Tribunal du travail, 4 décembre 2008, c. AR. c/ la SAM VF CURSI

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Abstract🔗

Licenciement pour incompatibilité d'humeur - Transaction - Rôle du Tribunal - Absence de concessions de l'employeur - Annulation - Licenciement non fondé - Indemnités de licenciement due

Résumé🔗

Le Tribunal du Travail ne peut trancher le litige que la transaction avait pour objet de clore mais peut, dans le cadre du contentieux de l'annulation, examiner la qualification des faits invoqués à l'appui de la décision de licenciement.

Un salarié engagé en qualité de déménageur-emballeur le 6 mai 2004 est licencié, avec effet immédiat, le 7 décembre 2005 pour incompatibilité d'humeur. La rupture intervient quelques jours après. Une transaction est immédiatement conclue qui prévoit le paiement d'une somme de 2900 € en contrepartie de l'abandon de ses droits d'ester en justice. Le salarié avait attrait son employeur devant le tribunal du Travail et demandait, outre des dommages intérêts pour licenciement abusif, le paiement des indemnités de préavis et de licenciement. Le cumul de ces deux dernières indemnités n'atteignait pas le montant de la transaction et le salarié, s'estimant dolosivement trompé soutenait que le motif de rupture, faux au demeurant, n'était pas susceptible de fonder un licenciement.

De son côté, l'employeur estimait que l'indemnité transactionnelle était supérieure à l'indemnité de préavis assortie des congés payés y afférents (1848 €) tandis que le licenciement était bien justifié par une incompatibilité d'humeur rendant impossible sa présence dans l'entreprise.

Le Tribunal du Travail, après avoir rejeté une demande additionnelle de dommages et intérêts qui n'avait pas été préalablement soumise au préliminaire de conciliation, analyse la transaction dont il rappelle qu'elle constitue une fin de non-recevoir de toute action en justice concernant son objet. Le Tribunal qui ne peut trancher le litige que la transaction avait pour objet de clore, peut cependant, dans le cadre du contentieux de l'annulation de celle-ci, examiner la qualification des faits invoqués à l'appui de la décision de licenciement, afin de déterminer l'existence et la réalité des concessions opérées. En l'espèce, en s'abstenant d'invoquer, sous couvert d'une incompatibilité d'humeur (seul motif allégué), des faits objectifs imputables au salarié, l'employeur n'a pas énoncé un motif valable. L'indemnité de licenciement est due et les concessions dans le cadre de la transaction n'ont pas été consenties. La transaction est annulée et l'employeur condamné au paiement des indemnités de préavis, de licenciement et à des dommages et intérêts pour licenciement abusif, en l'état de la brutalité et de la légèreté blâmable caractérisant la rupture (2 500 €), déduction faite de l'indemnité transactionnelle versée.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 15 septembre 2006 reçue le 18 septembre 2006 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 7 novembre 2006 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de Monsieur c. AR., en date des 11 janvier 2007, 5 juillet 2007 et 7 février 2008 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE VF CURSI, en date des 29 mars 2007, 6 décembre 2007 et 3 avril 2008 ;

Après avoir entendu Maître Olivier MARQUET, avocat à la Cour d'Appel de Monaco, pour Monsieur c. AR., et Maître Ina MOGA, avocat au barreau de Paris substituant Maître Stéphanie GRIGNON-DUMOULIN, avocat au barreau de Paris, pour la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE VF CURSI en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

c. AR. a été employé par la SAM VF CURSI suivant contrat à durée indéterminée, à compter du 6 mai 2004, en qualité de déménageur-emballeur.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 7 décembre 2005, c. AR. s'est vu notifier son licenciement à effet immédiat pour incompatibilité d'humeur.

