Tribunal du travail, 22 juin 2006, f. FA. c/ la SCS TR. et Cie

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Abstract🔗

Reçu pour solde de tout compte rédigé en termes généraux - Simple reçu de la somme qui y figure - Attestation nulle car non conforme à l'article 324 alinéa 5 du Code de procédure civile - Qualification de la nature à durée déterminée ou indéterminée du contrat - Qualification de la rupture - Démission ne se présumant pas - Licenciement non fondé et abusif

Résumé🔗

Une salariée ayant occupé, dans le courant de l'année 2000, divers emplois à durée déterminée, puis ayant conclu un contrat d'aide fleuriste avec le même employeur à compter du 2 décembre 2000, avait cessé ses fonctions le 23 décembre de la même année.

L'employeur estimait qu'elle avait démissionné en ne se présentant plus à son poste de travail après le 23 décembre, tandis que la salariée se disant brutalement licenciée avait engagé une action devant le Tribunal du Travail. Elle contestait les mentions fallacieuses portées sur le reçu pour solde de tout compte, la nature prétendument à durée déterminée de son contrat, les mentions figurant sur la demande d'autorisation d'embauchage ayant été frauduleusement remplies après la rupture par l'employeur qui l'avait licenciée sans motif valable et de façon abusive. Elle sollicitait des dommages et intérêts. L'employeur tenait les demandes de la salariée pour irrecevables en raison de la non-dénonciation du reçu pour solde de tout compte et maintenait que sa salariée avait démissionné.

Le Tribunal du Travail, s'attachant tout d'abord à l'analyse du reçu pour solde de tout compte, retient d'une part que sa date a été faussement apposée et s'avère incertaine et d'autre part que le montant qui figure sur le reçu litigieux vise une somme globale conférant ainsi à celui-ci, selon l'arrêt de principe du 12 septembre 2002 de la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, la valeur d'un simple reçu des sommes qui y figurent. S'agissant ensuite de la nature déterminée ou indéterminée de la durée du contrat, le Tribunal du travail analysant la commune intention des parties, retient les relations personnelles entretenues par la salariée avec la famille de son employeur et son embauche en CDI confirmant le caractère pérenne des relations la liant au groupe et juge que l'intention des parties était bien de se lier par un contrat à durée indéterminée qui ne comportait pas de période d'essai. Enfin, sur la rupture, d'une part, la démission ne se présume pas, et d'autre part, il résulte des déclarations de l'employeur devant le juge d'instruction et des mentions apposées sur le document ASSEDIC par ce dernier que l'employeur a bien pris l'initiative de la rupture qui s'analyse en un licenciement. Celui-ci n'est pas valablement fondé et l'intention de nuire, caractérisée notamment par des mentions non conformes à la volonté des parties, justifie l'allocation de dommages et intérêts pour licenciement abusif que le tribunal fixe à la somme de 15.000€ toutes causes confondues.


Motifs🔗

LE TRIBUNAL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu le jugement avant-dire-droit en date du 13 février 2003 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de Madame f. FA., en date des 7 juillet 2005 et 1er décembre 2005 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de la SCS TR. et Cie, en date des 17 novembre 2005 et 2 mars 2006 ;

Après avoir entendu Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de Madame f. FA., et Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de la SCS TR. et Cie, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

Après avoir occupé divers emplois sous contrat à durée déterminée, notamment du 18 mai 2000 au 30 juin 2000 auprès de la SCS TR. et Cie, f. FA. a été embauchée à compter du 8 août 2000, selon contrat de travail à durée indéterminée, par le groupe Azur Cliniques en qualité d'aide soignante et affectée au service de la clinique du Belvédère.

Par lettre en date du 3 novembre 2000 f. FA. a démissionné de cet emploi, ladite démission prenant effet au 3 décembre 2000.

Embauchée par la SCS TR. et Cie à compter du 2 décembre 2000 en qualité d'aide fleuriste, f. FA. a cessé ses fonctions au sein de ladite société le 23 décembre 2000.

Estimant avoir été abusivement licenciée de son emploi par la SCS TR. et Cie, f. FA., ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 23 avril 2001, a attrait son ancien employeur devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail à l'effet d'obtenir, d'une part l'allocation à son profit d'une somme de 500.000,00 francs à titre de dommages et intérêts et d'autre part la délivrance d'une attestation ASSEDIC conforme.

