Tribunal du travail, 2 février 2006, a. VI c/ la SAM Compagnie d'ascenseurs

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Abstract🔗

Licenciement pour perte de confiance - Conditions

Résumé🔗

Pour constituer un motif valable de licenciement, la perte de confiance ne doit pas résulter de l'appréciation subjective de l'employeur mais doit, au contraire, être étayée par des éléments matériels, objectifs et précis.

Embauché en qualité d'agent technique le 15 février 1999, un salarié a été licencié le 27 mars 2003 pour perte de confiance, en raison d'une mauvaise exécution de ses tâches et pour avoir été aperçu, par son supérieur hiérarchique, en train de déjeuner pendant le temps de travail. Soutenant que son employeur ne justifiait pas d'un motif valable de rupture et que son licenciement revêtait un caractère abusif, il avait attrait celui devant le bureau de jugement du Tribunal du Travail, en demandant paiement de l'indemnité de licenciement, déduction faite de l'indemnité de congédiement non cumulable, ainsi que de dommages et intérêts. Il faisait valoir qu'il n'avait jamais fait l'objet de la moindre sanction et qu'à défaut pour la compagnie d'ascenseurs qui l'employait de justifier des manquements allégués pour étayer la perte de confiance, celle-ci ne résistaient pas à l'analyse. Il soulignait notamment qu'en raison de l'autonomie dont il disposait pour organiser son travail, le fait de se trouver à table à 13h30 ne revêtait en soi, aucun caractère fautif. Son employeur soutenait, quant à lui, que tous les ordres de service n'avaient pas été exécutés, alors que sa charge de travail n'excédait pas celle de ses collègues et que certaines visites d'entretien n'avaient pas même été réalisées.

Le Tribunal du Travail, après avoir posé le principe suivant lequel la perte de confiance, pour constituer un motif valable de licenciement, ne doit pas résulter de l'appréciation subjective de l'employeur, mais être, au contraire, étayée par des éléments matériels, objectifs et précis, se livre à une analyse des manquements reprochés. Il constate que, soit leur matérialité n'est pas établie, soit ils présentent un caractère isolé, soit, enfin, la manière de procéder du salarié n'a jamais appelé d'observation avant son licenciement. S'agissant du déjeuner intempestif, celui-ci ne revêt pas, en lui-même, de caractère fautif. La perte de confiance n'est pas justifiée. Le salarié a droit à l'indemnité de licenciement déduction faite de l'indemnité de congédiement déjà versée et non cumulable. Les dommages et intérêts demandés ne sont pas dus car aucune précipitation ou brutalité, dans la mise en œuvre du droit de rupture, n'est relevée.


Motifs🔗

LE TRIBUNAL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 6 juin 2003 reçue le 10 juin 2003 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 24 juin 2003 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Sophie LAVAGNA-BOUHNIK, avocat, au nom de Monsieur a. VI., en date des 26 février 2004 et 13 octobre 2005 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Evelyne KARCZAG-MENCARELLI, avocat-défenseur, au nom de la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE D'ASCENSEURS, en date des 24 juin 2004 et 16 mars 2005 ;

Après avoir entendu Maître Sophie LAVAGNA-BOUHNIK, avocat à la Cour d'Appel de Monaco, au nom de Monsieur a. VI., et Maître Alexis MARQUET, avocat à la Cour d'Appel de Monaco, au nom de la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE D'ASCENSEURS, en leurs plaidoiries

Vu les pièces du dossier ;

a. VI. a été embauché par la Société Anonyme de droit français dénommée CIERMA ASCENSEURS à compter du 15 février 1999 en qualité d'agent technique niveau 2 échelon 3 coefficient 190.

Suite à la création à Monaco de la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE D'ASCENSEURS Monsieur HE., qui présidait jusque là aux destinées de la SA CIERMA ASCENSEURS, a proposé aux salariés de cette entreprise de rejoindre les effectifs de la nouvelle entité monégasque.

