Tribunal du travail, 17 janvier 2008, d. RO. c/ la SAM SOCIÉTÉ MONÉGASQUE D'HÔTELLERIE

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Abstract🔗

Licenciement pour perte de confiance - Utilisation à des fins personnelles du téléphone d'un hôtel - Appréciation globale du comportement du salarié ayant déjà fait l'objet d'un avertissement

Résumé🔗

L'ensemble des agissements d'un salarié marquant sa volonté de ne pas faire état de ses erreurs ou de cacher un comportement répréhensible à sa hiérarchie justifie un licenciement pour perte de confiance.

Un salarié, embauché à compter du 14 mai 2001 en qualité de chef de rang room service par une société hôtelière et licencié le 13 juin 2005 pour perte de confiance avait attrait son employeur devant le Tribunal du Travail, estimant son licenciement injustifié et abusif. Il demandait outre des rappels de salaire, le paiement d'une indemnité de licenciement et des dommages et intérêts. Il s'était vu infliger une mise à pied dite conservatoire de trois jours transformée quelques jours plus tard en une mise à pied de durée indéterminée. Il soutenait que la perte de confiance invoquée ne pouvait se justifier par le fait anodin selon lui, de l'utilisation à des fins personnelles d'un téléphone portable de l'hôtel rapprochée de la perte d'un « pass » deux ans plus tôt qui avait donné lieu à un avertissement contesté. La société employeur, de son côté, invoquait la reconnaissance par le salarié devant les services de police de l'utilisation du téléphone et l'absence de tout abus.

Le Tribunal du Travail après avoir analysé les feuilles de présence et bulletins de salaires retient un solde de salaire dont il ordonne le paiement. Sur le licenciement, la juridiction saisie qualifie la mise à pied intervenue de conservatoire compte tenu de la rectification de ses termes par l'employeur et dès lors, le licenciement intervenu ne constitue pas une seconde sanction pour des mêmes faits. La perte de confiance apparait ensuite légitime dans le cadre d'une appréciation globale du comportement du demandeur, l'ensemble de ses agissements marquant la volonté de ne pas faire état de ses erreurs ou de cacher un comportement répréhensible. Le licenciement pour perte de confiance n'apparait pas disproportionné au regard de la répétition des actes fautifs. Le licenciement, sans relation prouvée avec les fonctions de conseiller syndical et la participation du salarié à une journée de grève, étant fondé et non abusif, les demandes sont rejetées.


Motifs🔗

LE TRIBUNAL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 7 février 2006 reçue le 16 février 2006 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 25 avril 2006 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de Monsieur d. RO., en date des 30 novembre 2006 et 2 avril 2007 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE dénommée SOCIÉTÉ MONÉGASQUE D'HÔTELLERIE, en date des 22 février 2007 et 31 mai 2007 :

Après avoir entendu Maître Danièle RIEU, avocat au barreau de Nice, au nom de Monsieur d. RO., et Maître Arnaud ZABALDANO, avocat à la Cour d'Appel de Monaco, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE SOCIÉTÉ MONÉGASQUE D'HÔTELLERIE, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

*

d. RO. a été employé par la société anonyme monégasque dénommée Société Monégasque d'Hôtellerie, suivant contrats à durée déterminée successifs, à compter du 14 mai 2001, puis suivant contrat à durée indéterminée, à compter du 16 avril 2003, en qualité de chef de rang room service.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 juin 2005, d. RO. s'est vu notifier son licenciement et a été dispensé d'effectuer son préavis de deux mois, qui a été rémunéré.

Soutenant que son licenciement n'est pas fondé sur un motif valable et revêt un caractère abusif, d. RO. a, ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 24 avril 2006, attrait la Société Monégasque d'Hôtellerie devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail à l'effet d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :

  • 5.500,00 euros à titre de rappel de salaires et congés payés afférents,

  • 550,00 euros à titre de complément d'indemnité de préavis et congés payés afférents,

  • 4.000,00 euros à titre d'indemnité de licenciement,

  • 35.000,00 euros à titre de dommages et intérêts,

avec intérêts de droit et sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

À l'audience fixée par les convocations, les parties ont régulièrement comparu.

