Tribunal du travail, 13 janvier 2005, c. MO. c/ la SAM Novi Brokers

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Abstract🔗

Promesse d'embauche - Conditions non réalisées - Démission - Demande de requalification - Salariée dont le consentement était éclairé et non vicié - Démission valable - Dommages et intérêts (non)

Résumé🔗

Une promesse d'embauche équivoque et conditionnelle non réalisée, à défaut de survenance des paramètres de réalisation, ne constitue pas une situation fautive.

Salariée depuis le 4 mai 1993, une conseillère finances s'était vue proposer un emploi de gestionnaire de portefeuilles, mieux rémunéré, par un autre employeur. Ayant donné sa démission le 5 mars 1999, elle devait s'apercevoir que cette embauche s'avérait impossible, la nouvelle structure n'étant pas titulaire de la licence lui permettant d'opérer sur les marchés. Contrainte de se mettre au service de celle-ci, sans avoir signé de contrat de travail et sans rémunération pendant plusieurs mois, elle avait été finalement embauchée au mois de décembre 1999 en qualité d'analyste financier, poste sans rapport avec celui pour lequel elle avait été démarchée. Sans perspective d'évolution de carrière, elle donna sa démission de son emploi au sein de cette société en octobre 2000 et demanda, outre la régularisation de sa situation, la requalification de cette démission ainsi que le paiement d'une commission, de l'indemnité de licenciement et des dommages et intérêts à son employeur, devant le Tribunal du Travail.

De son côté, cet employeur soutient que la demanderesse travaillait en tant que future associée, qu'aucune proposition d'emploi en qualité de salariée n'a été faite et que la rupture à son initiative ne saurait être requalifiée en un licenciement.

Le Tribunal du Travail, analysant tout d'abord la promesse litigieuse, constate que celle-ci est équivoque, se trouvait subordonnée à un agrément préalable et revêtait un caractère conditionnel, ce que n'ignorait pas la demanderesse. En l'absence de réalisation de la condition dont l'offre était assortie, l'absence d'embauche ne présentait aucun caractère fautif. Donnée librement, sans vice du consentement et sans équivoque, la démission n'a pas à être requalifiée. La demanderesse est donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts. La prestation de travail reconnue et payée par l'employeur implique, en revanche, la reconnaissance d'un contrat de travail entre le 1er avril 1999 et le 31 janvier 2000 avec délivrance de bulletins de salaire correspondant à cette période et régularisation auprès des organismes sociaux.


Motifs🔗

LE TRIBUNAL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 1er août 2002, reçue le 5 août 2002 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 24 septembre 2002 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de Madame c. MO., en date des 5 décembre 2002, 16 octobre 2003, 17 juin 2004 et 29 novembre 2004 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Evelyne KARCZAG-MENCARELLI, avocat-défenseur, au nom de la SAM NO. BROKERS, en date des 23 janvier 2003, 29 janvier 2004 et 11 octobre 2004 ;

Après avoir entendu Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de Madame c. MO., et Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de la SAM NO. BROKERS, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

Ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 23 septembre 2002, c. MO. a attrait, devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, la SAM NO. BROKERS, à l'effet d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

  • la régularisation de sa situation administrative pour la période du 1er avril 1999 au 1er février 2000 ainsi que l'établissement des bulletins de paie correspondants sur la base d'un salaire net mensuel de 15.000 F et la délivrance du certificat de travail et de l'attestation ASSEDIC rectifiés,

  • l'allocation à son profit des sommes suivantes :

• 22.867,35 €, représentant le solde de commissions lui revenant (dossier BIALETTI),

• 2.103,35 €, à titre d'indemnité de licenciement,

• 400.000,00 €, à titre de dommages et intérêts pour préjudices matériel et moral subis.

À l'audience fixée par les convocations les parties ont régulièrement comparu.

