Tribunal du travail, 2 novembre 2006, g. VE. c/ la SAM BANQUE U.B.S. MONACO

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Abstract🔗

Licenciement pour motif économique - Suppression de poste - Charge de la preuve pesant sur l'employeur de l'effectivité de la réorganisation et de la suppression - Ordre des licenciements - Critère jurisprudentiel de l'appartenance à une même catégorie professionnelle

Résumé🔗

Ne peuvent être considérés comme appartenant à une même catégorie professionnelle, au sein de laquelle peut jouer l'ordre des licenciements économiques, que les salariés dont il est établi que les compétences professionnelles permettent à l'employeur de se séparer indifféremment de l'un ou de l'autre.

La responsable marketing d'une banque licenciée pour motif économique (suppression de poste) avait attrait son employeur devant le Tribunal du Travail en demandant paiement d'un bonus et de dommages et intérêts pour licenciement non valablement fondé et abusif. Elle soutenait que la restructuration seulement partielle avait épargné certaines régions de l'Europe occidentale, que son poste n'avait pas été réellement supprimé et que les dispositions de l'article 6 de la loi n°629 relatif au reclassement au sein d'une même catégorie professionnelle n'avaient pas été respectées et qu'elle aurait dû se voir proposer des emplois de catégorie similaire voire inférieure. L'employeur, de son côté, soutenait l'effectivité de la restructuration et de la suppression de poste. Il se référait à la notion d'interchangeabilité et non d'équivalence pour les emplois à prendre en considération s'agissant de la même catégorie professionnelle pour conclure à une impossibilité de reclassement.

Le Tribunal du Travail rejette tout d'abord la demande de bonus formulée par la salariée pour l'année 2002 en l'absence d'engagement formel de l'employeur, pour cette année, au montant réclamé. Il s'attache ensuite à la définition du motif économique motif non inhérent à la personne du salarié résultant d'une suppression effective d'emploi consécutive à des difficultés économiques réelles et non passagères ou aux nécessités de restructuration d'une entreprise- pour rappeler qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de l'effectivité de la restructuration et de la suppression de poste, ca qui est le cas en l'espèce. Enfin, encore faut-il que les dispositions de la loi n° 629 article 6 aient été respectées et il revient au juge de rechercher si la catégorie professionnelle à laquelle appartient la salariée comptait plusieurs salariés et pour cela de définir la notion de catégorie professionnelle. À défaut de définition législative, le Tribunal se réfère à la notion jurisprudentielle d'interchangeabilité, condition non remplie en l'occurrence. S'agissant du reclassement dans une catégorie inférieure, il eut fallu que le salarié en fît la demande en précisant notamment la catégorie et l'emploi qu'il entendait occuper, ce qui n'avait pas été fait .La salariée est déboutée de ses demandes.


Motifs🔗

LE TRIBUNAL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 8 juin 2004 reçue le 9 juin 2004 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 6 juillet 2004 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de Madame g. VE., en date des 18 novembre 2004, 7 juillet 2005, 15 décembre 2005 et 11 mai 2006 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE BANQUE U.B.S. MONACO, en date des 10 février 2005, 20 octobre 2005, 23 mars 2006 et 22 juin 2006 ;

Après avoir entendu Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de Madame g. VE., et Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE BANQUE U.B.S. MONACO, en leurs plaidoiries

Lesdits avocats-défenseurs ayant repris et maintenu ce jour leurs conclusions en l'état de la composition différente du tribunal ;

Vu les pièces du dossier ;

Embauchée par la SA BANQUE U.B.S. en qualité de « responsable marketing », à compter du 3 novembre 2000, d'abord dans le cadre d'un contrat à durée déterminée puis, à compter du 1er septembre 2001, d'un contrat à durée indéterminée, moyennant paiement d'un salaire annuel fixé en dernier lieu à la somme de 61.570 € payable sur quatorze mois, et d'un « target bonus », fonction des résultats financiers obtenus par la banque, payable au mois de février de chaque année, g. VE. s'est vu notifier son licenciement le 9 juillet 2003 par une lettre dont un exemplaire lui a été remis en main propre, et dont le contenu s'avère le suivant :

« Madame,

» La présente fait suite à l'entretien que nous avons eu au cours duquel nous avons pu vous exposer les raisons qui nous ont amenés à décider de supprimer le poste chargé de la fonction marketing au sein de notre établissement, ce qui entraîne la suppression de votre emploi.

