Tribunal du travail, 27 février 2003, k. ZI. c/ la SAM EUREST MONACO

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Licenciement pour faute grave - Succession de manquements professionnels

Résumé🔗

L'existence de nouveaux griefs autorise l'employeur à tenir compte de manquements antérieurs, même déjà sanctionnés en leur temps, pour justifier une sanction aggravée reposant sur une appréciation globale du comportement du salarié.

Embauché originairement en qualité de plongeur le 19 janvier 1998, puis de cuisinier, Mr k. ZI. était licencié pour faute grave un peu plus de trois années plus tard pour « non respect des horaires de préparation du plat du jour ». Soutenant que le motif n'était pas valable et la rupture abusive, il avait attrait son employeur devant le Tribunal du Travail, en paiement d'indemnités de congédiement, licenciement .et dommages et intérêts. L'employeur soutenait, de son côté, que le salarié avait déjà fait l'objet de plaintes de clients et d'un avertissement.

Le Tribunal du Travail rappelle tout d'abord la définition de la faute grave qui doit résulter soit d'un fait unique, soit d'un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations s'attachant à son emploi d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la période limitée du préavis. L'existence de nouveaux griefs permet de tenir compte des griefs antérieurs même déjà sanctionnés pour justifier une sanction aggravée reposant sur une appréciation globale du comportement du salarié. En l'espèce, des manquements professionnels successifs, spécialement dans le domaine de l'hygiène en cuisine, constituent cette faute grave. Le salarié est ainsi débouté de ses demandes.


Motifs🔗

LE TRIBUNAL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 25 juin 2001, reçue le 27 juin 2001 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 16 juillet 2001 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur, au nom de Monsieur k. ZI., en date des 18 octobre 2001, et 3 octobre 2002 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de la Société Anonyme Monégasque dénommée EUREST MONACO, en date du 7 février 2002 ;

Après avoir entendu Maître Déborah LORENZI, avocat à la Cour d'Appel de Monaco, au nom de Monsieur k. ZI., et Maître Christine IMBERT, avocat au barreau de Marseille, au nom de la Société Anonyme Monégasque dénommée EUREST MONACO, en leurs plaidoiries ;

Lesdits avocats-défenseurs ayant repris et maintenu ce jour leurs conclusions en l'état de la composition différente du Tribunal ;

Vu les pièces du dossier ;

k. ZI. a été embauché par la société EUREST MONACO, selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 19 janvier 1998, en qualité d'aide de cuisine plongeur.

À compter du 3 juillet 2000 il a rejoint les effectifs de la société EUREST MONACO, en qualité de cuisinier, classification III B.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 14 février 2001, k. ZI. a été licencié de son emploi pour faute grave.

Le motif de cette rupture, tel qu'il est mentionné dans la lettre recommandée avec accusé de réception du 14 février 2001, s'énonce comme suit :

« Non respect des horaires de préparation du plat du jour amenant le non respect contractuel de la prestation et la vente de produits à la carte au prix du plat du jour ».

Soutenant que les faits qui lui étaient reprochés, à défaut d'une part d'être matériellement établis et d'autre part de lui être personnellement imputables, ne pouvaient être considérés comme une faute grave justifiant son licenciement immédiat, ni même comme un motif valable de rupture de son contrat de travail, et que son congédiement revêtait, en outre, au regard de la légèreté blâmable dont avait fait preuve l'employeur un caractère manifestement abusif, k. ZI., ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 16 juillet 2001, a attrait la SAM EUREST MONACO devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, à l'effet d'obtenir l'allocation à son profit des sommes suivantes :

  • 2.388,00 F, à titre de « solde » de l'indemnité de congédiement,

  • 8.583,66 F, représentant le montant du solde de l'indemnité de licenciement lui revenant, après déduction de l'indemnité de congédiement, non cumulable,

  • 24.541,80 F, à titre de dommages et intérêts pour préjudice matériel,

  • 22.857,63 F, à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

À l'audience fixée par les convocations les parties ont régulièrement comparu.

Puis, après dix renvois intervenus à leur demande, l'affaire a été contradictoirement débattue lors de l'audience du 16 janvier 2003 et le jugement mis en délibéré pour être prononcé ce jour 27 février 2003.

k. ZI. expose, à l'appui de ses prétentions, que depuis son entrée au service de la société EUREST en janvier 1998 il n'a jamais causé la moindre difficulté ni le moindre problème à son employeur dans l'exécution de son travail ; qu'il a au contraire toujours donné toute satisfaction à celui-ci.

Qu'en conséquence, les « pseudo arguments » avancés par la SAM EUREST ne l'autorisaient pas à prendre une sanction aussi grave qu'un licenciement à l'encontre d'un employé qui non seulement disposait d'une ancienneté de services de plus de trois années, mais en outre avait fait l'objet à l'issue d'une formation professionnelle concluante, d'une promotion en passant d'aide cuisinier à cuisinier.

Estimant en définitive que cette décision prise subitement à son encontre lui avait causé un grave préjudice, tant matériel que moral, il demande au Tribunal du Travail de faire droit à l'intégralité des prétentions contenues dans sa requête introductive.

Soutenant pour sa part qu'en l'état d'une part des plaintes d'un client (PR.) formulées le 28 juin 2000 et d'autre part de l'avertissement infligé le 15 novembre 2000 à k. ZI., le nouveau manquement professionnel commis le 3 février 2001 l'autorisait incontestablement à mettre fin sur le champ au contrat de travail de l'intéressé, la SAM EUREST conclut pour sa part au rejet de l'intégralité des prétentions formulées à son encontre par ce dernier.