À compter du 1er avril 2002, a. VI. a été embauché par la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE D'ASCENSEURS en qualité d'agent technique niveau III échelon 1er, moyennant paiement d'une rémunération mensuelle brute de 1.600,00 € portée par avenant en date du 28 juin 2002 à la somme de 1.685,33 € pour un horaire hebdomadaire de travail de 39 h, l'employeur s'étant en outre expressément engagé à reprendre à son compte l'ancienneté acquise par le salarié au service de la SA CIERMA ASCENSEURS.

Par une lettre dont un exemplaire lui a été remis en main propre le 27 mars 2003, la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE D'ASCENSEURS a notifié à a. VI. son licenciement.

Le motif de la rupture du contrat de travail de ce salarié, tel qu'il est énoncé dans cette correspondance, réside dans la perte de la confiance que l'employeur avait placée en lui, pour les raisons suivantes :

  • les ordres donnés n'ont pas tous été exécutés,

  • les visites mensuelles d'entretien n'ont pas été régulièrement effectuées,

  • les registres de sécurité n'ont pas été correctement remplis,

  • a. VI., pendant son temps de travail, a été aperçu par son supérieur hiérarchique en train de déjeuner dans un restaurant de Menton en compagnie de deux anciens employés de la société.

Soutenant d'une part que la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE D'ASCENSEURS ne justifiait d'aucun motif valable l'autorisant à mettre un terme à son contrat de travail et estimant d'autre part qu'au regard des conditions dans lesquelles il était intervenu son licenciement revêtait un caractère manifestement abusif, a. VI., ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 23 juin 2003, a attrait son ancien employeur devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail à l'effet d'obtenir l'allocation à son profit, avec intérêts au taux légal à compter de la tentative de conciliation, des sommes suivantes :

  • 3.718,00 €, au titre de l'indemnité de licenciement, déduction faite de l'indemnité de congédiement non cumulable,

  • 6.000,00 €, à titre « de dommages et intérêts pour licenciement abusif »,

  • 3.000,00 €, au titre du « préjudice moral ».

À l'audience fixée par les convocations les parties ont régulièrement comparu.

Puis, après dix huit renvois intervenus à leur demande, l'affaire a été contradictoirement débattue lors de l'audience du 15 décembre 2005 à l'issue de laquelle le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 2 février 2006.

Après avoir liminairement souligné qu'il n'a fait l'objet, au cours des quatre années passées au service des sociétés CIERMA ASCENSEURS et COMPAGNIE MONÉGASQUE D'ASCENSEURS, d'aucune sanction de quelque nature que ce soit, son employeur ayant au contraire tenu à le conserver dans son équipe lors du transfert de l'entreprise de Drap à Monaco, a. VI. soutient en premier lieu à l'appui de ses prétentions qu'à défaut pour la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE D'ASCENSEURS de rapporter la preuve des griefs censés justifier, selon la lettre de rupture, la perte de confiance alléguée, son licenciement se trouve dépourvu de motif valable.

Il fait valoir en substance à cet effet :

  • que l'énoncé des tâches qui lui auraient été assignées (entretien régulier – interventions d'urgence – suivi du service après vente) dont la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE D'ASCENSEURS fait état dans ses conclusions ne figure, ni dans le contrat de travail, ni dans le règlement intérieur,

  • que les divers manquements allégués à son encontre ne sont pas objectivement démontrés, dès lors que :

  • à défaut d'avoir établi l'existence des ordres donnés à son salarié, la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE D'ASCENSEURS ne peut lui reprocher de les avoir enfreints,

  • aucune plainte relative à l'insuffisance de ses prestations n'a été produite aux débats,

  • les rapports que la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE D'ASCENSEURS lui reproche de ne pas avoir rédigés ne lui ont jamais été réclamés,

  • tous les bons afférents à chacune de ses interventions ont été renseignés et remis en temps utile à la société,

  • les registres des contrôles techniques de sécurité ont toujours été renseignés par ses soins dans des formes identiques à celles employées par les autres salariés,