Soutenant que la rupture de son contrat de travail n'est pas fondée sur un motif valable et revêt un caractère abusif, c. AR. a, ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 6 novembre 2006, attrait la société anonyme monégasque dénommée VF CURSI devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail à l'effet d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :

  • 1.680,00 euros à titre d'indemnité de préavis,

  • 168,00 euros au titre des congés payés sur préavis,

  • 1.276,80 euros à titre d'indemnité de licenciement,

  • 7.000,00 euros à titre de dommages et intérêts,

avec intérêts de droit et sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

À l'audience fixée par les convocations, les parties ont régulièrement comparu.

Puis, après 15 renvois intervenus à leur demande, l'affaire a été contradictoirement débattue lors de l'audience du 23 octobre 2008, à l'issue de laquelle le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 4 décembre 2008.

Dans ses conclusions ultérieures, c. AR. demandera au Tribunal de dire et juger que la transaction du 9 décembre 2005 signée entre les parties est nulle et de nul effet et augmentera sa demande en paiement de dommages et intérêts à hauteur de 15.000 euros, en précisant qu'il conviendra de déduire des sommes réclamées l'indemnité de 2.900,00 euros attribuée au titre de la transaction.

À l'appui de ses prétentions, il fait valoir que :

  • le 9 décembre 2005, l'employeur lui a fait signer une transaction prévoyant le versement d'une indemnité de 2.900,00 euros en contrepartie de l'abandon de son droit d'ester en justice,

  • cet accord doit être déclaré nul dans la mesure où il ne comporte pas une concession suffisante de la part de la société défenderesse,

  • en effet, la somme versée à titre transactionnelle est inférieure aux indemnités légales qu'il aurait pu obtenir, soit l'indemnité de préavis, les congés payés afférents et l'indemnité de licenciement,

  • l'indemnité de licenciement était en réalité bien due au jour de la transaction, puisque le motif de la rupture n'était pas susceptible de fonder un licenciement, ni d'être jugé valable, faute de reposer sur des éléments objectifs et vérifiables établissant que son comportement aurait pu nuire au fonctionnement normal de la société,

  • en outre, les faits de l'espèce révèlent que l'employeur a souhaité faire usage de son droit de mettre fin au contrat de travail sans motif mais a fait preuve de mauvaise foi en invoquant un motif fallacieux pour ne pas avoir à régler l'indemnité de licenciement,

  • en définitive, la contrepartie légitime de sa renonciation à une action en justice aurait dû consister en l'octroi du minimum légal et d'une majoration substantielle, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce,

  • de plus, l'accord litigieux doit être rescindé, conformément aux dispositions de l'article 1892 du Code civil, puisque la société défenderesse a fait preuve de manœuvres dolosives pour obtenir son consentement,

  • à cet égard, la référence à la notion française de « cause réelle et sérieuse » contenue dans la correspondance du 29 novembre 2005, totalement inopérante en droit monégasque, était de nature à créer une confusion,

  • en effet, il a pu légitimement penser que son licenciement était justifié, par l'emploi volontaire et exprès d'un concept de droit français totalement inapproprié, et que son employeur pouvait rompre le contrat pour le juste motif d'incompatibilité d'humeur en ne lui octroyant que l'indemnité de préavis et les congés payés afférents, soit la somme de 1.848,00 euros,

  • la société défenderesse a profité d'une situation délicate à l'époque des faits, dans la mesure où sa compagne ne percevait qu'une petite indemnité de chômage, alors qu'il devait faire face à des dépenses supplémentaires en période de fin d'année et assumer la charge d'un enfant en bas âge,

  • l'employeur lui a ainsi fait croire qu'il était plus opportun de signer la transaction, en lui proposant, dans ce contexte, la somme de 2.900,00 euros,

  • dès qu'il a été informé de la tromperie dont il a été victime, il a dénoncé formellement le reçu pour solde de tout compte, soit le 26 janvier 2006,

  • contrairement à ce qu'affirme la défenderesse, il n'a jamais provoqué la transaction afin d'en invoquer la nullité postérieurement,

  • par ailleurs, le caractère abusif du licenciement résulte de la légèreté blâmable dont son employeur a fait preuve dans la mise en œuvre de son droit unilatéral de rupture, du motif fallacieux invoqué et de l'intention de nuire manifestée par la société défenderesse,

