Tribunal du travail, 13 mai 2004, p. AM. c/ d. GA.

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Abstract🔗

Contrat à durée déterminée - Règle de parité des salaires, primes et indemnités avec la région voisine - Indemnité de précarité non prévue par la législation monégasque - Circulaire du 18 mai 1982 ne pouvant se substituer à la loi - Indemnité non due

Résumé🔗

L'article 11 de la loi n° 739 du 11 mars 1963 sur la parité des salaires avec la région économique voisine suppose implicitement mais nécessairement qu'aient été reconnus à Monaco les mêmes éléments de rémunération.

Un chauffeur de maitre, engagé par contrat à durée déterminée, à mi-temps, demande au tribunal du travail de lui allouer un solde de congés payés et une indemnité de fin de contrat.

Le tribunal accède à la demande de solde d'indemnités de congés payés, sur le fondement de l'article 10 de la loi n° 619 du 26 juillet 1956, fixant la dite indemnité à « un dixième de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence ».

En revanche, l'indemnité de fin de contrat à durée déterminée, n'est pas due. Certes, l'article 11 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 prévoit bien une parité des salaires, primes, indemnités de toute nature, pour des conditions de travail identiques, dans les mêmes professions, commerces ou industries de la région économique voisine. De plus, une circulaire n° 82-57 du 18 mai 1982 relative à l'application des dispositions salariales dans les CDD prévoit le paiement d'une indemnité de fin de contrat non inférieure à 5% du montant de la rémunération totale brute perçue pendant la durée du contrat.

Cependant, d'une part, l'article 11 de la loi précitée suppose implicitement mais nécessairement qu'aient été reconnus à Monaco les mêmes éléments de rémunération et, d'autre part, une circulaire ne peut se substituer à la loi. La création en 1982 en France d'une indemnité de précarité ne peut donc avoir pour conséquence l'institution immédiate, automatique et parallèle de la même indemnité, en dehors de la volonté clairement exprimée par les autorités monégasques.


Motifs🔗

LE TRIBUNAL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 23 septembre 2002 et reçue le 26 septembre 2002.

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 15 octobre 2002.

Vu les conclusions déposées par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de Monsieur p. AM., en date des 14 novembre 2002 et 26 juin 2003 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Géraldine GAZO, avocat, au nom de Madame d. GA., en date des 27 février 2003, 16 octobre 2003 et 29 janvier 2004 ;

Après avoir entendu Maître Danièle RIEU, avocat au barreau de Nice, au nom de Monsieur p. AM., et Maître Géraldine GAZO, avocat à la Cour d'Appel de Monaco, au nom de Madame d. GA., en leurs plaidoiries ;

Lesdits avocats-défenseurs ayant repris et maintenu ce jour leurs conclusions en l'état de la composition différente du Tribunal ;

Vu les pièces du dossier ;

*

Par contrat de travail à durée déterminée, p. AM. a été embauché du 1er avril au 31 décembre 2001 en qualité de chauffeur de maître à mi-temps par d. GA.

Le 31 décembre 2001, d. GA. a remis à p. AM. un reçu pour solde de tout compte qu'il a signé « sous réserve de ses droits » et qu'il a dénoncé par lettre du 27 février 2002 dès lors que l'employeur ne lui a pas versé l'indemnité de précarité de 6 %.

Selon requête introductive d'instance du 23 septembre 2002 parvenue au Tribunal du Travail le 26 septembre 2002, p. AM. sollicite à l'encontre de d. GA. paiement d'un solde de congés payés (201,97 €), d'une indemnité de fin de contrat à durée déterminée de 6 % (463,96 €), des congés payés y afférents (46,33 €), des dommages et intérêts (1.000,00 €), des intérêts de droit à compter du 31 décembre 2001 et ce avec le bénéfice de l'exécution provisoire.

Le 14 octobre 2002, p. AM. a été convoqué devant le Bureau de Conciliation du Tribunal du Travail avec d. GA., laquelle a déclaré qu'elle ne pouvait se concilier sur les demandes précitées.