« En conséquence le présent courrier constitue la notification formelle de notre décision de procéder à la rupture de votre contrat de travail, consécutif à la suppression du poste de responsable marketing que vous occupez.

» Votre contrat de travail prendra fin au terme d'un préavis de trois mois qui commencera à courir le 1er août 2003 pour prendre fin le 31 octobre 2003. «.

Soutenant d'une part ne pas avoir été intégralement remplie de ses droits au cours de l'exécution de son contrat de travail, et estimant d'autre part que le licenciement dont elle avait fait l'objet sous le couvert d'une prétendue suppression de poste n'était pas fondée sur un motif valable et revêtait en outre un caractère abusif, g. VE., ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 5 juillet 2004, a attrait la SAM BANQUE U.B.S. MONACO devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, à l'effet d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, sa condamnation au paiement des sommes suivantes :

  • 92.355,00 €, à titre de dommages et intérêts correspondant environ à dix huit mois de salaires,

  • 28.112,00 €, au titre du bonus 2003.

À la date fixée par les convocations les parties ont régulièrement comparu.

Puis, après dix huit renvois intervenus à la demande des parties à l'effet de leur permettre d'échanger pièces et moyens, l'affaire a été contradictoirement débattue lors de l'audience du 5 octobre 2006, à l'issue de laquelle le jugement a été mis en délibéré pour être rendu ce jour 2 novembre 2006.

Après avoir liminairement souligné que son employeur ne lui a pas versé pour l'année 2003 l'intégralité du bonus auquel elle ouvrait droit, g. VE. soutient en premier lieu à l'appui de ses prétentions que la SAM BANQUE U.B.S. MONACO ne rapporte pas en l'espèce la preuve, dont la charge lui incombe, de la réalité et de la validité du motif de la rupture de son contrat de travail.

Qu'en effet la SAM BANQUE U.B.S. MONACO :

  • ne justifie pas de la nécessité dans laquelle elle se serait trouvée de supprimer son poste pour des raisons d'ordre économique, les éléments en sa possession établissant au contraire, d'une part que la prétendue restructuration du département marketing pour l'Europe Occidentale invoquée par cette dernière n'a en réalité concerné que Monaco, les postes de Paris et Madrid ayant été épargnés, et d'autre part que le budget dévolu au service marketing qui s'élevait à 430.000 € et non 650.000 € en 2002, n'a pas été fortement revu à la baisse,

  • n'établit par aucun élément matériel, objectif et probant la réalité de la suppression du poste qu'elle occupait au sein de cet établissement, alors qu'en l'absence de diminution du nombre, de l'importance et de la qualité des évènements marketing organisés par la Banque après son licenciement, les fonctions du service marketing, qui s'étendent également à certains évènements se déroulant dans la région économique voisine, (Voiles de Saint Tropez) non répertoriées dans la structure monégasque, n'ont pas été supprimées.

g. VE. fait valoir, à cet égard, qu'elle a en réalité été dans un premier temps remplacée dans une partie de ses attributions par Madame DA., ancienne salariée d'U.B.S. gestion, réembauchée comme assistante administrative, l'autre partie étant assurée par Monsieur ME., expatrié en poste à Monaco, ces deux personnes se trouvant supervisées par une salariée (Madame MO.) embauchée au sein de l'U.S.B. GENEVE, dont le rôle consistait à » chapeauter « le marketing des différents bureaux, dont celui de Monaco.

Que par la suite la banque a recruté au mois d'août 2005 une salariée (Madame a. KO.) à l'effet de pourvoir le poste de responsable marketing, nonobstant la qualification différente (assistante management office) qui lui a été attribuée.

g. VE. prétend enfin et surtout que les dispositions de l'article 6 de la loi n° 629 n'ont pas été respectées en l'espèce par son employeur.