Puis, après 10 renvois intervenus à leur demande, l'affaire a été contradictoirement débattue lors de l'audience du 22 novembre 2007, à l'issue de laquelle le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 17 janvier 2008.

Par ses conclusions ultérieures, d. RO. a renoncé à certaines de ses demandes et sollicite in fine :

  • la somme de 463,65 euros à titre de rappel de salaire,

  • la somme de 46,36 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire,

  • la somme de 3.009,95 euros à titre d'indemnité de licenciement,

  • la somme de 35.000,00 euros à titre de dommages et intérêts,

en précisant que les sommes réclamées dans le cadre de l'exécution du contrat de travail devront être réglées avec intérêts de droit à compter du 15 août 2005, date à laquelle elles auraient être réglées au plus tard, les autres devant porter intérêts à compter de la demande en justice, soit le 7 février 2006.

À l'appui de ses prétentions, il fait valoir que :

  • s'agissant des jours fériés, il résulte du premier planning communiqué par la défenderesse, qu'il a récupéré le jour de pâques le vendredi 8 mai 2005, que le 1er mai a été récupéré le 27 mai, et que les autres jours fériés du mois de mai, soit le 5 mai 2005 (Ascension), le 16 mai 2005 (Pentecôte) et le 26 mai 2005 (Fête Dieu) ont été travaillés mais n'ont été que partiellement payés, alors qu'il n'est pas démontré que les 12 juillet et 15 août 2005, également fériés, aient été payés dans le cadre du préavis,

  • l'employeur a été dans l'incapacité totale de verser aux débats un quelconque document justifiant de l'importance de la faute qui lui a été reprochée et de la nécessité dans laquelle il s'est trouvé de procéder à son licenciement, alors qu'aucun motif n'a été mentionné dans l'attestation ASSEDIC,

  • la société défenderesse se contente d'évoquer le fait qu'il aurait « avoué » aux services de la Sûreté Publique avoir utilisé un téléphone fixe égaré depuis plusieurs mois, dont la ligne n'a pas été immédiatement supprimée,

  • en réalité, l'appareil en cause est demeuré dans les locaux de l'hôtel, au vu et au su de tous, alors qu'il n'était pas le seul à l'avoir utilisé occasionnellement, y compris pour les besoins du service,

  • les agissements en cause, dont l'importance n'a pas été prouvée, ni même circonscrite, auraient tout au plus, pour quelques communications passées à l'extérieur de l'hôtel, pu justifier un avertissement ou se limiter à la mise à pied effectivement administrée le 3 juin 2005, bien qu'il n'existe aucune note de service à cet égard,

  • en effet, après son audition par la police le 2 juin 2005, il s'est vu infliger le 3 juin 2005 « une mise à pied conservatoire » d'une durée de trois jours, avec suspension du contrat de travail et de sa rémunération les 3, 6 et 7 juin 2005,

  • or, le propre d'une telle mesure conservatoire est d'être prononcée pour une durée indéterminée, afin de permettre le déroulement d'une procédure disciplinaire diligentée à l'égard de celui à l'encontre duquel elle a été infligée,

  • ainsi, la mise à pied du 3 juin 2005, qui était immédiatement exécutoire et limitée à trois jours, ne peut s'analyser que comme une sanction disciplinaire, aucune procédure particulière n'ayant eu à être mise en route, alors qu'aucune enquête n'a été diligentée,

  • en outre, si le 6 juin 2005, la précédente mise à pied disciplinaire de trois jours se transformait, pour lui donner un air davantage « conservatoire », en une mise à pied à durée indéterminée « dans l'attente d'une décision ultérieure que nous vous communiquerons », cette circonstance est sans incidence, au regard de l'intention de l'employeur au moment de la sanction,

  • or, le licenciement décidé le 13 juin 2005 est également intervenu pour le même grief, de telle sorte que les mêmes faits ont été sanctionnés deux fois,

  • le motif invoqué à l'appui de la rupture du contrat de travail n'est dès lors pas valable, aucun fait nouveau ne s'étant produit entre la première sanction, déjà démesurée par rapport aux agissements en cause, et la deuxième,