  • les documents rédigés par d'autres salariés de l'entreprise produits aux débats par l'employeur ne peuvent constituer la preuve des manquements commis par ses soins,

  • qu'en tout état de cause la charge excessive de travail qui lui était assignée par son employeur (130 ascenseurs à entretenir sur les secteurs de MONACO – BEAUSOLEIL – CAP D'AIL – EZE et BEAULIEU) ne lui permettait pas d'exécuter ses diverses obligations dans des conditions convenables,

  • que dans la mesure où elle émane de son supérieur hiérarchique l'attestation produite sous le n° 12 par la COMPAGNIE MONÉGASQUE D'ASCENSEURS se trouve dépourvue de tout caractère probant, étant relevé en toutes hypothèses qu'au regard de l'autonomie dont il disposait pour organiser son travail, le fait de se trouver à table à 13 h 30 ne revêt en soi aucun caractère fautif,

  • que le motif invoqué dans la lettre de rupture (perte de confiance) diffère enfin de celui énoncé dans l'attestation ASSEDIC, laquelle fait état d'un licenciement disciplinaire.

Estimant par ailleurs :

  • qu'en invoquant un motif fallacieux pour dissimuler la véritable raison de la rupture, laquelle réside en réalité dans le contentieux opposant les parties relativement au non paiement de la totalité des heures supplémentaires effectuées par ses soins, ayant justifié l'intervention de l'inspecteur du travail,

  • qu'en contrevenant aux dispositions de l'article 6 de la Convention Collective Nationale du Travail,

  • qu'en lui notifiant brutalement son licenciement alors qu'aucune sanction ni même aucune observation ne lui avait été préalablement adressée,

  • qu'en faisant preuve d'une « mauvaise foi patente » au cours de la procédure de licenciement, la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE D'ASCENSEURS a fait un usage abusif du droit unilatéral de rupture qui lui est reconnu par la loi, a. VI. demande à la présente juridiction de réparer le préjudice moral et matériel subi par ses soins en lui allouant, en sus de l'indemnité de licenciement prévue par l'article 2 de la loi n° 845, les sommes de 6.000 € et 3.000 € à titre de dommages et intérêts.

*

Soutenant pour sa part que le licenciement d'a. VI. repose sur un motif valable et ne revêt au surplus aucun caractère abusif, la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE D'ASCENSEURS conclut au rejet de l'intégralité des prétentions formées par ce dernier.

Elle invoque à ces diverses fins les moyens suivants :

S'agissant de la validité du motif de rupture :

  • a. VI. n'a pas exécuté tous les ordres de service qui lui avaient été transmis,

  • alors pourtant que sa charge de travail n'excédait nullement celle de ses collègues de travail et que ceux-ci se conformaient à cette obligation, a. VI., à l'issue de ses visites d'entretien périodique ou de dépannage, n'a remis à son employeur qu'une faible partie (1 sur 742 opérations d'entretien 109 sur 431 opérations de dépannage) des rapports retraçant les diverses interventions qui auraient été exécutées par ses soins,

  • les registres des contrôles techniques de sécurité des immeubles confiés à a. VI. n'étaient pas correctement renseignés, ce dernier, contrairement à ses collègues de travail, ne mentionnant pas dans la colonne prévue à cet effet la nature des vérifications effectuées,

  • certaines visites d'entretien n'ont semble-t-il même pas été réalisées, ainsi que le démontrent les mentions apposées sur le registre de l'immeuble Le Corinne par le propriétaire syndic Monsieur PA. (pièce n° 13), étant observé sur ce point précis que l'indication du passage du technicien sur la main courante des concierges d'un immeuble ne saurait suppléer les mentions qui doivent être apposées sur les registres officiels,

  • l'absence injustifiée d'a. VI. le 21 février 2003 pendant ses heures de travail est démontrée par l'attestation qu'a établie son contremaître.