Elle expose en substance à cet effet :

  • que le 28 juin 2000 la société PR. s'est plainte des désagréments que lui causait k. ZI. et notamment de l'attitude préjudiciable adoptée par l'intéressé, lequel remettait en question en permanence le fonctionnement du service et s'opposait aux membres du personnel,

  • que le rappel à l'ordre adressé le 9 novembre 2000 à k. ZI. étant demeuré sans effet elle s'est vu contrainte de sanctionner les insuffisances de l'intéressé dans ses obligations de nettoyage de son matériel et de son poste de travail par un avertissement,

  • que le 3 février 2001 k. ZI. n'a pas respecté les horaires de préparation du plat du jour, entraînant ainsi un manque à gagner pour son employeur qui s'est trouvé contraint de proposer à sa clientèle les produits «à la carte » au prix du plat du jour,

  • que k. ZI., qui n'a pas contesté dans son courrier du 9 mars 2001 la matérialité des griefs qui lui sont imputés, se contentant d'en minimiser la portée, ne justifie en tout état de cause aucunement du préjudice qu'il invoque.

k. ZI. fait valoir à son tour, en réplique aux arguments développés par son employeur, que les différents griefs formulés à son encontre ne peuvent, dès lors qu'ils ne lui sont pas imputables, constituer des fautes justifiant son licenciement.

Il indique ainsi que l'ensemble des lacunes ou des erreurs relevées par la SAM EUREST concerne l'accomplissement de tâches qui ne lui incombaient pas en sa qualité de cuisinier.

SUR CE,

Il est constant en droit que la faute grave doit résulter soit d'un fait unique, soit d'un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations s'attachant à son emploi d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

Que par ailleurs l'existence de nouveaux griefs autorise l'employeur à tenir compte de griefs antérieurs, même déjà sanctionnés en leur temps, pour justifier une sanction aggravée reposant sur une appréciation globale du comportement du salarié.

En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats par l'employeur que durant la période du 16 juin au 3 juillet 2000 où il avait repris à MENTON au sein de l'établissement Le Vendôme, ses anciennes fonctions de plongeur, dans l'attente de la libération d'un poste de cuisinier correspondant à la formation qu'il venait d'acquérir, k. ZI. a fait preuve de carences dans l'exécution de ses tâches, d'une importance telle, qu'elles ont conduit la société PR. à demander à la société EUREST France sa mutation ou son renvoi dans les plus brefs délais pour les motifs suivants :

« Depuis le retour de k. ZI. nous voyons retourner en cuisine quantité de vaisselle sale – traces de rouge à lèvres sur les verres, assiettes avec des particules collées, etc. Ceci semble indiquer » qu'aucune vérification n'est effectuée à la sortie du tunnel de la machine à plonge.

« Monsieur k. ZI. remet en question en permanence le fonctionnement du service, s'oppose continuellement aux membres du personnel, ronchonne et traîne les pieds dans une attitude négative. ».

Que par ailleurs quatre mois à peine après son affectation à MONACO en qualité de cuisinier, k. ZI. s'est vu notifier le 15 novembre 2000 un avertissement, sanctionnant le défaut réitéré de nettoyage de son matériel et de son poste de travail.

Qu'enfin le 3 février 2001 ce dernier en ne respectant pas les horaires prévus pour la préparation du plat du jour a contraint son employeur à proposer à la clientèle les produits à la carte, au prix du plat du jour.

Ces manquements professionnels successifs constituent incontestablement, par leur gravité intrinsèque d'une part, compte tenu notamment de l'importance que revêt en cuisine le respect des règles d'hygiène, et par leur réitération dans une période de temps très brève d'autre part (huit mois au total), une faute grave justifiant le licenciement immédiat et sans indemnités de rupture de l'intéressé.

k. ZI. ne peut en effet sérieusement soutenir que les lacunes ou erreurs constatées par son employeur concerneraient l'accomplissement de tâches « ne lui incombant pas en sa qualité de cuisinier » alors que :

1) les insuffisances signalées dans sa correspondance du 28 juin 2000 par la société PR. concernent la période du 16 juin au 3 juillet 2000 au cours de laquelle ce dernier n'exerçait pas les fonctions de cuisinier mais de plongeur,

2) l'entretien quotidien du matériel de cuisine et le nettoyage de son poste de travail font partie des attributions d'un cuisinier, étant observé au surplus que l'avertissement infligé le 15 novembre 2000 à k. ZI. n'a pas été contesté en son temps par l'intéressé,

3) l'employeur, lors du dernier incident survenu le 3 février 2001, n'a pas reproché à son salarié un « problème de caisse », mais tout simplement le retard apporté à la préparation du plat du jour, compte tenu du préjudice financier (manque à gagner) que ce manquement lui a causé (obligation de servir à la clientèle un plat à la carte facturé au prix du plat du jour).

Le licenciement pour faute grave étant ainsi en définitive parfaitement justifié, k. ZI. ne peut prétendre au bénéfice des indemnités de congédiement et de licenciement qu'il a sollicitées et sera dès lors débouté de ses demandes à ces divers titres.

Le caractère abusif de la rupture n'étant par ailleurs, au regard des circonstances dans lesquelles celle-ci est intervenue, nullement démontré, k. ZI. n'est pas davantage fondé à réclamer l'allocation de dommages et intérêts.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort après en avoir délibéré.

Dit que le licenciement de k. ZI. par la Société Anonyme Monégasque dénommée EUREST MONACO repose bien sur une faute grave.

Dit en outre que ce licenciement ne revêt aucun caractère abusif.

Déboute en conséquence k. ZI. de l'intégralité de ses prétentions.

Condamne k. ZI. aux entiers dépens lesquels seront recouvrés conformément à la législation régissant l'Assistance Judiciaire.

  • Consulter le PDF