Qu'en effet la notion de catégorie professionnelle énoncée par le texte susvisé devant être entendue dans le sens large d'emploi équivalent retenu par l'article 20 de l'avenant n° 12 à la Convention Collective Nationale de Travail, elle aurait dû, dans la mesure où elle disposait d'un rang de priorité supérieur aux titulaires de ces postes, se voir proposer les emplois, à titre d'exemples, de responsable des ressources humaines, de responsable MAC-DESK, ou enfin de juriste.

Que par ailleurs, dans l'hypothèse où le tribunal retiendrait une définition restrictive de la notion de catégorie professionnelle, elle était en droit, en tout état de cause, de bénéficier des dispositions de l'alinéa 3 de l'article 6 susvisé, lequel lui permettait d'obtenir son reclassement dans une catégorie inférieure aux lieu et place, éventuellement, d'un autre salarié dont le rang de priorité se serait avéré inférieur au sein.

Que si elle n'a certes pas déposé de demande écrite en ce sens – laquelle n'est au demeurant nullement exigée par le législateur – elle a en revanche oralement formulé à plusieurs reprises ce souhait, qu'elle a ultérieurement matérialisé en adressant à la direction des ressources humaines son curriculum vitae dans le but de déclencher la procédure automatique de diffusion au sein du groupe.

Qu'en outre les lettres du service de l'emploi qu'elle produit aux débats démontrent, si besoin était, qu'elle était disposée à revoir » à la baisse « le montant de son salaire.

g. VE. soutient, en second lieu, que le motif d'ordre économique invoqué par son employeur n'était qu'un prétexte destiné à dissimuler le véritable motif, d'ordre personnel, de son licenciement, la banque voulant en réalité se » débarrasser d'elle «.

Estimant que l'invocation par la SAM BANQUE U.B.S. MONACO d'un motif fallacieux confère, ipso facto, à la rupture un caractère abusif, g. VE. demande à la présente juridiction de réparer l'important préjudice qu'elle a subi en lui allouant la somme de 92.355 € à titre de dommages et intérêts.

Elle indique, à cet effet, que ce préjudice se trouve notamment caractérisé par le fait qu'elle avait reçu, à l'expiration de son contrat de travail à durée déterminée, une très intéressante proposition d'emploi qu'elle a refusée pour demeurer au sein des effectifs de la SAM BANQUE U.B.S. MONACO.

*

Soutenant quant à elle, d'une part que le licenciement de g. VE. est justifié par un motif valable, et d'autre part qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exercice de son droit unilatéral de rupture la SAM BANQUE U.B.S. MONACO conclut au rejet de l'intégralité des prétentions formulées à son encontre par son ancienne salariée.

Elle invoque, à ces diverses fins, les moyens suivants :

S'agissant de la réalité et de la validité du motif de la rupture :

  • la suppression du poste de responsable marketing occupé par g. VE. est la résultante de la réduction à compter de l'année 2003 du budget alloué aux opérations de communication en raison des mauvais résultats économiques obtenus en 2001 et 2002, lequel ne justifiait plus le maintien d'un poste à temps plein, étant observé que l'intéressée avait été tenue informée de cette situation par la maison mère dès le 14 février 2003,

  • le poste de responsable marketing n'a été pourvu, ni immédiatement après le licenciement de g. VE., ni postérieurement, la fonction embryonnaire de marketing qui ne nécessitait plus qu'une réunion mensuelle du comité marketing ayant été assumée par les cadres de l'entreprise avec le support d'un salarié de la maison Mère,

  • g. VE. n'a été remplacée dans son emploi, ni immédiatement après son licenciement, ni en 2005, étant observé à cet égard :

  • que Madame DA., engagée à temps partiel en qualité d'assistante, occupait des fonctions sans rapport avec la responsabilité du marketing,

