Tribunal du travail, 6 mars 2003, j RO c/ c d'A

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Abstract🔗

Contrats à durée déterminée successifs - Volonté commune des parties d'être liées par un CDI - Croyance du salarié à la stabilité de son emploi - Requalification possible

Résumé🔗

En procédant à quarante reprises à la reconduction d'un contrat de travail, l'employeur a laissé croire au salarié qu'il avait acquis le droit automatique et systématique au renouvellement de son contrat.

Un aide serrurier, embauché sous contrat à durée déterminée, renouvelé sans discontinuité pendant six ans, voit mettre un terme à la relation contractuelle ainsi nouée et formule, à l'encontre de son employeur, une demande de requalification et de paiement d'indemnités de préavis et de licenciement, outre des dommages et intérêts pour licenciement abusif, devant le bureau de jugement du Tribunal du Travail. L'employeur, de son côté, estime que la commune intention des parties n'était pas d'inscrire leur relation dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée et indique à l'appui de son argumentation visant à débouter le salarié de ses demandes, qu'une indemnité de précarité, non obligatoire à Monaco, a d'ailleurs systématiquement été versée et que la jurisprudence monégasque ne limite pas le nombre et la durée des contrats à durée déterminée.

Le Tribunal du Travail rappelle que la requalification d'une succession de contrats à durée déterminée peut être judiciairement ordonnée si, par-delà les apparences qu'elles se sont efforcées de créer, les parties avaient la volonté commune d'être liées par une convention unique à durée indéterminée. Telle est bien le cas, en l'espèce, puisque la qualification professionnelle et le coefficient du salarié sont restés inchangés pendant six années d'accomplissement du même travail pour le même employeur. En procédant a quarante reprises à la reconduction du contrat de travail conclu entre eux, l'employeur a laissé croire au salarié que ce dernier avait définitivement acquis le droit automatique et systématique au renouvellement de son contrat, aucune conséquence particulière ne pouvant au surplus être tirée du versement des indemnités de précarité. Le contrat à durée indéterminée n'était au demeurant pas justifié par un motif valable et les indemnités de préavis et licenciement sont dues ainsi que des dommages et intérêts à hauteur de 8.000 € en réparation du préjudice matériel et moral. La demande reconventionnelle de l'employeur, tendant à obtenir la compensation entre les indemnités de précarité et les dommages et intérêts est recevable même si elle n'a pas été formulée devant le bureau de conciliation puisque cette démarche est une simple faculté offerte au défendeur par l'article 46 de la loi du 16 mai 1946 et non une obligation à peine d'irrecevabilité.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 12 mars 2001, reçue le 15 mars 2001 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 3 avril 2001 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur, au nom de Monsieur j RO, en date des 3 mai 2001, 18 octobre 2001, 31 janvier 2002, 6 juin 2002 et 3 octobre 2002 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom Monsieur c D'A exploitant le commerce sous l'enseigne « SERRURERIE D'A c », en date des 16 juillet 2001, 13 décembre 2001, 18 avril 2002, 4 juillet 2002 et 7 novembre 2002 ;

Après avoir entendu Maître Déborah LORENZI, avocat à la Cour d'Appel de Monaco, au nom de Monsieur j RO, et Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de Monsieur c D'A, exploitant le commerce sous l'enseigne « SERRURERIE D'A c », en leurs plaidoiries ;

Lesdits avocats-défenseurs ayant repris et maintenu à ce jour leurs conclusions en l'état de la composition différente du Tribunal ;

Vu les pièces du dossier ;

*

Embauché par c D'A, aux termes de différents contrats à durée déterminée successifs, du 12 septembre 1994 au 30 septembre 2000, en qualité d'aide serrurier, coefficient 140, j RO, ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 2 avril 2001, a attrait son ancien employeur devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, à l'effet d'entendre d'une part requalifier en un contrat à durée indéterminée le contrat de travail unissant les parties, d'autre part de voir dire que la rupture de ces relations à l'initiative de l'employeur, s'analyse en un licenciement avec toutes conséquences de droit, et enfin d'obtenir en l'absence de motif valable justifiant cette rupture et en l'état de surcroît de son caractère manifestement abusif, l'allocation à son profit des sommes suivantes :

  • 24.203,52 F, à titre d'indemnité de licenciement,

  • 17.756,82 F, au titre du préavis,

  • 53.270,46 F, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et financier subi.

À la date fixée par les convocations, les parties ont régulièrement comparu.