Puis, après dix huit renvois intervenus à la demande des avocats, l'affaire a été contradictoirement débattue lors de l'audience du 2 décembre 2004 à l'issue de laquelle le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 13 janvier 2005.

c. MO. expose qu'alors qu'elle se trouvait employée depuis le 4 mai 1993 par la SAM ME. LY. en qualité de conseiller financier, ladite fonction lui procurant un revenu mensuel moyen de l'ordre de 35.000 F, elle s'est vu proposer par Monsieur DE., lequel occupait un poste de Directeur au sein de la SAM NO. BROKERS, un emploi de gestionnaire de portefeuilles, mieux rémunéré que celui qu'elle occupait ;

Qu'en considération du caractère particulièrement intéressant de cette offre elle a donné le 5 mars 1999 sa démission à la SAM ME. LY. ;

Qu'elle a toutefois découvert très rapidement, lors d'une réunion tenue dans les bureaux de l'expert comptable b. DO., alors qu'elle avait d'ores et déjà annoncé aux clients qui désiraient la suivre après son départ de la SAM ME. LY., qu'elle continuerait à gérer leur patrimoine chez NO. BROKERS, que cette société, qui avait pourtant lancé un fonds d'investissement au mois de décembre 1998 dénommé « Bull and Bear », n'était pas titulaire d'une licence lui permettant d'exercer son activité sur les marchés et qu'en conséquence son embauche en qualité de conseiller financier s'avérait impossible ;

Qu'elle s'est par suite trouvée dans l'obligation de se mettre au service de la SAM NO. BROKERS, sans avoir été officiellement embauchée et sans avoir signé de contrat de travail et enfin sans percevoir de rémunération pendant plusieurs mois, sa tâche consistant d'une part à préparer et formaliser le dossier de demande d'agrément de la société European Investment Corporation et d'autre part à régulariser la situation du fonds Bull and Bear ;

Que la demande d'agrément présentée par la SAM NO. BROKERS ayant, en l'absence de partenaire institutionnel, été rejetée au cours du mois de septembre 1999 par les autorités de la Principauté, elle a en définitive été officiellement embauchée, au cours du mois de décembre 1999, par ladite société à un poste d'analyste financier, sans aucun rapport avec celui pour lequel elle avait été démarchée puisqu'il ne lui permettait pas d'exercer l'activité de gestion de portefeuilles, moyennant un salaire mensuel de 15.000 F, sans aucune possibilité de percevoir de commission ;

Qu'en l'absence d'évolution de la situation et en l'état des nouvelles irrégularités découvertes par ses soins relativement aux conditions dans lesquelles la SAM NO. BROKERS exerçait son activité, elle a été contrainte de démissionner de son emploi au sein de cette société au cours du mois d'octobre 2000.

c. MO. soutient en premier lieu à l'appui de ses prétentions qu'en lui proposant un poste semblable à celui qu'elle occupait auprès de la SAM ME. LY., alors qu'elle savait ne pas être titulaire d'une autorisation lui permettant d'exercer l'activité de gestion de portefeuilles, ou à tout le moins en ne l'informant pas de cette situation, la SAM NO. BROKERS a commis une faute incontestable et porte ainsi seule la responsabilité du non respect de la promesse d'emploi initiale au poste de conseiller financier qui lui avait été faite, laquelle se trouve matérialisée par la première offre d'emploi adressée le 16 juillet 1999 aux services de la main d'œuvre ;

Qu'il appartient par suite à la SAM ME. LY. de réparer le préjudice résultant essentiellement de la perte de la clientèle qui lui était attachée, subi par ses soins ;

Que par ailleurs cette situation se trouvant également à l'origine du fait qu'elle s'est finalement retrouvée embauchée à un poste beaucoup moins intéressant d'analyste financier, correspondant à des tâches administratives sans rapport avec la gestion de portefeuilles et moyennant une rémunération moins importante, la SAM NO. BROKERS porte en l'espèce également la responsabilité de la rupture des relations du travail dont elle a pris l'initiative au cours du mois d'octobre 2000, en démissionnant de son emploi ;

Qu'il y a lieu, dans ces conditions, de requalifier la démission donnée en un licenciement abusif, ouvrant droit à son profit, en sus de l'indemnité de licenciement, à de substantiels dommages et intérêts ;