Parallèlement à la présente instance f. FA. a déposé le 8 avril 2002 une plainte avec constitution de partie civile entre les mains du Juge d'Instruction à l'encontre de Marco TR. des chefs de faux en écriture privée et usage.

Par décision en date du 13 février 2003, la présente juridiction, considérant que le sort réservé à cette plainte conditionnait pour une grande part l'issue de la procédure en contestation de son licenciement introduite par f. FA. à l'encontre de son ancien employeur, a sursis à statuer sur les demandes qui lui avaient été soumises jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué par les juridictions pénales sur le sort de la plainte susvisée.

Par jugement en date du 27 avril 2004, intégralement confirmé le 16 mars 2005 par la Cour d'Appel, le Tribunal Correctionnel a :

  • sur l'action publique :

  • déclaré m. TR. coupable du délit d'usage d'un faux en écriture privée,

  • condamné en répression l'intéressé à une amende de 1.500 €,

  • sur l'action civile :

  • reçu F. B. divorcée F. en sa constitution de partie civile,

  • la déclarant partiellement fondée en sa demande, condamné Marco TR. à lui payer la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts.

Par Arrêt en date du 16 mars 2005, la Cour de Révision a rejeté le pourvoi formé à l'encontre de l'arrêt susvisé par m. TR.

En cet état l'instance pendante devant le Tribunal du Travail, qui se trouvait suspendue pendant le cours de la procédure pénale, a été reprise.

Après divers renvois intervenus à la demande des parties désireuses d'échanger leurs pièces et leurs moyens, l'affaire a été finalement contradictoirement débattue lors de l'audience du 4 mai 2006, à l'issue de laquelle le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour.

f. FA. fait valoir en premier lieu à l'appui de ses prétentions, après avoir liminairement soulevé la nullité du témoignage établi le 2 mai 2003 par a. DU., que la fin de non-recevoir tirée du caractère tardif de la dénonciation du solde de tout compte n'est pas fondée et ne pourra qu'être rejetée par la présente juridiction.

Qu'en effet, dès lors que la forclusion s'oppose exclusivement aux demandes afférentes aux sommes portées dans le reçu, elle demeure en droit de réclamer des dommages et intérêts, si elle estime abusif le licenciement dont elle a fait l'objet.

f. FA. soutient par ailleurs qu'à partir du moment où il est désormais définitivement établi, ensuite des décisions rendues par les juridictions pénales, que la demande signée par ses soins ne portait aucune indication relative aux conditions de son embauche et à sa rémunération, la période d'essai de trois mois et la durée déterminée du contrat invoquées par l'employeur ne peuvent lui être opposées.

Qu'il convient par suite de considérer que le contrat de travail qu'elle a conclu le 2 décembre 2000 avec m. TR. était un contrat de travail à durée indéterminée, sans période d'essai.

f. FA. prétend en outre, après avoir rappelé que la démission d'un salarié qui doit résulter d'une manifestation de volonté claire et non équivoque ne se présume jamais, que la SCS TR. et Cie ne rapporte par aucune pièce probante la preuve qu'elle ait démissionné de son emploi.

Qu'au contraire les attestations concordantes qu'elle produit aux débats établissent qu'elle a été licenciée le 23 décembre 2004 par m. TR.

f. FA. soutient au surplus que son licenciement revêt un caractère injustifié et abusif, dans la mesure où :

  • il lui a été signifié verbalement et par téléphone, avec effet immédiat,

  • ayant toujours parfaitement accompli le travail qui lui avait été demandé, elle n'avait valablement à la rupture jamais fait l'objet du moindre reproche ou de la moindre sanction,

  • son refus de venir travailler le dimanche 24 décembre 2004, jour de repos hebdomadaire, ne peut être considéré comme une faute, alors qu'elle avait d'ores et déjà accompli à cette date 264,25 heures de travail,

  • tout salarié est fondé à solliciter auprès de son employeur l'application légale des conditions de travail, s'agissant notamment de l'attribution des jours de repos hebdomadaire et de repos compensateur.

Estimant enfin qu'en la débauchant de l'emploi d'aide soignante qu'elle occupait depuis le 8 août 2000 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, pour la licencier brutalement après vingt et un jours de travail d'une part, et en complétant les rubriques non remplies de la demande d'autorisation d'embauchage postérieurement à la rupture des relations contractuelles de manière à ne lui régler aucune indemnité d'autre part, la SCS TR. et Cie a délibérément cherché à lui nuire, f. FA. demande à la présente juridiction de réparer le préjudice moral et matériel dont elle justifie par les pièces produites aux débats en lui allouant la somme de 76.224,51 €, à titre de dommages et intérêts.