Le Bureau de Conciliation a, dès lors, rédigé un procès-verbal de non-conciliation et renvoyé les parties devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail à l'audience du 14 novembre 2002.

Par conclusions en date du 14 novembre 2002, p. AM. sollicite paiement des sommes de 201,97 € à titre de solde de congés payés, 463,37 € à titre d'indemnité de fin de contrat, 46,33 € à titre de congés payés y afférents, 1.000 € à titre de dommages et intérêts avec les intérêts de droit à compter de la demande en justice pour les dommages et intérêts et à compter du 31 décembre 2001 pour les autres chefs de demande et l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Il expose :

  • qu'il a reçu une rémunération brute totale de 46.053 F pour les neuf mois d'embauche,

  • qu'au titre des congés payés il n'a perçu qu'une somme de 3.280,79 F au lieu des 4.605,30 F qu'il aurait dû légalement recevoir,

  • qu'il aurait dû percevoir une indemnité de fin de contrat, conformément à la circulaire n° 82-57 du 18 mai 1982 dont le montant est égal à 6 % du montant de la rémunération totale brute due pendant la durée du contrat.

Par conclusions du 27 février 2003, d. GA. conclut au rejet des demandes et sollicite reconventionnellement une somme de 2.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Elle fait valoir :

  • que p. AM. n'a pas travaillé les 26, 27 et 28 décembre 2001,

  • qu'une indemnité de précarité pour fin de contrat à durée déterminée non suivi d'une proposition de contrat à durée indéterminée ne serait pas prévue par les textes légaux en vigueur à Monaco.

Par conclusions du 26 juin 2003, p. AM. tout en reprenant le bénéfice de ses précédents écrits judiciaires, conclut à l'irrecevabilité et au rejet de la demande reconventionnelle.

Il soutient :

  • qu'il n'avait été nullement en congés payés les 26, 27 et 28 décembre 2001,

  • qu'un salarié travaillant à Monaco avec un contrat à durée déterminée a droit à une indemnité de fin de contrat,

  • que la demande en dommages et intérêts formée par d. GA. serait irrecevable car non formulée devant le Bureau de Conciliation.

Par conclusions des 16 octobre 2003 et 29 janvier 2004 d. GA. tout en reprenant le bénéfice de ses précédents écrits judiciaires demande au Tribunal de lui donner acte de ce qu'elle offre de verser à p. AM. une somme brute de 6,95 € (charges salariales à déduire) à titre de solde de congés payés.

Elle ajoute :

  • qu'il n'existerait aucune disposition en droit français qui dicterait que l'indemnité de précarité donnerait droit à une indemnité de congés payés,

  • que la demande reconventionnelle en dommages et intérêts n'a pas été formulée devant le Bureau de Conciliation,

  • qu'aucune disposition de l'accord national inter-professionnel du 24 mars 1990 ne prévoit qu'il peut s'appliquer à Monaco.

SUR CE,

I – Sur la demande principale

  • Sur le solde de congés payés

Attendu qu'il ressort du bulletin de paye du mois de décembre 2001 que p. AM. a perçu une rémunération totale brute de 46.053 F (49.333,49 F – 3.280,49 F) soit de 7.020,83 € au cours de la période du 1er avril au 31 décembre 2001 ;

Attendu que l'article 10 de la loi n° 619 du 26 juillet 1956 fixant le régime des congés payés annuels dispose « l'indemnité afférente au congé prévu par l'article 1er est égale à un dixième de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence (…) » ;

Attendu que par conséquent, p. AM. est en droit d'obtenir au vu des dispositions précitées, un montant de 4.605,30 F soit 702,07 € au titre des congés payés représentant un dixième de la rémunération totale ; qu'ayant perçu une somme de 3.280,49 F soit 500,11 €, p. AM. est fondé à solliciter paiement de la différence s'élevant à un montant de 201,96 €.