Prétendant enfin d'une part se trouver créancière de la SAM NO. BROKERS d'une somme de 150.000 F, que cette dernière s'était engagée à lui verser, représentant la moitié de la commission perçue d'un client italien suite aux conseils prodigués par ses soins, et d'autre part avoir accompli, sous la subordination de la SAM NO. BROKERS et moyennant paiement d'un salaire de 15.000 F par mois versé à posteriori, un travail réel consistant essentiellement en la constitution du dossier de demande d'agrément de la SAM European Investment Corporation, du mois d'avril 1999 au mois de janvier 2000, c. MO. demande en définitive à la présente juridiction :

  • d'ordonner à la SAM NO. BROKERS de régulariser sa situation administrative pour la période correspondante vis à vis des organismes sociaux et des ASSEDIC en établissant les bulletins de paie correspondants sur la base d'un salaire mensuel net de 15.000 F et en lui délivrant un certificat de travail et une attestation ASSEDIC rectifiés,

  • de condamner la SAM NO. BROKERS à lui payer les sommes de :

• 22.667,35 €, représentant la commission due et non réglée,

• 2.103,35 €, à titre d'indemnité de licenciement,

• 400.000,00 €, en réparation du préjudice matériel et moral que lui ont causés tant le non respect de la promesse d'embauchage au poste de gestionnaire de portefeuilles que la rupture postérieure des relations de travail.

La SAM NO. BROKERS conclut pour sa part au débouté de l'ensemble des demandes formulées à son encontre par c. MO..

Elle invoque à cet effet les moyens suivants :

  • en ce qui concerne la demande tendant à voir reconnaître sa qualité d'employeur de c. MO. pour la période d'avril 1999 à janvier 2000 :

  • Aucun des trois éléments nécessaires pour voir consacrer l'existence d'un contrat de travail entre la SAM NO. BROKERS et c. MO. ne sont réunis en l'espèce, puisque :

• c. MO., qui travaillait en qualité de future associée à la préparation d'une société de gestion en collaboration avec a. NO. n'était unie à la SAM NO. BROKERS par aucun lien de subordination ;

• l'intéressée n'a reçu paiement pour la période considérée d'aucune rémunération, la somme de 150.000 F qui lui a été versée par Monsieur NO. l'ayant été à titre de gratification, en remerciement de son investissement dans la préparation du dossier d'agrément de la société European Investment Corporation ;

• les diligences accomplies par c. MO. n'ont pas profité à la SAM NO. BROKERS mais à a. NO.

  • l'intéressée a, en tout état de cause, exercé pendant la période considérée, pour son propre compte, une activité de gestion de portefeuilles de ses anciens clients.

  • en ce qui concerne la demande tendant à voir déclarer la SAM NO. BROKERS responsable du non respect de la promesse d'embauchage au poste de gestionnaire de portefeuilles faite à c. MO. :

  • Aucune proposition d'emploi en qualité de salariée n'a valablement pu être faite à c. MO. par Monsieur DE., lequel n'avait au demeurant pas qualité pour ce faire, puisque Monsieur NO., dès le début de ses relations avec l'intéressée, lui a proposé de s'impliquer dans le projet de création d'une nouvelle société en qualité d'associée, voire même d'administrateur, et non de salarié ; avec attribution de 30 % des actions ;

  • c. MO. savait, dès le départ, qu'il restait de nombreuses formalités à accomplir avant que la société ne soit officiellement constituée et notamment que l'attribution par le Gouvernement Princier de l'autorisation requise revêtait un caractère « totalement aléatoire » ;

  • En tout état de cause la demanderesse, qui indique elle-même avoir participé le 9 avril 1999 à une réunion au cabinet d'expertise comptable DO. ayant pour ordre du jour la mise au point du dossier d'agrément de la société European Investment Corporation, ne pouvait ignorer l'état dans laquelle se trouvait ladite société.

