Tribunal du travail, 28 avril 2005, b. BA. c/ la SAM Pastor

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Abstract🔗

Faute grave alléguée - Incompétence professionnelle - Conditions et critères - Exigence d'éléments objectifs - Prise en compte de la qualification du salarié, de son ancienneté, de la nature des tâches confiées et d'éventuelles sanctions antérieures

Résumé🔗

L'incompétence professionnelle ne constitue pas, sauf exception, une faute grave et doit reposer sur des éléments objectifs.

Licencié pour faute grave liée à son incompétence professionnelle alléguée, de comportements agressifs et de propos insultants envers des fournisseurs, un conducteur de travaux comptant 12 années d'ancienneté sans le moindre reproche a attrait son employeur devant le tribunal du travail en paiement d'indemnité de congédiement et licenciement, 13e mois prorata temporis et dommages intérêts pour licenciement abusif.

L'agressivité et les propos insultants reprochés n'étant pas démontrés, le Tribunal, s'attachant à analyser la prétendue faute grave, en a rappelé les conditions dans son articulation avec l'insuffisance professionnelle :

« Pour constituer un motif valable de licenciement et, exceptionnellement, sous réserve que le caractère volontaire et délibéré des manquements constatés soient établis, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, une faute grave, l'incompétence alléguée ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l'employeur mais doit, au contraire reposer sur des éléments concrets, objectifs et précis ». Il importe, en outre, de tenir compte de la qualification professionnelle du salarié, de la nature des tâches confiées, de son ancienneté et d'éventuels avertissements antérieurs.

Au regard de ces critères et d'une gratification exceptionnelle allouée, ainsi que d'un séjour de quinze jours offerts au salarié, dans une résidence de vacances, un mois avant le licenciement, l'employeur ne justifiait ni d'une faute grave, ni même d'un motif valable de rupture.

La brutalité et la légèreté manifestées lors du licenciement reposant sur l'allégation d'un faux motif, confèrent en l'occurrence, un aspect abusif au licenciement, ouvrant droit à l'allocation de dommages intérêts au profit du salarié à hauteur de 130.000 €.


Motifs🔗

LE TRIBUNAL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 25 juillet 2003, reçue le 28 juillet 2003 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 21 octobre 2003 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Joëlle PA.-BENSA, avocat-défenseur, au nom de Monsieur b. BA., en date des 18 mars 2004 et 8 juillet 2004 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de la SAM PA., en date des 3 juin 2004 et 9 décembre 2004 ;

Après avoir entendu Maître Michel CAPPONI, avocat au barreau de Nice, au nom de Monsieur b. BA., et Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de la SAM PA., en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

Embauché par la SAM PA. en qualité de conducteur de travaux à compter du 1er juillet 1991, b. BA. a été licencié de son emploi pour faute grave, aux termes d'une lettre en date du 10 juillet 2003, dont une copie lui a été signifiée par exploit d'huissier sur son lieu de travail le 15 juillet 2003.

Les motifs de la rupture immédiate et sans indemnités du contrat de travail de b. BA., tels qu'ils sont exposés dans cette correspondance résident dans l'insuffisance professionnelle avérée dont ce salarié aurait fait preuve dans l'accomplissement de ses fonctions de conducteur de travaux, statut cadre, au sein de la SAM PA. ainsi que dans l'agressivité qu'il aurait témoignée vis-à-vis de certains fournisseurs et partenaires techniques, en leur tenant notamment des propos à caractère insultant.

Contestant d'une part avoir commis la moindre faute, à fortiori grave, de nature à justifier son licenciement, et soutenant d'autre part que cette mesure revêtait, au regard des conditions de fait dans lesquelles elle était intervenue, un caractère particulièrement abusif, b. BA., ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 20 octobre 2003, a attrait la SAM PA. devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail à l'effet d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :

  • 14.010,06 €, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

  • 5.604,02 €, à titre d'indemnité de congédiement,

  • 21.295,29 €, au titre de l'indemnité de licenciement, déduction faite de l'indemnité de congédiement, non cumulable,

  • 2.300,00 €, au titre du treizième mois de salaire (prorata temporis),

  • 189.135,81 €, à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

  • 45.000,00 €, représentant le montant des gratifications qu'il aurait perçues pendant les années 2003, 2004 et 2005 s'il était demeuré au service de la SAM PA..

À l'audience fixée par les convocations, les parties ont régulièrement comparu par leurs conseils.

Puis, après divers renvois intervenus à la demande des avocats, l'affaire a été contradictoirement débattue lors de l'audience du 3 mars 2005 à l'issue de laquelle le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 28 avril 2005.