  • tout d'abord, l'employeur lui a soumis une convention attentatoire à ses droits, alors que les évènements se sont enchaînés avec une extrême rapidité et de la manière suivante :

  • dès l'arrivée d'un nouvel employé souhaitant prendre le poste de chef d'agence, son oncle, c. CA., qui occupait cet emploi, a été licencié après des années de service pour un faux motif et moyennant le versement d'une faible indemnité qu'il n'a pas acceptée,

  • c. CA. a finalement obtenu l'allocation de la somme de 17.000,00 euros devant le bureau de conciliation du Tribunal du Travail le 27 mars 2006,

  • son oncle avait été mis à pied le 25 novembre 2005, alors qu'il a fait l'objet de la même mesure à son retour de congés le 28 novembre 2005, de telle sorte qu'il ne peut être soutenu que son comportement se serait dégradé après le départ de c. CA.,

  • l'employeur lui a adressé, le 29 novembre 2005, un courrier par lequel il le convoquait pour le 2 décembre 2005 à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement,

  • dès le lendemain de la réception de la lettre de notification de la rupture de son contrat de travail, soit le 8 décembre 2005, il a vivement contesté le motif invoqué et demandé à la société défenderesse de revoir sa position, alors que la transaction a été signée le 9 décembre 2005,

  • de plus, le motif d'incompatibilité d'humeur est purement fallacieux et ne repose que sur une appréciation subjective de l'employeur, dans un contexte où il n'avait fait l'objet d'aucun reproche ou sanction disciplinaire,

  • le seul élément de preuve soumis à la présente juridiction consiste en un courrier rédigé par la société défenderesse, en la personne de son Directeur Délégué, M. GI., qui lui impute des propos qu'il n'a jamais tenus,

  • enfin, l'employeur a souhaité lui nuire en mentionnant dans l'attestation ASSEDIC qu'il avait été licencié pour un motif disciplinaire, alors que la présentation d'un tel document à différents organismes fondamentaux en vue de la recherche d'un nouvel emploi implique que l'employeur soit attentif aux termes utilisés,

  • de même, lors de la conciliation, la société défenderesse a invoqué une prétendue incompétence professionnelle qui n'a jamais été prouvée,

  • son préjudice résulte du fait qu'à compter du licenciement, sa famille a dû faire face, en période de fin d'année, à des frais fixes de 1.132,94 euros, d'abord avec le seul revenu de son épouse, soit 493,24 euros, puis à l'issue du délai de carence, avec les faibles indemnités ASSEDIC qu'il percevait,

  • le motif en cause reflète un trait de caractère qu'il n'a pas et apparaît d'autant plus vexatoire que son travail a toujours donné entière satisfaction dans les divers emplois qu'il a exercés, après son retour dans la vie civile et son engagement dans l'armée pendant deux années (dossier militaire irréprochable).

En réponse, la SAM VF CURSI demande au Tribunal :

  • à titre principal, de dire et juger que la transaction conclue entre les parties est valable et comporte des concessions réciproques,

  • en conséquence, de dire et juger que le demandeur n'est pas fondé à contester le motif du licenciement,

  • de débouter c. AR. de l'intégralité de ses demandes,

  • à titre subsidiaire, si le Tribunal estimait que la transaction n'est pas valable, de dire et juger que les parties doivent être mises en l'état de la situation où elles se seraient trouvées en l'absence de transaction,

  • de dire et juger que le licenciement est fondé sur un motif réel et valable,

  • en conséquence, de débouter le demandeur de l'ensemble de ses prétentions,

  • de condamner c. AR. à lui restituer la somme de 2.900,00 euros.

