuire n'est davantage caractérisée, et ce d'autant que l'employeur a fait procéder aux régularisations nécessaires (primes exceptionnelles, congés payés, prime de vacances).

La demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement abusif doit, en conséquence, être rejetée.

IV) Sur les autres demandes

Il convient de constater que r. VE. a renoncé à sa demande en paiement du solde des congés payés et de la prime de vacances.

Si le demandeur a maintenu sa prétention relative aux congés payés sur préavis, il apparaît que la Caisse de Congés Payés du Bâtiment a effectué un règlement complémentaire à cet égard le 24 juin 2008, alors qu'aucune nouvelle explication n'est fournie sur ce point. La demande formée de ce chef ne peut dès lors être accueillie.

En l'état des dernières écritures judiciaires du salarié, il convient de constater qu'il a également renoncé à ses prétentions tendant à la délivrance d'une nouvelle attestation ASSEDIC et au paiement de dommages et intérêts au titre des préjudices subis du fait de la non déclaration sur ses fiches de salaire des primes versées en espèces. Il y a lieu de relever à cet égard que les primes exceptionnelles ont fait l'objet d'une régularisation (bulletin de salaire/ CCSS), alors qu'une attestation rectifiée a été adressée à l'ASSEDIC à la fin du mois de juillet 2006.

En l'absence d'arguments propres à la justifier, l'exécution provisoire, qui n'apparaît au demeurant pas nécessaire en l'espèce, n'a pas lieu d'être ordonnée.

La SAM MONACO STORES, qui succombe, doit supporter les dépens.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré,

Ordonne la jonction des instances enrôlées sous les numéros 56 de l'année judiciaire 2005-2006, 91 de l'année judiciaire 2005-2006 et 55 de l'année judiciaire 2007-2008 ;

Constate que r. VE. a renoncé à ses demandes tendant au paiement de dommages et intérêts pour non déclaration des primes versées en espèces, du solde des congés payés, de la prime de vacances, et à la délivrance d'une nouvelle attestation ASSEDIC ;

Dit que la société anonyme monégasque MONACO STORES est responsable des dommages causés à r. VE. par f. GA., conformément aux dispositions de l'article 1231 alinéa 4 du code civil ;

Condamne en conséquence la société anonyme monégasque MONACO STORES à payer à r. VE. la somme de 7.500 euros (sept mille cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice ainsi subi, et ce, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

Dit que le licenciement de r. VE. par la société anonyme monégasque MONACO STORES n'est pas fondé sur un motif valable mais ne revêt aucun caractère abusif ;

Condamne en conséquence la société anonyme monégasque MONACO STORES à payer à r. VE. la somme de 743,03 euros (sept cent quarante trois euros et trois centimes) à titre d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

Déboute r. VE. du surplus de ses demandes ;

Condamne la société anonyme monégasque MONACO STORES aux dépens.

  • Consulter le PDF