Après avoir liminairement souligné que pendant les douze années passées au service de la SAM PA. il a parfaitement rempli ses fonctions de conducteur de travaux, sans jamais traiter à la légère les problèmes qui se présentaient à lui, à telle enseigne qu'aucun avertissement ni aucune mise en demeure ne lui ont jamais été notifiés, son employeur lui ayant au contraire offert, moins d'un mois avant son licenciement, un séjour au Club Méditerranée pour une dizaine de jours d'une valeur de 3.612,50 €, b. BA. soutient en premier lieu que la preuve de son insuffisance professionnelle n'est aucunement rapportée.

Contestant formellement avoir été défaillant dans la mise en œuvre des démarches qu'il devait effectuer, il fait valoir en substance à cet effet :

  • que ses interventions au sein « des sociétés de Madame PA. », à défaut de définition précise dans le contrat de travail des tâches relevant de sa qualification de conducteur de travaux, étaient effectuées en qualité de représentant du maître d'ouvrage, du maître d'œuvre, du propriétaire, ou du syndic de copropriété, représentant les activités des différentes sociétés du groupe, mais jamais en tant qu'entreprise de construction ou de réalisation de travaux,

  • que toutes les démarches techniques relevant de sa compétence ont toujours été entreprises, étant observé qu'il ne saurait être tenu pour responsable de l'inertie du représentant naturel de la copropriété, à savoir le syndic général (la SAM CI.), vis-à-vis des Domaines,

  • qu'il ne lui appartenait pas de faire exécuter des travaux relevant de la seule compétence du service des Domaines, la suggestion consistant à mettre en demeure ladite Administration qui lui avait été proposée à plusieurs reprises par la juriste, la secrétaire syndic et lui-même n'ayant pas reçu l'agrément de Madame PA.,

  • qu'au regard de leur caractère limité (le problème d'humidité est localisé sur un mur du séjour sur une surface d'environ 3 x 4 mètres) les conséquences de l'inertie qui lui est prêtée n'ont pu, en tout état de cause, sérieusement entraîner de répercussion sur la santé de Madame PA. et de son chien.

Il soutient par ailleurs que contrairement à ce qui est allégué dans la lettre de licenciement les réunions consécutives à l'intervention du plombier DU. et du peintre TR., organisées à la fin du mois de juin 2003, se sont déroulées dans le plus grand calme et avec la plus grande courtoisie.

Estimant que son licenciement se trouve en définitive dépourvu de tout motif, il sollicite l'allocation à son profit des sommes réclamées dans sa requête introductive d'instance au titre du préavis, du prorata de treizième mois, de l'indemnité de congédiement, et enfin de l'indemnité de licenciement, selon le détail fourni supra.

b. BA. prétend en second lieu que la légèreté blâmable confinant à l'intention de nuire dont a fait preuve son employeur à son égard confère au licenciement intervenu un caractère abusif.

Il demande par suite que le préjudice considérable subi par ses soins, résultant notamment de l'absence de prise en charge par les organismes d'assurance concernés, au regard du motif de son licenciement (faute grave), des mensualités des sept crédits à la consommation souscrits par ses soins, soit justement réparé par l'allocation à son profit de la somme de 277.345,18 € et non 269.441,16 €, sa requête initiale se trouvant affectée d'une erreur de calcul.

Estimant quant à elle d'une part que la carence fautive de b. BA. dans l'exécution de ses obligations contractuelles est avérée, dès lors qu'il est suffisamment établi en l'espèce que ce dernier n'a pas pris les dispositions qu'il convenait d'adopter eu égard aux circonstances, et d'autre part que ce comportement a généré d'importantes conséquences dommageables « tant matériellement que physiquement », la SAM PA. conclut au rejet de l'intégralité des prétentions formulées à son encontre par son ancien salarié.

Elle fait valoir à cet effet :

  • qu'en l'état de la qualification professionnelle de conducteur de travaux prévue par le contrat de travail et du salaire convenu (22.000 F), b. BA., à qui il appartenait de prendre couramment des initiatives et d'assumer des responsabilités, devait être capable de :

  • préparer les éléments d'une étude,

  • prévoir et répartir des approvisionnements,

  • organiser la main d'œuvre,

  • rédiger des rapports techniques et des situations de travail,

  • que l'intéressé s'est néanmoins révélé défaillant dans la mise en œuvre des démarches tant techniques que juridiques nécessaires à la recherche et à l'établissement des causes et origines de divers problèmes d'infiltration d'eau survenus dans l'appartement constituant le domicile de Madame Hélène PA., Président-délégué de la SAM PA., et dans le studio de service appartenant à cette dernière, ainsi que dans la détermination des mesures destinées à y remédier,