Attendu que les intérêts au taux légal courent à compter du 16 octobre 2002, date de notification de la convocation devant le Bureau de Jugement, valant mise en demeure.

  • Sur l'indemnité de fin de contrat à durée déterminée

Attendu que l'article 11 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 modifiée dispose « sauf les exceptions prévues par la loi, les montants minima des salaires, primes, indemnités de toute nature et majorations autres que celles prévues par les dispositions législatives relatives à la durée du travail ne peuvent être inférieurs à ceux qui seront fixés par Arrêté ministériel.

Sous réserve des dispositions de l'alinéa suivant, ils seront au moins égaux à ceux pratiqués en vertu de la réglementation ou des conventions collectives pour les conditions de travail identiques dans les mêmes professions, commerces ou industries de la région économique voisine (…) ».

Attendu que la circulaire n° 82-57 du 18 mai 1982 relative à l'application des dispositions à caractère salarial dans les contrats à durée déterminée, publiée au Journal de Monaco le 11 juin 1982, énonce « au terme de l'article 11 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 sur le salaire et de l'Arrêté Ministériel n° 63-131 du 21 mai 1963 pris pour son application, les dispositions à caractère salarial rendues obligatoires dans la région économique voisine, en matière de contrat à durée déterminée, par l'ordonnance n° 82-130 du 5 février 1982 deviennent applicables en Principauté, pour tous les salariés titulaires d'un tel contrat.

Ainsi les personnes devront percevoir lors de la cessation de leur activité une indemnité de fin de contrat dont le montant ne peut être inférieure à 5 % du montant de la rémunération totale brute due pendant la durée du contrat (…) » ;

Que la circulaire précitée énumère, par ailleurs, les cas pour lesquels l'indemnité n'est pas due ;

Attendu cependant que l'article 11 de la loi susvisée qui a pour objet d'édicter une règle de parité entre les salaires, primes, indemnités et majorations de toute nature, perçus à Monaco et ceux versés aux salariés exerçant une activité comparable dans le département français des Alpes Maritimes, suppose implicitement mais nécessairement qu'aient été reconnus à Monaco les mêmes éléments de rémunération ;

Que dans ces conditions la création en 1982 en France d'une indemnité dite de précarité, quand bien même elle serait qualifiée de complément de salaire, ne peut avoir pour conséquence l'institution immédiate, automatique et parallèle de la même indemnité, en dehors d'une volonté clairement exprimée par les autorités monégasques ;

Attendu que le principe du versement au salarié au terme de son contrat à durée déterminée d'une indemnité de précarité n'a à ce jour pas été consacré par le législateur monégasque, la circulaire n° 82-57 du 18 mai 1982 ne pouvant se substituer à la loi ;

Attendu que la demande à cette fin formulée par p. AM. ne pourra qu'être rejetée, à défaut pour celui-ci d'établir que cette indemnité avait été prévue contractuellement.

  • Sur la demande de dommages et intérêts

Attendu que la résistance abusive de l'employeur n'étant pas démontrée, il y a lieu de débouter p. AM. de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;

  • Sur l'exécution provisoire

Attendu que statuant en dernier ressort, le présent jugement est exécutoire de plein droit ;

II – Sur la demande reconventionnelle

Attendu que la demande reconventionnelle en dommages-intérêts a pu être formée valablement pour la première fois devant le Bureau de Jugement ;

Attendu que la demande principale ayant été déclarée en partie bien fondée, il convient de débouter d. GA. de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

III – Sur les dépens

Attendu que la partie qui succombe doit être condamnée aux dépens ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL

Statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort après en avoir délibéré.

Condamne d. GA. à payer à p. AM. le montant de 201,96 euros, (deux cent un euros et quatre-vingt-seize centimes), au titre du solde de congés payés avec intérêts légaux à compter du 16 octobre 2002,

Déboute p. AM. du surplus de ses demandes.

Dit que le présent jugement est exécutoire de plein droit.

Déboute d. GA. de sa demande reconventionnelle.

Condamne d. GA. aux dépens, distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

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