S'agissant du caractère abusif du licenciement

Aucun abus par l'employeur du droit de licencier n'est caractérisé en l'espèce dans la mesure où :

  • alors qu'il n'y était légalement pas tenu, ce dernier a convoqué son salarié à un entretien préalable au licenciement qui s'est déroulé le 6 mars 2003,

  • à l'issue de cet entretien l'employeur s'est en outre accordé, avant de prendre sa décision définitive, un délai de réflexion de 21 jours pendant lequel il a fait diligenter toutes les vérifications nécessaires,

  • l'article 6 de la Convention Collective Nationale du Travail dont se prévaut le demandeur ne peut s'appliquer, en l'absence d'arrêté d'extension, qu'aux parties signataires (USM et Fédération Patronale) ; aucune des parties au présent litige n'ayant justifié de son adhésion à l'une de ces deux organisations à la date du licenciement, l'accord collectif susvisé est inapplicable en l'espèce,

  • en tout état de cause les dispositions d'une Convention Collective ne peuvent aller à l'encontre des dispositions légales actuellement en vigueur qui confèrent à l'employeur un pouvoir de sanction qu'il ne saurait partager avec quiconque, fut ce avec les délégués du personnel ou les membres d'une commission partiaire,

  • le préjudice allégué n'est établi par aucune pièce.

SUR CE,

A) Sur la validité du motif de rupture

Il est constant en droit que pour constituer un motif valable de licenciement la perte de confiance ne doit pas résulter de l'appréciation subjective de l'employeur, mais doit au contraire être étayée par des éléments matériels, objectifs et précis.

En l'espèce, pour justifier la perte de la confiance qu'elle avait placée en a. VI., la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE D'ASCENSEURS se prévaut, aux termes de la lettre de rupture en date du 27 mars 2003, des quatre manquements suivants :

  • les ordres donnés n'ont pas été exécutés,

  • les visites mensuelles d'entretien n'ont pas été réalisées,

  • les registres de sécurité n'ont pas été correctement remplis,

  • le salarié serait allé manger au restaurant durant son temps de travail.

S'agissant de la non exécution des ordres donnés

Si la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE D'ASCENSEURS soutient certes que « nombre d'ordres de service transmis à a. VI. n'étaient pas exécutés pendant la période indiquée » cette affirmation générale n'est toutefois corroborée par aucune pièce probante ;

La matérialité du premier grief invoqué à l'encontre d'a. VI. n'est donc pas démontrée.

S'agissant du défaut de réalisation des visites mensuelles d'entretien

Pour établir le défaut de réalisation par a. VI. des visites mensuelles d'entretien périodique la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE D'ASCENSEURS produit aux débats le registre des contrôles techniques de sécurité afférent à l'immeuble dénommé le Corinne sis : 6, Boulevard des Monéghetti à BEAUSOLEIL.

Si ce registre comporte certes diverses mentions manuscrites apposées par Monsieur PA., propriétaire syndic de l'immeuble ci-dessus désigné, signalant le défaut de réalisation des visites d'entretien périodique de l'ascenseur, dont la maintenance était assurée par la société CIERMA puis par la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE D'ASCENSEURS, au cours des mois de septembre 1999, juillet 2000, janvier 2001, juin à août 2001, décembre 2002 et janvier 2003, force est de constater toutefois :

  • que l'absence de toute suite réservée par le syndic PA. à ses mentions aux termes desquelles il se prévalait pourtant implicitement à l'encontre de la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE D'ASCENSEURS de l'exception d'inexécution du contrat d'entretien, accrédite la thèse soutenue par a. VI. selon laquelle les visites auraient bien été effectuées et consignées sur le carnet entreposé en machinerie, les omissions constatées ne concernant que le carnet déposé à la loge,

  • qu'en tout état de cause la quasi totalité des défauts d'entretien reprochés à a. VI., à l'exception de ceux relevés au cours des mois de décembre 2002 et janvier 2003, se rapportent à une période où il se trouvait employé par la société française CIERMA et ne peuvent donc, les conditions d'application de l'article 15 de la loi n° 729 n'étant pas réunies en l'espèce, être valablement invoquées par la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE D'ASCENSEURS,

  • qu'enfin les manquements commis, à les supposer établis, revêtent un caractère isolé puisqu'ils ne concernent qu'un seul des 130 ascenseurs dont l'entretien périodique incombait à a. VI. ;

Ce deuxième grief ne peut par suite justifier la perte de confiance alléguée par l'employeur.