  • que Monsieur M. est le bras droit de l'administrateur délégué,

  • que l'évènementiel et le marketing ne représentent qu'une infime partie des attributions dévolues à a. KO., comme le démontre la note adressée au personnel précisant les fonctions et les critères requis pour ce poste,

  • la catégorie professionnelle, à l'intérieur de laquelle s'apprécient les critères d'ordre des licenciements définis par l'article 6 de la loi n° 629, ne contenant que g. VE., la jurisprudence s'attachant à cet égard non pas à la notion d'emploi équivalent mais à celle d'interchangeabilité, cette dernière ne pouvait valablement prétendre à un reclassement sur le poste de juriste, ou de directeur des ressources humaines,

  • à défaut d'avoir formé en temps et en heure une demande explicite, mentionnant précisément la personne qu'elle souhaitait voir licencier à sa place, g. VE. ne peut davantage prétendre à posteriori à un reclassement dans une catégorie professionnelle inférieure à la sienne,

  • en tout état de cause, à défaut de justifier de la moindre expérience dans ce domaine, g. VE. n'avait pas les aptitudes nécessaires pour exercer les fonctions de conseiller de clientèle.

S'agissant du caractère abusif du licenciement :

  • la notification du licenciement ayant été précédée, non seulement de conversations avec la direction mais également de la diffusion, courant février 2003, d'informations précises en provenance du siège de la maison mère, l'employeur n'a en l'espèce fait preuve d'aucune soudaineté ou précipitation dans la mise en œuvre de la rupture,

  • le caractère fallacieux du motif invoqué n'est nullement démontré,

  • g. VE. a perçu toutes les indemnités, en ce compris l'indemnité de licenciement prévue par la Convention Collective des Banques, auxquelles elle ouvrait droit.

SUR CE,

1) Sur la demande afférente à l'exécution du contrat de travail

Il résulte des termes du contrat de travail en date du 28 septembre 2001 conclu entre la SAM BANQUE U.B.S. et g. VE. que la banque s'est engagée à verser à l'intéressée en contrepartie de son travail, en sus de son salaire annuel fixé à 400.000 F payable sur quatorze mois et demi, un » target bonus « payable dans les conditions suivantes :

» Si les résultats financiers de la banque le permettent, vous pourrez bénéficier d'un bonus payable au mois de février de chaque année pour autant que vous soyez toujours en relation contractuelle avec l'U.B.S. SA et que vous n'ayez pas résilié votre contrat à cette date – le bonus est établi en fonction du résultat réalisé par la Division au cours de l'exercice précédent et il est versé à chacun selon sa contribution à ce résultat – le montant du bonus peut différer d'une année à l'autre et est soumis aux déductions sociales réglementaires «.

S'il est certes également expressément stipulé à l'article 5 dudit contrat que la banque versera à g. VE. au mois de février 2002 un bonus garanti d'un montant de 250.000 F (38.112,25 €), cet engagement concerne exclusivement l'exercice 2001.

Il en résulte qu'en l'absence d'engagement formel de son employeur g. VE. ne peut prétendre, au titre de l'exercice 2002, à un bonus de 38.112 €, mais seulement, ainsi que la SAM BANQUE U.B.S. le lui a notifié le 31 janvier 2003, à un bonus de 10.000 €.

g. VE. ayant été remplie de ses droits par le versement de ladite somme, cette dernière doit être déboutée de sa demande tendant à obtenir paiement à ce titre d'un complément de 38.112 - 10.000 = 28.112,00 €.

2) Sur les demandes afférentes à la rupture du contrat de travail

a) sur la réalité et la validité du motif économique de rupture

Il résulte des termes de la lettre de notification de la rupture que le licenciement de g. VE. a été mis en œuvre pour un motif d'ordre économique tenant à la suppression du poste chargé de la fonction marketing qu'elle occupait au sein de la filiale monégasque de la SAM BANQUE U.B.S..

Il est constant, en droit, que constitue un motif économique de licenciement le motif non inhérent à la personne du salarié résultant d'une suppression effective d'emploi consécutive à des difficultés économiques réelles et non passagères ou aux nécessités de restructuration d'une entreprise.