  • qu'ainsi ce dernier a mis plus de cinq années pour mettre en œuvre les travaux destinés à mettre fin aux importantes infiltrations d'eau, dont il soutient pourtant avoir décelé la cause et l'origine dès 1998,

  • qu'en tout état de cause ces mesures se sont avérées inefficaces puisque les infiltrations d'eau se sont poursuivies jusqu'à ce qu'un expert, en la personne de Monsieur FE., mandaté courant octobre 2003 par la copropriété, après avoir établi leur origine, fasse effectuer les travaux propres à y remédier, réglant ainsi en sept mois un problème que b. BA. n'est pas parvenu à solutionner en cinq années,

  • que les conséquences de l'inertie de b. BA. ont été particulièrement importantes pour l'état de santé de Madame PA. et celui de son chien, en l'état des multiples pièces médicales produites aux débats.

SUR CE,

A) Sur la faute grave et la validité du motif de rupture

S'agissant d'un licenciement intervenu pour faute grave, la charge de la preuve des éléments propres à le justifier incombe exclusivement à l'employeur.

En l 'espèce la SAM PA., à la lecture de la très longue lettre de notification de la rupture en date du 10 juillet 2003 et des conclusions déposées par son conseil devant la présente juridiction, reproche à b. BA. d'une part d'avoir fait preuve d'agressivité à l'égard de certains fournisseurs et partenaires techniques, auxquels il aurait au surplus adressé des propos insultants, et d'autre part et surtout de s'être avéré incompétent dans l'exercice des fonctions de conducteur de travaux qui lui avaient été conférées par son contrat de travail, en se montrant incapable de diagnostiquer l'origine des importantes infiltrations d'eau survenues depuis 1998 dans l'appartement occupé par Madame PA. au sein de l'immeuble Le TROCADERO ainsi que dans le studio de service appartenant à cette dernière et de prendre les mesures de nature à y remédier.

Force est de constater en premier lieu que l'agressivité présumée que b. BA. aurait témoignée à l'égard des fournisseurs et partenaires techniques présents sur les lieux du sinistre n'est caractérisée par aucune pièce, quelle qu'elle soit.

Qu'il en va de même en ce qui concerne les propos prétendument insultants que ce dernier aurait tenu à l'égard de ces personnes dans ces mêmes circonstances.

S'agissant du second grief formulé à l'appui du licenciement, il est constant en droit que l'appréciation des aptitudes professionnelles d'un salarié et de l'adaptation de l'intéressé à son emploi relève du pouvoir patronal, le juge ne pouvant substituer son appréciation à celle de l'employeur.

Que toutefois, pour constituer un motif valable de licenciement et exceptionnellement, sous réserve que le caractère volontaire et délibéré des manquements constatés soit établi, ce qui n'est assurément pas le cas en l'espèce, une faute grave, l'incompétence alléguée ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l'employeur mais doit au contraire reposer sur des éléments concrets, objectifs et précis.

Qu'il appartient en outre à la juridiction chargée d'apprécier l'insuffisance éventuelle d'un salarié de tenir compte de sa qualification professionnelle, de la nature précise des tâches et responsabilités qui lui étaient conférées, de son ancienneté de services et enfin de l'existence ou de l'absence d'avertissements antérieurs.

Pour caractériser l'insuffisance professionnelle avérée de b. BA., la SAM PA. produit aux débats :

  • un procès-verbal dressé le 1er juillet 2003 par Maître ESCAUT-MARQUET, Huissier de Justice à Monaco, constatant l'existence de désordres survenus dans l'appartement occupé par Madame Hélène PA., sis au 7e étage de l'immeuble Le TROCADERO, ainsi que dans le box de garage n° 134 et dans le studio de service sis au 6e étage de l'immeuble sus-désigné,

  • divers documents (avis technique préliminaire du 29 septembre 2003 – note technique de synthèse en date du 4 mai 2004 – lettre à Maître ESCAUT en date du 7 avril 2004 – avis sur les origines des désordres en date du 27 septembre 2004) rédigés dans le cadre d'une mesure d'expertise amiable par Monsieur FE.,

  • deux attestations délivrées par Monsieur AL. et Monsieur BL.,

l'argument essentiel avancé par la partie défenderesse dans ses écrits judiciaires, sur la foi des documents divers susvisés établis par Monsieur FE., résidant dans le fait que b. BA. se serait montré incapable en cinq années de solutionner un problème qui aurait été non seulement clairement identifié mais également résolu par Monsieur FE. en moins de sept mois.