  • en ce qui concerne la demande tendant à voir requalifier la démission de c. MO. en un licenciement abusif :

  • c. MO. savait pertinemment que le poste d'analyste financier qui lui avait été offert par Monsieur NO., dans le seul but de lui permettre de bénéficier d'une couverture sociale en attendant une meilleure opportunité, ne lui permettrait pas d'exercer ses fonctions de gestionnaire de patrimoine ;

  • La démission intervenue au cours du mois d'octobre 2000, qui a été donnée librement et en toute connaissance de cause, ne saurait dès lors être requalifiée en un licenciement.

c. MO. réplique à ces divers arguments :

  • Que Monsieur DE., qui disposait de cartes de visite au nom de la société NO. BROKERS le présentant comme « Director », était parfaitement habilité à formuler une proposition d'embauche pour le compte de ladite société ou, à tout le moins, pouvait valablement au vu de cet élément apparaître aux yeux des tiers comme un mandataire apparent capable d'engager la SAM NO. BROKERS ;

  • Que l'existence de l'offre d'embauche en qualité de conseiller financier qui lui a été faite par la SAM NO. BROKERS se trouve démontrée par l'offre d'emploi établie au mois de juillet 1999, laquelle a bien été adressée au service compétent, ainsi qu'en témoigne l'accusé de réception de ce service ;

  • Que les rapports envisagés entre elle et la SAM NO. BROKERS étaient des relations de travail et non d'affaires, la qualité d'actionnaire qui lui a été attribuée dans divers documents n'ayant été utilisée que pour des raisons d'opportunité au plan administratif ;

  • Que les correspondances échangées entre DO., LU. et JE. et NO. BROKERS produites aux débats démontrent que les négociations se déroulaient entre ces deux entités et non avec la nouvelle société European Investment Corporation SAM ;

  • Qu'elle a pris connaissance du défaut d'autorisation de la SAM NO. BROKERS de faire de la gestion financière pour des tiers postérieurement à sa démission de la SAM ME. LY. ;

  • Que les rares opérations qu'elle a pu réaliser pour le compte de la société GEMTOR Limited avaient un caractère personnel.

SUR CE,

A) Sur les demandes formulées par c. MO. au titre du non respect de la promesse d'embauche au poste de gestionnaire de portefeuilles qui lui aurait été faite par la SAM NO. BROKERS

Il est constant en droit que la rupture unilatérale d'une promesse d'embauche, si elle n'est pas justifiée par un motif valable, ouvre droit pour la partie concernée à l'allocation de dommages et intérêts fixés en fonction du préjudice subi.

Qu'en revanche la partie qui a pris l'initiative de la rupture n'est tenue à aucune obligation lorsque les promesses ou projets envisagés demeurent au stade de simples hypothèses.

Pour pouvoir prétendre à l'allocation de dommages et intérêts, il appartient donc à c. MO. de démontrer :

  • l'existence de la promesse d'embauche au poste de gestionnaire de portefeuilles que lui aurait adressée la SAM NO. BROKERS,

  • le cas échéant, le caractère fautif du retrait par la SAM NO. BROKERS de cette promesse d'embauche.

Constitue une promesse d'embauche l'offre adressée par un employeur à une personne nommément désignée de conclure avec elle un contrat de travail, si celle-ci l'accepte.

Pour qu'il y ait engagement de l'employeur susceptible d'engager sa responsabilité en cas de retrait, la promesse d'embauche doit d'une part comporter :

  • la désignation précise de l'emploi proposé,

  • le montant ainsi que les éléments essentiels de la rémunération offerte,

  • éventuellement la date ainsi que le lieu d'entrée en fonction,

et d'autre part être à la fois dépourvue d'équivoque et non conditionnelle.

En l'espèce, pour rapporter la preuve de l'existence de la promesse d'embauche dont elle se prévaut, c. MO. verse aux débats :

  • la copie d'une offre d'emploi de conseiller financier adressée le 16 juillet 1999 par Monsieur NO. au nom et pour le compte de la SAM NO. BROKERS au Service de l'Emploi,

  • la copie d'un formulaire en date du 19 juillet 1999 comportant à la fois l'accusé de réception par le service de l'emploi de cette offre et la présentation par le représentant de la SAM NO. BROKERS de la candidature de c. MO. à l'emploi susvisé,

  • la copie de la lettre adressée le 14 juin 2000 par Monsieur NO. sur papier à en-tête de la SAM NO. BROKERS à Madame DO. dans les termes suivants :

« À la suite du rejet de notre demande d'agrément pour la European Investment Company nous avons tout de même décidé d'engager Mademoiselle c. MO. Nous lui avions proposé de rejoindre notre équipe alors qu'elle était employée par une importante société de services à Monaco et étions donc dans l'obligation morale de lui offrir un emploi. »,

  • l'attestation établie le 12 octobre 2000 par a. NO. sur papier à en-tête de la SAM NO. BROKERS dans les termes suivants :

« Ayant lancé une procédure auprès des autorités monégasques pour l'obtention d'une licence, et dans l'attente de leur réponse, notre société (NO. BROKERS SAM) n'a pas pu engager Mademoiselle MO. comme gestionnaire de patrimoine.