S'agissant des insuffisances constatées dans la tenue des registres de sécurité

S'il apparaît certes à l'examen des deux registres de sécurité produits aux débats par la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE D'ASCENSEURS que ces documents n'étaient que sommairement renseignés par a. VI., il n'en demeure pas moins toutefois :

  • que la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE D'ASCENSEURS ne justifie pas avoir donné à ses salariés d'instructions précises relativement à la tenue desdits registres, aucune note de service en ce sens n'ayant été produite par cette dernière,

  • qu'il ne résulte d'aucun des documents versés aux débats que les mentions apposées par les collègues de travail d'a. VI. se soient avérées plus détaillées

  • que la manière de procéder employée par a. VI. n'a jamais suscité, préalablement à la notification de son licenciement, la moindre observation de la part de son employeur.

Que par suite les insuffisances constatées, qui s'expliquent selon toute vraisemblance par la charge importante de travail attribuée à a. VI., telle qu'elle ressort des documents fournis par l'employeur à l'inspection du travail, ne constituent pas une faute imputable à ce salarié.

Par ailleurs, en l'état d'une part des dénégations formelles d'a. VI., d'autre part de l'absence de caractère probant des documents fournis à titre de comparaison – ces pièces, à défaut de comporter la signature du client concerné, ayant parfaitement pu être établies pour les besoins de la cause – et enfin de l'absence de toute réaction de l'employeur, pourtant investi à l'égard de son salarié d'un pouvoir de direction et de contrôle, nonobstant l'ampleur des manquements allégués, le défaut d'établissement par a. VI. des bons d'intervention et rapports de dépannage afférents aux opérations réalisées par ses soins n'est pas objectivement démontré.

S'agissant du déjeuner pris pendant le temps de travail

Il est constant en l'espèce qu'a. VI. disposait, eu égard la nature des fonctions qui lui étaient confiées par son employeur, impliquant à la fois des visites régulières d'entretien et des opérations de dépannage urgentes, d'une autonomie certaine dans l'organisation de son temps de travail.

Dans ces conditions, à défaut pour la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE D'ASCENSEURS de justifier de l'heure précise à laquelle a. VI. avait effectivement achevé son travail de la matinée, le fait que l'intéressé ait été aperçu par son contremaître le 21 février 2003 à 14 h 30 en train de prendre son repas ne revêt en lui-même, quelques soient les horaires de travail qui lui étaient habituellement impartis, pas de caractère fautif.

Aucun des éléments invoqués par la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE D'ASCENSEURS ne justifiant en définitive la perte de la confiance placée en a. VI., le licenciement de ce salarié ne repose pas sur un motif valable.

a. VI. apparaît par suite en droit de prétendre au titre de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845, à l'allocation de la somme de :

(1.722,70 x 50) / 25 = 3.445,40 €

calculée en tenant compte, conformément aux stipulations du contrat de travail, de l'ancienneté acquise par ce dernier au service de la SAM CIERMA à compter du 1er avril 1999, dont il y a lieu de déduire, les deux indemnités n'étant pas cumulables, l'indemnité de congédiement (qualifiée erronément d'indemnité de licenciement) d'ores et déjà versée à due concurrence de la somme de 702,22 €, soit un solde en la faveur du salarié s'élevant à 2.743,20 €.

B) Sur le caractère abusif de la rupture

Pour établir l'existence de la faute commise par son employeur dans l'exercice de son droit unilatéral de rupture, a. VI. se prévaut en substance :

  • de la précipitation et de la brutalité dont la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE D'ASCENSEURS aurait fait preuve dans la mise en œuvre du licenciement,

  • de la violation des dispositions de l'article 6 de la Convention Collective Nationale du Travail,

  • du caractère fallacieux du motif invoqué à l'appui de son congédiement.