  • en tout état de cause, à supposer que la mise à pied ait été conservatoire, il n'a commis aucun acte répréhensible, sauf à avoir été désigné conseiller syndical du syndicat des hôtels, cafés et restaurants, auquel il appartenait, et à avoir participé à un mouvement de grève le 1er juin 2005, de telle sorte que l'utilisation passagère du téléphone n'apparaît avoir été qu'un prétexte,

  • le compte-rendu de la réunion du 23 juin 2005 sur la situation de l'Hôtel Colombus, tenue après son licenciement, démontre une intention délibérée de la direction d'amplifier la réalité, dès lors qu'elle évoque un vol, l'existence d'une plainte contre X, qui n'a pas été communiquée, et de deux autres utilisateurs du téléphone non encore identifiés,

  • la perte de confiance invoquée ne repose sur aucun fait concret sérieux, alors que l'employeur a fait preuve de négligence quant à la disparition même du téléphone et d'une grande légèreté dans la mise en œuvre de son licenciement, qui apparaît totalement disproportionné par rapport aux griefs formulés,

  • cette mesure a été prise de manière totalement abusive, et ce nonobstant l'avertissement infligé, deux ans plus tôt, en mai 2003, pour des faits totalement différents et à l'encontre desquels il avait protesté, la société défenderesse ne lui ayant jamais fourni un quelconque justificatif des « conséquences importantes » de la perte du pass en question, lequel a été retrouvé à sa connaissance,

  • son préjudice financier de 8.694,98 euros résulte de sa perte de revenus entre le 7 octobre 2005, date de sa prise en charge par l'ASSEDIC et le mois d'avril 2006, au cours duquel il a pu retrouver un emploi,

  • par ailleurs, il a été atteint moralement, non seulement eu égard au profond sentiment d'injustice consécutif au licenciement, mais également en raison du fait qu'il n'a plus pu poursuivre l'aide qu'il apportait jusqu'alors à sa mère, adulte handicapée et sa sœur, encore à la charge de cette dernière ;

En réponse, la Société Monégasque d'Hôtellerie demande au Tribunal de :

  • dire et juger que d. RO. renonce à ses prétentions portant sur le complément d'indemnité de nourriture et d'indemnité de préavis, ce à quoi elle consent,

  • de lui donner acte de son offre de régler la somme de 44,77 euros au titre du complément d'indemnisation des 16 mai et 26 mai 2005 ainsi que de l'indemnité compensatrice de congés payés,

  • dire et juger que la rupture du contrat de travail du demandeur repose sur un motif valable et ne présente aucun caractère abusif,

  • en conséquence, débouter d. RO. de ses prétentions relatives à l'indemnité de licenciement et aux dommages et intérêts ;

Elle soutient pour l'essentiel que :

  • les feuilles de présence régularisées, l'état des récupérations et jours fériés de l'année 2005, ainsi que le bulletin de salaire du demandeur du mois de mars 2005 démontrent qu'il fut absent le 28 mars 2005, lundi de pâques, de telle sorte que le jour compensateur pris le vendredi 6 mai 2005 a eu pour objet de récupérer le 1er mai 2005, et non le 28 mars 2005, comme initialement prévu,

  • en outre, le 5 mai 2005 (Ascension), jour férié travaillé, a été récupéré le 27 mai 2005, alors que les 16 mai (Pentecôte) et 26 mai (Fête Dieu) 2005 ont été indemnisés et figurent sur le bulletin de salaire soldant le compte de d. RO. à la rubrique « Heures Fériées »,

  • par ailleurs, les 12 juillet (Intronisation de Son Altesse Sérénissime Le Prince Albert II) et 15 août (Assomption) 2005 sont bien inclus dans le préavis du 16 juin au 15 août 2005, dispensé d'exécution mais rémunéré,

  • les jours fériés récupérés n'ont pas à être indemnisés, conformément aux dispositions légales et conventionnelles qui prévoient que le travail un jour férié donne lieu à un repos compensateur rémunéré ou au paiement d'une indemnité,