» Pour une période de dix mois, elle a été étroitement associée au projet EIC en relation avec notre demande de licence, à ce titre elle a établi des contacts avec les avocats, banquiers, et a structuré des propositions au gouvernement monégasque.

« N'ayant point obtenu la licence en question, NO. BROKERS SAM a décidé d'embaucher Mademoiselle c. MO. le 1er février 2000 (cf. notre lettre du 14 juin 2000) au sein de notre équipe en charge des opérations de marketing et de couvertures de risques. ».

Si la combinaison de ces divers documents démontre certes l'intention de la SAM NO. BROKERS d'avoir recours aux services de c. MO., en qualité de gestionnaire de patrimoine, force est de constater toutefois que cette intention, en l'état des indications contenues dans le dossier d'agrément de la SAM European Investment Corporation, attribuant à c. MO. non seulement la responsabilité du département gestion de patrimoines, mais également la qualité d'associé, de ladite société, détentrice de 30 % de son capital, voire même d'administrateur délégué, revêt en premier lieu un caractère pour le moins équivoque.

Que par ailleurs, à partir du moment où elle se trouvait subordonnée à l'agrément préalable, conformément aux dispositions de la loi n° 1.194 du 9 juillet 1997, par le Gouvernement Princier de la SAM EIC pour l'exercice des activités de :

  • gestion de portefeuilles de valeurs mobilières et d'instruments financiers pour le compte de tiers.

  • transmission d'ordres sur les marchés financiers pour le compte de tiers.

  • conseil et assistance dans la gestion de portefeuilles pour le compte de tiers.

L'offre faite par la SAM NO. BROKERS à c. MO. revêt en outre et surtout un caractère conditionnel.

L'existence de cette condition, contrairement à ce que celle-ci soutient sans en justifier par la moindre pièce, étant parfaitement connue de c. MO., laquelle se trouvait en relation (cf. fax échangés en décembre 1998) tant avec la SAM NO. BROKERS qu'avec son partenaire financier anglais la société DO., LU., JE., bien avant de démissionner, le 5 mars 1999, de l'emploi qu'elle occupait au sein de la société ME. LY., l'absence de suite donnée par la SAM NO. BROKERS au formulaire de demande d'autorisation d'embauche et de permis de travail qui lui avait été adressé par le service de l'emploi et par suite « l'annulation de la procédure d'embauchage » ne revêt, en l'absence de réalisation de la condition dont l'offre était assortie, aucun caractère fautif et n'ouvre par suite pas droit pour la demanderesse à l'allocation de dommages et intérêts.

B) Sur les demandes tendant à voir requalifier la démission de son emploi d'analyste financier au sein de la SAM NO. BROKERS donnée le 27 septembre 2000 par c. MO. à son employeur en un licenciement et à voir consacrer le caractère abusif de la rupture

Il est constant en l'espèce qu'à la suite du rejet par le Gouvernement Princier de la demande d'agrément de la SAM European Investment Corporation, la SAM NO. BROKERS a embauché, selon autorisation d'embauchage et de permis de travail en date du 25 janvier 2000, à compter du 1er février 2000 c. MO. en qualité d'analyste financier, moyennant paiement d'un salaire mensuel de 15.000 F net pour 39 heures de travail.

Que par lettre adressée le 27 septembre 2000 à Monsieur NO., en sa qualité d'administrateur délégué de la SAM NO. BROKERS, c. MO. a démissionné de cet emploi.