Elle souligne à cet effet :

  • qu'elle n'a été embauchée par l'Union Départementale des Mutuelles de France qu'à compter du 1er mars 2001 et jusqu'au 30 septembre 2001, dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée et à temps partiel,

  • qu'elle a par la suite été admise au bénéfice des indemnités ASSEDIC d'octobre 2001 au 20 janvier 2002,

  • qu'elle n'a pu réintégrer la clinique Belvédère qu'à compter du 21 janvier 2002.

La SCS TR. et Cie fait valoir pour sa part, à titre liminaire, qu'à défaut pour f. FA. d'avoir régulièrement dénoncé, dans le délai de deux mois qui lui était imparti à cet effet, son solde de tout compte, cette dernière doit être déclarée irrecevable en ses demandes.

Estimant par ailleurs, à titre principal, que f. FA. en ne se présentant plus à son poste de travail postérieurement au 23 décembre 2000 a manifesté sa volonté de démissionner de son emploi, dont son employeur s'est contenté de prendre acte en lui remettant les documents administratifs et sociaux lui revenant, à titre subsidiaire que la rupture est survenue pendant la période légale d'essai et à titre infiniment subsidiaire que le préjudice allégué n'est pas suffisamment justifié, la SCS TR. et Cie conclut au rejet des prétentions formulées à son encontre par f. FA., ou à tout le moins à la réduction, dans de sensibles proportions, du montant des dommages et intérêts réclamés.

Elle invoque à ces diverses fins les moyens suivants :

  • il résulte des attestations établies par Mesdames PL. et DU. que la démission de f. FA. de son poste d'aide soignante n'a pas pour origine le harcèlement de la SCS TR. et Cie mais uniquement les conditions dans lesquelles elle effectuait son travail au sein de cet établissement, qui ne lui agréaient plus,

  • en ne se présentant pas le 24 décembre 2000 à son poste, en ne réapparaissant plus sur son lieu de travail postérieurement au 24 décembre 2000 et enfin en n'émettant aucune revendication jusqu'au 3 janvier 2001, f. FA., qui avait déjà démissionné d'un précèdent emploi occupé au sein de la SCS TR. et Cie, démontre le bien fondé de la thèse de son employeur,

  • dans le cadre de l'instance pénale f. FA. a déjà été indemnisée de son préjudice matériel et moral à hauteur de la somme de 3.000 €,

  • le préjudice matériel subi par cette dernière, si le caractère abusif du licenciement était consacré, ne peut justifier l'allocation de la somme exorbitante réclamée à ce titre.

SUR CE,

1) Sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence de dénonciation du solde de tout compte

Dès lors qu'il résulte des affirmations contenues en page 8 des écritures judiciaires déposées le 17 novembre 2005 par la SCS TR. et Cie que f. FA., postérieurement à son départ de l'entreprise le 23 décembre 2000 à l'issue de son service, n'a plus reparu sur son lieu de travail avant le 3 janvier 2001, date à laquelle elle s'est présentée accompagnée de Monsieur KE. pour y recevoir le montant des sommes qui lui étaient dues ainsi que les documents administratifs lui permettant de percevoir les indemnités ASSEDIC, le reçu pour solde de tout compte délivré par f. FA. à son ancien employeur n'a pas pu être matériellement signé par l'intéressée le 26 décembre 2000.

La date pré-dactylographiée figurant sur ce document revêt ainsi à l'évidence un caractère erroné.

Aucune forclusion ne peut par suite être valablement opposée à l'action introduite le 4 avril 2001 par f. FA. devant la présente juridiction, à partir du moment où la date de la signature par la salariée du reçu pour solde de tout compte, qui constitue le point de départ du délai de dénonciation de deux mois, demeure à ce jour incertaine.

Force est de constater, en tout état de cause, que le reçu litigieux concerne la somme de 13.589 F représentant le paiement des « salaires, accessoires de salaires et toutes indemnités quelle qu'en soit la nature et le montant » dus par la SCS TR. et Cie à f. FA., au titre de « l'exécution et de la cessation de son contrat de travail ».