  • en conséquence, les quatre jours fériés de mai 2005 ont été récupérés ou payés, bien qu'une erreur se soit glissée dans le calcul de l'indemnisation des 16 mai et 26 mai 2005,

  • en effet, le salaire mensuel, incluant le salaire de base ainsi que la sentence Piens, la prime AHM SP et l'indemnité de nourriture, s'élève à 1.775,04 euros, de telle sorte que la somme de 177,50 euros aurait dû être versée au titre des jours fériés au lieu de celle de 136,80 euros,

  • le solde représente donc 40,70 euros, qu'il convient de majorer des 10 % de congés payés, soit au total 44,77 euros,

  • d. RO., chef de rang, a été licencié au motif de la perte de confiance induite notamment, par l'utilisation à des fins personnelles d'un téléphone de l'entreprise, affecté à un usage exclusivement professionnel, lequel ne peut être confondu avec un modèle utilisé par les particuliers,

  • après des recoupements internes, elle a informé les services de la Sûreté Publique sur cet état de fait, lesquels ont procédé aux investigations idoines,

  • ainsi, lors de son audition, le salarié a reconnu avoir utilisé à des fins personnelles le téléphone professionnel en cause, qui ne lui était pas affecté, alors qu'il ne s'est jamais préoccupé de le restituer ou d'avertir sa hiérarchie,

  • d. RO. ne peut dès lors se prétendre être une victime ou invoquer l'absence de suppression de la ligne,

  • en outre, le Directeur du Travail, lui-même, a indiqué lors de la réunion du 23 juin 2005, qu'« il y a bien faute prouvée par les Services de police », alors que le demandeur admet dans ses écritures judiciaires la réalité de l'utilisation en cause,

  • il est constant en droit que la mise à pied conservatoire n'est pas une sanction mais une mesure qui permet à l'employeur de prendre les informations complémentaires afin d'arrêter une décision définitive,

  • en l'espèce, la lecture des deux courriers adressés au salarié démontre que celui du 6 juin 2005, qui se substitue à celui du 3 juin 2005, quant à la mise en œuvre de la mesure, concerne effectivement une mise à pied conservatoire, dans l'attente d'une décision définitive, afin de recueillir des éléments complémentaires sur les agissements fautifs du demandeur,

  • de plus, cette mesure a été effectivement rémunérée, de telle sorte qu'elle ne saurait être assimilée à une mise à pied disciplinaire,

  • le licenciement repose ainsi sur un motif valable, d. RO. n'ayant nullement fait l'objet de deux sanctions,

  • par ailleurs, il ne revêt aucun caractère abusif, dans la mesure où elle n'a pas agi avec légèreté ou précipitation,

  • elle s'est, en effet, entourée de toutes les garanties nécessaires, notamment en prenant le temps d'arrêter sa décision,

  • en outre, la rupture du contrat de travail n'est absolument pas disproportionnée au regard des griefs formulés, et ce d'autant que sa confiance avait déjà été ébranlée par le passé en raison de la perte par le salarié d'un pass général, permettant l'accès à toutes les chambres,

  • contrairement à ce que le demandeur affirme, il n'a jamais émis de protestation à l'encontre de l'avertissement ainsi infligé pour ces derniers faits, alors qu'il n'avait pas averti à l'époque son supérieur hiérarchique ou chef de service de la perte en cause, laquelle doit être immédiatement signalée en raison des risques inhérents à la sécurité,

  • par ailleurs, elle ne peut que déplorer les difficultés familiales de d. RO., dont elle n'est aucunement responsable, étant précisé que ce dernier ne justifie pas de sa situation après le mois d'avril 20060.

SUR CE,

Il convient de constater, en premier lieu, que d. RO. a renoncé à ses demandes relatives à une retenue injustifiée de salaire, au complément d'indemnité de nourriture et d'indemnité de préavis ainsi qu'aux congés payés afférents.

I) Sur les jours fériés

La convention collective de l'Hôtellerie, applicable en la cause, prévoit en son article 11, que les journées de fêtes légales devront, pour le personnel « au fixe », soit être payées en supplément sur la base de 1/20e du salaire mensuel, soit être compensées dans la quinzaine au choix de la Direction.