Elle soutient pour l'essentiel que :

  • l'indemnité transactionnelle est supérieure à la somme que le demandeur aurait dû percevoir dans la cadre de la rupture de son contrat de travail, soit 1.848,00 euros, représentant l'indemnité de préavis et les congés payés afférents,

  • contrairement à ce que soutient c. AR., il n'aurait pas pu obtenir l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968, dans la mesure où le licenciement intervenu pour un motif est justifié par une incompatibilité d'humeur ayant rendu impossible la présence de ce dernier dans l'entreprise,

  • elle n'a d'ailleurs, par son courrier du 29 novembre 2005, fait que matérialiser par écrit l'existence de cette incompatibilité d'humeur,

  • le Tribunal ne peut, en aucun cas, apprécier le motif invoqué ou le caractère abusif de la rupture, puisque le salarié s'était engagé à ne pas contester la procédure de licenciement et en particulier son motif,

  • pour déterminer si les sommes allouées sont dérisoires, il convient de se référer à la situation au jour de la transaction, sans tenir compte d'autres indemnités qui auraient pu être versées à l'issue d'une procédure judiciaire, dans la mesure où l'objet de la transaction était justement de mettre fin au litige,

  • ainsi, la somme de 2.900,00 euros, qui représente le double des indemnités légales dues, constitue une concession réelle consentie à c. AR.,

  • par ailleurs, elle n'a fait preuve d'aucune manœuvre dolosive, et ce d'autant que le demandeur a lui-même provoqué, en toute connaissance de cause, la transaction, en se présentant, sans aucune pression, au siège de l'entreprise de sa propre initiative le 9 décembre 2005,

  • la qualification de cause réelle et sérieuse ne figure pas dans la lettre de licenciement elle-même mais seulement dans la lettre de convocation à l'entretien préalable, laquelle se contente de mentionner que le motif était valable puisqu'il correspondait à une réalité,

  • aucun élément versé aux débats ne permet d'affirmer que le licenciement de c. CA. était abusif, alors que ce dernier a accepté, à titre transactionnel, la somme de 17.000,00 euros pour des demandes initiales de 252.499,64 euros,

  • si le salarié fait valoir qu'il n'existerait aucune concomitance entre la dégradation des relations qu'il entretenait avec le dirigeant de l'entreprise et le départ de son oncle, il convient de noter que la mise à pied de c. CA. intervenue le 25 novembre 2005, pendant les congés du demandeur, a pu être portée à la connaissance de ce dernier compte tenu de leur lien de parenté,

  • elle n'a nullement profité de la situation personnelle délicate de c. AR., lequel a seulement préféré accepter le paiement de la somme de 2.900,00 euros et ne pas saisir le Tribunal,

  • en conséquence, le demandeur n'est pas recevable et fondé à contester la rupture du contrat de travail tant dans son principe que dans ses motifs,

  • en tout état de cause, il ressort des pièces versées aux débats que le salarié souhaitait quitter l'entreprise et avait lui-même évoqué l'incompatibilité d'humeur qu'il rencontrait avec le nouveau responsable d'agence suite au départ de son oncle,

  • l'incompatibilité d'humeur constitue dès lors un motif valable de licenciement puisqu'il est établi par des circonstances objectives,

  • en conséquence, le demandeur ne peut prétendre à l'indemnité de licenciement, l'indemnité de préavis et les congés payés afférents ayant par ailleurs été réglés,

  • elle n'a fait preuve d'aucune légèreté blâmable ou intention de nuire, alors que c. AR. ne justifie pas de son préjudice à l'appui de sa demande en paiement de dommages et intérêts, et notamment de sa situation professionnelle actuelle ou de la durée de la période de chômage, et se contente de faire état du montant de ses crédits, lesquels sont étrangers au présent débat,

  • le demandeur ne peut prétendre que le motif serait vexatoire puisqu'il est lui-même à l'origine de la situation litigieuse,

  • elle n'a pas cherché à porter atteinte aux intérêts du salarié mais seulement à trouver une solution amiable, alors que la mention portée sur l'attestation ASSEDIC, bien qu'elle soit sans incidence sur les chances de retrouver un emploi, est une pure erreur.

SUR QUOI,

I) Sur la recevabilité des demandes formées par c. AR.