Il appartient donc en l'espèce à la SAM BANQUE U.B.S. de rapporter la preuve par des éléments objectifs et précis susceptibles de vérification par le Tribunal de l'effectivité, tant de la réorganisation à laquelle elle soutient avoir procédé au sein de ses services, que de la suppression du poste occupé par g. VE..

Il ressort de l'organigramme du personnel de la SAM BANQUE U.B.S. MONACO et des copies de pages du site U.B.S. Suisse qu'ainsi que l'avait annoncé à g. VE. par un mémorandum en date du 14 février 2003 Monsieur D. Z., chef du département marketing PB international, il a été effectivement procédé au sein de la Société U.B.S. AG, maison mère de la SAM BANQUE U.B.S., dans le cadre d'une » réforme " d'ensemble du personnel en fonction dans le secteur commercial de stratégie et développement des marchés, à une réorganisation de l'équipe en charge du marketing pour l'Europe Occidentale.

Qu'en effet les études et les comparaisons effectuées à cette occasion ayant révélé que le niveau du budget marketing dévolu à Monaco (moins d'un million de francs suisses) ne justifiait plus le maintien d'une équipe complète, ni même d'un salarié spécifiquement affecté à cette activité, la fonction marketing se trouve désormais, s'agissant de l'Europe Occidentale (Monaco – France – Espagne), centralisée et exercée depuis le siège de la maison mère à Zurich par cinq employés, dont l'une (Madame j. MO.) s'avère plus particulièrement chargée, entre autres attributions, de Monaco.

L'effectivité de la restructuration invoquée par l'employeur se trouve ainsi incontestablement démontrée.

Par ailleurs, s'il résulte certes des documents versés aux débats par l'employeur lui-même (planning des réunions au sein de l'U.B.S. MONACO – note au personnel relative à l'embauche d'un assistant management office) qu'une fonction embryonnaire marketing subsiste au sein de la société, assumée pour sa partie intellectuelle par des cadres de direction de l'entreprise (Messieurs et Mesdames GR. – GI. – ME. – MI. et PA.) et pour sa partie matérielle jusqu'en août 2005 par l'ancienne collaboratrice de g. VE., puis à compter de cette date par une employée recrutée en qualité d'assistante management office (Madame a. KO.) pour s'occuper, entre autres attributions (secrétariat – soutien dans la préparation des réunions du Conseil d'Administration et de l'Assemblée Générale – organisation et suivi des réunions de management…), de ces tâches, il n'en demeure pas moins que le poste de responsable marketing (classe V) occupé par g. VE. a bel et bien été supprimé.

La suppression du poste de responsable marketing, à laquelle a procédé la SAM BANQUE U.B.S., ne peut toutefois constituer un motif valable justifiant le licenciement de g. VE. que pour autant que les dispositions de l'article 6 de la loi n° 629 aient été respectées.

Il incombe donc en deuxième lieu à la présente juridiction de rechercher si la catégorie professionnelle à laquelle appartient g. VE. comptait plusieurs salariés, préalable indispensable à la mise en œuvre de l'ordre des licenciements prévu par l'alinéa 1er du texte susvisé, ou à défaut si g. VE. était en droit d'obtenir son reclassement dans une catégorie professionnelle inférieure.

Le critère retenu par la jurisprudence, à défaut de définition par le législateur, pour déterminer si deux ou plusieurs salariés appartiennent à une même catégorie professionnelle étant celui de leur interchangeabilité, et non, comme le soutient g. VE. sur la base d'un texte conventionnel concernant le licenciement collectif, celui de l'équivalence de leurs emplois, cette dernière ne peut être considérée comme appartenant à la même catégorie professionnelle que le responsable des ressources humaines, le responsable MAC DESK, le juriste ou les conseillers de clientèle, que s'il est préalablement établi que du seul point de vue des compétences professionnelles il pouvait être indifférent à l'employeur de se séparer de l'un ou de l'autre de ces salariés (cf. Tribunal du Travail 20 janvier 2000 FR. c/ R.N.B. – Tribunal du Travail du 15 mai 2003 MI. c/ SAM U.S.E. - Tribunal du Travail du 30 juin 2005 BO. c/ SAM I.N.G.).