Le communiqué n° 2004-15 du 22 novembre 2004 mentionne, conformément aux dispositions des lois n° 798 et 800 du 18 février 1966, dans la liste des jours chômés et payés pour l'année 2005: le lundi de Pâques, soit le lundi 28 mars 2005, le jour de la Fête du Travail, soit le dimanche 1er mai 2005 reporté le lundi 2 mai 2005, le jour de l'Ascension, soit le jeudi 5 mai 2005, le jour de la Pentecôte, soit le lundi 16 mai 2005, le jour de la Fête Dieu, soit le jeudi 26 mai 2005 et le jour de l'Assomption, soit le lundi 15 août 2005. En outre, la loi n° 1.298 du 1er juillet 2005 a déclaré jour férié légal le mardi 12 juillet 2005.

Il résulte d'un document produit par l'employeur relatif à l'état des récupérations et des jours fériés de l'année 2005 ainsi que du bulletin de salaire de d. RO. du mois de mars 2005 que ce dernier était absent le lundi de Pâques, soit le 28 mars 2005, mais n'a pas été payé.

Ainsi, ce jour férié devait être rémunéré, ce qui n'a jamais été le cas, ou être récupéré. En conséquence, la feuille de présence versée aux débats par la société défenderesse sous le numéro 12 apparaît correspondre à la réalité des récupérations et devra être retenue pour statuer sur ce point dans le cadre du présent litige, puisqu'elle mentionne que le 28 mars 2005 a été récupéré le vendredi 6 mai 2005. En effet, la pièce n°14 produite dans un second temps par la Société Monégasque d'Hôtellerie ne fait état d'aucune récupération au titre du lundi de Pâques, alors que ce jour férié n'a finalement pas été payé.

En outre, la feuille de présence portant le numéro 12 fait apparaître que le 1er mai 2005 reporté au 2 mai 2005, date à laquelle le salarié a effectivement travaillé, a été récupéré le 27 mai 2005. Enfin, les 5 mai, 16 mai et 26 mai 2005 ont été travaillés mais n'ont pas donné lieu à un repos compensateur, de telle sorte que le demandeur était en droit de prétendre au paiement du supplément de 1/20e du salaire mensuel pour ces trois jours fériés.

Par ailleurs, le bulletin de salaire du mois de juin 2005 mentionne le règlement de la somme de 3.550,08 euros pour la durée du préavis s'étalant du 16 juin 2005 au 15 août 2005, soit le paiement de deux mois de salaire, dont le montant n'a finalement pas été contesté par d. RO. Il apparaît que les deux jours fériés des 12 juillet et 15 août 2005 ont ainsi été effectivement rémunérés, alors que le salarié, qui a été dispensé d'effectuer son préavis, n'a pas travaillé à ces dates, de telle sorte qu'il ne peut solliciter le règlement du supplément du 1/20e du salaire mensuel.

La proposition du demandeur, en vue du calcul du salaire de référence, vise à opérer une distinction à l'effet de tenir compte du complément d'indemnité de nourriture, auquel ce dernier a renoncé, de telle sorte qu'elle ne pourra être retenue.

Cependant, comme la défenderesse le soutient justement, le salaire mensuel de 1.775,04 euros, correspondant à celui qui a été réglé au cours du préavis, doit servir de base au calcul du rappel de salaire réclamé.

En définitive, d. RO. était en droit de prétendre, au titre des jours fériés des 5, 16 et 26 mai 2005, à : (1.775,04 x 1/20) x 3, soit 266,26 euros, sous déduction de la somme de 136,80 euros versée au mois de juin 2005 au titre des jours fériés, soit un solde de 129,46 euros, outres les congés payés y afférant pour un montant de 12,95 euros, soit la somme totale de 142,41 euros, avec intérêts de droit à compter du 16 février 2006, date de la convocation en conciliation.

II) Sur la validité du motif du licenciement

Il est constant en droit que les mêmes fautes professionnelles commises par un salarié ne sauraient justifier deux sanctions disciplinaires successives. Seule l'existence de nouveaux griefs ou la persistance des manquements déjà sanctionnés autorise l'employeur à retenir les fautes antérieures déjà sanctionnées, pour estimer la gravité des faits reprochés au salarié, et à justifier un licenciement reposant sur une appréciation globale de son comportement.