Si le demandeur peut, en vertu des dispositions de l'article 42 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, augmenter sa demande initiale devant le bureau de conciliation, une telle possibilité, en l'absence d'une disposition identique contenue dans cette même loi, ne lui est pas ouverte devant le bureau de jugement, lequel ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum, en application de l'article 1er de la loi précitée.

En conséquence, il convient, en raison du caractère d'ordre public des dispositions susmentionnées, de déclarer d'office irrecevable la demande additionnelle en paiement de dommages et intérêts à hauteur de 15.000,00 euros - 7.000,00 euros = 8.000,00 euros, formulée par c. AR. devant le Bureau de Jugement dans ses écritures judiciaires.

Par ailleurs, les parties ont signé le 9 décembre 2005 une transaction aux termes de laquelle « un litige grave oppose la Société VF CURSI et Monsieur AR. quant aux motifs du licenciement notifié à Monsieur AR. en date du 07/12/05 », alors que le demandeur a contesté la validité de ce contrat dans le cadre de la présente instance.

La transaction se définit comme un contrat écrit par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître par des concessions réciproques effectives et appréciables au jour de sa conclusion.

Les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort.

L'existence d'une transaction constitue dès lors une fin de non-recevoir à l'exercice ultérieur de toute action en justice concernant son objet.

De même, la juridiction, qui apprécie la validité d'un tel contrat, ne peut, sans heurter l'autorité de la chose jugée qui s'attache à la transaction, trancher le litige que celle-ci avait pour objet de clore en se livrant à l'examen des éléments de fait et de preuve.

Cependant, la juridiction saisie du contentieux de l'annulation d'une transaction peut, afin de déterminer l'existence et la réalité de concessions réciproques, examiner la qualification des faits invoqués à l'appui de la décision de licenciement.

À cet égard, l'allégation d'une incompatibilité d'humeur, qui vise par définition à la fois le comportement de l'employeur et du salarié, ne constitue pas à elle seule un motif valable de rupture du contrat de travail au sens de l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968.

En effet, en s'abstenant d'invoquer, sous couvert d'une incompatibilité d'humeur, des faits objectifs imputables au salarié de nature à nuire au bon fonctionnement de l'entreprise, l'employeur ne peut soutenir qu'il aurait énoncé un motif de licenciement susceptible d'être jugé valable.

En l'espèce, il résulte de la lettre de notification de la rupture du contrat de travail en date du 7 décembre 2005 que la SAM VF CURSI n'a visé qu'une incompatibilité d'humeur au soutien de sa décision de licenciement.

En outre, les termes ambigus du courrier du 29 novembre 2005 par lequel l'employeur a convoqué c. AR. à l'entretien préalable au licenciement ne permettent pas de considérer que la défenderesse a reproché au salarié des agissements qui lui seraient imputables nuisant au fonctionnement de la société, bien qu'elle évoque le « règlement intérieur » et la nécessité de s'y conformer ainsi que les « rapports simples [au sein] d'une entreprise normale ».

Il apparaît ainsi qu'au jour de la transaction, la SAM VF CURSI n'a pas invoqué un motif de rupture du contrat de travail susceptible de le dispenser du paiement de l'indemnité de licenciement.

En conséquence, en allouant au salarié une somme inférieure (2.900,00 euros) au montant de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents ainsi que de l'indemnité de licenciement (1.680 + 168 + 1.276,80 = 3.214,80 euros), la SAM VF CURSI n'a pas consenti de concession dans le cadre de la transaction signée le 9 décembre 2005, de telle sorte que celle-ci ne peut être considérée comme valable.

En définitive, les autres demandes formulées par c. AR. doivent être déclarées recevables.

II) Sur la rupture du contrat de travail

L'employeur n'est pas lié par le motif énoncé dans la lettre de licenciement, de telle sorte qu'il est en droit de démontrer, dans le cadre de l'instance, des griefs non mentionnés lors de la rupture s'ils sont également à l'origine du licenciement.