Qu'aux termes de l'arrêt de principe rendu le 12 septembre 2002 par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco (affaire : LE. contre SNC CARREFOUR) l'acte intitulé « reçu pour solde de tout compte » visant une somme globale, en l'absence de toute précision sur les éléments de rémunération et/ou d'indemnité qu'elle concerne, ne constitue pas un reçu pour solde de tout compte, mais un simple reçu de la somme qui y figure, et ne peut donc valoir renonciation du salarié à contester « la cause réelle et sérieuse » de son licenciement.

Il importe peu en conséquence que f. FA., qui sollicite exclusivement l'allocation de dommages et intérêts pour licenciement abusif et injustifié, n'ait pas dénoncé le reçu qu'elle a délivré à son employeur préalablement au dépôt le 4 avril 2001 de sa requête introductive d'instance devant le Tribunal du Travail.

La fin de non-recevoir opposée par la SCS TR. et Cie à la demande formulée à son encontre par f. FA. n'est pas fondée et doit être par suite rejetée.

2) Sur la nature et les conditions du contrat de travail conclu entre les parties

En application des dispositions de l'article 2 de la loi n° 729, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun et peut être stipulé dans les formes qu'il convient aux parties d'adopter.

Dès lors qu'il est aujourd'hui définitivement jugé par les juridictions pénales (jugement du Tribunal Correctionnel en date du 27 avril 2004 intégralement confirmé le 18 octobre 2004 par la Cour d'Appel) :

  • que le document daté du 2 décembre 2000 signé par f. BO. ne portait aucune indication relative aux conditions de son embauche et de sa rémunération,

  • que les indications figurant sur le document produit aux débats par la SCS TR. et Cie ont été rajoutées postérieurement par la secrétaire du Cabinet PO., à la seule initiative de l'employeur, sans que f. BO. y ait été associée,

il incombe à la présente juridiction de déterminer la nature exacte et le contenu du contrat de travail conclu entre f. FA. et la SCS TR. et Cie, en recherchant après analyse de la commune intention des parties, d'une part s'il s'agissait d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat à durée indéterminée et d'autre part s'il comportait une période d'essai.

Pour caractériser l'intention des parties de conclure un contrat à durée déterminée l'employeur s'appuie exclusivement sur les termes de l'attestation que lui a délivrée le 2 mai 2003 a. DU.

À défaut de comporter la mention exigée par le chiffre 5 de l'article 324 du Code de Procédure Civile, selon laquelle son auteur indique qu'il sait qu'une fausse attestation l'exposerait aux sanctions prévues par l'article 103 du Code Pénal, l'attestation délivrée le 2 mai 2003 par a. DU. à la SCS TR. et Cie se trouve entachée de nullité et doit être par suite écartée des débats.

Dès lors en revanche qu'il résulte de l'ensemble des pièces du dossier :

  • que f. FA., qui entretenait des relations personnelles avec les époux TR. et notamment avec Madame TR., avait déjà travaillé, en qualité d'aide fleuriste, pour le compte de la SCS TR. et Cie au cours de l'année 2000,

  • qu'après plusieurs emplois précaires, f. FA. avait été finalement embauchée en qualité d'aide soignante le 8 août 2000 par la SA Groupe AZUR, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée,

  • que f. FA. a démissionné le 3 novembre 2000 de cet emploi à effet du 3 décembre 2000 pour se mettre au service de la SCS TR. et Cie,

c'est à juste titre que la demanderesse soutient que l'intention commune des parties était de se lier durablement par un contrat à durée indéterminée.

L'expiration de la période d'essai d'un mois stipulée dans le contrat de travail du 8 août 2000 ayant confirmé le caractère pérenne des relations liant la SA Groupe AZUR cliniques à f. FA., cette dernière, qui se trouvait au surplus dans une situation personnelle critique puisqu'elle venait juste de divorcer, n'a en effet sérieusement pu envisager de renoncer aux garanties, en terme de stabilité d'emploi et de carrière, qu'elle avait difficilement obtenues pour un poste de nature éminemment précaire.

Il est constant, par ailleurs, la période d'essai ne se présumant pas, qu'il appartient à la partie qui l'invoque d'en apporter la preuve.

Force est de constater que cette preuve n'est en l'espèce nullement rapportée par la SCS TR. et Cie.

Qu'en tout état de cause l'analyse des relations entretenues par les parties démontre que celles-ci n'avaient aucune raison de recourir à une période d'essai, dont la finalité se trouvait d'ores et déjà satisfaite, à la date de l'embauche.