En l'espèce, le Directeur Général de la société défenderesse a adressé le 3 juin 2005 un premier courrier à d. RO. aux termes duquel il a indiqué « suite à la reconnaissance des faits auprès des Services compétents, concernant l'utilisation illicite à des fins personnelles d'un téléphone professionnel appartenant à l'Hôtel Colombus, nous nous voyons contraints de vous signifier une Mise à pied conservatoire de 3 jours. Cette mise à pied conservatoire suspend votre contrat de travail et votre rémunération les 3, 6 et 7 juin 2005. Nous vous signifierons la décision définitive à apporter à l'issue de votre mise à pied (…) ».

Un second courrier en date du 6 juin 2005 était rédigé à l'attention du salarié de la manière suivante : « suite à la reconnaissance des faits auprès des Services compétents, concernant l'utilisation illicite à des fins personnelles d'un téléphone professionnel appartenant à l'Hôtel Colombus, nous nous voyons contraints de vous signifier une Mise à pied conservatoire. Cette mise à pied conservatoire à compter du 3 juin 2005 vous sera rémunérée dans l'attente d'une décision ultérieure que nous vous communiquerons ».

La Société Monégasque d'Hôtellerie a mis un terme à ses relations contractuelles avec le demandeur, par lettre du 13 juin 2005, dans les termes suivants : « suivants courriers en date des 3 et 6 juin 2005, nous avons été contraints de vous notifier une mise à pied conservatoire, en l'attente d'une décision ultérieure à intervenir, suite à votre reconnaissance auprès des services compétents de l'utilisation illicite à des fins personnelles d'un téléphone à usage exclusivement professionnel appartenant à l'Hôtel Colombus. Compte tenu des faits ci-dessus et des éléments en notre possession, cet agissement compromet largement la confiance que nous avions placée en vous (…) ».

Si une mise à pied prononcée pour un temps déterminé présente un caractère disciplinaire, quelle que soit la qualification donnée par l'employeur, il apparaît que la référence à une durée de trois jours a été supprimée par la société défenderesse dès le 6 juin 2005, soit le premier jour ouvrable après la notification du premier courrier du 3 juin 2005 et avant l'expiration du délai précité, alors que le demandeur ne conteste pas que la lettre du 6 juin 2005 s'est substituée à celle du 3 juin 2005. En outre, l'employeur a dès le 3 juin 2005 évoqué l'existence « d'une décision définitive à apporter à l'issue » de la mise à pied, manifestant ainsi son intention de ne pas sanctionner immédiatement d. RO. mais de prendre ultérieurement la décision la plus adaptée. Par ailleurs, l'absence d'enquête interne ou de procédure particulière à mettre en œuvre ne permet pas d'exclure la nécessité de recueillir des informations complémentaires, notamment auprès des Services de la Sûreté Publique, qui n'avaient auditionné le demandeur que le 2 juin 2005. Enfin, la Société Monégasque d'Hôtellerie a pris le soin, dès qu'elle a pris conscience de son erreur de formulation, de maintenir la rémunération de son salarié, marquant ainsi sa volonté d'éviter toute confusion.

Dans ces conditions, la mise à pied du 3 juin 2005, dont les termes ont été modifiés le 6 juin 2005, présente un caractère conservatoire, de telle sorte que l'employeur n'a pas prononcé deux sanctions disciplinaires successives pour les mêmes fautes professionnelles, en procédant au licenciement de d. RO. le 13 juin 2005 pour les motifs sus énoncés.

Cependant, il appartient à la société défenderesse de rapporter la preuve de la réalité et de la validité du motif qu'elle invoque à l'appui de sa décision de licenciement, étant précisé qu'elle est en droit d'invoquer des griefs non mentionnés dans la lettre de rupture du contrat de travail, à condition que ceux-ci soient également à l'origine du licenciement.

Ainsi, il convient d'examiner les deux griefs qui ont, selon l'employeur, justifié la rupture des relations contractuelles, à savoir l'utilisation par le salarié à des fins personnelles d'un téléphone à usage professionnel appartenant à l'entreprise et la perte d'un pass général qui n'avait pas été signalée par d. RO. à sa hiérarchie.