Puis, après quinze renvois intervenus à la demande des avocats, l'affaire a été contradictoirement débattue lors de l'audience du 23 janvier 2003 et le jugement mis en délibéré pour être prononcé ce jour 6 mars 2003.

j RO expose à l'appui de ses prétentions qu'il a été embauché par c D'A, à compter du 12 septembre 1994, sans aucune discontinuité pendant plus de six années en qualité d'aide serrurier, dans le cadre de contrats à durée déterminée successifs d'une durée d'un à deux mois chacun, systématiquement renouvelés à leur terme et ce jusqu'au 30 septembre 2000, date à laquelle il a été informé par son employeur, sans qu'aucun motif ne lui ait été fourni, du non renouvellement de son dernier contrat.

Soutenant que l'analyse de ces éléments factuels révèle incontestablement que la volonté réelle de c D'A, qui ignorait manifestement lorsqu'il a procédé à son embauche la durée pendant laquelle il l'emploierait, était bien, contrairement à l'apparence qu'il s'est efforcé de créer, de s'attacher de façon durable ses services et non de lui attribuer un simple emploi précaire, il soutient que la reconduction systématique, à chacune de ses échéances, de son contrat de travail pendant plus de six années a eu pour effet de modifier la nature des rapports unissant les parties.

Qu'en conséquence ces dernières doivent être considérées comme ayant été liées par un contrat à durée indéterminée, avec toutes conséquences de droit.

Il fait valoir en second lieu que le motif ayant justifié, selon c D'A, la rupture des relations contractuelles, à savoir le caractère résiduel de l'activité de ferronnerie qu'il aurait exercée pour le compte de son employeur, n'est nullement avéré, dès lors qu'il résulte des pièces versées par ses soins aux débats :

– qu'il n'avait pas la qualification professionnelle de ferronnier mais celle d'aide serrurier,

– qu'il était parfaitement compétent en serrurerie de ville, effectuant à ce titre tous les travaux qui lui étaient commandés, qu'il s'agisse des dépannages, ouvertures de porte, changements de serrure, poses de coffre-fort…

Qu'en conséquence l'absence de validité du motif invoqué ouvre droit à son profit, en sus du préavis de deux mois lui revenant (2.707 €), au bénéfice d'une indemnité de licenciement de 3.689,80 €.

Estimant enfin qu'en faisant un usage abusif pendant six ans de la législation en vigueur autorisant le recours au contrat à durée déterminée, c D'A a fait preuve, outre d'une mauvaise foi caractérisée, d'une légèreté blâmable conférant à la rupture des relations contractuelles un caractère pour le moins abusif, j RO demande que le grave préjudice moral et financier subi par ses soins soit réparé par l'allocation à son profit d'une somme de 53.270,46 F, soit 8.121,02 € à titre de dommages et intérêts.

Après avoir liminairement rappelé d'une part qu'il n'existe en Principauté de Monaco ni de prohibition concernant le recours à des contrats à durée déterminée ni de limitation relativement au nombre et à la durée de ces derniers, et d'autre part que l'analyse des circonstances du présent litige démontre que les parties n'ont, à aucun moment, eu l'intention de voir leurs relations s'inscrire dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, c D'A conclut à titre principal au rejet de l'intégralité des demandes formées à son encontre.

Estimant qu'en tout état de cause l'étendue du préjudice dont se prévaut j RO n'est pas démontrée, c D'A sollicite, à titre subsidiaire, le débouté de la demande en dommages et intérêts.

Soulignant enfin que j RO a perçu, à chaque échéance des contrats à durée déterminée dont il a successivement bénéficié, des indemnités dont le paiement n'est pas obligatoire à Monaco destinées à compenser la précarité de sa situation, qui ne peuvent bien évidemment se cumuler avec les indemnités de toute nature et les dommages et intérêts qui pourraient lui être octroyés dans le cadre de la rupture d'un contrat à durée indéterminée, il demande, à titre infiniment subsidiaire, par voie de demande reconventionnelle à la présente juridiction de déduire la somme de 5.064,10 € représentant le montant des primes de précarité versées à j RO du montant des indemnités et dommages et intérêts alloués à ce dernier.