Qu'en effet, au cours du précédent emploi occupé par f. FA. au sein de la SCS TR. et Cie :

  • cette dernière avait eu tout loisir de juger les aptitudes professionnelles de l'intéressée,

  • f. FA. avait pour sa part pu s'assurer que les fonctions d'aide fleuriste qui lui étaient offertes par la SCS TR. et Cie répondaient à son attente.

Il résulte de tout ce qui précède que le contrat de travail en qualité d'aide fleuriste conclu à compter du 2 décembre 2000 entre la SCS TR. et Cie et f. FA. d'une part était un contrat à durée indéterminée et d'autre part ne comportait aucune période d'essai.

3) Sur la qualification de la rupture des relations contractuelles entre les parties

Alors que f. FA. soutient pour sa part avoir été licenciée verbalement le 24 décembre 2000, la SCS TR. et Cie prétend quant à elle que l'intéressée aurait démissionné de son emploi.

La démission d'un salarié de son poste de travail ne se présumant jamais, il appartient à la SCS TR. et Cie de démontrer l'existence d'une volonté certaine, libre et non équivoque de f. FA. en ce sens.

Pour caractériser cette volonté, la SCS TR. et Cie invoque exclusivement la circonstance que f. FA. ne se serait pas présentée à son poste de travail à partir du 24 décembre 2000 et jusqu'au 3 janvier 2001, jour où elle est venue au magasin retirer l'ensemble des documents administratifs et sociaux la concernant.

Si f. FA. a certes expressément reconnu (cf. procès-verbal d'audition de partie civile en date du 7 janvier 2003) d'une part qu'elle avait décidé, nonobstant l'opposition de Monsieur TR., de prendre un jour de repos et ne s'était donc pas présentée à son poste le 24 décembre 2000 et d'autre part qu'elle n'avait pas réapparu sur son lieu de travail jusqu'au 3 janvier 2001, date à laquelle elle avait retiré les documents la concernant, ces éléments ne suffisent pas toutefois à établir sa volonté de démissionner de son emploi, à partir du moment où il résulte des témoignages établis par Madame SQ. et Monsieur FA. que l'intéressée a été licenciée de son emploi par téléphone le 24 décembre 2000 en fin d'après midi par Monsieur m. TR.

Que par ailleurs, les déclarations faites par m. TR. devant le Juge d'Instruction le 10 février 2003 et les mentions apposées sur l'attestation ASSEDIC le 26 décembre 2000 (fin essai INITIATIVE EMPLOYEUR) confirment que l'employeur a bien pris l'initiative de la rupture du contrat de travail de f. FA..

Qu'il importe peu en effet que Marco TR. n'ait pas employé le mot de licenciement dès lors qu'il reconnaît lui même avoir verbalement indiqué le 24 décembre 2000 vers 17 heures à f. FA. qu'il ne « souhaitait plus qu'elle se présente à la boutique ».

Au vu de ces divers éléments la rupture du contrat de travail à durée indéterminée, dont la SCS TR. et Cie par l'intermédiaire de son gérant a pris l'initiative le 24 décembre 2000, s'analyse en droit en un licenciement.

Dès lors qu'il ressort du bulletin de paie de décembre 2000, de l'attestation destinée à l'ASSEDIC ainsi que des écritures concordantes des parties sur ce point que f. FA. avait accompli entre le 2 et le 23 décembre 2000, soit en trois semaines, 264 heures de travail, dont 63 heures entre le lundi 18 et le 23 décembre 2000, et que par suite la durée maximale hebdomadaire absolue et la durée maximale hebdomadaire moyenne prévues par l'article 5 alinéa 2 de l'Ordonnance Loi n° 677 du 2 décembre 1959 ainsi que par l'Ordonnance 5505 du 9 janvier 1975 se trouvaient d'ores et déjà largement dépassées, la décision de f. FA., dont elle avait tenu informé préalablement son employeur, de prendre son jour de repos hebdomadaire le dimanche 24 décembre ne peut être qualifiée de fautive.

À partir du moment par ailleurs où f. FA., en ne réapparaissant pas sur son lieu de travail avant le 3 janvier 2001, n'a fait que respecter le vœu exprimé téléphoniquement par son employeur consistant à ce qu'elle ne se présente plus à la boutique le caractère volontaire de l'absence, qui constitue l'un des éléments constitutifs de l'abandon de poste, fait défaut en l'espèce.