En l'espèce, si la SAM VF CURSI s'est contentée d'invoquer une incompatibilité d'humeur lors de la notification de la rupture du contrat de travail, elle dispose de la possibilité de rapporter la preuve de la réalité de faits objectifs imputables au salarié et de nature à nuire au bon fonctionnement de l'entreprise, afin d'établir que le licenciement est effectivement fondé sur un motif valable.

Cependant, les éléments versés aux débats ne permettent pas de démontrer que le demandeur aurait adopté un comportement préjudiciable à l'entreprise qui aurait pu justifier son licenciement, les termes de la correspondance du 29 novembre 2005, qui émane de la société défenderesse elle-même, étant insuffisants à cet égard.

La rupture du contrat de travail n'étant ainsi pas justifiée par un motif valable, c. AR. est en droit d'obtenir, au titre de l'indemnité de licenciement prévue à l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968, la somme qu'il a réclamée, soit 1.680 x 19 / 25= 1.276,80 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement.

Conformément aux articles 7 et 11 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, le demandeur, qui n'a commis aucune faute grave et dispose d'une ancienneté supérieure à six mois, est également fondé à prétendre à une indemnité compensatrice de préavis, correspondant à un mois de salaire, soit la somme brute de 1.680,00 euros, outre les congés payés afférents, soit la somme brute de 168,00 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, c. AR. n'ayant pas précisé le point de départ desdits intérêts.

Par ailleurs, si l'existence d'un faux motif n'est pas caractérisée en l'espèce, il apparaît que la SAM VF CURSI, qui n'a aucunement invoqué une faute grave, a agi avec brutalité et légèreté blâmable, en considérant, aux termes de la lettre de licenciement, que la rupture du contrat du travail pour incompatibilité d'humeur prenait effet dès réception du courrier recommandé avec accusé de réception.

En l'absence de justificatifs relatifs à sa prise en charge par l'ASSEDIC ou à ses revenus perçus dans le cadre d'un éventuel nouvel emploi, le demandeur ne justifie pas avoir subi un préjudice matériel.

Cependant, au regard des circonstances du licenciement et de l'ancienneté du salarié (19 mois), il convient d'allouer à c. AR. la somme de 2.500,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

La somme de 2.900,00 euros versée au titre de la transaction précitée devra être déduite des sommes ainsi octroyées dans le cadre de la présente instance.

En l'absence d'arguments propres à la justifier, l'exécution provisoire, qui n'apparaît au demeurant pas nécessaire en l'espèce, n'a pas lieu d'être ordonnée.

La SAM VF CURSI, qui succombe, doit supporter les dépens du présent jugement.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré,

Déclare irrecevable la demande additionnelle en paiement de dommages et intérêts à hauteur de 8.000,00 euros formée par c. AR. devant le bureau de jugement ;

Constate que la transaction conclue le 9 décembre 2005 entre c. AR. et la société anonyme monégasque VF CURSI ne peut être considérée comme valable ;

Déclare recevables les autres demandes formées par c. AR. ;

Dit que le licenciement de c. AR. par la société anonyme monégasque VF CURSI n'est pas fondée sur une faute grave ou un motif valable et revêt un caractère abusif ;

Condamne, en conséquence, la société anonyme monégasque VF CURSI à payer à c. AR. :

  • la somme brute de 1.680,00 euros, (mille six cent quatre vingt euros), à titre d'indemnité compensatrice de préavis ainsi que la somme brute de 168,00 euros, (cent soixante huit euros), au titre des congés payés afférents,

  • la somme de 1.276,80 euros, (mille deux cent soixante seize euros et quatre vingt centimes), à titre d'indemnité de licenciement,

  • la somme de 2.500,00 euros, (deux mille cinq cents euros), à titre de dommages et intérêts,

le tout avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

Dit que la somme de 2.900,00 euros versée en exécution de la transaction précitée devra être déduite des sommes précédemment allouées ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

Condamne la société anonyme monégasque VF CURSI aux dépens.

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