Il invoque en substance, à cet effet, les moyens suivants :

– on ne peut déduire de la jurisprudence de la Cour de Révision l'application automatique d'une règle de conversion d'un contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée,

– en l'espèce le versement systématique à j RO lors de chacune des échéances de ses contrats, d'une indemnité de précarité compensant le fait que l'embauche était limitée dans le temps et sans garantie de renouvellement, établit que l'intéressé était parfaitement informé du caractère précaire du poste qu'il occupait ; il n'y a donc pas pu avoir en l'espèce, contrairement à ce que soutient le demandeur, d'accord tacite entre les parties pour considérer qu'il s'agissait d'un emploi stable dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée,

– par ailleurs, alors que l'activité professionnelle essentielle de l'entreprise D'A est la serrurerie, j RO, qui n'a aucune compétence en serrurerie de ville, a été embauché pour effectuer des travaux de métallerie, dont l'employeur ignorait s'ils se maintiendraient à un niveau suffisant pour justifier l'embauche d'un salarié de façon permanente, et qu'il n'exerce plus au demeurant aujourd'hui. Il ne pouvait donc s'agir d'un emploi permanent,

– en outre, en ne contestant pas son statut avant le non renouvellement de son contrat par l'employeur, j RO a, en tout état de cause, démontré que « les choses étaient parfaitement claires et qu'il n'avait jamais été question qu'il bénéficie d'un contrat à durée indéterminée »,

– dès lors que le poste qu'occupait j RO a effectivement été supprimé et qu'aucun salarié n'a été embauché pour le remplacer, la rupture de la relation de travail unissant les parties ne peut être qualifiée d'abusive,

– au surplus, à partir du moment où l'intéressé reconnaît lui-même avoir retrouvé un emploi deux mois après son départ de l'entreprise D'A, le préjudice allégué n'est nullement justifié.

j RO réplique à ces divers arguments :

– que son préjudice est amplement démontré et avéré dès lors que l'emploi qu'il a effectivement retrouvé en décembre 2000 s'est exercé jusqu'à la fin de l'année 2001 à mi-temps,

– que la demande reconventionnelle en remboursement des indemnités de précarité formée par l'employeur est irrecevable, à défaut d'avoir été soumise au préliminaire de conciliation,

– que c D'A ne peut en tout état de cause faire supporter à son ancien salarié sa propre volonté de lui – avoir consenti uniquement des contrats à durée déterminée en sollicitant le remboursement des indemnités qui s'y rapportaient.

SUR CE,

1°) Sur la qualification du contrat de travail

S'il est certes constant, ainsi que le soutient le défendeur, que la législation monégasque actuelle ne limite aucunement le recours au contrat à durée déterminée et n'en réglemente pas davantage les conditions d'utilisation, il n'en demeure pas moins que la requalification d'une succession de contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée peut être judiciairement ordonnée dès lors qu'il est suffisamment établi que les parties ont eu en réalité, nonobstant l'apparence qu'elles se sont efforcées de créer, la volonté commune d'être liées par une convention unique, à durée indéterminée avec les conséquences qui s'y attachent.

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que c D'A a embauché j RO du 12 septembre 1994 au 30 septembre 2000, dans le cadre de contrats à durée déterminée successifs.

Que tout au long de la relation de travail, la qualification professionnelle de j RO, à savoir celle d'aide serrurier, et son coefficient (140) sont demeurés inchangés.

Qu'ainsi j RO, dont le contrat a été renouvelé à QUARANTE ET UNE reprises, à chaque période d'expiration, a accompli en définitive, SANS AUCUNE DISCONTINUITE, pendant SIX ANNEES le même travail, au même poste, au service du même employeur.

La combinaison de ces divers éléments démontre, incontestablement, que la volonté réelle des parties n'était nullement de limiter dans le temps, par référence à l'accomplissement d'un ou plusieurs projets précis, leurs relations contractuelles.

Il apparaît au contraire, au regard de la qualification d'aide serrurier (et non de métallier ou de ferronnier) attribuée à j RO et de l'étendue des attributions effectivement exercées par ce dernier pour le compte de c D'A, telle qu'elle résulte de l'attestation établie par Monsieur e PA, que la volonté réelle de l'employeur, contrairement à l'apparence qu'il s'était efforcé de créer, était bien de continuer à s'attacher les services de j RO.

En procédant en effet à quarante et une reprises à la reconduction du contrat de travail de j RO, c D'A a incontestablement laissé croire à ce salarié qu'il avait définitivement acquis le droit automatique et systématique au renouvellement de son contrat et que son emploi au sein de cette entreprise, loin de revêtir le caractère de précarité qui lui est prêté par l'employeur, non sans un certain humour, dans ses écritures, lui était au contraire assuré et garanti.

L'attestation délivrée le 22 mai 2000 à j RO par c D'A pour justifier, selon toute vraisemblance, de sa situation auprès d'un organisme financier, aux termes de laquelle ce dernier certifie employer dans son entreprise j RO depuis le 12 septembre 1994 en qualité d'aide serrurier, EN UN CONTRAT À DURÉE DÉTERMINEE RENOUVELABLE (comme il est d'usage à MONACO (sic !)) confirme, si besoin était, cette analyse.