La qualité du travail fournie par f. FA. n'ayant jamais été contestée par la SCS TR. et Cie le licenciement de cette salariée, à l'initiative de l'employeur, ne repose sur aucun motif valable et revêt ainsi un caractère injustifié.

En répondant le 24 décembre à la légitime demande d'un salarié qui souhaitait, à l'issue d'une semaine de 64 heures de travail, pouvoir bénéficier du jour de repos hebdomadaire qui lui est garanti par la loi et qui ne lui avait pas été accordé depuis le 10 décembre précédent par un licenciement téléphonique et immédiat, sous le couvert d'un prétendu abandon de poste, la SCS TR. et Cie a fait un usage doublement abusif du droit unilatéral de rupture qui lui est reconnu par la loi.

En ajoutant sur le document daté du 2 décembre 2000, sans l'assentiment express de f. FA., des mentions (contrat de travail à durée déterminée d'un an - période d'essai de trois mois), qui ne s'y trouvaient pas lorsque cette dernière y a apposé sa signature et qui ne correspondaient nullement à la commune intention des parties, telle qu'elle a été analysée ci-dessus, dans le dessein de s'exonérer du paiement de toute indemnité de rupture, la SCS TR. et Cie a par ailleurs démontré son intention délibérée de nuire aux intérêts de sa salariée.

Enfin, si f. FA. en déposant plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction a certes retardé le jugement de l'instance pendante devant le Tribunal du Travail, la SCS TR. et Cie en la personne de son gérant m. TR. a incontestablement contribué, en usant de toutes les voies de recours qui lui étaient offertes (appel – pourvoi en révision) à l'allongement de la durée de la présente procédure.

Si f. FA. a certes obtenu l'allocation d'une somme de 3.000,00 € dans le cadre de l'instance pénale, cette somme représente, selon la motivation retenue par le Tribunal Correctionnel et confirmée par la Cour d'Appel, l'indemnisation des tracas inhérents à la procédure d'instruction ainsi que des dépenses qu'elle a dû exposer pour répondre aux convocations qui lui ont été adressées par le magistrat instructeur et préparer sa défense, ainsi que pour faire face aux honoraires de son conseil.

f. FA. demeure par suite libre de solliciter la réparation du préjudice, tant matériel que moral, résultant de la faute commise par la SCS TR. et Cie dans l'exercice de son droit unilatéral de rupture.

Si l'intéressée est certes parvenue, ensuite de son licenciement le 24 décembre 2000, à retrouver un emploi à compter du 22 janvier 2001, il résulte toutefois des pièces produites à cet effet aux débats (certificat de travail – copie contrat de travail du 1er mars 2001) que f. FA. n'a été recrutée en qualité d'aide soignante par l'Union Départementale des Mutuelles de France que dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée (terme fixé au 30 avril 2001 ultérieurement reporté au 30 septembre 2001) et à temps partiel (31 h 50 par semaine).

f. FA. démontre par ailleurs qu'à l'issue de ce contrat de travail à durée déterminée, soit le 30 septembre 2001, elle est demeurée au chômage jusqu'à ce qu'elle obtienne enfin un contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet le 25 janvier 2002, auprès de la SA Groupe AZUR cliniques.

Au vu de ces divers éléments, le préjudice matériel et moral subi par f. FA., ensuite de la rupture de son contrat de travail par la SCS TR. et Cie, sera équitablement réparé par l'allocation à son profit de la somme de 15.000 €, toutes causes confondues, à titre de dommages et intérêts.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré.

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la forclusion et reçoit par suite f. FA. en ses demandes.

Déclare nulle l'attestation établie par Madame DU. a.

Dit que le contrat de travail conclu entre la SCS TR. et Cie et f. FA. était à durée indéterminée et ne comportait pas de période d'essai.

Dit que la rupture des relations des parties le 24 décembre 2000 est intervenue à l'initiative de l'employeur et s'analyse en un licenciement.

Dit enfin que ce licenciement ne repose pas sur un motif valable et revêt en outre un caractère abusif.

Condamne en conséquence la SCS TR. et Cie à payer à f. FA. à titre de dommages et intérêts la somme de :

  1. 000,00 euros, (quinze mille euros), toutes causes de préjudice confondues.

Condamne la SCS TR. et Cie aux entiers dépens.

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