À partir du moment où il résulte des pièces du dossier que la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE D'ASCENSEURS :

  • a convoqué a. VI., alors qu'elle n'y était légalement pas tenue, à un entretien préalable à son licenciement qui s'est déroulé le 6 mars 2003, au cours duquel les griefs invoqués à son encontre ont été débattus,

  • a respecté, à l'issue de cet entretien, un délai de réflexion de 21 jours avant de prendre sa décision définitive, aucune précipitation ou brutalité dans la mise en œuvre de son droit de rupture n'est établie à l'encontre de l'employeur, nonobstant l'absence de toute sanction préalable.

Dès lors par ailleurs que les dispositions de la Convention Collective Nationale du Travail en date du 5 novembre 1945 n'ont pas, contrairement à la plupart de ses avenants conclus ultérieurement, (cf. avenants n° 7 – 7 bis – 8 – 9 – 10 – 11 – 11 bis 12 etc.), été rendues obligatoires par arrêté ministériel pour tous les employeurs et salariés des professions comprises dans son champ d'application, ne peuvent être considérés comme tenus par les dispositions de cet accord collectif, conformément aux dispositions des articles 10 et 11 de la loi n° 416 du 7 juin 1945, que :

  • les employeurs et les syndicats signataires de la Convention,

  • les membres d'un syndicat partie à la Convention,

  • les membres d'un syndicat qui y a ultérieurement adhéré,

  • les nouveaux membres entrés dans le syndicat, partie à la convention, postérieurement à la publication de la Convention Collective,

  • les employeurs n'appartenant pas à un syndicat contractant, qui ont directement adhéré à la Convention.

a. VI. ne peut donc revendiquer l'application à son profit des dispositions de l'article 6 de la Convention Collective Nationale du Travail qu'à la condition d'avoir préalablement démontré qu'à la date de notification de son licenciement la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE D'ASCENSEURS appartenait à un syndicat affilié à la Fédération Patronale Monégasque.

Cette preuve n'ayant pas été rapportée, le deuxième moyen soulevé par a. VI. pour voir consacrer le caractère abusif de son licenciement n'est pas fondé et doit donc être rejeté.

Dès lors enfin :

  • qu'aucune suite n'a été donnée par l'inspection du travail aux doléances qui lui ont été soumises par a. VI.,

  • qu'en tout état de cause la présente juridiction n'a été saisie par le salarié d'aucune demande en paiement d'heures supplémentaires,

a. VI. ne démontre pas que le conflit l'ayant opposé à son employeur relativement à ses conditions de travail constituait en réalité le véritable motif de son congédiement.

À défaut en définitive pour a. VI. d'avoir établi l'existence d'une faute commise par son employeur dans la mise en œuvre de son licenciement, le caractère abusif de la rupture n'est pas démontrée.

a. VI. doit être dans ces conditions débouté de sa demande en dommages et intérêts, étant observé à toutes fins utiles que le préjudice allégué n'est aucunement justifié, la situation professionnelle actuelle de ce salarié n'ayant même pas été précisée.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré.

Dit que le licenciement d'a. VI. par la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE D'ASCENSEURS ne repose pas sur un motif valable.

Condamne par suite la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE D'ASCENSEURS à payer à a. VI. la somme de :

  • 2.743,20 euros, (deux mille sept cent quarante trois euros et vingt centimes), à titre d'indemnité de licenciement déduction faite de l'indemnité de congédiement non cumulable.

Dit que le licenciement d'a. VI. ne revêt pas de caractère abusif.

Déboute par suite a. VI. de sa demande de dommages et intérêts.

Fait masse des dépens du présent jugement qui seront partagés par moitié entre les parties et qui seront recouvrés, s'agissant d'a. VI. conformément à la législation régissant l'assistance judiciaire.

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