À défaut pour g. VE., dont les fonctions de responsable marketing mettaient avant tout en œuvre des compétences de communication, d'organisation et de relations publiques, d'avoir justifié autrement que par les affirmations contenues dans ses écritures et dans son curriculum vitae qu'elle disposait des compétences et surtout de l'expérience professionnelle lui permettant d'occuper, instantanément et sans formation préalable, l'intégralité des fonctions dévolues au sein d'une entreprise comptant plus de 100 salariés au responsable des ressources humaines, au juriste, au responsable MAC DESK ou aux conseillers de clientèle… la condition d'interchangeabilité requise n'est pas remplie en l'espèce.

La catégorie professionnelle à laquelle appartenait g. VE. ne comptant en définitive qu'un seul salarié, l'ordre des licenciements prévu par la loi n'avait donc pas à être mis en œuvre.

S'agissant de la possibilité offerte au salarié, licencié en raison d'une suppression de son emploi, d'être versé dans une catégorie inférieure à la sienne, aux lieu et place d'un autre salarié dont le rang de priorité s'avèrerait inférieur au sein, il ressort de la formulation employée par le législateur que l'initiative de ce reclassement incombe au salarié qui doit présenter à son employeur une demande à cette fin.

Si, – sous réserve des impératifs probatoires – le législateur n'impose certes pas une forme écrite, ladite demande doit toutefois mentionner expressément, non seulement la catégorie dans laquelle le salarié souhaite être reclassé, mais également l'emploi qu'il entend occuper, et ce afin de permettre à l'employeur, d'une part de vérifier le rang de priorité respectif des deux salariés concernés et d'autre part de s'assurer que le salarié dont le reclassement est envisagé dispose des aptitudes nécessaires à l'emploi qu'il désire occuper.

Force est de constater en l'espèce que si g. VE. a certes manifesté, notamment par e-mail auprès de son employeur, d'une manière générale sa volonté d'être reclassée au sein des services de la banque, voire même au sein du réseau U.B.S., avec une rémunération revue le cas échéant à la baisse, cette dernière n'a en revanche, ni indiqué la ou les catégories professionnelles au sein desquelles elle souhaitait être reclassée, ni encore moins désigné le ou les postes qu'elle était disposée à occuper.

Aucune violation des dispositions du dernier alinéa de l'article 6 de la loi n° 629 n'apparaissant ainsi caractérisée, g. VE. doit être déboutée de sa demande tendant à voir dire et juger que le licenciement pour suppression de poste dont elle a fait l'objet n'est pas fondé sur un motif valable.

b) sur le caractère abusif de la rupture

Dès lors qu'il résulte de ce qui précède :

  • que le motif d'ordre économique du licenciement de g. VE. est avéré, le poste de responsable marketing occupé par l'intéressée ayant effectivement été supprimé,

  • que les dispositions d'ordre public de l'article 6 de la loi n° 629 ont été respectées par la SAM BANQUE U.B.S.,

  • qu'en informant par mémorandum l'intéressée dès le 14 février 2003 de la nécessité dans laquelle elle allait se trouver de procéder à la suppression de son poste, l'U.B.S. n'a fait preuve en l'espèce d'aucune précipitation et encore moins de brutalité dans la mise en œuvre du licenciement, le caractère abusif de la rupture n'est aucunement démontré.

g. VE. ne peut par suite prétendre à l'allocation des dommages et intérêts prévus par l'article 13 de la loi n° 729.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré.

Dit que le licenciement de g. VE. par la SAM BANQUE U.B.S. MONACO est justifié par un motif valable et ne revêt aucun caractère abusif.

Déboute par suite g. VE. de l'intégralité de ses prétentions.

Condamne g. VE. aux entiers dépens.

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