Dès lors enfin que, jusqu'à la décision rendue le 4 mai 1995 par la présente juridiction, le paiement par l'employeur, à l'issue d'un contrat à durée déterminée, de l'indemnité de précarité instituée par la législation française, était considérée, par l'Administration Monégasque (cf. circulaire n° 82-57 du 18 mai 1982) comme revêtant un caractère OBLIGATOIRE, aucune conséquence particulière ne peut être tirée du versement par c D'A à j RO, au terme de chacun des contrats à durée déterminée dont il a bénéficié, d'une telle indemnité.

La permanence de la situation de j RO au sein de l'entreprise c D'A ayant en définitive eu pour effet de modifier la nature des rapports unissant les parties, il convient de considérer en l'espèce, conformément à la Jurisprudence dégagée le 23 avril 1985 par la Cour de Révision, (GU c/ SBM) que les parties ont été liées par un contrat à durée indéterminée, avec toutes ses conséquences de droit.

2°) Sur la rupture du contrat de travail,

Pour justifier sa décision de mettre fin au contrat de travail de j RO, c D'A soutient que le volume de l'activité de métallerie, en vue de laquelle j RO avait été exclusivement embauché, ne justifiait plus le maintien de son emploi.

Force est de constater toutefois que l'attestation émanant de Madame BE produite aux débats par l'employeur pour étayer sa thèse se trouve formellement contredite, non seulement par la qualification d'aide serrurier attribuée à j RO tout au long de l'exécution de son contrat de travail, mais également par le témoignage de Monsieur PA.

Qu'il ressort en effet de ce document que j RO ne se consacrait pas exclusivement à des travaux de métallerie, mais effectuait aussi des travaux de serrurerie de ville.

Qu'en outre, l'activité de métallerie confiée à titre principal à j RO s'est poursuivie postérieurement au départ de ce dernier pendant plus d'un an dans l'atelier sis à Beausoleil, Monsieur PA en assumant alors la charge.

Le licenciement de j RO n'étant ainsi pas justifié par un motif valable ce dernier est fondé à obtenir paiement par son employeur, compte tenu de l'ancienneté acquise à la date de la rupture :

– au titre du préavis d'une indemnité de 9.126,10 F x 2 = 18.252,20 F, (l'indemnité de précarité n'ayant pas été prise en compte dans le montant du salaire) soit 2.782,53 €,

– au titre de l'indemnité de licenciement prévue par l'article 2 de la loi n° 845 de la somme de

(9.126,10 x 74) / 25 (préavis inclus) = 27.013,25 F, soit 4.118,14 €,

– le Tribunal ne pouvant toutefois statuer ultra petita, il sera accordé à j RO le montant des sommes réclamées par ses soins à savoir :

  • 2.707,01 €, au titre du préavis,

  • 3.689,80 €, au titre de l'indemnité de licenciement.

3°) Sur le caractère abusif du licenciement,

Le licenciement de j RO revêt un caractère fautif, tant en la forme par sa rapidité et sa brutalité qu'au fond, dès lors que le motif invoqué par l'employeur, pour justifier la rupture des relations contractuelles, n'est nullement avéré.

j RO qui était en droit d'estimer, au vu de l'attestation qui lui avait été remise le 22 mai 2000, soit quatre mois avant son éviction de l'entreprise, qu'il disposait d'un emploi stable à MONACO, a incontestablement subi un préjudice consécutivement à la rupture abusive de son contrat de travail, tant matériel que moral.

Si ce dernier a certes retrouvé un emploi dès le mois de décembre 2000, il résulte des éléments portés à la connaissance de la présente juridiction qu'il s'agissait à l'origine d'un simple remplacement, à mi-temps.

Qu'en conséquence l'intéressé ne bénéficie d'un emploi stable, sous contrat à durée indéterminée, que depuis la fin de l'année 2001.

Dans ces conditions, le préjudice matériel et moral subi par ce salarié qui justifiait, lors de la rupture, d'une ancienneté de six années sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 8.000 € à titre de dommages et intérêts.

4°) Sur la demande reconventionnelle de c D'A,

L'article 42 de la loi du 16 mai 1946, selon lequel le défendeur peut, lors de sa comparution devant le Bureau de Conciliation, former les demandes qu'il jugera convenables ne lui imposant pas une obligation, à peine d'irrecevabilité, mais lui offrant seulement une simple faculté, ce dernier est recevable à présenter une telle demande par conclusions déposées directement devant le Bureau de Jugement.