Dès lors toutefois :

1) que les compétences et surtout l'expérience professionnelle acquise par Monsieur FE., Ingénieur des Arts et Métiers, Expert en Bâtiments Génie Civil Evaluations Foncières Commerces et Immeubles, ancien Président de l'Union des Compagnies d'experts judiciaires des Alpes Maritimes et du Sud Est, ne peuvent être utilement comparées avec celles dont disposait b. BA., embauché au sein de la SAM PA. aux termes du contrat de travail en date du 19 juin 1991 en qualité de conducteur de travaux, et non d'ingénieur ou d'architecte,

2) que les circonstances et notamment le cadre juridique dans lesquelles ces deux professionnels ont été amenés à traiter le ou plutôt les sinistres du TROCADERO, s'avèrent radicalement différentes, le premier, amiablement désigné en qualité d'expert par la copropriété TROCADERO ABC, disposant à l'égard des différentes parties intervenantes et notamment de l'Administration des Domaines et du service de l'Aménagement Urbain de l'autorité et des attributs de tous ordres s'attachant tant à son titre qu'aux modalités de sa désignation, alors que le second ne pouvait intervenir qu'es-qualités de représentant de son employeur, à savoir la SAM PA.,

le raisonnement tenu par l'employeur ne résiste pas à l'examen.

Force est de constater en outre, à la lecture de l'avis sur les origines des désordres provoqués par les infiltrations de la toiture terrasse, établi par Monsieur FE. et transmis aux parties pour leurs observations le 27 septembre 2004 :

1) qu'il s'agit en réalité non pas d'un, mais de cinq sinistres distincts ayant, selon l'expert, sous réserve d'investigations complémentaires, pas moins de sept origines différentes à savoir :

  • le défaut d'un équipement de surface du jardin,

  • le défaut d'étanchéité d'un joint de dilatation partie verticale, côté bâtiment garages,

  • la défectuosité de l'étanchéité dans la traversée du relevé de jardinière par un fourreau,

  • la défectuosité de l'étanchéité du joint de dilatation de ladite jardinière,

  • la modification de l'état initial de l'étanchéité d'une contre marche du domaine public,

  • la défectuosité du plomb de pontage des joints de dilatation dans l'angle d'une jardinière,

  • le défaut d'étanchéité des parois d'une douche,

2) que l'expert FE. a consacré largement plus de sept mois à l'accomplissement de sa mission, puisque la détermination de l'origine des désordres, à l'exclusion du temps nécessaire à la réalisation des travaux propres à y remédier, a nécessité un délai d'une année (avis technique préliminaire établi le 29 septembre 2003 – avis sur les origines des désordres établi le 27 septembre 2004).

Que par suite l'incapacité de b. BA. à solutionner avec l'expérience, les compétences et les moyens matériels et humains dont il disposait des problèmes qu'un ingénieur diplômé, expert reconnu, a mis plus d'une année à résoudre ne peut constituer la preuve de l'incompétence avérée de ce salarié dans l'exercice des fonctions de conducteur de travaux qui lui étaient dévolues par son contrat de travail.

À partir du moment enfin où :

1) les attestations établies par Monsieur BA. et Monsieur AL., dont le contenu doit être apprécié avec circonspection au regard des liens de subordination pour la première et d'intérêt pour la seconde qui unissent leur auteur à la SAM PA. ou à Madame PA., ne contiennent la relation d'aucun événement ni d'aucun fait matériel précis de nature à caractériser l'insuffisance professionnelle de b. BA.,

2) le dossier professionnel de l'intéressé s'avère vide de toute sanction disciplinaire, quelle qu'elle soit,

3) en accordant à b. BA. une gratification exceptionnelle de 15.000,00 € à la fin de l'année 2002 et en offrant à ce salarié le 12 juin 2003, soit un mois avant le licenciement, un séjour de quinze jours au Club Méditerranée de Dieulefit d'une valeur de 3.612,50 €, la SAM PA. a implicitement mais nécessairement reconnu que ce dernier lui donnait toute satisfaction dans l'exercice de ses fonctions,

l'employeur ne justifie en définitive ni d'une faute grave ni même d'un motif valable l'autorisant à mettre un terme au contrat de travail de b. BA..