Dès lors d'une part qu'elle a été donnée librement, la salariée, nonobstant la terminologie employée dans la correspondance susvisée (je me vois contrainte), ne justifiant de l'existence d'aucun vice susceptible d'avoir altéré son consentement, et d'autre part qu'elle n'est entachée d'aucune équivoque, c. MO. étant parfaitement consciente depuis le 1er février 2000 que l'emploi d'analyste financier ne lui permettait pas d'exercer l'activité de gestionnaire de patrimoine, la démission de l'intéressée de son emploi ne peut être requalifiée en un licenciement.

c. MO. sera en conséquence déboutée de ses demandes tendant à obtenir paiement tant de l'indemnité de licenciement que de dommages et intérêts, étant observé en tout état de cause et en tant que de besoin, que le préjudice allégué n'est aucunement justifié, la clientèle prétendument perdue n'appartenant pas à c. MO. mais à son ancien employeur la SAM ME. LY.

C) Sur la demande tendant à voir consacrer l'existence d'un contrat de travail entre la SAM NO. BROKERS et c. MO. pour la période du 1er avril 1999 au 31 janvier 2000 et à obtenir par suite la régularisation de sa situation administrative

En indiquant dans l'attestation qu'il a délivrée le 12 octobre 2000, sur papier à entête de la SAM NO. BROKERS, que c. MO., pendant la période de dix mois courant du 1er avril 1999 au 30 janvier 2000 avait été « étroitement associée au projet EIC en relation avec (la) demande de licence » et que l'intéressée avait par ailleurs « à ce titre établi des contacts avec les avocats, banquiers et structuré des propositions au gouvernement monégasque », Antonio NO. a expressément reconnu l'existence de la prestation de travail exécutée par l'intéressée pour le compte de la SAM NO. BROKERS.

Par ailleurs, en procédant à réception de la lettre en date du 27 septembre 2000 qui lui avait été adressée par c. MO. le mettant en demeure, en sa qualité d'administrateur délégué de la SAM NO. BROKERS, de lui régler sans délai la somme de 150.000 F correspondant aux salaires lui revenant pour la période d'avril 1999 à janvier 2000, au règlement de ladite somme le 12 octobre 2000, sans assortir ce paiement de la moindre réserve, Antonio NO. a implicitement mais nécessairement reconnu le caractère salarial de la créance invoquée par c. MO. à l'encontre de la SAM NO. BROKERS et ne peut par suite valablement soutenir tardivement que ce paiement constituerait en réalité une simple gratification destinée à remercier l'intéressée de son investissement dans la préparation du dossier d'agrément de la société EIC.

Les éléments constitutifs essentiels du contrat de travail (prestation de travail, lien de subordination, salaire) sont donc bien réunis en l'espèce.

Il convient dans ces conditions de faire droit à la demande formée par c. MO. en constatant que cette dernière a exercé pour le compte de la SAM NO. BROKERS entre le 1er avril 1999 et le 31 janvier 2000 une activité professionnelle salariée en contrepartie de laquelle elle a bénéficié d'une rémunération mensuelle nette de 15.000 F et en ordonnant par suite à la SAM NO. BROKERS de régulariser, dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement, la situation administrative de l'intéressée pour la période correspondante vis à vis des organismes sociaux et des ASSEDIC et de procéder dans le même délai à la délivrance d'un certificat de travail et d'une attestation ASSEDIC rectifiés.

D) Sur la demande en paiement de la somme de 22.867,35 € à titre de solde de commissions

À défaut de se trouver justifiée par la moindre pièce, cette demande, qui ne repose en définitive que sur les simples allégations de c. MO., ne pourra qu'être rejetée.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré.

Constate que c. MO. a exercé une activité salariée en qualité d'analyste financier pour le compte de la SAM NO. BROKERS du 1er avril 1999 au 31 janvier 2000, moyennant une rémunération mensuelle nette de 15.000 F soit 2.286,74 €.

Ordonne en conséquence à la SAM NO. BROKERS de procéder, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement, à la régularisation de la situation de c. MO. auprès des organismes sociaux et des ASSEDIC, ainsi qu'à la délivrance à la salariée concernée, dans le même délai, d'un certificat de travail et d'une attestation ASSEDIC rectifiés.

Déboute c. MO. du surplus de ses prétentions.

Ordonne le partage des dépens de la présente instance par moitié entre les parties.

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