Pour pouvoir être déclarée recevable par ce Tribunal, encore faut-il toutefois que cette demande satisfasse aux critères définis par l'article 382 du Code de Procédure Civile, dont les dispositions sont rendues applicables au Tribunal du Travail par l'article 49 de la loi du 16 mai 1946, lequel exige :

– soit qu'elle procède de la même cause que la demande principale,

– soit qu'elle forme une défense contre cette demande,

– soit qu'elle tende à obtenir le bénéfice de la compensation.

La demande reconventionnelle formulée à titre subsidiaire par c D'A tendant expressément à obtenir la compensation entre les indemnités et dommages et intérêts alloués à j RO consécutivement à la rupture abusive d'un contrat de travail requalifié en un contrat à durée indéterminée, et le montant des indemnités versées à l'intéressé à chaque échéance de contrats à durée déterminée pour compenser la précarité de sa situation, une telle demande est manifestement recevable.

Elle est également bien fondée en son principe dès lors que le versement à un salarié, bénéficiaire d'un contrat à durée indéterminée, d'indemnités destinées à compenser la précarité de sa situation revêt, à l'évidence, un caractère INDU.

c D'A peut donc prétendre au remboursement des indemnités dites de précarité versées à j RO au cours de leurs relations contractuelles.

Il est constant toutefois en droit que l'action de l'employeur en remboursement des sommes qu'il estime avoir payées indûment à un salarié est soumise à la prescription quinquennale en paiement des salaires prévue par l'article 2092 bis du Code Civil.

Qu'en conséquence c D'A, qui a formalisé pour la première fois sa demande reconventionnelle en remboursement dans ses conclusions déposées le 18 avril 2002, ne peut obtenir le remboursement des indemnités de précarité servies à j RO que pour la période postérieure au 19 avril 1997.

Qu'il est dès lors fondé à obtenir paiement par j RO à ce titre, au vu des pièces produites, de la somme de 20.854,50 F, soit 3.179,25 €, représentant le montant des indemnités versées du 31 mai 1997 au 30 septembre 2000 inclus, majorée des intérêts au taux légal échus à compter du 18 avril 2002, date de la première demande en remboursement.

Les parties succombant toutes deux pour partie dans leurs prétentions, il y a lieu d'ordonner le partage entre elles des dépens, dans les conditions qui seront précisées au dispositif du présent jugement.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré.

Dit que le contrat de travail unissant les parties constitue en réalité un contrat à durée indéterminée.

Dit, en outre, que la rupture de ce contrat de travail le 30 septembre 2000 à l'initiative de l'employeur s'analyse en un licenciement.

Dit enfin que ce licenciement est intervenu sans être justifié par un motif valable.

Condamne en conséquence c D'A à payer à j RO les sommes suivantes :

  • 17.756,82 francs, (dix-sept mille sept cent cinquante-six francs et quatre-vingt-deux centimes), soit 2.707,01 euros, (deux mille sept cent sept euros et un centimes), au titre du préavis, majorée des intérêts légaux échus à compter du 15 mars 2001, date de la convocation en conciliation valant mise en demeure,

  • 24.203,52 francs, (vingt-quatre mille deux cent trois francs et cinquante-deux centimes), soit 3.689,80 euros, (trois mille six cent quatre-vingt-neuf euros et quatre-vingt centimes), au titre de l'indemnité de licenciement, laquelle produira intérêts de retard au taux légal à compter de la présente décision.

Juge abusive la rupture du contrat de travail de j RO par c D'A, et condamne à ce titre c D'A à payer à j RO la somme de :

  • 8.000,00 euros, (huit mille euros), outre intérêts au taux légal à compter du présent jugement, en réparation de son préjudice, tant matériel que moral.

Déclare recevable la demande reconventionnelle en remboursement des indemnités de précarité servies à j RO formulée par c D'A.

Condamne j RO, compte tenu des dispositions de l'article 2092 bis du Code civil, à rembourser à c D'A, la somme totale de :

  • 20.854,50 francs, (vingt mille huit cent quatre-vingt-quatre francs et cinquante centimes), soit 3.179,25 euros, (trois mille cent soixante-dix-neuf euros et vingt-cinq centimes), représentant le montant des indemnités de précarité perçues du 31 mai 1997 au 30 septembre 2000 inclus majoré des intérêts au taux légal échus à compter du 18 avril 2002, date de la première demande en remboursement.

Ordonne la compensation entre les dettes réciproques des parties.

Fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés à raison des trois quarts par c D'A et du quart restant par j RO et recouvrés conformément à la législation régissant l'assistance judiciaire.

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