Compte tenu de son statut de cadre, de son ancienneté au service de la SAM PA., soit douze années, et enfin du montant mensuel brut de sa rémunération pour le mois de juin 2003, soit 5.379,42 € prime d'ancienneté incluse, b. BA. est fondé à obtenir la condamnation de son employeur au paiement des sommes suivantes :

  • 5.379,42 € x 3 = 16.138,26 € brut ou 14.010,06 € net à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

  • (5.379,42 € x 12) / 10 + (5.379,42 € x 2) / 15 = 6.813,92 €, au titre de l'indemnité de congédiement, calculée conformément aux dispositions de l'article 1er de la loi n° 845 et de l'article 6 de l'avenant n° 18 à la Convention Collective Nationale du Travail, ramenée, le Tribunal ne pouvant statuer ultra petita, à la somme de 5.604,02 € réclamée à ce titre par l'intéressé lors de sa comparution le 20 octobre 2003 devant le Bureau de Conciliation,

(5.379,42 € x 144) / 25 = 30.985,45 €, au titre de l'indemnité de licenciement prévue par l'article 2 de la loi n° 845, ramenée, le Tribunal ne pouvant statuer au-delà de ce qui lui a été demandé lors du préliminaire de conciliation, à la somme de 26.899,31 €, dont à déduire l'indemnité de congédiement soit 5.604,02 €, non cumulable, soit en définitive un solde en faveur de b. BA. s'élevant à 21.295,29 €,

  • 2.335,00 € net, ramenée à 2.300,00 €, montant de la demande, représentant prorata temporis l'indemnité de treizième mois non prévue au contrat de travail mais versée de manière habituelle par la SAM PA. à l'ensemble de son personnel.

B) Sur le caractère abusif du licenciement

En signifiant à un salarié, disposant outre d'une ancienneté de douze ans du statut de cadre, dont le dossier professionnel était vierge de toute sanction et dont elle venait juste de récompenser le dévouement en lui offrant un séjour de quinze jours au Club Méditerranée, son licenciement immédiat, sans lui servir la moindre indemnité, par l'intermédiaire d'un huissier de justice alors qu'aucune circonstance particulière ne l'y contraignait, la notification de cette mesure par la voie postale ou en main propre moyennant récépissé s'avérant techniquement et juridiquement possible, la SAM PA. a agi avec une brutalité certaine doublée d'une grande légèreté.

Cette brutalité et cette légèreté, combinées avec l'allégation par l'employeur d'un faux motif de licenciement, confèrent à l'évidence à la rupture du contrat de travail de b. BA. un caractère abusif ouvrant droit à l'allocation de dommages et intérêts à son profit afin de réparer le dommage subi.

Outre le préjudice résultant de la privation du salaire confortable et des gratifications conséquentes qui lui étaient versés par son employeur, b. BA. justifie par les différents documents versés aux débats avoir subi, consécutivement à l'allégation par la SAM PA. d'une faute grave à l'appui de son licenciement, un préjudice complémentaire non négligeable résultant du refus de prise en charge par les compagnies d'assurance concernées des mensualités de remboursement des sept crédits à la consommation souscrits par ses soins, lesquelles représentent au total la somme mensuelle de 2.178,00 €.

Au vu de ces divers éléments, de l'ancienneté de services acquise par b. BA. (12 ans) et enfin de son âge (51 ans) lors de la notification de la rupture, ces divers préjudices seront équitablement réparés, toutes causes confondues, par l'allocation au profit de ce dernier de la somme de 130.000,00 €, à titre de dommages et intérêts.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré.

Dit que le licenciement de b. BA. ne repose ni sur une faute grave, ni sur un motif valable de rupture.

Dit en outre que cette mesure revêt un caractère abusif.

Condamne en conséquence la SAM PA. à payer à b. BA. les sommes suivantes :

  • 16.138,26 euros brut, (seize mille cent trente-huit euros et vingt-six centimes), ou 14.010,06 euros net, (quatorze mille dix euros et six centimes), à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

  • 5.604,02 euros, (cinq mille six cent quatre euros et deux centimes), à titre d'indemnité de congédiement,

  • 2.300,00 euros net, (deux mille trois cents euros), au titre du treizième mois de l'année 2003, prorata temporis,

ces trois sommes produisant intérêts de retard à compter de la convocation en conciliation valant mise en demeure,

  • 21.295,29 euros, (vingt et un mille deux cent quatre-vingt-quinze euros et vingt-neuf centimes), à titre d'indemnité de licenciement, déduction faite de l'indemnité de congédiement non cumulable,

  • 130.000,00 euros, (cent trente mille euros), à titre de dommages et intérêts, toutes causes de préjudice confondues,

ces deux sommes produisant intérêts de retard à compter de la présente décision.

Déboute b. BA. du surplus de ses prétentions.

Condamne la SAM PA. aux entiers dépens.

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