Si l'employeur ne verse pas aux débats les procès-verbaux de police qui permettraient d'apprécier précisément l'ampleur des agissements du salarié, force est de constater que ce dernier a reconnu avoir utilisé, même occasionnellement, pour des communications personnelles extérieures à l'hôtel, le téléphone portable litigieux égaré depuis plusieurs mois, sans avoir pour autant prévenu sa hiérarchie de la découverte de l'appareil en cause, alors qu'il était conscient qu'il ne lui était pas affecté. À cet égard, l'absence de suppression de la ligne par la société défenderesse ne saurait excuser le comportement de d. RO., alors que le fait que d'autres salariés auraient également utilisé ledit téléphone n'est pas de nature à remettre en cause la réalité de la perte de confiance dont se prévaut l'employeur.

Par ailleurs, les faits, objet de l'avertissement du 14 mai 2003, lequel n'a jamais été contesté par écrit par le salarié, s'inscrivent dans la même logique, puisque d. RO. n'avait pas prévenu ses supérieurs de la perte d'un pass général donnant accès à toutes les chambres de l'hôtel.

Ainsi, dans le cadre d'une appréciation globale du comportement du demandeur, l'ensemble de ses agissements, qui marquent la volonté de ne pas faire état de ses erreurs ou de cacher un comportement répréhensible à sa hiérarchie, justifient la mesure de licenciement pour perte de confiance notifiée le 13 juin 2005, laquelle n'apparaît nullement disproportionnée au regard de la répétition des actes fautifs.

Enfin, aucun élément ne vient étayer l'hypothèse selon laquelle le salarié aurait été licencié en raison de ses fonctions de conseiller syndical au sein du syndicat des hôtels, cafés et restaurants auquel il appartenait ou de sa participation à un mouvement de grève. De plus, l'« intention délibérée de la Direction de l'Hôtel Colombus d'amplifier la réalité » des faits n'apparaît nullement caractérisée à la lecture du compte rendu de réunion du 23 juin 2005. En particulier, la référence au vol, comme motif du licenciement, est immédiatement suivie de la mention « utilisation abusive d'un téléphone devenu introuvable : 500,00 à 600,00 euros de communications privées », alors que l'existence d'autres utilisateurs potentiels est mentionnée.

La demande en paiement de l'indemnité de licenciement doit, en conséquence, être rejetée.

III) Sur le caractère abusif du licenciement

L'employeur n'apparaît avoir commis aucun abus dans la mise en œuvre de son droit de rupture unilatérale du contrat de travail. En effet, aucune précipitation ou brutalité ne peut lui être reprochée, en l'état du délai écoulé entre la notification de la mise à pied et du licenciement. En outre, l'erreur commise quant à la rédaction de la mise à pied ne peut être assimilée à une légèreté blâmable. La réalité d'un faux motif n'a, en tout état de cause, pas été établie.

d. RO. doit, dès lors, être débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts.

En l'absence d'arguments propres à la justifier, l'exécution provisoire, qui n'apparaît au surplus pas nécessaire en l'espèce, n'a pas à être ordonnée.

d. RO. doit supporter les dépens de la présente instance.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré,

Constate que d. RO. a renoncé à ses demandes relatives à une retenue injustifiée de salaire, au complément d'indemnité de nourriture et d'indemnité de préavis ainsi qu'aux congés payés afférents ;

Condamne la société anonyme monégasque dénommée Société Monégasque d'Hôtellerie à payer à d. RO. la somme de 142,41 euros, (cent quarante deux euros et quarante et un centimes), au titre des salaires dus pour les jours fériés et des congés y afférant, avec intérêts au taux légal à compter du 16 février 2006 ;

Dit que le licenciement de d. RO. par la société anonyme monégasque dénommée Société Monégasque d'Hôtellerie repose sur un motif valable et ne revêt aucun caractère abusif ;

Déboute, en conséquence, d. RO. du surplus de ses demandes ;

Condamne d. RO. aux dépens.

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